PAPE FRANÇOIS
MÉDITATION MATINALE EN LA CHAPELLE DE LA
MAISON SAINTE-MARTHE
Vendredi 9 septembre 2016
( L'Osservatore Romano, Édition hebdomadaire n° 37 du 15 septembre 2016 )
Question de style
L’évangélisation se fait par le témoignage puis par la parole, en faisant bien attention à ne pas tomber dans le piège de se réduire à être des fonctionnaires qui se promènent ou font du prosélytisme. En relançant « le style » évangélisateur de saint Paul, sa façon de « se faire tout à tous » sans chercher le mérite personnel, le Pape François a voulu reproposer la figure de saint Pierre Claver, jésuite missionnaire parmi les esclaves déportés. Et Paul, s’adressant précisément aux chrétiens de Corinthe, commence ainsi son raisonnement : « Frère, qu’est-ce qui n’est pas évangéliser? Annoncer l’Évangile n’est pas pour moi un motif d’orgueil ». Donc, il ne faut certainement pas se vanter « d’aller évangéliser : je vais faire ceci, je vais faire cela », comme si évangéliser signifiait « aller faire une promenade ». Ce serait comme « réduire l’évangélisation à une fonction : j’ai cette fonction ». Et « je parle de choses qui arrivent dans certaines paroisses dans le monde, quand le curé a toujours sa porte fermée ». Il peut également arriver de rencontrer des « laïcs qui disent “ moi je suis cette école de catéchèse, je fais ceci, cela...” ». Mais cela est précisément l’attitude de celui qui se vante, « c’est réduire l’Évangile à une fonction ou bien à un orgueil : “Je vais évangéliser et j’ai amené beaucoup de personnes à l’Église” ». Oui, «faire du prosélytisme est également une façon de se vanter ». En revanche, « évangéliser n’est pas faire du prosélytisme ». Ce que signifie réellement évangéliser est répété de façon efficace par Paul : « Pour moi ce n’est pas un motif d’orgueil, c’est pour moi une nécessité qui s’impose à moi ». En effet, a dit le Pape en réfléchissant sur les expressions de Paul, « un chrétien a l’obligation, mais avec cette force, comme une nécessité, d’apporter le nom de Jésus, mais de son cœur ». Il a souligné les paroles claires de l’apôtre : « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile!». Un avertissement — « malheur à toi! » — qui touche le catholique qui pense : « Je vais à la Messe, je fais cela et rien de plus ». En revanche, « si tu dis que tu es catholique ; que tu as reçu le baptême, que tu es confirmé ou confirmée, tu dois aller plus loin et apporter le nom de Jésus : c’est une obligation ! ». Les indications concrètes de Paul conduisent à nous demander quel doit être notre « style d’évangélisation ». La réponse est suggérée encore par Paul : « Le style est de se faire tout à tous». Cela signifie, en substance, « aller partager la vie des autres, accompagner sur le chemin de la foi, faire croître sur le chemin de la foi ». Dans cette perspective, le Pape a partagé également une confidence personnelle : « Quand j’étais en Pologne, à Cracovie, à déjeuner avec les jeunes de la journée mondiale de la jeunesse, un jeune m’a demandé : « Père, que dois-je dire à un ami qui est bon — il est bon! — mais qui est athée : il ne croit pas : que dois-je lui dire afin qu’il croie? ». Cela « est une belle question, nous connaissons tous des personnes éloignées de l’Église : que devons-nous leur dire? ». A cette occasion, la réponse à la question du jeune a été : « Écoute, la dernière chose à faire est de lui dire quelque chose! Commence par faire et lui verra ce que tu fais, et il te posera des questions ; et quand il te posera des questions, tu lui répondras ». En somme, « évangéliser c’est apporter ce témoignage : moi je vis ainsi, parce que je crois en Jésus Christ ; j’éveille en toi la curiosité de la question “ mais pourquoi fais-tu ces choses-là? ” ». Et la réponse du chrétien doit être celle-ci : parce que je crois en Jésus Christ et j’annonce Jésus Christ pas seulement par la Parole — il faut l’annoncer par la Parole — mais surtout par ma vie ». Voilà ce « qu’est évangéliser et cela aussi se fait gratuitement ». Une gratuité que l’on retrouve dans toute l’histoire de l’Église. « Aujourd’hui nous célébrons la mémoire de saint Pierre Claver, un missionnaire : il est allé loin annoncer l’Évangile. Peut-être pensait-il que son avenir aurait été la prédication; dans son avenir, le Seigneur lui a demandé d’être proche des rejetés de l’époque, des esclaves, des noirs qui arrivaient là, d’Afrique, pour être vendus». Et cet homme «n’a pas fait de promenade en disant qu’il évangélisait; il n’a pas réduit l’évangélisation à un fonctionnalisme ni à un prosélytisme ». Saint Pierre Claver « a annoncé Jésus Christ par les gestes, en parlant aux esclaves, en vivant avec eux, comme eux ». Et « comme lui dans l’Église, il existe tant de personnes qui s’anéantissent pour annoncer Jésus Christ ».
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