PAPE FRANÇOIS
MÉDITATION MATINALE EN LA CHAPELLE DE LA
MAISON SAINTE-MARTHE
Lundi 20 avril 2015
(L'Osservatore Romano, Édition hebdomadaire n° 18 du 30 avril 2015)
De l’émerveillement au pouvoir
Le chrétien doit se garder de la «tentation» de passer de l’«émerveillement religieux de la rencontre avec le Seigneur» au calcul pour en profiter à des fins de pouvoir, cédant ainsi à l’esprit de mondanité. La réflexion du Pape s’est inspirée des textes proposés par la liturgie. En particulier l’extrait évangélique de Jean (6, 22-29) qui raconte comment la foule, par intérêt matériel, cherchait Jésus après la multiplication des pains et des poissons. Jésus débute sa mission par l’annonce. Puis il «commence à faire les miracles, les signes, les guérisons: ces guérisons que les gens regardaient» et ainsi «ils croyaient en lui et lui amenaient les malades». Mais «Jésus faisait cela parce que c’était sa mission». Voici donc «un autre extrait, les catéchèses de Jésus: il enseignait au peuple par les béatitudes, de nombreuses paraboles». Donc, «nous voyons trois extraits: l’annonce de sa mission, son travail d’apporter la santé, le bien, la guérison, et les catéchèses». Et «les gens le suivaient et disaient: “Jamais nous n’avons entendu un homme parler ainsi”». L’Evangile nous dit ensuite qu’«un jour les gens suivent Jésus et demeurent toute la journée à écouter sa catéchèse». Cependant, il «s’aperçut qu’ils étaient affamés et nous savons tous comment s’est finie cette histoire: il y avait cinq pains seulement et Jésus multiplie les pains et les gens s’émerveillent». Ainsi, «les miracles de Jésus, ses paroles, conduisaient les gens à l’émerveillement», au point de leur faire dire: «Mais cet homme est le prophète, c’est l’homme de Dieu!». Néanmoins, ces mêmes personnes, «après avoir été affamées, commencent à ressentir quelque chose d’autre». Et elles se disent ainsi: «Profitons de cet homme, profitons-en bien, faisons-le roi!». En effet, «de la stupéfaction religieuse, ils glissent vers le pouvoir». Quand il voit tous ces gens qui accourent, «Jésus les reçoit avec beaucoup de bonté». Ils lui demandent: «Rabbi, quand es-tu arrivé ici?». Et lui, toujours avec «beaucoup de bonté, leur répond: “En vérité, en vérité, je vous le dis, vous me cherchez, non pas parce que vous avez vu des signes — ce qui revient à dire, non pour l’émerveillement religieux qui te pousse à adorer Dieu — mais parce que vous avez mangé du pain et avez été rassasiés”». Il leur a dit en substance: «Vous me cherchez par intérêt matériel». Et ainsi «corrige-t-il cette attitude». Une attitude, toutefois, qui «se répète dans les Evangiles». «Nombre d’entre eux suivent Jésus par intérêt», même «certains de ses apôtres», comme «les enfants de Zébédée qui voulaient être premier ministre et l’autre ministre de l’économie: avoir le pouvoir». Par conséquent, «cette onction d’apporter la bonne nouvelle aux pauvres, la libération aux prisonniers, la vue aux aveugles, la liberté aux opprimés et d’annoncer un an de grâce, en s’obscurcissant, se perd et se transforme en une chose de pouvoir». Et de même, «le jour de l’Ascension, la même chose se produit», lorsque les apôtres demandent: «Est-ce le moment où tu reconstruiras Israël?». En somme, a expliqué le Souverain Pontife, «il y a toujours eu cette tentation de passer de cet émerveillement religieux — c’est le mot — qualifié ainsi par Jésus lors de sa rencontre avec nous, au fait d’en tirer profit». De cette façon en effet, l’on finit par devenir «chrétien de nom, de comportement extérieur, mais en ayant le cœur tourné vers l’intérêt». «Telle est notre tentation quotidienne: glisser vers la mondanité, vers les pouvoirs et ainsi s’affaiblit la foi, la mission. L’Eglise s’affaiblit». Le Seigneur toutefois «nous réveille par le témoignage des saints, par le témoignage des martyrs qui nous annoncent chaque jour qu’aller sur la route de Jésus signifie suivre sa mission: annoncer l’an de grâce». Avant de poursuivre la célébration, François a demandé dans la prière au Seigneur «avec lui présent sur l’autel», «qu’il nous donne cette grâce de l’émerveillement de la rencontre et qu’il nous aide aussi à ne pas sombrer dans l’esprit de mondanité, c’est-à-dire cet esprit qui sous un vernis du christianisme, nous conduira à vivre comme des païens».
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