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Congrégations générales 12 - 18 octobre 2023
Témoignage
Participation, responsabilité et autorité
Le rôle de l’évêque
Mgr Alexandre Joly
Évêque de Troyes
Chers frères et sœurs en Christ,
Lorsque le nonce apostolique en France m’a annoncé que le Pape François m’avait nommé évêque de Troyes en Champagne, comme il n’était pas à Paris et n’avait pas avec lui le dossier de la nomination de l’évêque de Troyes, il ne m’a transmis que deux éléments avant de demander mon acceptation. Le premier point était la difficulté financière du diocèse qui nécessitait des choix audacieux. Le second point concernait l’installation liturgique ; augurant que cette célébration aurait lieu au mois de janvier, il m’avait prévenu que la cathédrale serait très froide. Il ne s’était pas trompé ! Au-delà du froid glacial qui a saisi tous ceux qui étaient venus prier dans cette magnifique cathédrale Saint Pierre et Saint Paul, il me fallait affronter la question financière.
En arrivant à Troyes, j’ai trouvé sur mon bureau un audit financier qui invitait à quelques décisions courageuses pour inverser l’équilibre financier et ouvrir une perspective d’avenir. Une première décision majeure devait être prise, modifier l’avenir d’un ensemble immobilier conséquent dont la gestion financière aggravait le déficit chaque année depuis plus de vingt ans et qui allait nécessiter des travaux conséquents. L’auteur de l’audit m’avait invité à prendre la décision de vendre le bâtiment dès mon arrivé, « pour montrer que c’était bien moi le patron ». Eh bien, finalement…
L’avenir de ce bâtiment religieux, dont l’histoire remonte au XIIIe siècle, récupéré par le diocèse après la Seconde Guerre Mondiale, suscitait beaucoup d’émotion et les avis à ce sujet étaient aussi différents qu’irréconciliables. Le choix concernant finalement l’ensemble du diocèse, il me semblait indispensable que la décision soit construite ensemble, même si j’assumerai la décision finale. Nous connaissons l’adage : « Ce qui concerne tous doit être examiné par tous ».
Pour ce faire, j’ai pris des conseils extérieurs pour bien construire le travail ensemble ; parmi les conseils qui m’avaient été donnés, celui de ne pas mettre les questions économiques sur la table mais de travailler les attentes, les espoirs, de donner la possibilité d’exprimer les peurs et les craintes, et surtout de construire un vrai projet pastoral.
J’ai réuni un groupe de chrétiens avec des compétences différentes, sous la conduite d’une femme que je pressentais capable de conduire une équipe et d’assumer un projet à plusieurs. Ce groupe a travaillé d’arrache-pied pour établir plusieurs scénarios possibles et réalistes en vue de construire une nouvelle maison diocésaine, dans les bâtiments actuels ou dans un autre lieu. Elle avait pour mission de prendre en compte en premier lieu la dimension pastorale, mais également la dimension économique et l’inévitable réalisme immobilier. Cette commission a pu présenter des propositions concrètes, en précisant les conséquences immobilières et financières.
Ensuite, j’ai invité tous les chrétiens du diocèse à la présentation de ces scénarios. Suivant les conseils qui m’avaient été donnés, j’ai donné une vision du travail ensemble et de la vie diocésaine. Ensuite, les chrétiens se sont retrouvés ensemble, prêtres, diacres, consacrés, religieux et laïcs pour répondre à la question : « Que souhaite vivre et dire l’Église qui est dans l’Aube – le département qui correspond aux limites du diocèse de Troyes – aux gens du 21ème siècle à travers sa maison diocésaine ? » Pour étendre le discernement, chaque paroisse, chaque communauté, chaque groupe chrétien pouvait récupérer les éléments de présentation pour prolonger le discernement dans les différents lieux du diocèse.
Cela a permis de mettre en lumière les priorités, les attentes, un projet pastoral concret et enthousiasmant. La présentation du fruit de ce travail de discernement ainsi que toutes les contributions étaient accessibles. Ensuite, j’ai réuni une nouvelle commission composée de personnes avec des visions complètement différentes mais capables de travailler ensemble. En travaillant le discernement final avec cette dernière commission, j’ai été stupéfait : la première personne qui a pris la parole était une des grands défenseurs de la conservation du bâtiment à tout prix ; elle a exprimé sa conviction ainsi : « Je tiens énormément à ce bâtiment, j’étais convaincu qu’il fallait le garder coûte que coûte ; cependant, avec le travail de discernement, il m’apparaît évident qu’il faut établir la maison diocésaine dans un autre lieu si l’on veut que l’Église vive et ose un nouveau chemin de conversion pastorale aujourd’hui, un projet plus humble, joyeux, communautaire, une maison qui respire la vie ». L’ensemble de la commission a été unanime. Cela m’a permis de prendre la décision paisiblement, avec le consentement des conseils et collèges prévus par le droit canonique. Même si un petit groupe s’est montré opposé à la décision, d’une part la décision a été évidente et non pas le fruit de mon seul jugement personnel, mais surtout elle a été acceptée par l’ensemble des fidèles qui disaient : certes, nous regrettons abandonner ce lieu, mais nous comprenons pourquoi et cette décision nous donne de l’enthousiasme pour ce que vit et construit notre Église aujourd’hui. Le bâtiment sera vendu à la Ville afin de prolonger sa vocation de lieu d’enseignement et de mise en valeur du patrimoine.
Je vous partage également une nouveauté dans mon diocèse. En consultant les prêtres, les diacres, et différents responsables laïcs du diocèse pour savoir quel nouveau vicaire général choisir, certaines réponses voyaient un diacre ou un laïc comme vicaire général, ce que ne permet pas le droit canonique. Ce dernier signe m’a convaincu d’appeler une autre personne aux côtés du vicaire général, une déléguée générale. Le conseil de l’évêque ou conseil épiscopal, comportait déjà avec deux prêtres, un diacre et deux femmes ; mais il me semblait que le temps était venu d’aller plus loin.
Le diocèse vivant déjà de belles expériences de coresponsabilité et aspirant à poursuivre sur ce chemin, une fidèle laïque étant récemment disponible et reconnue par tous pour son engagement et sa compétence au service du diocèse, j’ai nommé cette femme déléguée générale. Elle fait donc partie du trio exécutif, travaillant de concert avec le vicaire général, et en profonde communion avec moi. Elle assume aujourd’hui un rôle de modératrice de la Curie en ce qui concerne les services pastoraux du diocèse, et veille à la transformation pastorale et missionnaire du diocèse. La présence d’une femme à mes côtés, femme reconnue par tous et bien acceptée dans sa mission et sa responsabilité, apporte un très beau regard dans la conduite du diocèse. L’articulation entre le vicaire général et la déléguée générale se construit petit à petit. Cela permet une précieuse circularité entre nous trois, même si chacun a sa propre mission et son propre degré de responsabilité.
Je vous remercie.