PAPE FRANÇOIS

MÉDITATION MATINALE EN LA CHAPELLE DE LA
MAISON SAINTE-MARTHE

Le vrai jeûne

Vendredi 16 février 2018

(L'Osservatore Romano, Édition hebdomadaire n°011 du 15 mars 2018)

Le carême: un temps privilégié de pénitence et de jeûne. Mais quelle pénitence et quel jeûne le Seigneur veut-il de l’homme? Le risque, en effet, est de «maquiller» une pratique vertueuse, d’être «incohérents». Et il ne s’agit pas seulement de «choix alimentaires», mais de styles de vie pour lesquels on doit avoir l’«humilité» et la «cohérence» de reconnaître et de corriger ses propres péchés. Telle est la réflexion que, au début du chemin quadragésimal, le Pape a proposée aux fidèles. Le mot-clé de la méditation, suggéré par la liturgie du jour, a été «jeûne»: «Jeûne devant Dieu, un jeûne qui est adoration, un jeûne sérieux», car «jeûner est l’un des devoirs à accomplir pendant le carême».

C’est la parole de Dieu qui nous admoneste pour que «notre jeûne soit vrai. Vraiment sérieux». Dans la première lecture (Is 58, 1-9), «le prophète souligne de nombreuses incohérences dans la pratique de la vertu». «Si tu veux faire pénitence, fais-la en paix. Mais tu ne peux pas, d’un côté, parler avec Dieu et, de l’autre, parler avec le diable, les inviter tous les deux à jeûner; cela est une incohérence». Et, toujours en suivant les indications de l’Ecriture — «Ne jeûnez plus comme vous le faites aujourd’hui, de manière à faire entendre tout haut votre vacarme» — François a mis en garde contre l’exhibitionnisme incohérent. C’est l’attitude de celui qui, par exemple, rappelle toujours: «Nous sommes catholiques, nous pratiquons; j’appartiens à cette association, nous jeûnons toujours, nous faisons pénitence». Il leur a demandé de manière idéale: «Mais jeûnez-vous avec cohérence ou bien faites-vous pénitence de manière incohérente comme le dit le Seigneur, dans le bruit, pour que tous la voient et disent: “Mais quelle personne juste, quel homme juste, quelle femme juste”?». En effet, cela «est un maquillage; c’est maquiller la vertu. C’est maquiller le commandement».

Au contraire, le Seigneur «conseille aux pénitents, à ceux qui jeûnent de se maquiller, mais sérieusement: “Jeûne, mais maquillé pour que les gens ne voient pas que tu es en train de faire pénitence. Souris, sois content». Face aux nombreuses personnes qui «ont faim et ne peuvent pas sourire», c’est la suggestion faite au croyant: «Tu cherches la faim pour aider les autres, mais toujours avec le sourire, parce que tu es un enfant de Dieu, le Seigneur t’aime beaucoup et t’a révélé ces choses. Mais sans incohérences».

La réflexion du Pape s’est alors faite plus profonde, sollicitée par la question: “quel jeûne veut le Seigneur?”. La réponse vient encore de l’Ecriture, où on lit tout d’abord: «Courber sa tête comme un jonc». C’est-à-dire: s’humilier. Et à celui qui demande: «Comment dois-je faire pour m’humilier?», le Pape a répondu: «Mais pense à tes péchés. Chacun de nous en a tellement». Et «éprouve de la honte», car même si le monde ne les connaît pas, Dieu les connaît bien. Cela est donc «le jeûne que désire le Seigneur: la vérité, la cohérence». On doit ajouter quelque chose: il faut donc «ôter le lien du joug, briser les chaînes iniques, rendre la liberté aux opprimés, briser chaque joug». Et, en commentant le prophète qui admoneste: «partager le pain avec celui qui a faim, accueillir chez soi les pauvres, les sans-abri», le Pape a précisé: «Aujourd’hui on discute si on doit donner un toit ou pas à ceux qui viennent le demander...». Et les indications continuent: «Habiller une personne que tu vois nue», mais «sans négliger tes parents». C’est le vrai jeûne, celui qui concerne la vie de chaque jour. «Nous devons faire pénitence, nous devons avoir un peu faim, nous devons prier davantage»; mais si «nous faisons beaucoup pénitence» et que nous ne vivons pas ainsi le jeûne, «le germe qui naîtra de là» sera «l’orgueil», de celui qui se vante de son propre jeûne. Il faut donc «demander humblement la grâce de la cohérence».