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VOYAGE APOSTOLIQUE DE SA SAINTETÉ FRANÇOIS
AU KAZAKHSTAN

(13-15 SEPTEMBRE 2022)

CONFÉRENCE DE PRESSE DU SAINT-PÈRE
AU COURS DU VOL DE RETOUR

Vol Papal
 Jeudi 15 septembre 2022

[Multimédia]

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Matteo Bruni

Bonsoir à tous. Votre Sainteté : merci pour ce moment avec les journalistes qui vous ont accompagnée pendant ces trois jours. Comme toujours, il y a des questions pour vous, on peut peut-être commencer par les questions...

Pape François

Bonjour et merci beaucoup pour votre compagnie, pour votre travail : cela a été deux jours, mais intenses. Merci beaucoup.

[Voeux d'anniversaire à Stefania Falasca]

Matteo Bruni

Nous pouvons donc commencer par le Dr Zhanat Akhmetova, de l'agence de télévision du Kazakhstan

Zhanat Akhmetova, agence de télévision Khabar

Bonjour, Saint-Père. Merci beaucoup pour votre visite au Kazakhstan. [en anglais] Votre Sainteté, quel est le résultat de votre visite au Kazakhstan ? Dans vos discours, vous avez évoqué les origines de notre peuple : qu'est-ce qui vous a poussé à le faire ? Je vous remercie beaucoup.

Pape François

Pour moi ça a été une surprise. Parce que vraiment de l’Asie centrale - à part la musique de Borodin - je ne connaissais rien. Ça a été une surprise de trouver des représentants de ces nations. Et le Kazakhstan a été vraiment une surprise, car je ne me l’imaginais pas comme ça. Je savais que c'était un pays qui s'est bien développé, avec intelligence. Mais trouver, trente ans après l'indépendance, un tel développement, je ne m'y attendais pas. Et puis un pays si grand, avec vingt millions d'habitants, 19 millions… Incroyable. Très discipliné, et même beau. Avec des beautés remarquables : l'architecture de la ville, bien équilibrée, bien agencée. Une ville moderne, une ville aussi, je dirais presque, "futuriste". C'est ça qui m'a frappé, que ce soit la volonté d'aller de l’avant non seulement dans l'industrie, dans le développement économique et matériel, mais aussi dans le développement culturel. Une surprise à laquelle je ne m'attendais pas.

Ensuite, le Congrès. Le Congrès est une chose très importante, il en est à sa septième édition ! Cela veut dire que c'est un pays qui a de la clairvoyance et qui fait dialoguer ceux qui habituellement sont écartés : parce qu’il y a une conception progressiste du monde, selon laquelle les premières choses à écarter, ce sont les valeurs religieuses. Au lieu de cela, c'est un pays qui fait face au monde avec une proposition de ce genre. Et ça a déjà été fait sept fois, c'est magnifique !

Ensuite, s'il reste du temps, je reviendrai sur cette rencontre interreligieuse. Vous pouvez être fier de votre pays et de votre Patrie !

Matteo Bruni

Merci, Sainteté. La deuxième question vient de Rudiger Kronthaler de ARD, la télévision allemande.

Rüdiger Kronthaler, ARD

Saint-Père, merci pour votre message de paix. Je suis allemand, comme vous l'entendez par mon accent. Mon peuple est responsable de millions de morts, il y a quatre-vingts ans. Je voudrais poser une question sur la paix : étant donné que mon peuple est responsable de millions de morts. À l'école nous apprenons qu'il ne faut jamais utiliser d'armes, jamais de violence, la seule exception étant la légitime défense. À votre avis, devons-nous donner des armes à l'Ukraine en ce moment ?

Pape François

C'est une décision politique, qui peut être morale, moralement acceptée, si elle est prise selon les conditions de la morale, qui sont nombreuses, et alors, on peut en parler. Mais cela peut être immoral si on le fait avec l'intention de provoquer plus de guerres ou de vendre des armes ou de se débarrasser des armes dont je ne me sers plus... La motivation est ce qui qualifie en grande partie la moralité de cet acte. Se défendre est non seulement légitime, mais aussi une expression d'amour pour la Patrie. Celui qui ne se défend pas, celui qui ne défend pas quelque chose, ne l'aime pas, alors que celui qui défend, aime. Il faut aussi [considérer] une autre chose que j'ai dite dans un de mes discours : à savoir que nous devrions réfléchir davantage sur le concept de guerre juste. Parce que tout le monde parle de paix aujourd'hui ; depuis tant années, depuis soixante-dix ans, l'ONU parle de paix, fait de nombreux discours sur la paix. Mais en ce moment, combien de guerres sont en cours ? Celle que vous avez mentionnée, Ukraine-Russie, maintenant Azerbaïdjan et Arménie, qui s'est un peu arrêtée parce que la Russie s'est présentée comme garante - garante de la paix ici et faisant la guerre ailleurs - ; puis il y a la Syrie, dix ans de guerre : qu'est-ce qui se passe là-bas, pourquoi ça ne s'arrête pas ? Quels intérêts ces choses mobilisent-elles ? Il y a ensuite la Corne de l'Afrique ; puis le nord du Mozambique ; et l'Érythrée qui jouxte l'Éthiopie ; puis le Myanmar, avec ce peuple souffrant que j'aime tant, le peuple Rohingya, qui est toujours en mouvement comme un gitan et ne trouve pas la paix. Mais nous sommes en guerre mondiale, s'il vous plaît...

Je me rappelle d’une chose personnelle, quand j’étais enfant, j'avais neuf ans. Je me souviens avoir entendu retentir l'alarme du plus grand journal de Buenos Aires : à cette époque pour fêter un évènement ou annoncer une mauvaise nouvelle, ça sonnait - maintenant ça ne sonne plus - et on l’entendait dans toute la ville. Maman a dit : « Mais qu'est-ce qui se passe ? ». Nous étions en guerre, en 1945. Une voisine vint nous dire : « L'alarme a sonné... », et elle pleurait, « la guerre est finie ! ». Et aujourd'hui encore je vois ma mère et sa voisine pleurer de joie parce la guerre était finie, dans un pays d'Amérique du Sud, si loin ! Ces personnes, ces femmes savaient que la paix est plus grande que toutes les guerres et elles pleuraient de joie quand la paix était faite. Je ne l'oublie pas. Je me demande aujourd'hui si nous avons un cœur éduqué à pleurer de joie quand nous voyons la paix. Tout a changé. Si tu ne fais pas la guerre, tu n'es pas utile !

Ensuite, je parlerai de l'Allemagne, plus tard.

Puis, il y a l'industrie de l'armement. C'est un commerce assassin. Quelqu'un- qui comprend les statistiques - me disait que si on arrêtait de fabriquer des armes pendant un an, on résoudrait toute la faim dans le monde... Je ne sais pas si c'est vrai ou pas. Mais la faim, l'éducation... rien, on ne peut pas parce qu’on doit fabriquer des armes. À Gênes, il y a quelques années, trois ou quatre ans, est arrivé un bateau chargé d'armes qui devait les faire passer sur un bateau plus gros qui allait en Afrique, près du Soudan, je crois au Soudan du Sud... Les ouvriers du port n'ont pas voulu le faire. Ça leur a coûté cher, mais [c'est un fait] qui dit aujourd'hui: « Non, je ne collabore pas avec ça, avec la mort ». C'est une anecdote, mais ça donne une conscience en paix. Vous avez parlé de votre Patrie. L'une des choses que j'ai apprises de vous, c’est la capacité à se repentir et à demander pardon pour les erreurs de guerre. Et pas seulement pour demander pardon, mais aussi pour payer les erreurs de guerre : cela en dit long sur vous. C'est un exemple qu’on devrait imiter. La guerre elle-même est une erreur, c'est une erreur ! Et nous en ce moment, nous respirons cet air : s'il n'y a pas de guerre, il semble qu'il n'y ait pas de vie.

D’une façon un peu désordonnée, mais j'ai dit tout ce que je voulais dire sur ce sujet de la guerre juste. Mais le droit à la défense oui, c'est bien, mais il faut l'utiliser quand c'est nécessaire.

Matteo Bruni

Merci Sainteté. La question suivante est posée par Sylwia Wysocka de l'agence de presse polonaise.

Sylwia Wysocka, Pap

Saint-Père, vous avez dit : nous ne pouvons jamais justifier la violence. Tout ce qui se passe actuellement en Ukraine n'est que pure violence, mort, destruction totale par la Russie. Nous, en Pologne, avons la guerre si près de nos portes, avec deux millions de réfugiés. Je voudrais vous demander s'il existe, à votre avis, une ligne rouge au-delà de laquelle nous ne devrions pas dire : nous sommes ouverts au dialogue avec Moscou. Parce que beaucoup ont du mal à comprendre cette disponibilité. Et je voudrais aussi demander si le prochain voyage sera à Kiev. Merci.

Pape François

Je répondrai à cela, mais je préférerais qu’en premier soient posées les questions sur le voyage... Mais à cela je réponds, je réponds. Mais s'il vous plaît, que les prochaines concernent le voyage. Et puis, s'il reste du temps, on verra autre chose.

Je crois qu'il est toujours difficile de comprendre le dialogue avec les États qui ont déclenché la guerre, et il semble que le premier pas soit venu de là, de ce côté-là. C'est difficile, mais il ne faut pas l'écarter, il faut donner la possibilité de dialoguer à tout le monde, à tout le monde ! Car il y a toujours la possibilité que, dans le dialogue, on puisse changer les choses, voire proposer un autre point de vue, un autre point de considération. Moi, je n'exclus le dialogue avec aucune puissance qui est en guerre, même si elle est l'agresseur... Parfois le dialogue doit s’engager ainsi, mais il doit se faire, ça sent mauvais, mais ça doit se faire. Toujours un pas en avant, une main tendue, toujours ! Parce que, sinon, on ferme la seule porte raisonnable à la paix. Quelquefois, ils n'acceptent pas le dialogue : c'est dommage ! Mais le dialogue doit toujours se faire, du moins s'offrir, et ça fait du bien même à celui qui le propose, ça fait respirer.

Matteo Bruni

Merci. La prochaine question est de Loup Besmond de Senneville, de La Croix

Loup Besmond de Senneville, La Croix

Merci, Votre Sainteté, merci beaucoup pour ce voyage, pour ces jours en Asie centrale. Au cours de ce voyage, on a beaucoup parlé de valeurs et d'éthique. En particulier, lors du Congrès interreligieux, le déclin de l'Occident en raison de sa dégradation morale a été évoqué par certains dirigeants religieux. Quelle est votre opinion à ce sujet ? Considérez-vous que l'Occident est en état de "perdition", menacé par la perte de ses valeurs ? Je pense en particulier au débat sur l'euthanasie qu’il y a dans certains pays, sur la fin de vie, qui a eu lieu en Italie, mais aussi en France et en Belgique. Merci, Saint-Père.

Pape François

Il est vrai que l'Occident, en général, n'est pas au plus haut niveau d'exemplarité en ce moment. Ce n'est pas un "enfant en âge de première communion", non vraiment. L'Occident a pris de mauvais chemins. Pensez par exemple à l'injustice sociale qui existe parmi nous : il y a des pays qui sont développés en matière de justice sociale, mais je pense à mon continent, l'Amérique latine, qui est occidental. Pensons aussi à la Méditerranée : c'est l'Occident, et c'est aujourd'hui le plus grand cimetière, non pas de l'Europe, mais de l'humanité. Qu'a perdu l'Occident pour oublier d'accueillir, alors qu'il a plutôt besoin de personnes ? Quand on pense à l'hiver démographique que nous avons : nous avons besoin de personnes. En Espagne – en Espagne surtout – même en Italie, il y a des villages vides, seulement vingt vieilles femmes et puis plus rien. Mais pourquoi ne pas faire une politique occidentale pour que les migrants soient insérés, avec ce principe que le migrant doit être accueilli, accompagné, promu et intégré ? C'est très important, intégrer. Mais non... C'est un manque de compréhension des valeurs, alors que l'Occident en a fait l'expérience : nous sommes des pays qui ont migré. Dans mon pays – qui compte aujourd'hui 49 millions d'habitants, je crois – nous n'avons qu'un pourcentage de moins d'un million d'aborigènes, et tous les autres sont d'origine immigrée. Tout le monde : Espagnols, Italiens, Allemands, Slaves, Polonais, d'Asie mineure, Libanais, tout le monde... Le sang s'y est mélangé, et cette expérience nous a beaucoup aidés. Ensuite, pour des raisons politiques, cela ne se passe pas bien dans les pays d'Amérique latine, mais je pense que la migration doit être prise au sérieux en ce moment, car elle rehausse un peu la valeur intellectuelle et attentionnée de l'Occident. Au contraire, où allons-nous avec cet hiver démographique? L'Occident est en train de se décomposer sur ce point, il est un peu en perte de vitesse, il est perdu... Pensons au côté économique : il va si bien, si bien, mais pensons à l'élan politique et mystique de Schuman, Adenauer, De Gasperi, ces grands hommes. Où sont-ils aujourd'hui ? Il y en a de grands, mais ils sont incapables de faire avancer une société. L'Occident a besoin de parler, de se respecter... Et puis il y a le danger des populismes. Que se passe-t-il dans un tel état socio-politique ? Les “messies” naissent : les messies des populismes, dont nous voyons certaines choses, comment naissent les populismes. Je pense avoir mentionné quelquefois ce livre de Ginzberg, Syndrome 1933 : il dit exactement comment le populisme est né en Allemagne après la chute du gouvernement de Weimar. C'est comme ça que naissent les populismes : quand il y a un niveau d’objectifs sans consistance, et qu'on promet le messie. En conclusion : je crois que nous, Occidentaux, sommes au plus haut niveau pour aider les autres peuples. Nous avons un peu de retard ? Peut-être, oui, mais nous devons reprendre les valeurs, les valeurs de l'Europe, les valeurs des pères qui ont fondé l'Union européenne, les grands hommes. Je ne sais pas, je suis un peu confus, mais je pense avoir répondu.

Loup Besmond de Senneville

Et sur l'euthanasie ?

Pape François

Tuer n'est pas humain, point final. Si tu tues avec des justifications, oui, tu finiras par tuer de plus en plus. Ce n'est pas humain. Tuer, laissons ça aux bêtes.

Matteo Bruni

La question suivante est posée par Iacopo Scaramuzzi, de La Repubblica.

Iacopo Scaramuzzi, La Repubblica

Bonsoir, Saint-Père. Je reviens à cette dernière question : dans vos discours, vous avez souligné le lien entre les valeurs, les valeurs religieuses, et la vitalité de la démocratie. Selon vous, de quoi notre continent, l'Europe, manque-t-il ? Que doit-il apprendre des autres expériences ? Et, si vous me le permettez, j'ajouterai : puisque dans quelques jours, en Italie, il y aura un exercice démocratique, un vote, et qu'il y aura un nouveau gouvernement, lorsque vous rencontrerez le prochain Président du Conseil ou la prochaine Présidente du Conseil, que lui conseillerez-vous ? Quelles sont, selon vous, les priorités pour l'Italie, vos préoccupations, les risques à éviter ? Merci.

Pape François

Je crois avoir déjà répondu à ce sujet lors du dernier voyage. J'ai rencontré deux Présidents italiens, de haut niveau : Napolitano et l'actuel. Des grands. Ensuite, je ne connais pas les autres hommes politiques. Lors de mon dernier voyage, j'ai demandé à l'un de mes secrétaires combien de gouvernements l'Italie avait eu au cours de ce siècle : vingt. Je ne peux pas l'expliquer. Je ne condamne ni ne critique : je ne peux tout simplement pas l'expliquer. Si les gouvernements sont changés comme ça, il y a beaucoup de questions à se poser. Parce qu'être un homme politique aujourd'hui, c'est un chemin difficile, être un grand homme politique. Un homme politique qui se sacrifie pour les valeurs de la patrie, les grandes valeurs, et ne se sacrifie pas par intérêt, c'est-à-dire pour le siège, le confort.... Les pays, et parmi eux l'Italie, doivent chercher de grands hommes politiques, ceux qui ont la capacité de faire de la politique, qui est un art. C'est une noble vocation, la politique. Je crois que l'un des Papes, je ne sais plus si c'est Pie XII ou Saint Paul VI, a dit que la politique est l'une des plus hautes formes de charité... Nous devons nous battre pour aider nos hommes politiques à maintenir le niveau de la haute politique, et non celui de la basse politique qui ne sert à rien et qui, en fait, tire l'État vers le bas et s'appauvrit... Aujourd'hui, la politique, dans ces pays européens, devrait prendre en main le problème de l'hiver démographique, par exemple, du développement industriel, du développement naturel, le problème des migrants.... La politique devrait prendre les problèmes au sérieux, pour aller de l'avant. Je parle de la politique en général. Je ne comprends pas la politique italienne : juste ce chiffre de vingt gouvernements en vingt ans, un peu étrange... Mais chacun a sa façon de danser le tango, vous savez ? on peut danser d'une façon ou d'une autre, et la politique se danse d'une façon ou d'une autre.

L'Europe doit recevoir les expériences des autres régions : certaines seront meilleures, d'autres non. Mais elle doit être ouverte, chaque continent doit être ouvert à l'expérience des autres.

Matteo Bruni

La question suivante est posée par Elise Harris Allen, de Crux.

Elise Harris Allen, Crux

Bonsoir, Saint-Père. Merci d'être avec nous ce soir. Hier, au Congrès, vous avez parlé de l'importance de la liberté religieuse. Comme vous le savez, le Président de la Chine est également arrivé en ville le même jour, où cette question suscite une grande inquiétude depuis longtemps, surtout maintenant avec le procès qui se déroule actuellement contre le Cardinal Zen. Considérez-vous le procès qui lui est intenté comme une violation de la liberté religieuse ?

Pape François

Il faudrait un siècle pour comprendre la Chine, et nous ne vivons pas un siècle. La culture chinoise est une culture riche et quand elle est un peu malade, elle perd sa richesse, elle est capable de faire des erreurs. Pour comprendre, nous avons choisi la voie du dialogue, ouverts au dialogue. Il y a une commission bilatérale Vatican-Chine qui se porte bien, qui va lentement, parce que le rythme chinois est lent, ils ont une éternité pour aller de l’avant : c'est un peuple d'une patience infinie. Mais d'après les expériences que nous avons eues auparavant – pensons aux missionnaires italiens qui sont allés là-bas et qui ont été respectés en tant que savants ; pensons aussi aujourd'hui, tant de prêtres ou de croyants qui ont été appelés par l'université chinoise parce qu’ils valorisent la culture –, il n'est pas facile de comprendre la mentalité chinoise, mais il faut la respecter, je la respecte toujours. Et ici, au Vatican, il y a une commission de dialogue qui fonctionne bien. Le Cardinal Parolin la préside et il est l'homme qui connaît le mieux la Chine et le dialogue chinois en ce moment. C'est lent, mais il y a toujours des progrès. Décrire la Chine comme antidémocratique, je n'en ai pas envie, parce que c'est un pays tellement complexe, avec ses rythmes... Oui, c'est vrai qu'il y a des choses qui nous paraissent antidémocratiques, c'est vrai. Le Cardinal Zen, une personne âgée, passera en jugement ces jours-ci, je crois. Il dit ce qu'il ressent, et on peut voir qu'il y a des limites. Plutôt que de qualifier, parce que c'est difficile, et je n'ai pas envie de qualifier, ce sont des impressions ; plutôt que de qualifier, j'essaie de soutenir la voie du dialogue. Ensuite, dans le dialogue, beaucoup de choses sont clarifiées, et pas seulement de l'Église, mais aussi d'autres secteurs. Par exemple, l'étendue de la Chine : les gouverneurs des provinces sont tous différents, il y a différentes cultures au sein de la Chine. C'est un géant, comprendre la Chine est une chose géante. Nous ne devons pas perdre patience, il faut, il faut beaucoup, mais nous devons continuer avec le dialogue. J'essaie de m'abstenir de le qualifier car, oui, c'est possible, mais allons de l’avant.

Elise Harris Allen, Crux

Et Xi Jinping?

Pape François

Il avait une visite d’État là, mais je ne l’ai pas vu.

Matteo Bruni

La question suivante est de Maria Angeles Conde Mir, de Rome Reports

Maria Angeles Conde Mir, Rome Reports

Dans la Déclaration qu’ils ont signée, tous les Leaders mettent l’accent sur un appel aux gouvernements et aux organisations internationales pour que soient protégées les personnes persécutées en raison de leur ethnie ou de leur religion. Malheureusement, c’est ce qui se passe au Nicaragua. Nous savons que vous en avez parlé le 21 août lors de l’Angélus. Mais peut-être pouvez-vous ajouter quelque chose de plus pour le peuple catholique, surtout celui du Nicaragua ? Une autre chose : Nous l’avons bien vu, dans ce voyage. Nous aimerions savoir si vous pouvez reprendre ce voyage que vous avez dû reporter, ce voyage en Afrique, et s’il y aura d’autres voyages, s’il y a quelque chose de prévu.

Pape François

Sur le Nicaragua, les nouvelles sont claires, toutes. Il y a un dialogue, en ce moment il y a un dialogue. On a parlé avec le gouvernement, il existe un dialogue. Cela ne veut pas dire qu’on approuve tout ce que fait le gouvernement ou qu’on désapprouve tout. Non. Il y a dialogue, et quand il y a dialogue, c’est parce qu’il faut résoudre des problèmes. En ce moment, il y a des problèmes. Je m’attends au moins à ce que les Sœurs de Mère Teresa de Calcutta reviennent. Ces femmes sont de bonnes révolutionnaires, mais de l’Évangile ! Elles ne font la guerre à personne. Au contraire, nous avons tous besoin de ces femmes. C’est un geste que l’on ne comprend pas... Mais nous espérons qu’elles reviendront et que cela se résoudra. Mais continuer le dialogue. Jamais, jamais arrêter le dialogue. Il y a des choses qu’on ne comprend pas. Reconduire à la frontière un Nonce est une chose grave sur le plan diplomatique, et le Nonce est un brave type qui a maintenant été nommé ailleurs. Ce sont des choses difficiles à comprendre et même à avaler.

[question incompréhensible]

Mais ce n’est pas le seul cas. En Amérique latine, il y a d’un côté ou de l’autre, des situations de ce genre.

Les voyages : c’est difficile. Le genou n’est pas encore guéri, mais ce prochain voyage je le ferai. J’ai parlé l’autre jour avec Mgr Welby et nous avons vu le mois de février comme une possibilité pour aller au Soudan du Sud. Et si je vais au Soudan du Sud, je vais au Congo. Nous essayons de nous entendre, parce que nous devons aller tous les trois ensemble : le chef de l’Église presbytérienne d’Écosse, Mgr Welby et moi. On a fait une rencontre par zoom sur ces questions l’autre jour pour arranger ça.

Matteo Bruni

Sa Sainteté, nous avons fait un premier tour, il y a d’autres questions, si vous voulez...  La question suivante est d’Alexeï Gotovskiy d’Ewtn, qui vit et travaille à Rome mais qui est originaire du Kazakhstan.

Alexey Gotovskiy, Ewtnu

Merci, Saint-Père, d’avoir visité notre pays. Je voudrais vous demander : pour les catholiques qui vivent au Kazakhstan, où le contexte est majoritairement musulman, comment peut-on accomplir l’évangélisation dans ce contexte ? Et y a-t-il quelque chose qui vous ait inspiré en voyant les catholiques au Kazakhstan ?

Pape François

La deuxième : inspiré, je ne sais pas, mais j’étais heureux aujourd’hui dans la cathédrale, en voyant les catholiques si enthousiastes, heureux, joyeux ! C’est l’impression que j’ai des catholiques kazakhs.

Ensuite, la coexistence avec les musulmans : c’est une chose sur laquelle on travaille assez et nous sommes en avance, pas seulement au Kazakhstan. Pensons à quelques pays d’Afrique du Nord, il y a une belle coexistence, au Maroc par exemple. Au Maroc, il y a un assez bon dialogue.

Et je m’arrête sur la rencontre religieuse : quelqu’un la critiquait et me disait : “Mais c’est fomenter, faire grandir le relativisme”. Pas de relativisme ! Chacun a dit ce qu’il pensait, tous respectaient la position de l’autre, mais on dialogue comme des frères. Car, s’il n’y a pas de dialogue, il y a ignorance ou guerre. Mieux vaut vivre comme des frères, nous avons une chose en commun, nous sommes tous humains. Nous vivons comme des humains, bien éduqués : toi qu’est-ce que tu penses, moi qu’est-ce que je pense ? Mettons-nous d’accord, mais parlons un peu, connaissons-nous. Tant de fois ces guerres mal comprises “de religion” arrivent par manque de connaissance. Et ce n’est pas du relativisme ! Je ne renonce pas à ma foi si je parle avec la foi d’un autre, bien au contraire. Je fais honneur à ma foi parce qu’un autre l’écoute et j’écoute la sienne. J’ai été tellement impressionné qu’un pays si jeune, avec tant de problèmes – le climat par exemple – ait été capable de faire sept éditions d’une telle rencontre : une rencontre mondiale, avec des juifs, des chrétiens, des musulmans, des religions orientales... Autour de la table on voyait que tout le monde parlait et s’écoutait avec respect. C’est l’une des bonnes choses que votre pays a faites. Un tel pays, un peu – disons – au “coin” du monde, faire une assemblée de ce genre. C’est l’impression qu’il m’a donnée. Puis la ville, comme je le disais, est d’une beauté architecturale de première classe. Et aussi les préoccupations du Gouvernement : les préoccupations culturelles du Président du Sénat m’ont beaucoup frappé : il organisait cette rencontre, mais ensuite il a trouvé le temps de me faire connaître un jeune chanteur : “Vous devez connaître ce jeune homme ouvert à la culture”. Je ne m’y attendais pas et j’ai été heureux de vous rencontrer.

Alexey Gotovskiy, Ewtn

Merci, vous êtes toujours le bienvenu, toujours bienvenu au Kazakhstan !

Matteo Bruni

La dernière question de la part de Rudolf Gehrig, d’Ewtn

Rudolf Gehrig, Ewtn

Merci, Saint-Père, merci pour tout. Saint-Père, de nombreuses Églises en Europe, comme l’Église allemande, subissent de graves pertes de croyants : les jeunes ne semblent plus vouloir venir le dimanche à la Messe. Êtes-vous préoccupé par cette tendance et que comptez-vous faire ? Merci.

Pape François

C’est en partie vrai, en partie relatif. Il est vrai que l’esprit de sécularisation, de relativisme, remet ces choses en question, c’est vrai. Ce qu’il faut faire, avant tout, c’est être cohérent avec sa propre foi. Réfléchissons : si tu es un évêque ou un prêtre qui n’est pas cohérent, les jeunes ont du flair, “salut !”. Quand une Église, quelle qu’elle soit dans un pays ou dans un de ses secteurs, pense davantage à l’argent, au développement, aux plans pastoraux et non à la pastorale, et que l’on prend cette direction, cela n’attire pas les gens. Quand j’ai écrit cette lettre au peuple allemand il y a trois ans, il y a eu des pasteurs qui l’ont publiée, mais cela dépend de la personne. Lorsque le pasteur est proche des gens, il dit : “Le peuple doit connaître ce que pense le Pape”. Je crois que les pasteurs doivent aller de l’avant, mais si les pasteurs ont perdu l’odeur des brebis et que les brebis ont perdu l’odeur des pasteurs, on n’avance pas.

Parfois – je parle de tous, en général, pas de l’Allemagne, de tous – on réfléchit à comment renouveler, comment rendre la pastorale plus moderne : c’est bien, mais toujours qu’elle soit entre les mains d’un pasteur. Si la pastorale est entre les mains des “savants” de la pastorale, qui discutent ici et de ce que je dois faire là... Jésus a fait l’Église avec des pasteurs, pas avec des guides politiques. Il a fait l’Église avec des gens ignorants : les Douze étaient plus ignorants les uns que les autres et l’Église est allée de l’avant pourquoi ? Grâce au flair, le flair du troupeau avec le pasteur et du pasteur avec le troupeau. C’est la plus grande relation que je vois quand il y a une crise dans un endroit, dans une province, je ne sais pas, n’importe quoi. Je me demande : le pasteur est-il en contact, est-il proche du troupeau ? Ce troupeau a-t-il un pasteur ou non ? Le problème, ce sont les pasteurs. Sur ce sujet je me permets de te suggérer de lire le commentaire de saint Augustin [sur Ézéchiel 34] sur les pasteurs : cela se lit en une heure, mais cela fait partie des choses les plus sages qui aient été écrites pour les pasteurs ; et avec cela tu peux qualifier tel ou tel autre pasteur. Il ne s’agit pas de moderniser. Oui, on doit rester à jour avec les méthodes, ça oui, c’est vrai, mais s’il manque le cœur du pasteur, aucune pastorale ne fonctionne. Aucune.

Matteo Bruni

Merci, Sainteté.

Pape François

Je vous remercie beaucoup pour la patience, pour votre aide, je vous souhaite une bonne célébration de l’anniversaire de Stefania et, un bon voyage. Merci beaucoup, merci !



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