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PAPE FRANÇOIS

MÉDITATION MATINALE EN LA CHAPELLE DE LA
MAISON SAINTE-MARTHE

Lundi 30 mai 2016

 

(L'Osservatore Romano, Édition hebdomadaire n° 22 du 2 juin 2016)

Esprit en cage

« Prophétie, mémoire et espérance » : ce sont les trois caractéristiques qui rendent libres la personne, le peuple, l’Église, en empêchant de finir dans un « système fermé » de normes qui met l’Esprit Saint en cage. « Avec cette parabole, on voit clairement à qui Jésus s’adresse : aux chefs des prêtres, aux scribes et aux anciens du peuple » a immédiatement fait remarquer le Pape, en se référant au passage évangélique de Marc (12, 1-12) proposé par la liturgie. « Pour eux », le Seigneur utilise donc « l’image de la vigne », qui « dans la Bible est l’image du peuple de Dieu, l’image de l’Église et également l’image de notre âme ». Ainsi, « le Seigneur soigne la vigne, l’entoure d’une clôture, creuse un pressoir, construit une tour ». C’est précisément dans ce travail qu’on reconnaît « tout l’amour et la tendresse de Dieu pour édifier son peuple : le Seigneur a toujours fait cela avec beaucoup d’amour et avec beaucoup de tendresse ». Mais « ensuite, la situation s’est renversée et le peuple s’est emparé de ce don de Dieu » au cri de : « Nous n’appartenons qu’à nous-mêmes, nous sommes libres ! ». Ce peuple « ne pense pas, ne se rappelle pas que ce sont les mains, le cœur de Dieu à l’édifier, et ainsi il devient un peuple sans mémoire, un peuple sans prophétie, un peuple sans espérance ». C’est donc « aux dirigeants de ce peuple » que Jésus s’adresse « avec cette parabole : un peuple sans mémoire a perdu la mémoire du don, du cadeau ; et il s’attribue à lui-même ce qu’il est : nous pouvons ! ». Très souvent dans la Bible, on parle d’« ascètes, de prophètes » et « Jésus lui-même souligne l’importance de la mémoire : un peuple sans mémoire n’est pas un peuple, il oublie ses racines, il oublie son histoire ». Les personnes auxquelles Jésus s’adresse « avaient perdu la mémoire : elles avaient perdu la mémoire du don, du cadeau que Dieu leur avait fait ». L’attitude des chefs du peuple était évidente : « Nous n’avons pas besoin des prophètes, nous n’appartenons qu’à nous-mêmes ! ». Mais « sans mémoire et sans prophètes, il devient un peuple sans espérance, un peuple sans horizon, un peuple fermé sur lui-même qui ne s’ouvre pas aux promesses de Dieu, qui n’attend pas les promesses de Dieu ». C’est donc « un peuple sans mémoire, sans prophétie et sans espérance : tel est le peuple que les chefs des prêtres, les scribes, les anciens ont fait du peuple d’Israël ». Et « la foi, où est-elle ? », s’est demandé François. « Dans la foule », a-t-il répondu, en soulignant que, dans l’Évangile, on lit : « Ils cherchaient à le capturer, mais ils eurent peur de la foule ». Ces personnes, en effet, « avaient compris la vérité et, malgré leurs péchés, elles gardaient la mémoire, elles étaient ouvertes à la prophétie et cherchaient l’espérance ». Un exemple dans ce sens vient des « deux personnes âgées, Siméon et Anne, des personnes de mémoire, de prophétie et d’espérance ». En revanche, « les chefs du peuple » légitimaient leurs pensées en s’entourant « d’avocats, de docteurs de la loi, qui sont ceux qui édifient un système juridique fermé : je crois qu’il y avait presque six cents commandements ». Et leur pensée était très « fermée, sûre », avec l’idée que « ceux qui font cela se sauveront ; les autres ne nous intéressent pas, la mémoire ne nous intéresse pas ». En ce qui concerne « la prophétie : il vaut mieux que les prophètes ne viennent pas ». Et « l’espérance ? Mais chacun la verra ». Tel « est le système à travers lequel ils légitimisent : ce sont des docteurs de la loi, des théologiens qui vont sur la route de la casuistique et ne permettent pas la liberté de l’Esprit Saint ; ils ne reconnaissent pas le don de Dieu, le don de l’Esprit et ils mettent l’Esprit en cage, parce qu’ils ne permettent pas la prophétie dans l’espérance ». C’est précisément « le système religieux auquel Jésus s’adresse ». Un système « de corruption, de mondanité et de concupiscence », comme le dit le passage de la seconde lettre de saint Pierre (1, 2-7), proposé dans la première lecture. À ce propos, le Pape a rappelé « les trois tentations dans le désert : “Fais un miracle et montre ton pouvoir” ; “Jette-toi du haut du temple et ainsi tous te croiront !” ; “Adore-moi !” ». « Jésus, qui connaissait en lui-même la tentation » du « système fermé », reproche à ces personnes de parcourir « la moitié du monde pour avoir un prosélyte » et pour le rendre « esclave ». Et ainsi, « ce peuple si organisé, cette Église si organisée, rend esclaves ». Au point que « l’on comprend comment réagit Paul, quand il parle de l’esclavage de la loi et de la liberté que te donne la grâce ». Car « un peuple est libre, une Église est libre quand ils ont une mémoire, quand ils laissent de la place aux prophètes, quand ils ne perdent pas l’espérance ». « Que le Seigneur nous enseigne cette leçon, également pour notre vie », a souhaité François en conclusion, en suggérant de se demander à soi-même au cours d’un véritable examen de conscience : « Ai-je mémoire des merveilles que le Seigneur a faites dans ma vie ? Ai-je mémoire des dons du Seigneur ? Et, à la fin : « Ai-je l’espérance dans les promesses de Dieu, comme l’a eue notre père Abraham, qui sortit de sa terre sans savoir où il allait, seulement parce qu’il espérait en Dieu ? ».

 



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