PAPE FRANÇOIS
MÉDITATION MATINALE EN LA CHAPELLE DE LA
MAISON SAINTE-MARTHE
Vendredi 20 mai 2016
(L'Osservatore Romano, Édition hebdomadaire n° 22 du 2 juin 2016)
Dieu n’est pas une équation
« Aujourd’hui, huit couples qui célèbrent leur cinquantième anniversaire de mariage assistent à cette Messe — c’est un vrai témoignage en cette époque de la culture du provisoire —, de même qu’un couple qui célèbre son vingt-cinquième anniversaire ». C’est précisément à eux que le Pape a offert la Messe, proposant lors de l’homélie une réflexion sur le mariage pour rappeler que témoigner la vérité signifie aussi avoir de la compréhension pour les personnes. La scène racontée dans l’Évangile de Marc (10, 1-12) attire tout de suite l’attention : « Partant de là, il vient dans le territoire de la Judée et au-delà du Jourdain, et de nouveau les foules se rassemblent auprès de lui et, selon sa coutume, de nouveau il les enseignait ». Toutefois, précise l’évangéliste Marc, il y avait aussi, « de l’autre côté, ce petit groupe de pharisiens, des sadducéens, de docteurs de la loi, qui s’approchaient toujours de Jésus avec de mauvaises intentions ». Ces personnes « étaient détachées du peuple de Dieu : c’était un petit groupe de théologiens illuminés qui croyaient détenir toute la science et la sagesse ». Mais « à force de cuisiner leur théologie, ils étaient tombés dans la casuistique et ne pouvaient pas sortir de ce piège ». Au point de répéter continuellement : « On ne peut pas, on ne peut pas ! ». Jésus parle de ces personnes « au chapitre 23 de Matthieu et les décrit bien ». « La question est le mariage ». Par « deux fois, dans l’Évangile, ce petit groupe » adresse une « question à Jésus sur le mariage ». En particulier, « les sadducéens, qui ne croyaient pas en la vie éternelle, ont présenté une question sur le lévirat », c’est-à-dire au sujet « de cette femme qui s’était mariée avec sept frères et qui finalement mourut : qui sera son mari dans l’au-delà ? ». Une question pensée précisément pour tenter de « ridiculiser Jésus ». Au contraire, l’autre question est la suivante : « Est-il licite de répudier une femme ? ». Mais « Jésus, dans les deux situations, ne s’arrête pas sur le cas particulier, il va plus loin : il va dans la plénitude du mariage ». « Dans le cas du lévirat, Jésus va dans la plénitude eschatologique : “Au ciel, il n’y aura ni mari, ni femme, ils vivront comme des anges de Dieu” ». Il est clair qu’« il ne se trompe pas, il ne cherche pas à faire belle figure face à eux : “Dieu les fit homme et femme” ». « C’est pour cela que l’homme quittera son père et sa mère et s’unira à sa femme et la femme quittera son père et sa mère et s’unira à son mari et tous deux deviendront une seule chair ». « Aussi bien dans le cas du lévirat que dans celui-ci, Jésus répond par la vérité éclatante, par la vérité contondante — telle est la vérité ! — par la plénitude, toujours ». Du reste, « Jésus ne négocie jamais la vérité ». Au contraire, « ce petit groupe de théologiens illuminés négociait toujours la vérité, en la réduisant à la casuistique ». Contrairement à Jésus qui lui, « ne négocie pas la vérité ». Toutefois, « Jésus est si miséricordieux, il est si grand que jamais, jamais, jamais il ne ferme la porte aux pécheurs ». On le comprend lorsqu’il leur demande : « Que vous a commandé Moïse ? Que vous a ordonné Moïse ? ». La réponse est que « Moïse a permis d’écrire un acte de répudiation ». Et « c’est vrai, c’est vrai ». Mais Jésus répond ainsi : « En raison de la dureté de votre cœur, il a écrit cette norme pour vous ». C’est pourquoi « Jésus laisse ici la porte ouverte au pardon de Dieu mais chez lui, aux disciples, il répète la vérité : “Celui qui répudie sa femme et en épouse une autre commet un adultère” ». Jésus « le dit clairement, sans mâcher ses mots : “Et si elle, ayant répudié son mari, en épouse un autre, elle commet un adultère” ». Jésus, « en rappelant Moïse, nous dit que la dureté du cœur existe, que le péché existe ». Mais « on peut faire quelque chose : le pardon, la compréhension, l’accompagnement, l’intégration, le discernement de ces cas ». Avec la conscience que « la vérité ne se vend jamais, jamais ». Nous devons marcher avec ces deux choses que Jésus nous enseigne : la vérité et la compréhension ». Et « cela ne se résout pas comme une équation mathématique », mais « dans sa propre chair : c’est-à-dire que moi, chrétien, j’aide cette personne, ces mariages qui sont en difficulté, qui sont blessés, sur le chemin qui rapproche de Dieu ». Il est « curieux » de noter que Jésus, « en parlant de la vérité, dit les paroles clairement : mais avec quelle délicatesse il traite les adultères ». Et ainsi, « à cette femme, qu’on a emmenée devant lui pour qu’elle soit lapidée, avec ô combien de délicatesse », il dit : « Femme, personne ne t’a condamnée, moi non plus, va en paix et ne pèche plus ! ». Et « avec quelle délicatesse Jésus traite la samaritaine, qui avait une longue histoire d’adultères », en lui disant : « appelle ton mari » et en la laissant dire : « je n’ai pas de mari ». En conclusion, « Jésus nous enseigne à avoir par notre cœur une profonde adhésion à la vérité et également par notre cœur une grande compréhension et un accompagnement de tous nos frères qui sont en difficulté ». Et « cela est un don : c’est ce qu’enseigne l’Esprit Saint, pas ces docteurs illuminés qui pour nous enseigner ont besoin de réduire la plénitude de Dieu à une équation casuistique ».
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