PAPE FRANÇOIS
MÉDITATION MATINALE EN LA CHAPELLE DE LA
MAISON SAINTE-MARTHE
Vendredi 29 janvier 2016
(L'Osservatore Romano, Édition hebdomadaire n° 4 du 28 janvier 2016)
Du péché à la corruption
Une prière pour toute l’Église, afin qu’elle ne tombe jamais du péché à la corruption, a été reproposée par le Pape durant la Messe. En se référant à la première lecture — extraite du livre de Samuel (11, 1-4.5-10.13-17) — François a tout de suite fait remarquer : « Nous avons écouté ce péché de David, ce grave péché du saint roi David. Car David est saint, mais aussi pécheur, il a été pécheur ». Le récit biblique, « nous fait voir un David un peu à son aise, un peu tranquille, pas dans le bon sens du terme ». Si bien qu’« un jour, en fin d’après-midi, après la sieste, tandis qu’il faisait sa promenade sur la terrasse du palais, il voit cette femme et éprouve de la passion, la tentation de la luxure et tombe dans le péché ». La femme était Bethsabée, femme d’Urie le Hittite. Il s’agit donc d’« un péché ». Et Dieu « aimait beaucoup David ». Par la suite, « les choses se sont compliquées car, après quelque temps, la femme lui fait savoir qu’elle est enceinte ». Son mari « combattait pour le peuple d’Israël, pour la gloire du peuple de Dieu ». Tandis que « David a trahi la loyauté de ce soldat pour la patrie, il a trahi la fidélité de cette femme à l’égard de son mari et est tombé très bas ». Et « quand il a su que la femme était enceinte qu’a-t-il fait ? Est-il allé prier, demander pardon ? ». Il a convoqué « le mari de la femme et l’a fait se sentir important ». Et en le remerciant, « il lui a fait remettre un joli cadeau », en lui recommandant d’aller chez lui se reposer. De cette façon, David voulait couvrir l’adultère : ce fils aurait été le fils du mari de Bethsabée ». Mais « cet homme, Urie était une personne noble d’esprit, il avait beaucoup d’amour et ne rentra pas chez lui : il pensa à ses compagnons, il pensa à l’arche de Dieu sous les tentes, parce qu’ils portaient l’arche, et passa la nuit avec ses compagnons, avec les serviteurs, et n’alla pas tout de suite chez sa femme ». Ainsi, « quand l’on avertit David — car tout le monde connaissait l’histoire, les bruits courent — imaginez un peu! ». Alors, « David l’invita à manger et à boire avec lui, en lui demandant — et ici le texte est un peu réduit — “mais pourquoi n’es-tu pas allé chez toi ?” ». Et la réponse de l’homme fut : « Pourrais-je me permettre, alors que mes compagnons sont sous les tentes, l’arche de Dieu est sous une tente, en lutte contre l’ennemi, d’aller chez moi manger, boire, et me reposer auprès de ma femme ? Non! Je ne peux pas faire cela ». Et ainsi « écrivit-il une lettre, comme nous l’avons entendu : “Mettez Urie au commandement, sur le front de la bataille la plus dure, puis écartez-vous de lui, afin qu’il soit frappé et meure” ». En un mot, il s’agit d’une « condamnation à mort : cet homme, fidèle — fidèle à la loi, fidèle à son peuple, fidèle à son roi — est condamné à mort ». « Je me demande en lisant ce passage : où est passé ce David, jeune homme courageux qui va vers le Philistin avec sa fronde et les cinq pierres et lui dit : “Ma force est le Seigneur” ». La réalité est que « cet homme a changé, cet homme s’est ramolli ». Et « il me vient à l’esprit un passage du prophète Ezéchiel, chapitre 16, verset 15, quand Dieu parle à son peuple comme un époux à sa femme, et dit : “Mais après que je t’ai donné tout cela, tu t’es fiée de ta beauté et en profitant de ta réputation, tu t’es prostituée. Tu t’es sentie sûre et tu m’as oublié” ». Et c’est précisément ce qui s’est passé avec David à ce moment-là ». « C’est un moment dans la vie de David que nous pourrions appliquer à la nôtre : c’est le passage du péché à la corruption ». Ici, « David commence, il fait le premier pas vers la corruption : il obtient le pouvoir, la force ». C’est pour cela que « la corruption est un péché plus facile pour nous tous qui avons un pouvoir, que ce soit un pouvoir ecclésiastique, religieux, économique, politique ». Mais « le Seigneur aimait tant David, tellement qu’il envoya quelqu’un refléter son âme : il envoya le prophète Nathan pour refléter son âme ; et il s’est repenti, il a pleuré — “j’ai péché” — et il s’en rendit compte ». « Je voudrais aujourd’hui souligner seulement cela : il y a un moment où l’habitude du péché ou un moment où notre situation est tellement sûre, où nous sommes bien vus et avons un grand pouvoir, beaucoup d’argent, je ne sais pas, tant de choses ». Cela peut également « nous arriver à nous, prêtres : si bien que le péché cesse d’être péché et devient corruption. Le Seigneur pardonne toujours. Mais une des choses les plus laides de la corruption est que le corrompu n’a pas besoin de demander pardon, il ne le ressent pas ». Le Pape a ensuite invité à prier : « Seigneur, sauve-nous, sauve-nous de la corruption. Pécheurs oui, Seigneur, nous le sommes tous, mais corrompus, jamais! ».
Copyright © Dicastero per la Comunicazione - Libreria Editrice Vaticana