DICHIARAZIONE DEL VESCOVO DI GIKONGORO IN MERITO ALLE APPARIZIONI DI KIBEHO (RWANDA) Vingt ans déjà vont s'écouler depuis que le dossier des apparitions de Kibeho est à l'étude. En effet, ces phénomènes insolites ont commencé dans la journée du 28 Novembre 1981, au collège de Kibeho.
Leur durée dans le temps a été remarquablement longue. Beaucoup de paroles ont été dites par les voyants présumés, et bien des faits plus ou moins mystérieux se sont passés au fil des années. Mais le phénomène de prolifération des présumés voyants dans la région même de Kibeho comme à travers le pays avait réellement de quoi dérouter l'opinion publique.
Deux commissions d'étude, celle des médecins et celle des théologiens, furent créées assez tôt par l'évêque du lieu; elles étaient à pied d'oeuvre depuis Avril 1982.
A la date du 15 Août 1988, l'évêque du lieu jugea opportun d'approuver un culte public en rapport avec les apparitions de Kibeho. Mais tout en reconnaissant la légitimité d'un tel culte, il a laissé volontairement en suspens au moins deux questions importantes, dont la solution était pourtant capitale pour l'avenir :
- La Vierge Marie ou Jésus sont-ils apparus à Kibeho comme des voyants présumés le disent?
- Si oui, quel voyant ou voyante pourrait-on reconnaître, étant donné le grand nombre de personnes qui, au fil des jours, ont commencé à prétendre être favorisées de visions et de messages venus du ciel?
L'état d'avancement des travaux des commissions d'étude offre maintenant assez d'éléments permettant à l'autorité ecclésiastique compétente de se prononcer définitivement à ce sujet.
C'est pour quoi Mgr Augustin MISAGO, évêque de Gikongoro, qui représente cette autorité, vient de rendre publique sa DÉCLARATION PORTANT JUGEMENT DÉFINITIF SUR LES APPARITIONS DE KIBEHO (Rwanda). Cet événement important dans l'histoire du diocèse de Gikongoro comme dans la vie de l'Eglise au Rwanda eut lieu le 29 Juin 2001, en la solennité des saints Apôtres Pierre et Paul, au cours d'une messe solennelle concélébrée à la cathédrale de Gikongoro.
Tous les évêques catholiques du Rwanda et le Nonce Apostolique à Kigali étaient présents, entourés par de nombreux prêtres, religieux, religieuses et fidèles laïcs venant des différentes paroisses et communautés religieuses du diocèse de Gikongoro, mais aussi d'autres diocèses du pays.
Mgr Augustin MISAGO, qui présidait la messe, a lu lui-même devant l'assemblée la Déclaration fort attendue, mais seulement les passages les plus significatifs, par souci de brièveté. En effet, ce texte de 23 pages sur format in quarto comprend trois parties ou chapitres.
La première partie (pages 1-10) consiste dans un bref exposé des faits, où l'évêque fixe d'abord quelques repères historiques, pour présenter ensuite les éléments du message, et enfin montrer en quel sens les apparitions de Kibeho ont quand même porté des fruits, et de bons fruits, malgré les temps troubles que le Rwanda et le reste des pays de notre région des Grands Lacs ont connu durant cette décennie.
La deuxième partie du document (p. 11-19), qui en est le coeur, commence par un rappel des différentes initiatives déjà prises par Mgr Augustin MISAGO, premier évêque de Gikongoro, en vue de promouvoir toujours davantage le culte public autorisé en 1988 sur le lieu des apparitions par son prédécesseur, Mgr Jean Baptiste Gahamanyi, évêque du diocèse de Butare dont Kibeho faisait partie d'abord. Après un aperçu sur les nouvelles étapes des travaux des commissions, l'Evêque déclare que le dossier est déjà mûr et que donc le moment est venu de publier les conclusions considérées comme fermes, et qu'il résume en seize points. Voici quelques affirmations - clef qui conditionnent tout le reste. L'évêque déclare notamment:
" 1°. Oui, la Vierge Marie est apparue à Kibeho dans la journée du 28 Novembre 1981 et au cours des mois qui ont suivi. Il y a plus de bonnes raisons d'y croire que de le nier. A cet égard, seules les trois voyantes du début méritent d'être retenues comme authentiques; il s'agit de Alphonsine MUMUREKE, Nathalie MUKAMAZIMPAKA, et Marie Glaire MUKANGANGO. La Vierge s'est manifestée à elles sous le vocable de "Nyina wa Jambo", c'est-à-dire "Mère du Verbe" : ce qui est synonyme de "Umubyeyl w'Imana", c'est-à-dire "Mère de Dieu", comme elle l'a expliqué.
" 2°. Plusieurs motifs justifient le choix des trois voyantes maintenant reconnues. Ces trois voyantes, dont le lien historique qui les unit entre elles est bien établi, ont occupé seules la scène durant plusieurs mois, au moins jusqu'en Juin 1982. De plus, ce sont elles qui ont fait parler de Kibeho comme d'un lieu d'apparitions et de pèlerinages, et qui ont fait courir des foules pour cela jusqu'à la fin de ces événements. Mais par dessus tout, c'est Alphonsine, Nathalie et Marie Claire qui répondent avec satisfaction aux critères établis par l'Eglise en matière d'apparitions et de révélations privées. Par contre, l'évolution de présumés voyants postérieurs, surtout depuis la fin de leurs apparitions, laisse apparaître des situations personnelles bien précises et plus ou moins inquiétantes qui viennent renforcer des réserves déjà existant à leur sujet et dissuader l'autorité de l'Eglise de les proposer aux fidèles comme une référence.
" 3°. Dans l'appréciation des faits et messages, seules les apparitions publiques sont à prendre en considération. Sont publiques les apparitions qui ont eu lieu en présence de plusieurs témoins, ce qui ne veut pas dire nécessairement une foule.
Le temps fort de ces apparitions s'est terminé avec l'année 1983. Tout le reste qui s'est dit ou fait après cette date à Kibeho n'a en vérité apporté rien de nouveau par rapport à ce qui était déjà connu auparavant, que ce soit au point de vue des messages ou bien des signes de crédibilité. Même dans le cas d'Alphonsine, qui a pourtant continué d'attirer du monde jusqu'à la fin des ses apparitions.
" 4°. Les deux premières années d'apparitions à Kibeho (1982 et 1983) constituent donc véritablement la période décisive pour quiconque voudrait connaître ce qui s'est passé et se former un jugement là-dessus. C'est en effet au cours de cette période que se sont produits des événements significatifs, qui ont fait tant parler de Kibeho et courir des foules. C'est aussi dans cette période que des éléments essentiels du message de Kibeho ont été communiqués, puis récapitulés, et qu'il y eut la fin des apparitions pour la plupart des voyants du début.
" 5°. Dans les cas des trois voyantes retenues, qui sont finalement à l'origine de la célébrité de Kibeho, il n'y a rien qui a été dit ou fait par elles pendant les apparitions qui soit contraire à la foi ou à la morale chrétienne. Leur message rejoint avec satisfaction les Ecritures Saintes et la Tradition vivante de l'Eglise. ..."
Les présumées apparitions de Jésus signalées également à Kibeho à partir de Juillet 1982 ne sont pas prises en considération dans cette Déclaration pour diverses raisons, notamment le fait que les prétendus voyants de Jésus bien connus des pèlerins de Kibeho ont fini par évoluer de façon plutôt préoccupante. En revanche, au sujet des trois premières voyantes de la Vierge Marie, "aucune objection décisive n'a été formulée contre les apparitions; les arguments en faveur de leur caractère surnaturel paraissent très sérieux, et le recul des années n'a fait que rendre ces arguments plus impressionnants".
"La reconnaissance ou la négation de l'authenticité d'une apparition n'est point couverte par l'infaillibilité; elle repose plus sur des preuves de probabilité que sur des arguments apodictiques". Dans le domaine des apparitions il n'y a donc pas de certitude absolue pour les témoins, sauf peut-être pour le voyant lui-même. Et là encore! C'est dans cet esprit qu'il convient d'interpréter le jugement définitif porté maintenant sur les apparitions de Kibeho. La reconnaissance de ces apparitions ne saurait être confondue avec un article de foi: pour cette raison chaque chrétien demeure libre d'y adhérer.
"Une apparition reconnue, qui renforce la vie de foi et de prière est certainement une aide puissante pour les pasteurs d'âmes, mais le message lié à cette apparition n'est pas une révélation nouvelle; c'est plutôt un rappel de l'enseignement ordinaire de l'Eglise, tombé dans l'oubli".
La troisième partie de la Déclaration (p.20-23) consiste dans un ensemble de directives pastorales qui indiquent aux fidèles une ligne de conduite à tenir dans ce domaine. Surtout en ce qui regarde l'exercice même du culte marial public en rapport avec les apparitions de Kibeho maintenant reconnues de façon officielle. Ces instructions pratiques reprennent en partie celles que Mgr Jean Baptiste Gahamanyi avait déjà formulées dans ses trois lettres pastorales, bien connues, sur les événements de Kibeho; mais l'évêque de Gikongoro les complète en y ajoutant d'autres, jugées opportunes dans les circonstances actuelles.
Le nom donné au sanctuaire marial de Kibeho est "Sanctuaire de Notre-Dame des Douleurs", comme l'évêque l'a déjà préconisé à l'occasion de la pose de la première pierre, le 28 Novembre 1992, et repris dans son message du 15 Septembre 1996, avec de plus amples explications.
"Que Kibeho devienne donc sans tarder un but de pèlerinages et de rendez-vous pour les chercheurs de Dieu, qui y vont pour prier; un haut-lieu de conversions, de réparation du péché du monde, et de réconciliation; un point de ralliement pour "ceux qui étaient dispersés", comme pour ceux qui sont épris des valeurs de compassion et de fraternité sans frontières; un haut-lieu qui rappelle l'Evangile de la Croix." (un passage de la Déclaration).
La Déclaration portant jugement définitif sur les apparitions de Kibeho permet de clarifier toute une situation demeurée longtemps ambiguë pour bien des fidèles, comme pour l'opinion publique non seulement à Kibeho même, mais encore dans l'ensemble du pays. «Dans la foulée des célébrations du Grand Jubilé de l'An 2000 de la Rédemption et du Centenaire de l'évangélisation du Rwanda, cette Déclaration permet de répondre aux attentes du peuple de Dieu et de donner un nouvel élan au culte public reconnu depuis 13 ans déjà».
Une brochure du texte intégral imprimé, en kinyarwanda et en français, sera bientôt disponible à l'économat diocésain de Gikongoro.
Fait à Gikongoro, le 29 Juin 2001.
Abbé Ignace Mboneyabo, Chancelier du diocèse.
[01118-03.01] [Texte original: Français]