Excellence,
Mesdames et Messieurs,

je suis heureux de recevoir votre délégation d’élus et de représentants de l’État français, provenant du Nord de la France, et de saluer, à travers vous, aussi vos administrés. Je me réjouis de votre initiative de voyage à Rome que l’évêque de Cambrai Monseigneur Vincent Dollmann a su accueillir favorablement, dans un respect réciproque et collaboratif entre les autorités civiles et religieuses de votre région, pour le bien de tous.

Votre région, autrefois riche de ses mines de charbon, d’une métallurgie forte et d’usines de textile réputées, a connu un terrible revers avec la fermeture des mines et des industries développées lors de la révolution industrielle de la fin du XIX^e siècle. Or, qui dit revers économique dit aussi, malheureusement, appauvrissement de la population de ces régions. C’est, je le sais, le défi auquel vous êtes confrontés depuis plusieurs décennies. Outre la préoccupation primordiale du fait social, je vous sais également préoccupés de la dimension culturelle de votre région, conscients que l’homme ne se nourrit pas seulement de pain, mais aussi de la fierté de ses racines que la culture met en relief, contribuant ainsi à rappeler à l’homme sa dignité.

C’est aussi sur ces terrains de l’action sociale et culturelle que vous pouvez vous retrouver, quelles que soient vos appartenances politiques. En mettant en avant les besoins essentiels de vos administrés, trop souvent délaissés au profit de sujets à la mode et moins en rapport avec leur vie quotidienne, vous pourrez montrer votre désir d’être au service de ceux qui vous ont élus et ont placé leur confiance en vous. Le jeu démocratique et représentatif devrait également vous permettre de faire remonter aux plus hautes autorités les aspirations et les besoins réels des populations de votre territoire, loin de toute idéologie ou pression médiatique. Les idéologies et la pression médiatique détruisent la réalité : les idéologies parce qu’elles la distillent et lui font perdre sa portée ; et la pression médiatique parce qu’elles conduisent à la maquiller et à la rendre non authentique dans son expression.

Dans le domaine social qui est si vaste, je voudrais seulement vous encourager au moyen de deux paroles en lien avec l’actualité : l’accueil et le soin.

L’accueil des plus défavorisés d’abord, avec en tout premier lieu les migrants, et vous savez combien cette question est cruciale et me préoccupe ; mais je pense aussi aux personnes porteuses de handicap. Elles ont besoin de structures plus nombreuses pour faciliter leur vie et celle de leur proches et, plus encore, pour manifester le respect que nous devons à leur personne. Puisse les dispositions d’inclusion permettre à nombre d’entre elles d’avoir une place dans le monde du travail. Plus que jamais il est nécessaire que l’on continue à se donner comme objectif prioritaire l’accès au travail… pour tous ! (cf. Laudato Si, n. 127).

Quant au soin, je pense en particulier à l’attention à porter aux personnes âgées dans les maisons médicalisées, et aux personnes en fin de vie qui ont besoin d’être accompagnées par le développement des soins palliatifs. Les soignants, par nature, ont vocation à procurer des soins et du soulagement, faute de pouvoir toujours guérir, mais on ne peut demander aux soignants de tuer leurs patients ; qui est un peu le programme de la culture du déchet : on rejette, ça ne sert pas. Si on tue avec des justifications, on finira par tuer de plus en plus (cf. Conf. de presse au retour du Kazakhstan 15 sept.2022). C’est une progression géométrique. J’oser espérer que sur des questions aussi essentielles, le débat puisse se faire en vérité pour accompagner la vie jusqu’à sa fin naturelle, et ne pas se laisser prendre dans cette culture du déchet qui se trouve un peu partout.

Le domaine culturel est, pour sa part, un facteur important d’unité dans la mesure où il se présente comme le fruit d’un passé commun, d’une histoire vécue sur des terres qui sont vôtres, que vous aimez et sur lesquelles l’Église n’a jamais été absente. Votre région a été le théâtre d’évènements qui l’ont façonnée et qu’il vous appartient de mettre en valeur afin d’en transmettre l’héritage aux générations futures. Les évènements du passé ont en effet contribué à l’histoire et à la littérature, comme aux conceptions politiques et économiques de votre pays tout entier. Nous profitons des fruits de l’héritage du passé et souvent nous oublions de laisser un autre héritage à ceux qui viennent après. L’héritage est double : celui que nous avons reçu et celui que nous devons donner. Et cet héritage culturel, social, intellectuel doit être transmis, enrichi, il doit être transmis avec ce qui vous a enrichis, ce que vous avez reçu.

Pour finir, je vous redis que c’est une joie pour moi, de vous voir vous intéresser, vous qui êtes en responsabilités dans les domaines économiques et sociaux, au message de l’Église sur des centre d’intérêts que nous partageons, et être conscients du rôle que vous avez à jouer par votre engagement au service de vos électeurs. De par sa foi au Christ qui s’est fait pauvre, l’Église est depuis son origine préoccupée du développement intégral des plus abandonnés de la société. (cf. Evangelii gaudium, n. 186), et vous pouvez compter sur son aide. Avec vous, elle cherche à rejoindre les migrants, les personnes âgées et les malades, autrement dit tous les « laissés pour compte », dont la plus grande pauvreté est sans doute l’exclusion et la solitude qui en découle. Et, sur les migrants, il ne faut pas oublier que le migrant doit être accueilli, accompagné promu et intégré. Ne laissez pas les migrants sans intégration, car c’est dangereux. Les quatre pas : accueilli, accompagné, promu et intégré.

C’est pourquoi, tout en vous remerciant encore de votre visite, je demande à Dieu d’inspirer vos projets et initiatives en vue de bien commun de votre région et de vous assister dans leur mise en œuvre.

Que Dieu vous bénisse tous !