PAPE FRANÇOIS
MÉDITATION MATINALE EN LA CHAPELLE DE LA
MAISON SAINTE-MARTHE
Des logiques comparées
Jeudi 8 novembre 2018
(L'Osservatore Romano, Édition hebdomadaire n°048 du 27 novembre 2018)
Tout compte fait, mieux vaut perdre la brebis égarée de la célèbre parabole évangélique et garder bien précieusement les quatre-vingt-dix-neuf autres, notamment parce qu’aller la chercher de nuit est très risqué. Aux calculs sans miséricorde du monde, très répandus également dans les paroisses et dans les diocèses à travers beaucoup de murmures qui réduisent au silence les vrais témoignages, Jésus oppose sa logique qui, en revanche, prévoit précisément de risquer pour retrouver la brebis égarée. En célébrant la Messe, le Pape a reproposé précisément «la logique de l’Evangile contraire à la logique du monde».
«Cette rencontre de Jésus ou ce conflit avec les chefs, les docteurs de la loi, nous en dit long: sur eux et sur Jésus», a immédiatement observé François, en se référant au passage de l’Evangile de Luc (15, 1-10) proposé par la liturgie. «Mais nous pouvons nous arrêter sur trois mots: le témoignage, le murmure et la question», a-t-il suggéré pour introduire sa méditation. «Jésus apporte un témoignage: une chose nouvelle pour cette époque, parce qu’aller voir les pécheurs te rendait impur, comme toucher un lépreux». Mais devant ce témoignage, «les docteurs de la loi s’éloignaient: “Celui-ci est un pécheur, je ne dois pas le toucher, parce que si je le touche, je deviens impur”». En revanche, «Jésus apporte un témoignage en allant les voir».
«Le témoignage dans l’histoire n’a jamais été une chose facile tant pour les témoins — très souvent ils paient par le martyre — que pour les puissants». «Témoigner signifie rompre une habitude, une façon d’être: rompre en mieux, changer» cette habitude. «C’est pourquoi l’Eglise va de l’avant au moyen du témoignage».
«Ce témoignage de Jésus, que provoque-t-il?». La réponse réside dans le deuxième mot proposé: il provoque «les rumeurs». «Ces rumeurs, ce péché de la rumeur est quotidien, tant dans les petites choses que dans les grandes». Oui, «dans notre propre vie aussi, combien de fois nous retrouvons-nous à murmurer parce que nous n’aimons pas ceci ou cela». Une façon de murmurer, «chose que nous faisons», que «l’on fait dans les petites sociétés, dans la paroisse : quand on murmure dans les paroisses en disant tant de choses!». Il suffit «d’un témoignage qui ne me plaît pas ou d’une personne qui ne me plaît pas, et aussitôt se déclenche le murmure». Et «dans les diocèses ? Les luttes “interdiocésaines”, les luttes internes des diocèses: vous connaissez cela».
Le murmure a lieu «aussi dans la politique et cela est laid: quand un gouvernement n’est pas honnête, il cherche à salir ses adversaires avec les murmures. Que ce soit la diffamation, la calomnie, il cherche toujours» à utiliser ces moyens. Le Pape a poursuivi: «Et vous qui connaissez bien les gouvernements dictatoriaux, parce que vous avez vécu cela, que fait un gouvernement dictatorial? Il prend d’abord en main» les moyens «de communication par une loi et après il commence à lancer des rumeurs, à opprimer tous ceux qui sont un danger pour le gouvernement».
«Le murmure est une échappatoire pour ne pas regarder la réalité, pour ne pas permettre que les gens pensent: tout se cache avec le murmure». Et cela «Jésus le sait, mais Jésus est bon, Jésus est miséricordieux et au lieu de les condamner pour le murmure, il donne une possibilité». Et «c’est le troisième mot» que François a proposé: «la question».
En substance, Jésus «utilise la même méthode qu’utilisent» ses interlocuteurs, mais si «ensuite nous verrons la différence», et ainsi «il leur raconte cette parabole, directement adressée à eux: “Qui d’entre vous, ayant cent brebis...”. Voilà l’histoire, comme pour dire: “comprenez bien, qui de vous ne garde pas tout le troupeau, même la brebis qui s’est perdue, celle qui est restée au loin, qui d’entre vous est capable de laisser les quatre-vingt-dix-neuf et d’aller chercher dans l’obscurité, au crépuscule, celle qui s’est perdue?”».
En écoutant la parabole de Jésus, «la chose évidente, la chose normale, serait qu’ils comprennent». «Jésus est intelligent en leur posant la question», parce qu’«il entre dans leur casuistique mais les laisse dans une position différente par rapport à celle juste: “Qui d’entre vous?”. Et personne ne dit: “Oui, c’est vrai”. Mais tous: “Non, non, moi je ne le ferai pas”». Et c’est pour cela qu’ils «sont incapables de pardonner, d’être miséricordieux, de recevoir».
«Et il y a un autre mot: la joie». Parce qu’il «y a la joie, la fête, mais ces gens ne connaissent pas la joie: tous ceux qui suivent la route des docteurs de la loi ne connaissent pas la joie de l’Evangile». Le Pape a conclu en souhaitant «que le Seigneur nous fasse comprendre cette logique de l’Evangile contraire à la logique du monde».
Copyright © Dicastero per la Comunicazione - Libreria Editrice Vaticana