PAPE FRANÇOIS
MÉDITATION MATINALE EN LA CHAPELLE DE LA
MAISON SAINTE-MARTHE
Contre le poison des commérages
Jeudi 17 mai 2018
(L'Osservatore Romano, Édition hebdomadaire n°023 du 7 juin 2018)
Avec la technique de l’«unité feinte», on trompe depuis toujours le peuple pour faire, aujourd’hui encore, des coups d’Etat, condamner les justes — en commençant par Jésus — mais aussi pour détruire la vie des communautés chrétiennes, en tuant les personnes avec les commérages. C’est contre cette «attitude meurtrière» que le Pape François a mis en garde, en reproposant l’essence de la vraie unité témoignée par le Christ même dans sa prière au Père «afin que tous soient un».
Et précisément «dans la liturgie d’aujourd’hui, nous pouvons voir deux voies, deux poids, deux mesures, pour arriver à l’unité». Il s’agit de «deux types d’unité». Et «la première (Jn 17, 20-26), est celle pour laquelle Jésus prie le Père pour nous, “afin qu’ils soient un”».
C’est, en somme, «l’unité à laquelle nous conduit Jésus». Et c’est «une unité constructive, qui rend l’Eglise une». Et «l’Esprit Saint nous conduit toujours vers cette unité: une unité de salut, parce que Jésus veut nous sauver tous et nous conduit à cette unité».
C’est également «une unité qui ne finit pas: elle ira vers l’éternité, c’est-à-dire qu’elle a de grands horizons». Et «ainsi croît l’unité et quand nous, dans la vie, dans l’Eglise ou dans la société civile, nous travaillons pour l’unité, nous parcourons cette voie».
«Mais il y a un autre type d’unité que j’appellerais “unité feinte” ou unité conjoncturelle: celle qu’ont les accusateurs de Paul dans la première lecture» (Ac 22, 30; 23, 6-11).
Pour sa part, «le procureur romain voit ces gens, et dit: “mais c’est tout le peuple, uni”». Mais «Paul, qui était réveillé — parce que l’Esprit Saint nous permet aussi d’être réveillés humainement: il nous demande cela — savait que cette unité était feinte, n’était que conjoncturelle, il jette la pierre de division». «C’est la pierre que jette Paul contre cette fausse unité qui l’accuse». Au point que, «dès qu’il eût dit cela, une dispute éclata entre pharisiens et sadducéens». L’unité se défait, ils se disputent entre eux. «Paul, avec la sagesse humaine qu’il avait, et la sagesse de l’Esprit Saint, réussit à détruire ce bloc d’unité». «Nous avons vu la même chose dans les persécutions de Paul, par exemple à Jérusalem». En effet, «le texte des Actes des apôtres dit que tous ceux qui sont réunis là criaient contre Paul: ils avaient été convoqués pour faire du bruit, faire une unité qui était du bruit».
«L’instrumentalisation du peuple est également un mépris du peuple, parce qu’il le convertit en peuple de masse». Le dimanche des Rameaux, tous acclament : “Béni sois-tu, toi qui viens au nom du Seigneur”», mais le «vendredi suivant, les mêmes gens crient: “crucifiez-le”». La réponse est qu’on leur a fait un lavage de cerveau et ainsi les choses ont changé: en pratique, «ils ont converti le peuple en une masse qui détruit». De plus, «pensons à Etienne: ils cherchent immédiatement deux faux témoins et ainsi les gens vont lapider Etienne».
«Aujourd’hui aussi, cette méthode est beaucoup utilisée». «Par exemple dans la vie civile, dans la vie politique, quand on veut faire un coup d’Etat, les médias commencent à dire du mal des gens, des dirigeants et, avec la calomnie, la diffamation, ils les salissent. Puis entre en jeu la justice qui les condamne, et à la fin, on fait le coup d’Etat. C’est un des systèmes les plus honteux». Mais c’est précisément avec cette méthode qu’a été persécuté Paul» et qu’ont été persécutés «Jésus, Etienne, et tous les martyrs». Certes, à la fin, c’est «les gens qui allaient au cirque et qui criaient pour voir les luttes entre les martyrs et les fauves ou les gladiateurs, mais toujours, l’anneau de la chaîne pour arriver à la condamnation, ou à un autre intérêt après la condamnation, c’est ce milieu d’unité feinte, d’unité fausse».
Le Pape a rappelé toutefois que, «à plus petite échelle», tout cela «a lieu dans nos communautés paroissiales, quand deux ou trois personnes commencent à en critiquer une autre et commencent à dire du mal d’elle et créent une unité feinte pour la condamner». Et précisément pour cette raison, «le commérage est une attitude meurtrière, parce qu’il tue».
«Pensons à la grande vocation à laquelle nous avons été appelés: l’unité avec Jésus, le Père». «Pas les unités feintes. Que le Seigneur nous donne la grâce de marcher toujours sur la voie de la véritable unité».
Copyright © Dicastero per la Comunicazione - Libreria Editrice Vaticana