PAPE FRANÇOIS
MÉDITATION MATINALE EN LA CHAPELLE DE LA
MAISON SAINTE-MARTHE
Lundi 23 mars 2015
(L'Osservatore Romano, Édition hebdomadaire n° 4 du 2 avril 2015)
Trois femmes et trois juges
«Là où il n’y a pas de miséricorde, il n’y a pas de justice». Encore aujourd’hui, c’est le peuple de Dieu qui fait les frais du manque de miséricorde, qui souffre lorsqu’il rencontre «des juges affairistes, vicieux et rigides», même dans l’Eglise qui est «sainte, pécheresse, indigente». François a tout de suite remarqué que les lectures proposées par la liturgie — extraites du livre de Daniel (13, 1-9,15-17, 19-30.33-62) et de l’Evangile de Jean (8, 1-11) — «nous font voir deux jugements envers deux femmes». Mais, a-t-il ajouté, «je me permets de rappeler un autre jugement qui concerne une femme: celui que Jésus nous raconte au chapitre 18 de saint Luc». Ainsi, «il y a trois femmes et il y a trois juges: une femme innocente, Susanne; une autre, pécheresse, l’adultère; et une troisième, celle de l’Evangile de Luc, une pauvre veuve». Et «toutes les trois, selon certains Pères de l’Eglise, sont des figures allégoriques de l’Eglise: l’Eglise sainte, l’Eglise pécheresse, et l’Eglise indigente, parce que les veuves et les orphelins étaient les plus indigents à cette époque». En revanche, «les trois juges sont mauvais, tous les trois». Et, a-t-il poursuivi, «j’ai à cœur de souligner cela: à l’époque, le juge n’était pas seulement un juge civil: il était civil et religieux, il était les deux en même temps, il jugeait les faits religieux et également civils». Ainsi, «tous les trois étaient corrompus; ceux qui ont amené à Jésus la femme adultère, les scribes, les pharisiens, ceux qui faisaient la loi et qui rendaient également les jugements, avaient dans leur cœur la corruption de la rigidité». Pour eux en effet, «tout était lettre de la loi, ce que disait la loi, ils se sentaient purs: la loi dit cela et l’on doit faire cela... ». Mais «ceux-là n’étaient pas saints; ils étaient corrompus, corrompus car une rigidité du genre ne peut s’appliquer qu’à une double vie». Sans doute que ces mêmes personnes qui «condamnaient ces femmes allaient ensuite les voir par derrière, en cachette, pour s’amuser un peu». Et il faut souligner que «les rigides sont — en utilisant l’adjectif que leur attribuait Jésus — hypocrites: ils mènent une double vie. Avec la rigidité, on ne peut même pas respirer». En se référant en particulier au passage du livre de Daniel, ont voit que bien sûr, «ces deux hommes [qui accusèrent injustement Susanne] n’étaient pas saints non plus». Et «Daniel, que l’Esprit Saint a appelé à prophétiser, les appelle “hommes vieillis dans le mal”». En définitive, ces deux-là «étaient des juges vicieux, ils avaient la corruption du vice, dans ce cas la luxure». Et «l’on dit que lorsqu’il y a ce vice de la luxure, il devient plus féroce avec les années, plus mauvais». Ces deux juges étaient donc «corrompus par les vices». Et «du troisième juge, Jésus dit qu’il ne craignait pas Dieu et ne se préoccupait de personne: rien ne lui importait, mis à part lui-même». Il était, en un mot, «un affairiste, un juge qui par son métier de juger, faisait des affaires». Et c’était pour cela «un corrompu, un corrompu pour l’argent, le prestige». Le problème de fond est que ces trois personnes — aussi bien l’ «affairiste» que «les vicieux» et «les rigides» — «ne connaissaient pas un mot: ils ne connaissaient pas la signification de la miséricorde». Car «la corruption les emmenaient loin de la compréhension de la miséricorde», du fait d’«être miséricordieux». En revanche, «la Bible nous dit que le jugement juste réside dans la miséricorde». Et ainsi «les trois femmes — la sainte, la pécheresse et l’indigente — souffrent de ce manque de miséricorde». Mais cela vaut «aujourd’hui également». Et «le peuple de Dieu» qui, «lorsqu’il rencontre ces juges, souffre d’un jugement sans miséricorde, aussi bien dans la sphère civile qu’ecclésiastique», en fait l’expérience. Du reste, «là où il n’y a point de miséricorde, il n’y a point de justice». Et ainsi, «lorsque le peuple de Dieu s’approche volontairement pour demander pardon, pour être jugé, il rencontre ô combien de fois, ô combien de fois l’un d’entre eux». Il rencontre «les vicieux», par exemple, «qui sont là, capables également de tenter de les exploiter», et cela «est l’un des péchés les plus graves». Mais il trouve malheureusement aussi «les affairistes», auxquels «rien n’importe et qui ne donnent pas d’oxygène à cette âme, ils ne donnent pas d’espoir: cela ne leur importe pas». Et il trouve «les rigides, qui punissent chez les pénitents ce qu’ils cachent dans leur âme». Par conséquent voilà «l’Eglise sainte, pécheresse, indigente, et les juges corrompus: qu’ils soient affairistes, vicieux, rigides». Et «cela s’appelle le manque de miséricorde».
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