PAPE FRANÇOIS
MÉDITATION MATINALE EN LA CHAPELLE DE LA
MAISON SAINTE-MARTHE
Lundi 14 mars 2016
(L'Osservatore Romano, Édition hebdomadaire n° 11 du 17 mars 2016)
Je ne comprends pas mais j’ai confiance
Le sans-abri mort de froid à Rome, les quatre sœurs de Mère Teresa tuées au Yémen, les personnes qui tombent malades en terre des feux, les réfugiés abandonnés dans le froid: on trouve l’écho de plusieurs faits dramatiques récents dans la prière de François. « Seigneur, je ne comprends pas, je ne sais pas pourquoi cela arrive, mais j’ai confiance en toi » a-t-il dit. C’est « une belle prière », la seule possible et elle est aussi faite par les parents de tant d’enfants porteurs de handicap, atteints de maladies rares. Devant les nombreuses « vallées obscures » de notre temps, l’unique réponse possible est de se remettre à Dieu qui, rappelle l’Écriture, « ne laisse jamais son peuple seul ». En effet, « le Seigneur — a fait remarquer François en se référant au passage du livre de Daniel (13,1-9.15-17.19-30.33-62) — cherche à faire comprendre à son peuple qu’il est proche de lui, qu’il marche avec lui ». Et il le fait en l’expliquant avec ces mots : « Dis-moi, as-tu vu un peuple dont les dieux sont aussi proches que je le suis de toi ? Ecoute, je t’ai accompagné, j’ai marché depuis le début à côté de toi, je t’ai enseigné à marcher, comme un père avec son enfant ». « La proximité de Dieu à son peuple est le message que lui, le Père, veut nous donner ; mais le peuple ne réussit pas bien à le comprendre ». Même si nous sommes dans une « vallée obscure », « le Seigneur est avec nous dans ces moments ». Voilà « le message que la liturgie nous offre aujourd’hui avec l’histoire de Suzanne, cette femme juste qui est salie par le désir mauvais, par la luxure de ces juges ». En effet, « dans l’histoire, les juges courent toujours le danger de juger par intérêt : c’est une profession difficile ». Ainsi, lit-on dans l’Écriture, « cette femme est calomniée par deux juges âgés » qui sont « tentés par la luxure ». Et « elle n’a pas d’issue : ou elle pèche en faisant ce que les juges voulaient, ou elle subit la vengeance de ces hommes ».
Dans cette situation, voilà la prière de Suzanne au Seigneur : « Dieu éternel, qui connaît les secrets, qui connaît les choses avant qu’elles arrivent, tu sais qu’ils ont déclaré des choses fausses contre moi. Je meurs innocente à cause de ceux qui de manière inique ont tramé contre moi ». Donc, « même si je suis dans une vallée obscure, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi : cela est l’expérience de Suzanne ». C’est la même expérience que nous faisons nous aussi aujourd’hui, en voyant « tant de vallées obscures, tant de malheurs, tant de gens qui meurent de faim, à cause de la guerre, tant d’enfants porteurs de handicap ». Et si « tu demandes aux parents : “Quelle maladie a-t-il ?” », leur réponse est : « Personne ne le sait : on l’appelle “maladie rare” ». Et « c’est ce que nous faisons avec les choses qui nous concernent : pensons aux tumeurs en terre des feux ». En somme, « quand tu vois tout cela », c’est spontanément qu’on se pose la question : « Où est le Seigneur ? Où es-tu ? Marches-tu avec moi ? ». Voilà précisément « quel était le sentiment de Suzanne et qui est aujourd’hui le nôtre ». Le Pape a poursuivi en rappelant les sœurs de la congrégation de mère Teresa tuées au Yémen : « Tu vois ces quatre sœurs assassinées: mais elles servaient par amour, et elles ont fini assassinées par haine ! ». Et pas seulement. « Quand tu vois que l’on ferme les portes aux réfugiés et qu’on les laisse dehors, à l’air libre, avec le froid », la question revient : « Seigneur où es-tu ? Comment puis-je avoir confiance en toi, si je vois toutes ces choses ? ». Et si ensuite « ces choses m’arrivent à moi, chacun de nous peut dire : mais comment puis-je avoir confiance en toi ? ». « Il n’y a qu’une réponse à cette question », a-t-il dit en soulignant: « On ne peut pas l’expliquer, non : je n’en suis pas capable. Pourquoi un enfant souffre-t-il ? Je ne sais pas: c’est un mystère pour moi. Seul Jésus au Gethsémani m’apporte un peu de lumière — pas à l’esprit, à l’âme — : “Père éloigne cette coupe. Mais que ta volonté soit faite” ». Donc, Jésus « se remet à la volonté du Père ; Jésus sait que tout ne finit pas avec la mort ou avec l’angoisse, et la dernière parole de la croix : “Père je me remets entre tes mains !”. Et il meurt ainsi ». C’est un véritable acte de foi que de « se remettre à Dieu qui marche avec moi, qui marche avec mon peuple, qui marche avec l’Église ». Alors « je me confie », en disant peut-être : « Je ne sais pas pourquoi cela arrive, mais j’ai confiance : toi tu sauras pourquoi ». Et « c’est l’enseignement de Jésus : celui qui se remet au Seigneur qui est notre pasteur ne manque de rien ».
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