PAPE FRANÇOIS
MÉDITATION MATINALE EN LA CHAPELLE DE LA
MAISON SAINTE-MARTHE
La solitude du pasteur
Mardi, 18 octobre 2016
(L'Osservatore Romano, Édition hebdomadaire n° 46 du 17 novembre 2016)
Paul, Jean-Baptiste et Maximilien Kolbe — et avec eux de très nombreux pasteurs de tout temps — ont vécu en personne la solitude, l’abandon et la persécution, mais également « la proximité du Seigneur », en particulier dans les moments d’épreuve. C’est une invitation à reconnaître toujours la présence de Dieu, même dans l’expérience de la douleur et de la maladie, que le Pape a suggérée à partir du passage de la seconde lettre de saint Paul à Timothée (4, 10-17), proposé par la liturgie. « Paul est à Rome, prisonnier dans une maison, dans une pièce, avec une certaine liberté, mais en attendant on ne sait quoi ». Et « à ce moment, Paul se sent seul ». C’est vrai que l’apôtre est « seul, mendiant, victime d’acharnement, abandonné mais c’est le grand Paul, celui qui a entendu la voix du Seigneur, l’appel du Seigneur ». Mais à présent « le grand Paul » est « là, dans cette petite pièce d’une maison, à Rome, attendant comment finira cette lutte au sein de l’Église entre les parties, entre la rigidité des judaïsants et les disciples qui lui étaient fidèles ». Et « ainsi finit la vie du grand Paul, dans la désolation : non pas dans le ressentiment et dans l’amertume, mais dans la désolation intérieure ». Du reste, « Jésus l’avait dit à Pierre que lui aussi aurait fini ainsi ». Et aussi « tous les apôtres ont fini ainsi : “quand tu auras vieilli, tu étendras les mains, et un autre te ceindra et te mènera où tu ne voudrais pas” ». Cela « est la fin de l’apôtre ». Précisément « de cette petite pièce de Paul nous pouvons penser à deux grands personnages : Jean-Baptiste et Maximilien Kolbe. Le premier, « dans une cellule, seul, angoissé, envoie ses disciples demander à Jésus : “Est-ce toi ou devons-nous en attendre un autre?”. Puis le caprice d’une danseuse et la vengeance d’une adultère lui coupe la tête ». Et encore plus près de nous, pensons à la cellule de Maximilien Kolbe, qui avait fondé un mouvement apostolique dans le monde entier et tant de grandes choses : il est dans cette cellule, affamé, attendant la mort » dans le camp d’Auschwitz. « Quand il est fidèle, l’apôtre n’attend pas une autre fin que celle de Jésus ». Il y a précisément « le dépouillement de l’apôtre : il est dépouillé, sans rien, parce qu’il a été fidèle ». Et il a la même conscience que Paul : « Seul le Seigneur a été proche de moi », parce que « le Seigneur ne le laisse pas et il trouve en lui sa force ». « La fin de Paul » est connue : « Après presque deux ans, vivant ainsi, dans l’incertitude, dans ce trouble intérieur de l’Église, un matin, deux soldats viennent, le prennent, l’emmènent dehors, lui coupent la tête ». Mais comment peut finir de cette façon « un homme si grand qui a voyagé dans le monde pour prêcher, qui a convaincu les apôtres que Jésus est venu aussi pour les nations, qui a fait tant de bien, qui a lutté, qui a souffert, qui a prié, qui a eu la plus haute contemplation? ». Et pourtant, « telle est la loi de l’Évangile : si la semence du grain ne meurt pas, elle ne donne pas de fruit, parce que c’est la loi que Jésus lui-même nous a indiquée à travers sa personne ». Avec la certitude, toutefois, qu’« après vient la résurrection ». « Un des théologiens des premiers siècles disait que “le sang des martyrs est la semence des chrétiens” ». Parce que « mourir en martyrs, en témoin de Jésus », est précisément comme « la semence qui meurt et qui donne le fruit et remplit la terre de nouveaux chrétiens ». Et « quand le pasteur vit ainsi, il n’a pas d’amertume : sans doute connaît-il la désolation, mais il a la certitude que le Seigneur est près de lui ». Quand en revanche « le pasteur, dans sa vie, s’est occupé d’autres choses qui ne sont pas les fidèles — par exemple il est attaché au pouvoir, il est attaché à l’argent, il est attaché aux coalitions, il est attaché à tant de choses — à la fin sans doute ne sera-t-il pas seul, sans doute y aura-t-il des neveux qui attendront qu’il meure pour voir ce qu’ils peuvent emporter ». François a voulu partager, à ce propos, ce qu’il éprouve dans son cœur quand il va « rendre visite à la maison de repos des prêtres âgés » où « je vois tant de braves prêtres qui ont donné leur vie pour les fidèles et qui sont là, malades, paralysés, sur une chaise roulante ; mais on voit immédiatement ce sourire parce qu’ils sentent que le Seigneur est tout près d’eux ». On ne peut certes pas oublier « ces yeux brillants qu’ils ont et qui demandent : “Comment va l’Église? Comment va le diocèse? Comment vont les vocations?” ». Ce sont des préoccupations qu’ils ont en eux jusqu’à la fin, parce qu’ils sont pères, parce qu’ils ont donné leur vie pour les autres ». En conclusion, le Pape a relancé le témoignage de « Paul, seul, mendiant, victime d’acharnement, abandonné de tous, à l’exception du Seigneur Jésus : “Seul le Seigneur a été proche de moi!” ». Parce que « le pasteur doit avoir cette sécurité : s’il va sur le chemin de Jésus, le Seigneur sera proche de lui jusqu’à la fin ». Et ainsi, il a invité à prier « pour les pasteurs qui sont à la fin de leur vie et qui attendent que le Seigneur les amène avec eux ».
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