Chers frères et sœurs, bonjour et bienvenue !

Je remercie le président pour son salut et son introduction. Cette rencontre est jubilaire : vous fêtez vos 25 ans, et il est bon de célébrer et de rendre grâce. Malheureusement, en ce moment, l'Europe, et je dirais surtout les familles en Europe, vivent un moment tragique pour beaucoup et dramatique pour tous à cause de la guerre en Ukraine. Je suis d'accord avec votre déclaration : « Les mères et les pères, quelle que soit leur nationalité, ne veulent pas la guerre. La famille est l'école de la paix » (Conseil de présidence de la FAFCE, 6 mai 2022). Les familles et les réseaux familiaux ont été et sont toujours en première ligne pour l'accueil des réfugiés, notamment en Lituanie, en Pologne et en Hongrie.

Dans votre engagement quotidien auprès des familles, vous rendez un double service : vous portez leur voix auprès des institutions européennes et vous œuvrez à la constitution de réseaux de familles à travers l'Europe. Cette mission est en pleine harmonie avec le chemin synodal que nous vivons, pour faire en sorte que l'Eglise devienne davantage une famille de familles.

Je vous remercie pour le séminaire que vous avez organisé en collaboration avec le dicastère pour les laïcs, la famille et la vie, centré sur le témoignage de la beauté de la famille. Anticipant de quelques jours la Rencontre mondiale des familles, il attire l'attention sur la pénurie de naissances en Europe et notamment en Italie. Cet hiver démographique est rigoureux ; S'il vous plaît soyez attentifs ! C'est très grave. Il y a un lien très étroit entre cette pauvreté générative et le sens de la beauté de la famille : « Le témoignage de la dignité sociale du mariage deviendra persuasif précisément à travers cette voie, la voie du témoignage qui attire » (Catéchèse, 29 avril, 2015).

En renouvelant l'exhortation que je vous ai adressée il y a cinq ans (1^er juin 2017), je vous encourage à poursuivre votre travail pour favoriser la création et la consolidation des réseaux familiaux . C'est un service précieux, car il y a un besoin de lieux, de rencontres, de communautés où les couples et les familles se sentent accueillis, accompagnés, jamais seuls. Il est urgent que les Eglises locales, en Europe et au-delà, s'ouvrent à l'action des laïcs et des familles qui accompagnent les familles.

Nous vivons — c'est clair — non seulement une époque de changement, mais un changement d’époque. Votre travail s'inscrit dans ce changement, qui peut parfois conduire au risque de se décourager. Mais, avec la grâce de Dieu, nous sommes appelés à travailler avec espérance et confiance, en communion effective avec l'Eglise. A cet égard, des exemples récents sont le Memorandum d’entente signé l'année dernière par votre Fédération avec le Conseil des conférences épiscopales d'Europe et pour la coopération avec la Commission des épiscopats de l'Union européenne, dans les bureaux de Bruxelles dans lesquels se trouve votre secrétariat général.

Les défis sont grands et ils sont tous liés les uns aux autres. Par exemple, « on ne peut pas parler de développement durable sans solidarité entre les générations » (Enc. Laudato si’, 159), et cette solidarité suppose un équilibre ; mais c'est précisément cet équilibre qui manque aujourd'hui à notre Europe. Une Europe vieillissante qui n'est pas générative est une Europe qui ne peut pas se permettre de parler de durabilité et qui peine de plus en plus à être solidaire. Pour cette raison, vous insistez souvent sur le fait que les politiques familiales ne doivent pas être considérées comme des instruments du pouvoir de l'Etat, mais sont fondées in primis dans l'intérêt des familles elles-mêmes. Les Etats ont la tâche d'éliminer les obstacles au caractère génératif des familles et de reconnaître que la famille est un bien commun à récompenser, avec des conséquences positives naturelles pour tous.

En outre, comme le rappelle une récente résolution que vous avez rédigée, « avoir des enfants ne doit jamais être considéré comme un manque de responsabilité vis-à-vis de la création ou de ses ressources naturelles. Le concept d'“empreinte écologique” ne peut s'appliquer aux enfants, car ils sont une ressource indispensable pour l'avenir. Au lieu de cela, il faut s'attaquer au consumérisme et à l'individualisme, en considérant les familles comme le meilleur exemple d'optimisation des ressources » (FAFCE, Familles pour un développement durable et intégral, 26 octobre 2021).

On parle aussi du fléau de la pornographie, qui se répand désormais partout à travers internet : il faut le dénoncer comme une atteinte permanente à la dignité des hommes et des femmes. Il ne s'agit pas seulement de protéger les enfants — une tâche urgente des autorités et de nous tous — mais aussi de déclarer la pornographie comme une menace pour la santé publique. « Ce serait une grave illusion de penser qu'une société dans laquelle la consommation anormale de sexe en réseau sévit chez les adultes soit alors capable de protéger efficacement les mineurs » (Discours aux participants au Congrès « La dignité de l'enfant dans le monde numérique », 6 octobre 2017). Les réseaux de familles, en coopération avec les écoles et les collectivités locales, sont essentiels pour prévenir, combattre ce fléau, panser les plaies de ceux qui se trouvent dans le tourbillon de l'addiction.

La dignité des hommes et des femmes est également menacée par la pratique inhumaine et de plus en plus répandue de la « gestation pour autrui », dans lequel les femmes, presque toujours pauvres, sont exploitées et les enfants sont traités comme des marchandises.

Votre fédération a aussi sa propre responsabilité de témoigner de l’unité et d'œuvrer pour une paix qui soit la grande paix, en ce moment historique où, malheureusement, les menaces sont nombreuses et où il faut se concentrer sur ce qui unit et non sur ce qui divise. A cet égard, je vous suis reconnaissant car au cours des cinq dernières années, votre fédération a accueilli dix nouvelles organisations familiales et quatre nouveaux pays européens, dont l'Ukraine.

Enfin — et c'est peut-être l'enjeu derrière tous les autres — la pandémie a mis en lumière une autre pandémie, plus cachée, dont on parle peu : la pandémie de la solitude. Si de nombreuses familles se sont redécouvertes comme Eglises domestiques, il est également vrai que trop de familles ont connu la solitude et que leur rapport aux sacrements est souvent devenu purement virtuel. Les réseaux familiaux sont un antidote à la solitude. En effet, de par leur nature même, ils sont appelés à ne laisser personne de côté, en communion avec les pasteurs et les Eglises locales.

« L’amour mutuel entre l'homme et la femme est le reflet de l'amour absolu et indéfectible dont Dieu aime l'être humain, destiné à être fécond et à s'accomplir dans l'œuvre commune d'ordre social et de soin de la création » (Aux participants à l'assemblée plénière de l'Académie pontificale des sciences sociales, 29 avril 2022). La famille fondée sur le mariage est donc au centre. Elle est la première cellule de nos communautés et doit être reconnue comme telle, dans sa fonction génératrice, unique et indispensable. Non pas parce qu'elle est une entité idéale et parfaite, non pas parce qu'elle est un modèle idéologique, mais parce qu'elle représente le lieu naturel des premières relations et de la génération : «Quand la famille accueille et va à la rencontre des autres, surtout des pauvres et des abandonnés, elle est un symbole, un témoignage, une participation à la maternité de l'Eglise» (Exhortation apostolique Amoris Laetitia, n. 324).

Chers frères et sœurs, allez de l’avant dans votre service ! Assurez-vous que l'organisation soit toute axée sur le service, aussi « légère » que possible et prête à répondre aux besoins de l'Evangile. Que le Seigneur vous bénisse et que la Vierge vous garde. Je vous bénis tous de tout cœur et je vous demande de prier pour moi. Merci !