Je suis heureux de vous rencontrer, alors que vous réfléchissez et travaillez sur les chemins de vos congrégations, à la lumière des deux Chapitres généraux, tous deux électifs.

Vous avez eu l’occasion d’aborder des thèmes tels que consécration, identité charismatique, communion fraternelle et mission, des aspects fondamentaux de la vie religieuse, dont l’approfondissement exige une  capacité d’écoute et de discernement, dans la prière et le partage; il exige  également une bonne dose de courage, pour continuer à être fidèles aujourd’hui à l’inspiration originelle de saint Hannibal de France et en même temps attentifs aux besoins d’un monde qui change. Il y aurait beaucoup de choses à dire sur ces thèmes, mais aujourd’hui, je voudrais réfléchir avec vous sur un seul point, qui est à la base de votre mission spécifique dans l’Eglise et qui constitue aussi votre quatrième vœu: le Rogate, la prière pour les vocations.

La prière est le fil rouge qui traverse la vie de saint Hannibal. Sa propre vocation — «soudaine, irrésistible, très sûre», comme il en témoigne — lui apparaît alors qu’il est en adoration devant le Très Saint-Sacrement. C’est là qu’il a l’illumination de «l’intelligence du Rogate». En effet, lorsque l’on se place, dociles et humbles, devant Dieu, on reçoit souvent une compréhension spécifique du sens de sa vie: c’est dans la prière fidèle et persévérante, en particulier dans l’Adoration, que tout s’harmonise, que l’on saisit plus clairement ses objectifs, en trouvant dans le Seigneur la force et la lumière pour les mettre en œuvre selon ses desseins. Le saint disait: «Sans ce feu intérieur, qui s’appelle vie spirituelle, oraison, prière, pénitence [...], aucune œuvre véritablement bonne ne peut se produire» (Saint Hannibal Marie De France, Eloge funèbre pour Mgr Francesco Paolo Carrano). Cela a été son expérience, mais cela vaut pour chacun: sans prière, on ne peut pas se tenir debout et on ne sait pas où aller. Il est donc important qu’il y ait un dialogue prolongé avec le Seigneur chaque jour, puis une invocation à Lui avant chaque moment important, chaque rencontre, chaque décision.

Saint Hannibal a été inspiré par un passage particulier de l’Evangile, dans lequel Jésus dit: «La moisson est abondante, mais les ouvriers peu nombreux; priez donc le Maître de la moisson d’envoyer des ouvriers à sa moisson» (Mt 9, 37-38).  Ce passage a rempli son cœur de zèle. Dans la Messine de son époque, en commençant par la misère du quartier de «Case Avignone», puis en allant plus loin, à travers un regard plus ample et une action toujours plus vaste, il a ressenti lui aussi, comme Jésus, une compassion bouleversante pour l’humanité pauvre dans le  corps et dans l’esprit. Et il a compris que la première chose à faire était de prier, certainement pas pour convaincre Dieu d’envoyer des pasteurs, comme s’il ne se souciait pas de son peuple, mais pour se laisser de plus en plus submerger par son amour paternel et maternel viscéral: pour apprendre, en priant, à être sensible aux nécessités  de ses enfants! C’est ainsi que de la prière, âme de toute l’activité apostolique et caritative du Fondateur, sont nées vos Congrégations, d’abord les Filles du Divin Zèle et ensuite les Rogationnistes du Cœur de Jésus. Vous êtes nés des mains jointes d’un saint qui vous a consacrés au Christ par sa prière.

Saint Paul VI vous a adressé un jour une invitation en disant: «Rogationistes du Cœur de Jésus, dont le nom même vous qualifie dans la mission et dans l’image d’adorateurs implorants pour la mission la plus haute et la plus belle, celle de mériter et de préparer des vocations pour le Royaume du Christ [...]. Soyez les «spécialistes de Dieu» (Discours aux Chapitres généraux des Carmes de l’Ancienne Observance, des Augustins Récollets et des Rogationistes du Cœur de Jésus, 14 septembre 1968). Je voudrais vous renouveler cette invitation: soyez les spécialistes de Dieu, non pas tant comme des experts de techniques, de statistiques et de théories, aussi utiles soient-ils, mais plutôt de cette sagesse qui mûrit  avant tout «en s’usant les genoux» puis «les mains». C’est-à-dire, soyez  des spécialistes dans les arts de la prière et de la charité: les mains jointes devant Dieu et les mains tendues vers vos frères et les sœurs. Mains jointes et mains tendues: c’est ainsi que l’on devient spécialiste de Dieu! Telle est votre mission. Aujourd’hui encore, en effet, le Seigneur appelle, et tant de jeunes ont besoin de témoins et de guides crédibles qui, en leur montrant la beauté d’une vie passée par amour, les aident à dire «oui». 

Chères sœurs, chers frères, merci pour ce que vous faites, merci pour votre témoignage. Merci pour vos mains jointes: pas collées, non, parce qu’ensuite, elles doivent aller travailler, mais jointes. Continuez à prier pour les vocations. Et, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi aussi. Merci.