SYNODE DES ÉVÊQUES IIème ASSEMBLÉE SPÉCIALE POUR LÂÂÂAFRIQUE
LÂÂÂÉglise en Afrique «Vous êtes le sel de la terre ÂÂÂ
L i n e a m e n t a Cité du Vatican 2006 Table des matières Chapitre I
Chapitre II
Chapitre III
Chapitre IV
Chapitre V
Conclusion: Il y a douze ans, du 10 avril au 8 mai 1994, fut célébrée la Première Assemblée Spéciale pour lÂÂÂAfrique du Synode des Évêques sur le thème: «LÂÂÂÉglise en Afrique et sa mission évangélisatrice vers lÂÂÂan 2000: ÂÂÂvous serez mes témoinsÂÂÂ(Ac 1, 8)». Le 6 janvier 1989, le Serviteur de Dieu Jean-Paul II avait exprimé son intention de convoquer cette importante assise ecclésiale pour ainsi accorder un laps de temps suffisant pour la préparation de lÂÂÂAssemblée. Accueilli avec enthousiasme, le processus de la Première Assemblée Spéciale pour lÂÂÂAfrique avait mis en mouvement tous les membres de lÂÂÂÉglise catholique en Afrique, organisés en diocèses, paroisses et mouvements dÂÂÂÉglise. Ceci a aussi captivé lÂÂÂattention de membres dÂÂÂautres Églises et Communautés chrétiennes, mais aussi de représentants de religions non chrétiennes et plus généralement encore, dÂÂÂhommes de bonne volonté de tout le continent. Les résultats de lÂÂÂensemble du processus synodal, depuis la préparation jusquÂÂÂà la célébration de lÂÂÂAssemblée: prières, échanges dÂÂÂinformations, partage des joies et des peines concernant les situations ecclésiales, culturelles, sociales et politiques, réflexions approfondies sur chacun des thèmes -qui se sont déroulés dans un climat de sereine communion hiérarchique, propre aux membres du Corps épiscopal qui a pour Tête lÂÂÂévêque de Rome, Président du Synode et Pasteur universel de lÂÂÂÉglise-, ont été recueillis dans lÂÂÂExhortation Apostolique Post-synodale«Ecclesia in Africa». Celle-ci, publiée le 14 septembre 1995, a orienté lÂÂÂactivité pastorale de lÂÂÂÉglise catholique en Afrique durant la dernière décennie. Accueillant favorablement le désir de nombreux évêques, prêtres, personnes consacrées et fidèles laïcs, le Pape Jean-Paul II, annonça le 13 novembre 2004 son intention de convoquer une Deuxième Assemblée Spéciale pour lÂÂÂAfrique du Synode des Évêques. Le Saint-Père Benoît XVI a confirmé le projet de son prédécesseur en communiquant le 22 juin 2005, en présence du Conseil Spécial pour lÂÂÂAfrique de la Secrétairerie Générale du Synode des Évêques, sa décision de convoquer à Rome la Deuxième Assemblée Spéciale pour lÂÂÂAfrique du Synode des Évêques. En collaboration avec le Conseil susmentionné, Sa Sainteté a défini le thème de lÂÂÂAssise synodale: «LÂÂÂÉglise en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix: ÂÂÂVous êtes le sel de la terre ÂÂÂ Vous êtes la lumière du mondeÂÂÂ (Mt 5, 13.14)». Le thème se situe dans la continuité de la Première Assemblée Spéciale pour lÂÂÂAfrique du Synode des Évêques et prévoit une évaluation des résultats obtenus à tous les niveaux en favorisant, bien évidemment, la dimension ecclésiale. Depuis la dernière Assise synodale, enfin, la situation a considérablement changé. Cette nouvelle réalité requiert un examen approprié en vue dÂÂÂun effort renouvelé dÂÂÂévangélisation exigeant un approfondissement de quelques thèmes spécifiques importants pour le présent et lÂÂÂavenir de lÂÂÂÉglise catholique sur le grand continent africain. Grâce à Dieu, ces dernières années, lÂÂÂÉglise catholique, Famille de Dieu qui chemine en Afrique, a connu un ultérieur développement sur tout le continent, en particulier pour ce qui est du nombre des fidèles qui, selon les données statistiques de 2004, atteint désormais un total de 148.817.000, 630 évêques et 31.259 prêtres, pour lesquels on dénombre 20.358 diocésains et 10.901 réguliers. Puis, il y a 7.791 frères lais, 57.475 consacrées et 379.656 catéchistes. Les vocations missionnaires africaines qui ÂÂÂuvrent pastoralement auprès dÂÂÂautres Églises particulières en Afrique ou sur dÂÂÂautres continents se sont considérablement accrues. Les activités dÂÂÂéducation et dÂÂÂassistance de lÂÂÂÉglise ont été déterminantes en de nombreux pays touchés par différentes situations dÂÂÂurgence. Rendant grâce à Dieu pour une situation ecclésiale si favorable, la préparation de la Deuxième Assemblée Spéciale devrait être une occasion propice pour tout le peuple de Dieu pour sÂÂÂadonner, sous la conduite des Pasteurs, à la prière, à la réflexion approfondie suivie dÂÂÂinitiatives pour sÂÂÂacheminer toujours plus vers la sainteté. En cela ils suivent lÂÂÂexemple de nombreux Pasteurs et fidèles africains qui, encore récemment, par leur martyre ont réaffirmé leur foi chrétienne, contribuant ainsi de façon exemplaire à ce que lÂÂÂAfrique devienne toujours plus «Patrie de Jésus-Christ». LÂÂÂÉvangile quÂÂÂils ont proclamé est le vrai sel de la terre, garantie dÂÂÂune évangélisation aux racines profondes capable de résister à toute adversité. La Bonne Nouvelle accompagnée du témoignage limpide de leur service ecclésial devient lumière du monde, qui brille dans les ténèbres qui sont quelquefois trop concentrées et denses sur grande partie du continent africain. En union de cÂÂÂur et dÂÂÂesprit avec le Saint-Père, les Pères synodaux devraient affronter avec les armes de la lumière (cf. Rm 13, 12) et avec une charité chrétienne raffermie et animée par lÂÂÂespérance des disciples du Seigneur Jésus Ressuscité, lÂÂÂactuelle situation complexe et pas toujours favorable en Afrique. Outre les obstacles à lÂÂÂévangélisation qui peuvent provenir de motifs politiques, religieux ou sociaux, de graves problèmes interpellent les chrétiens et tous les hommes de bonne volonté. Il sÂÂÂagit de situations de pauvreté, dÂÂÂinjustice, de maladie, dÂÂÂexploitation, de manque de dialogue, de division, dÂÂÂintolérance, de violence, de terrorisme, de guerre. LÂÂÂÉglise, fidèle au mandat de Jésus-Christ, ne se lasse pas dÂÂÂannoncer la Bonne Nouvelle pour pouvoir offrir, par son service pastoral capillaire, la perspective de la réconciliation ecclésiale et sociale du Christ notre paix, source de vraie justice pour tout le continent africain. LÂÂÂévangélisation, tâche principale du mandat reçu par le Divin Maître (cf. Mt 28, 19), ne peut être détachée de lÂÂÂengagement des hommes dÂÂÂÉglise à se faire samaritains de tant de frères et de sÂÂÂurs, qui demandent aide et compassion (cf. Lc 10, 29-37), et de lÂÂÂassistance de tant de pauvres et de nécessiteux de chaleur humaine, pour rendre témoignage de lÂÂÂamour de Dieu (cf. Mt 25, 31-46). Par lÂÂÂannonce de lÂÂÂÉvangile, lÂÂÂéducation à tous les niveaux, les institutions charitables, lÂÂÂÉglise devient encore plus active dans la promotion du dialogue, de la paix et de la justice dans la société africaine renouvelée, qui avec dynamisme avance vers le développement intégral de lÂÂÂhomme africain, acquérant ainsi la digne place qui lui revient au sein de la communauté internationale. Selon lÂÂÂusage habituel, les Lineamenta, publiés en quatre langues: français, anglais, portugais et italien, devraient favoriser un large débat sur le thème synodal, avec lÂÂÂaide du Questionnaire qui se trouve à la fin du document. À chaque Conférence épiscopale revient la tâche dÂÂÂen prévoir la traduction dans les langues locales pour encourager une grande participation communautaire à la préparation synodale. Les réponses des Organismes intéressés devraient parvenir avant la fin du mois dÂÂÂoctobre 2008, en vue de lÂÂÂélaboration de lÂÂÂInstrumentum laboris, document de travail de la Deuxième Assemblée Spéciale pour lÂÂÂAfrique du Synode des Évêques, dont le long et, espère-t-on, fécond cheminement est confié à la protection maternelle de la Bienheureuse Vierge Marie, Notre-Dame dÂÂÂAfrique. Nikola Eterović
1. Onze années après la publication de lÂÂÂExhortation Apostolique Post-synodale «Ecclesia in Africa», [1] tout en rendant grâce à Dieu pour tant des bienfaits reçus en cette décennie, lÂÂÂÉglise célèbre lÂÂÂévénement et ressent lÂÂÂurgence dÂÂÂun engagement total pour la réconciliation, la justice et la paix sur toute lÂÂÂétendue du continent. en rappelant cet événement, lÂÂÂon se réjouit de la réception qui lui a été réservée. Quel sens et quel contenu donner à cet anniversaire pour en retenir tout le potentiel et redynamiser nos communautés en vue dÂÂÂune Deuxième Assemblée? Celle-ci pourrait être focalisée sur une double intention:
2. Dans «Ecclesia in Africa», le Pape Jean-Paul II proposait, au terme du deuxième millénaire, un bilan, un diagnostic récapitulant lÂÂÂhistoire de la mission de lÂÂÂÉglise en Afrique -de la conversion du fonctionnaire de la Reine Candace à lÂÂÂavènement de la formation dÂÂÂauthentiques Églises locales africaines, pleinement enracinées dans la catholicité et pleinement conscientes de leur responsabilité à lÂÂÂégard de lÂÂÂunique mission du Christ confiée à lÂÂÂÉglise-Famille de Dieu. Au regard de cette histoire, le Pape a tenté, à la lumière des heures sombres de lÂÂÂesclavage et de la colonisation, à la lumière des réalités politiques, économiques et sociales, toutes révélatrices dÂÂÂune situation alarmante, mais pleine de promesses, de dire «comment» on en était arrivé là et dÂÂÂindiquer les voies quÂÂÂil convenait dÂÂÂemprunter selon lÂÂÂesprit de lÂÂÂÉvangile du Christ, pour en sortir: sur la base dÂÂÂune vision de lÂÂÂÉglise comme Famille de Dieu en Afrique, promouvoir «une solidarité pastorale organique dans tout le territoire africain et les îles adjacentes» [2] dans la quête de solutions et résolutions des problèmes et conflits qui affectent lÂÂÂAfrique. CÂÂÂétait là également faire le choix de la famille africaine comme premier lieu de lÂÂÂévangélisation et lieu à partir duquel seront affrontés les défis de lÂÂÂévangélisation au troisième millénaire: lÂÂÂurgence de lÂÂÂannonce évangélique et de la proposition du baptême, lÂÂÂindispensable approfondissement, chez les baptisés, du sens de la foi, le courage du témoignage, le choix du pardon et de la réconciliation, y compris dans les situations les plus dramatiques, lÂÂÂengagement pour la promotion de la justice et de la paix. LÂÂÂExhortation présentait une sorte de plan dÂÂÂaction pastorale pour lÂÂÂÉglise-Famille de Dieu qui est en Afrique, lui permettant ainsi dÂÂÂêtre fidèle à sa vocation et à sa mission et de servir lÂÂÂhumanité du Christ souffrant dans la chair des peuples africains. Elle interprétait ainsi la situation de déshumanisation et dÂÂÂoppression qui afflige les peuples africains comme une crise et un défi et proposait quÂÂÂils soient affrontés à partir dÂÂÂune vision de lÂÂÂÉglise comme Famille de Dieu. 3. La réponse de lÂÂÂÉglise en Afrique à cette Exhortation et les développements récents sur le continent ont rendu urgente une Deuxième Assemblée Spéciale pour lÂÂÂAfrique du Synode des Évêques en vue dÂÂÂexaminer de manière plus détaillée certaines questions déjà abordées dans la Première Assemblée, plus spécifiquement les questions ayant trait à la réconciliation, à la justice et à la paix. CÂÂÂest dans ce contexte que, fixant son regard sur le Christ et voulant discerner les signes des temps nouveaux et raviver notre espérance, le Pape Jean-Paul II convoquait une Deuxième Assemblée Spéciale pour lÂÂÂAfrique du Synode des Évêques. Lors de lÂÂÂaudience quÂÂÂil accorda le 13 novembre 2004 pour le 1650ème anniversaire de naissance de Saint Augustin, aux participants au Symposium des Évêques dÂÂÂAfrique et dÂÂÂEurope, sur le thème «communion et solidarité entre lÂÂÂAfrique et lÂÂÂEurope», il déclara: «accueillant les vÂÂÂux du Conseil post-synodal, interprète des désirs des pasteurs africains, je saisis lÂÂÂoccasion pour annoncer mon intention de convoquer une Deuxième Assemblée Spéciale pour lÂÂÂAfrique du Synode des Évêques. Je confie ce projet à votre prière, alors que je vous invite tous avec ferveur à implorer du Seigneur le don précieux de la communion et de la paix pour la bien-aimée terre africaine». [3] Sa Sainteté Benoît XVI, dès les débuts de son Pontificat, confirmera cette convocation et en précisera le thème: «LÂÂÂÉglise en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix: ÂÂÂVous êtes le sel de la terre ÂÂÂ Vous êtes la lumière du mondeÂÂÂ (Mt 5, 13.14)». Les Pères qui se réuniront en Synode auront donc à méditer sur lÂÂÂannonce de lÂÂÂÉvangile dans un contexte marqué par des événements exigeant des réponses actives et fidèles aux paroles que lÂÂÂEsprit Saint adresse à lÂÂÂÉglise-Famille de Dieu en Afrique en ces heures décisives de son histoire. Nous tenons à souligner ici la continuité dÂÂÂorientation avec la Première Assemblée afin que tous sÂÂÂefforcent de percevoir la portée spirituelle et pastorale de ces deux événements. 4. Les deux Assemblées sont reliées par lÂÂÂurgence dÂÂÂune évangélisation continue et profonde dans le temps. Et dans cette annonce du Règne de Dieu advenu en Jésus-Christ, lÂÂÂengagement pour la réconciliation, la justice et la paix, apparaît comme lieu dÂÂÂactualisation de ce Règne dÂÂÂamour: «le Règne de Dieu est justice, paix et joie dans lÂÂÂEsprit Saint» (Rm 14, 17sq.). [4] Dans les circonstances historiques, sociales, politiques, culturelles et religieuses actuelles de lÂÂÂAfrique, lÂÂÂÉglise-Famille de Dieu puise dans le Christ, Parole toujours vivante de Dieu, son énergie pour dépasser la fatigue et la résignation et se libérer de toute forme dÂÂÂoppression. Le Christ lÂÂÂinvite en effet à prendre sur elle le joug de son amour et en Lui elle trouvera la restauration pour une vie nouvelle, la saveur et la lumière pour libérer les peuples africains des nombreuses ténèbres qui obscurcissent leur cheminement dans lÂÂÂhistoire. Pour que la lumière jaillie de la Parole brille totalement sur toute lÂÂÂAfrique, lÂÂÂÉglise offre la saveur du Pain de vie [5] par lequel le Christ réalise à lÂÂÂintérieur des cÂÂÂurs humains la transformation de lÂÂÂAfrique. Plus lÂÂÂamour du Christ sÂÂÂenracinera dans les cÂÂÂurs des peuples africains, dans les cultures et les institutions africaines, plus le continent et ses populations ainsi que le monde entier jouiront des fruits de la réconciliation, de la justice et de la paix. Tenant compte de la complexité du thème, dans ces Lineamenta, on se limitera à présenter: I. LÂÂÂAfrique à lÂÂÂaube du XXIème siècle. II. Le Christ, Parole et Pain de vie, notre Réconciliateur, notre Justice et notre Paix. III. LÂÂÂÉglise, sacrement de réconciliation, de justice et de paix en Afrique. IV. Le témoignage dÂÂÂune Église qui reflète la lumière du Christ sur le monde. V. Les ressources spirituelles pour la promotion de la réconciliation, de la justice et de la paix en Afrique. LÂÂÂAfrique à lÂÂÂaube du XXIèmesiècle 5. La Première Assemblée du Synode des Évêques pour lÂÂÂAfrique a bien manifesté, près de la tombe de Pierre, la vigueur de la foi vécue par lÂÂÂÉglise en Afrique. Les Pères synodaux lÂÂÂont décrite avec raison comme un «Synode de résurrection et dÂÂÂespérance». [6] Plus de dix ans après la publication de lÂÂÂExhortation Apostolique Post-synodale, nous pouvons dire avec Saint Paul que «lÂÂÂespérance ne trompe pas, parce que lÂÂÂamour de Dieu a été versé dans nos cÂÂÂurs» (Rm 5, 5). Au delà des souffrances du moment présent, ceux qui ont des yeux pour voir et des oreilles pour entendre peuvent en effet discerner lÂÂÂÂÂÂuvre de la Divine Providence en Afrique.
I. La situation du continent depuis la publication d«Ecclesia in Africa» 1. Quelques évolutions positives 6. Dans le tourment des événements douloureux qui secouent lÂÂÂAfrique, nous pouvons dire avec Sa Sainteté Benoît XVI que lÂÂÂAfrique «est la grande espérance de lÂÂÂÉglise». [7] En effet, il y a lieu de discerner des signes dÂÂÂespérance pour une renaissance dÂÂÂun Christianisme fécond et dynamique et pour lÂÂÂavènement de sociétés nouvelles: la croissance remarquable en Afrique du nombre des catholiques, des prêtres, des personnes consacrées, [8] le nombre croissant des missionnaires africains en Afrique et en dehors du continent et la création pour eux dÂÂÂune plate-forme continentale de consultation; la vitalité des liturgies africaines et des communautés ecclésiales vivantes; la création et restructuration des diocèses et des territoires ecclésiastiques; le rôle croissant de lÂÂÂÉglise dans la promotion du développement du continent, notamment dans lÂÂÂéducation, dans la santé, dans la lutte pour lÂÂÂémergence des états de droit sur tout le continent africain; et, enfin -au delà de ses faiblesses- lÂÂÂÉglise continue à jouir dÂÂÂune grande crédibilité auprès des populations africaines. LÂÂÂÉglise demeure pour plusieurs pays dÂÂÂAfrique lÂÂÂunique réalité qui fonctionne encore bien et permet aux populations de continuer à vivre et à espérer en des lendemains meilleurs. Non seulement elle offre lÂÂÂassistance nécessaire, garantit la coexistence pacifique et contribue à trouver les voies et les moyens pour la reconstruction de lÂÂÂÉtat, mais aussi elle est ce lieu privilégié à partir duquel lÂÂÂon commence à nouveau à parler de réconciliation et de pardon. Ce sont là des motifs pour se réjouir dans le Seigneur (cf. Rm 5, 3-4) des merveilles quÂÂÂil a accomplies en Afrique au cours de ces onze dernières années. 7. Du point de vue social, on peut également relever certains nouveaux développements: lÂÂÂavènement de la paix en certains pays africains; le désir ardent de paix largement répandu sur le continent, particulièrement dans la région des Grands Lacs; lÂÂÂopposition croissante à la corruption; la forte prise de conscience de la nécessité de la promotion de la femme africaine et de la dignité de toute personne humaine; lÂÂÂengagement des laïcs dans les «sociétés civiles» pour la promotion et la défense des «Droits de lÂÂÂHomme»; le nombre toujours croissant dÂÂÂhommes politiques africains conscients et déterminés à trouver des solutions africaines aux problèmes africains. Dans cette perspective, lÂÂÂÉglise encourage les efforts déployés pour unir toute lÂÂÂAfrique: du Nord au Sud, de lÂÂÂEst à lÂÂÂOuest. À ce propos, se nourrit lÂÂÂespoir de voir lÂÂÂUnion Africaine devenir plus effective et efficace dans la résolution des conflits entre nations africaines et entre groupes ethniques. Les nouveaux développements qui ont eu lieu au cours de ces onze dernières années offrent de nouvelles opportunités à la mission de lÂÂÂÉglise en Afrique. Il est nécessaire de faire en sorte que les grandes forces spirituelles du continent puissent se déployer de toutes parts et que soient créées les conditions pour une nouvelle renaissance de lÂÂÂAfrique au niveau religieux, social, économique et politique. 2. Certains développements négatifs 8. Toutefois, lÂÂÂon ne saurait passer sous silence le fait quÂÂÂà côté de ces perspectives réconfortantes, beaucoup des situations préoccupantes que lÂÂÂExhortation dénonçait nÂÂÂont fait que sÂÂÂaggraver et laissent entrevoir un avenir incertain: «la détérioration généralisée de la qualité de vie, lÂÂÂinsuffisance des moyens pour lÂÂÂéducation des jeunes, la carence de services sanitaires et sociaux élémentaires, entraînant la persistance de maladies endémiques, lÂÂÂépidémie terrible du Sida, le fardeau lourd et parfois insupportable de la dette, lÂÂÂhorreur des guerres fratricides alimentées par un trafic dÂÂÂarmes sans scrupules, le spectacle honteux et pitoyable des réfugiés et des personnes déplacées». [9] Comment ne pas condamner sévèrement les horribles massacres advenus en certains lieux dÂÂÂAfrique ? Il est des indicateurs et des chiffres qui nous interpellent constamment, par exemple: le fait que la mortalité infantile ne cesse de croître. Depuis plus de dix ans, pour les pays les plus pauvres dÂÂÂAfrique, la dégradation constante des revenus se poursuit. LÂÂÂaccès à lÂÂÂeau potable demeure pour plusieurs encore très difficile. Globalement, la grande majorité de la population africaine vit dans un état de manque de biens et de services de première nécessité. La situation de lÂÂÂAfrique aujourdÂÂÂhui ne peut pas ne pas interpeller les consciences. LÂÂÂAfrique est aujourdÂÂÂhui plus que jamais dépendante des pays riches, plus vulnérable que tout autre continent à leurs manÂÂÂuvres visant à donner dÂÂÂune main et reprendre le double de lÂÂÂautre; visant à maintenir une main mise forte sur le déroulement de la vie politique, économique, sociale voire culturelle des pays africains. LÂÂÂAfrique est consciemment oubliée dans ce monde qui se construit. LÂÂÂon ne sÂÂÂen souvient que quand il faut étaler ses misères ou lÂÂÂexploiter. Alors quel levier faut-il actionner pour ouvrir une brèche dÂÂÂespérance dans cette espèce de mur qui bouche lÂÂÂhorizon socio-économique africain? 3. La finalité de ces Lineamenta 9. Face à des situations aussi variées, il nous est difficile de prononcer une parole unique tout comme dÂÂÂenvisager une solution qui ait valeur universelle. Telle nÂÂÂest pas lÂÂÂambition de ces Lineamenta, ni même sa mission. Son propos nÂÂÂest pas de tout dire, mais de dénombrer quelques priorités qui se dégagent de lÂÂÂétude et de lÂÂÂaction dans le domaine de la réconciliation, de la justice et de la paix. Il sÂÂÂagit beaucoup plus de poser des questions et dÂÂÂinciter à une recherche communautaire des solutions, dans la perspective de la démarche synodale initiée par la Première Assemblée. II. Quelques priorités 10. Une réflexion approfondie sur le thème de la Deuxième Assemblée Spéciale pour lÂÂÂAfrique du Synode des Évêques, à savoir «LÂÂÂÉglise en Afrique au service de la réconciliation, de la justice et de la paix:ÂÂÂVous êtes le sel de la terre  Vous êtes la lumière du monde (Mt 5, 13.14», ne peut se dispenser dÂÂÂune étude sur les raisons qui peuvent expliquer tant de haines, dÂÂÂinjustices et de guerres sur le continent. En effet, lÂÂÂurgence de cette Deuxième Assemblée Spéciale est liée à la souffrance des peuples africains, à la déshumanisation et à lÂÂÂoppression qui perdurent sur ce continent. Nous sommes confrontés dans ce continent à un ensemble de conflits et de problèmes qui constitue le nÂÂÂud des défis à lÂÂÂévangélisation dans lÂÂÂAfrique contemporaine. Dans lÂÂÂExhortation Apostolique Post-synodale, le Pape Jean-Paul II, estimait que le plus grand défi pour réaliser la justice et la paix en Afrique consistait à bien gérer les affaires publiques dans les deux domaines connexes de la politique et de lÂÂÂéconomie. [10] La souffrance des peuples africains est en grande partie liée à la gestion de ces deux domaines et à celui de la culture. CÂÂÂest là un défi capital à lÂÂÂévangélisation, dans une Afrique où la vie et lÂÂÂhomme lui-même se définissent par «la relation», «lÂÂÂêtre avec» dans une perspective fondamentalement communautaire. CÂÂÂest aussi sur ces trois dimensions, notamment socio-politique, socio-économique et socio-culturelle, que dans les lignes qui suivent nous entendons inviter les Églises locales dÂÂÂAfrique à méditer et à proposer des voies dÂÂÂissues en rapport aux questions de réconciliation, de justice et de paix. 1. LÂÂÂaspect socio-politique 11. Un des défis majeurs de lÂÂÂAfrique contemporaine est lÂÂÂéchec de lÂÂÂÉtat post-colonial dans la grande majorité des pays africains. Il serait très simpliste dÂÂÂattribuer les raisons dÂÂÂun tel échec de la politique en Afrique à la composition multiethniques des États ou encore aux frontières artificielles héritées de la colonisation. Par de-là les différences et les rivalités ethniques, il existe en effet auprès des Africains une idée nationale. Autrement, lÂÂÂon ne saurait pas sÂÂÂexpliquer lÂÂÂattachement de chaque Africain à son pays et à son histoire. La question est de savoir comment transformer la pluralité en facteur positif, constructif et non destructif? De même pour ce qui est des frontières artificielles, sommes-nous sûrs que les nouvelles frontières «naturelles» ne créeront pas plus de problèmes? où existeraient ces frontières naturelles, non arbitraires ou mieux non-idéologiques? Qui serait ce nouvel arbitre impartial qui contenterait tous au mieux? Ne faut-il pas nous en tenir à la sagesse des Pères fondateurs de lÂÂÂOrganisation de lÂÂÂUnité Africaine (O.U.A.), qui en 1963, optèrent de ne pas remettre en question le découpage existant? Le défi est probablement du côté de la bonne gouvernance et de la formation dÂÂÂune classe politique capable de récupérer le meilleur des traditions ancestrales et de lÂÂÂintégrer aux principes de gouvernance de sociétés modernes. Par là, lÂÂÂon nÂÂÂentend pas non plus sous-estimer que la pluralité ethnique est souvent motif de tensions au sein des États; quÂÂÂil existe de fait, dans plusieurs États africains, une perte de légitimité des gouvernants aux yeux dÂÂÂune population qui se demande à quoi sert lÂÂÂÉtat et une réelle destruction de lÂÂÂÉtat par ceux-là même qui sont supposés en être des fidèles serviteurs. 12. Dans certains pays africains, il existe en effet des tensions sociales persistantes qui bloquent le progrès, donnant naissance à des troubles politiques et des conflits armés. Le tribalisme, les litiges frontaliers et les tentatives dÂÂÂexpansion conduisent à des luttes armées au lourd tribut en vie humaine et à lÂÂÂépuisement des ressources financières. On assiste dans certains pays africains à la violation continuelle des droits fondamentaux de lÂÂÂhomme, avec toutes les conséquences qui peuvent en découler. La paix y est souvent confondue avec une unanimité ou une tranquillité imposées par la force, assurant le maintien au pouvoir dÂÂÂun groupe dÂÂÂhommes au détriment des populations. Il est impossible aux citoyens, en de telles situations, de participer à la vie publique ou de rendre opérant le poids de leur opinion collective et donc ils ont tendance à sÂÂÂen désengager et à sÂÂÂen désintéresser. Tant que lÂÂÂon en arrivera pas à la création des états de droit en Afrique, gouvernés par des Africains véritablement démocrates, le risque est grand quÂÂÂune telle situation perdure encore. 13. Le vÂÂÂu ardent des Pères synodaux de voir «sÂÂÂétablir lÂÂÂétat de droit dans nos pays pour la sauvegarde des droits et des devoirs des citoyens» [11] nÂÂÂa pas trouvé lÂÂÂécho attendu chez la plupart des dirigeants des pays africains. Le manque de reconnaissance à la fois de lÂÂÂindividu et de la communauté, et de leurs exigences réciproques, produit la discorde, la guerre et ses conséquences. Les ravages de la guerre constituent un obstacle évident à tout processus de développement; ils entraînent le drame des réfugiés et le contexte de souffrance pour cause de guerre et de faim, souffrance de la nudité et de la maladie, souffrance par la tristesse et la peur, souffrance par les situations qui humilient; ils détruisent la dignité de la personne humaine, créée à lÂÂÂimage et ressemblance de Dieu. En effet, dans la majeure partie des États africains, la position des autorités politiques se caractérise par une grave méconnaissance de la personne humaine, de ses droits les plus fondamentaux et les plus imprescriptibles. LÂÂÂétablissement dÂÂÂune vraie démocratie qui assure la sécurité des biens et des personnes est une condition indispensable pour le développement des pays africains. 2. LÂÂÂaspect socio-économique 14. En effet, sÂÂÂil est vrai que lÂÂÂAfrique a vécu une longue et triste histoire dÂÂÂexploitation aux mains des autres, [12] il faut dire quÂÂÂavec la décolonisation cette situation nÂÂÂest pas terminée. AujourdÂÂÂhui encore, elle perdure sous de nouvelles formes, y compris le fardeau écrasant de la dette, les conditions injustes du commerce, les décharges de produits toxiques et les conditions excessivement sévères imposées par des programmes dÂÂÂajustement structurel. 15. Dans la plupart des pays africains, malgré les progrès accomplis depuis ces dernières années, le taux dÂÂÂalphabétisation reste parmi les plus faibles du monde. En de nombreux pays, le système éducatif se dégrade continuellement, le système sanitaire est en ruine et lÂÂÂassistance sociale quasi inexistante. Dans ces situations de désordres, les personnes les plus menacées sont toujours les plus faibles. De même, du point de vue de la démographie, lÂÂÂon ne saurait rester inactif dès que lÂÂÂon prend conscience dÂÂÂun risque de déséquilibre entre une population, dont la croissance annuelle est au niveau de record mondial, et des ressources stagnantes, sinon en recul. Les ressources immenses de lÂÂÂAfrique sont en contraste avec lÂÂÂétat de misère des pauvres en Afrique; il devient de plus en plus scandaleux au vu des richesses accumulées entre les mains de quelques privilégiés. Face à une telle situation inacceptable, lÂÂÂExhortation Apostolique Post-synodale «Ecclesia in Africa» dénonce «la malhonnêteté de certains gouvernants corrompus qui, de connivence avec des intérêts privés locaux ou étrangers, détournent les ressources nationales à leur profit, transférant des deniers publics sur des comptes privés dans des banques étrangères». [13] DÂÂÂoù lÂÂÂurgence dÂÂÂétudier les voies et les moyens de favoriser lÂÂÂémergence de politiciens intègres, déterminés à protéger le patrimoine commun contre toutes les formes de gaspillage et de détournement. 16. Quant à lÂÂÂactivité industrielle, elle dépend largement de lÂÂÂimportation des produits industriels. Aussi le nombre de biens et de services produits en Afrique présente un caractère limité. Dans une certaine mesure, il est vrai que lÂÂÂAfrique produit ce quÂÂÂelle ne consomme pas et consomme ce quÂÂÂelle ne produit pas. Comment sortir alors de ce paradoxe? En outre, on observe une tendance à la réduction du volume de ces biens et de ces services ainsi quÂÂÂà la baisse de leur qualité dans le contexte des ajustements structurels et de la généralisation du chômage! Dans ce domaine, on note des injustices économiques graves: le problème de la main-dÂÂÂÂÂÂuvre migratoire, des salaires injustes et des contrats inégaux. La délinquance juvénile, la drogue, la corruption et le chômage ont atteint des proportions inacceptables dans certains pays et ont pour racine ces injustices économiques. Les tendances à la dégradation de la situation économique et sociale se poursuivent et accentuent de plus en plus la crise africaine: les techniques de production agricole sont, en général, rudimentaires et la production agricole est encore largement dépendante des facteurs naturels: sol et climat. Ces facteurs, quÂÂÂalourdissent les difficultés politiques internes, pourraient expliquer le fait que la production alimentaire du continent représente à peine le dixième de ses besoins. LÂÂÂéchec des politiques agricoles ne se traduit pas seulement par cette difficulté dÂÂÂassurer la sécurité alimentaire aux populations; il a également pour conséquence lÂÂÂexode rural massif, surtout des jeunes. Il est important que nous attirions lÂÂÂattention des jeunes sur le fait que lÂÂÂurbanisation ne contribue pas nécessairement à lÂÂÂépanouissement de la personne. DÂÂÂoù lÂÂÂurgence de nouvelles politiques pour potentialiser les villages et les rendre attractifs pour les jeunes. 17. Aux problèmes économiques est également liée la question du commerce des armes, ce scandale «qui sème la mort» en Afrique. [14] CÂÂÂest là un signe éclatant de lÂÂÂéchec de la politique en Afrique. Elle nÂÂÂest plus au service de lÂÂÂédification de la polis (cité), de la recherche du bien commun, mais au service de lÂÂÂélimination de lÂÂÂadversaire politique et de la cité elle-même. [15] La responsabilité de ces destructions nÂÂÂest pas seulement celle des belligérants, mais aussi celle des commerçants dÂÂÂarmes, quÂÂÂil sÂÂÂagisse de puissances internationales intéressées aux conflits et qui font du commerce des armes un motif dÂÂÂenrichissement ou un moyen pour alimenter une situation dÂÂÂinstabilité en vue de finalités géopolitiques nÂÂÂayant rien à voir avec les intérêts des populations; ou dÂÂÂidéologues locaux qui instrumentalisent le peuple, et surtout les enfants, pour assouvir leur soif de pouvoir. Le commerce international des armes continue à maintenir lÂÂÂAfrique en état perpétuel de guerre. Il nÂÂÂy a pas de doute quÂÂÂen grande partie la mort est semée en Afrique, par des intérêts très puissants qui dominent le monde et dont les principaux acteurs sont ailleurs quÂÂÂen Afrique. CÂÂÂest cela qui a amené les évêques africains à parler de «guerres par procuration», [16] pour faire comprendre que des Africains détruisent leurs pays et sÂÂÂentretuent pour les intérêts et les profits «des autres». Ce commerce des armes prolifère grâce aux tensions et divisions ethniques que lÂÂÂon exacerbent. LÂÂÂhistoire des hommes et des peuples montre que la guerre nÂÂÂest hélas pas une nouveauté. La radicalité de ce mal en Afrique contemporaine consiste dans un déchaînement souvent né dÂÂÂune volonté de détruire et dÂÂÂanéantir la vie. En elle sÂÂÂexprime une attitude de fond, un «esprit»: lÂÂÂeffritement ou même la négation des valeurs, en particulier, de la valeur sacrée de la vie humaine. La vie, trésor le plus précieux dans les traditions africaines, est détruite avec une légèreté et une facilité déconcertantes, même à très grande échelle, et tout à fait impunément encore en beaucoup dÂÂÂendroits. LÂÂÂon ne saurait donc passer outre cet autre aspect du mal déjà relevé par le précédant Synode, à savoir celui des divisions et tensions ethniques [17] qui parfois mènent à des crimes néfastes. Souvent pour justifier de tels actes, dÂÂÂaucuns nÂÂÂhésitent pas à instrumentaliser les cultures africaines. Il sÂÂÂavère urgent aujourdÂÂÂhui de repenser leurs enracinements dans une perspective ouverte sur le monde. 3. LÂÂÂaspect socio-culturel 18. Changer la culture économique de lÂÂÂAfrique, cela ne signifie-t-il pas quÂÂÂau lieu de dépendre uniquement dÂÂÂun marché mondial dont elle est virtuellement exclue, il lui faut dÂÂÂabord organiser une bonne rémunération du travail de la terre? La culture est le fruit dÂÂÂun patient mûrissement des manières dÂÂÂêtre et dÂÂÂagir. Elle nÂÂÂest pas seulement lÂÂÂesprit du peuple auquel jÂÂÂappartiens et qui imprègne à la fois ma pensée la plus haute et les gestes les plus simples de mon existence; mais elle est aussi le domaine où se déroule lÂÂÂactivité spirituelle et créatrice de mon être homme. 19. Des trois éléments que les économistes désignent comme permettant la production: le travail, la terre et le capital, lÂÂÂAfrique ne manque ni du premier ni même à priori du troisième, si on considère que celui-ci peut être constitué à partir des ressources naturelles dont lÂÂÂabondance en Afrique est évidente. DÂÂÂoù vient alors cette pauvreté? LÂÂÂaspect culturel, cÂÂÂest-à-dire la manière de concevoir ces trois facteurs nÂÂÂy joue-t-il pas un rôle important? LÂÂÂardeur africaine au travail nÂÂÂest-elle pas trop mesurée pour être capable dÂÂÂentrer en compétition avec celle de ceux qui, ailleurs, vouent au même travail un véritable culte? Le rapport à la terre nÂÂÂest-il pas infériorisant? SÂÂÂil est vrai que le prix des produits de la terre commande celui de la terre elle-même, nÂÂÂest-il pas alors vrai quÂÂÂen Afrique la terre semble ne rien valoir parce que les prix des produits agricoles sont désespérément bas. LÂÂÂAfrique semble être une des régions du monde où lÂÂÂon néglige ses propres paysans. 20. À lÂÂÂheure de la mondialisation, comment pouvons-nous sauvegarder le meilleur des cultures africaines tout en intégrant le meilleur de ce qui vient dÂÂÂailleurs? Et à ce propos, Sa Sainteté Benoît XVI interpelle non seulement les Africains, mais aussi le monde occidental à assumer ses responsabilités face à lÂÂÂAfrique: «Nous devons confesser que lÂÂÂEurope a exporté non pas seulement la foi en Jésus-Christ, mais aussi les vices du vieux continent. Elle a exporté le sens de la corruption, la violence qui dévaste actuellement lÂÂÂAfrique. Nous devons reconnaître notre responsabilité en faisant de sorte que lÂÂÂexportation de la foi [ ] soit plus forte que lÂÂÂexportation des vices [ ] Nous devons ÂÂÂuvrer pour lÂÂÂenracinement de la foi et avec elle de la force pour résister à ces vices et reconstruire une Afrique chrétienne, qui sera une Afrique heureuse, un grand continent du nouvel humanisme». [18] Si lÂÂÂOccident doit sÂÂÂinterroger sur ses propres responsabilités, les Africains doivent également assumer leurs propres responsabilités. Les Africains savent-ils toujours faire le choix devant ce qui leur vient dÂÂÂailleurs, ou sont-ils des consommateurs passifs de tout ce que leur offre le monde des médias, notamment la violence, le consumérisme, la corruption des mÂÂÂurs? Comment concilient-ils leur enracinement dans la tradition africaine et leur regard projeté dans le futur? Un tel regard requiert à la fois lÂÂÂenracinement dans lÂÂÂhéritage culturel africain, mais aussi la capacité critique et inventive dÂÂÂintégrer des apports culturels nouveaux permettant à la culture de progresser. Ne perdons pas de vue que le passé des civilisations nÂÂÂest que lÂÂÂhistoire dÂÂÂemprunts continuels quÂÂÂelles se sont faites les unes aux autres, au cours des siècles, sans perdre pour autant leurs particularismes ni leurs originalités. Une telle capacité dÂÂÂintégration et de créativité nécessite un esprit ouvert et critique. La question fondamentale est dès lors celle de savoir comment conserver lÂÂÂenracinement dans la communauté tout en promouvant lÂÂÂautonomie nécessaire à la personne pour son affirmation comme acteur politique, économique et social? Telle est la grande question que pose lÂÂÂévolution souhaitée de la culture africaine. 21. Cette autonomie de la personne est décisive même dans la promotion dÂÂÂune culture de lÂÂÂécriture. LÂÂÂécriture est, par définition, un acte individuel, au même titre que la lecture, qui promeut lÂÂÂautonomie de la personne et de sa sphère relationnelle. Comment promouvoir une culture de lÂÂÂécriture et en systématiser lÂÂÂutilisation, sans perdre lÂÂÂenracinement africain dans lÂÂÂoralité? LÂÂÂon ne peut en effet négliger le fait que si le tribalisme perdure dans le continent, cÂÂÂest également à cause de lÂÂÂanalphabétisme et de la négation de lÂÂÂindividu en tant quÂÂÂacteur: mis dans une situation de précarité, il est amené à compter exclusivement sur la solidarité tribale. Comment concilier le sens fort de la famille avec une juste promotion de la personne? Comment concilier écriture et oralité dans le progrès des cultures africaines? Il nÂÂÂy a pas de projet social possible sans une assise culturelle solide. 22. Dans certains pays, on assiste encore aujourdÂÂÂhui à une discrimination sexuelle qui frappe les femmes. Elles se voient alors privées de certains droits qui, pourtant, sont dévolus à toute personne humaine. Dans certaines sociétés, on en arrive à traiter les femmes comme des esclaves, portant ainsi atteinte non seulement à leur dignité, mais aussi au meilleur patrimoine de la tradition africaine qui voit dans la femme, le symbole par excellence de la vie, don précieux. On doit condamner toute forme de violence infligée aux femmes. Dans cette perspective, on ne peut que sÂÂÂindigner que dans certains milieux les petites filles, dès leur âge le plus tendre, sont marginalisées ou considérées comme de moindre valeur. [19] Elles sont en certains lieux mutilées dans leur corps ou réduites tout simplement en esclavage. Par là, on porte gravement atteinte à leur dignité et à toute la Famille de Dieu. Nous ne pouvons pas non plus oublier des injustices graves commises à lÂÂÂégard des anciens, des orphelins, des malades, des personnes à mobilité réduite, qui de plus en plus sont abandonnés par les familles et les communautés. Cela est une injustice grave dans une Afrique où la personne est par la relation et non pas en fonction de ce quÂÂÂelle a ou peut faire. CÂÂÂest là une trahison et une injustice à lÂÂÂégard de lÂÂÂhéritage commun. Dans toutes ces situations, les moyens de communications jouent un rôle très particulier et dÂÂÂune importance capitale. Il sÂÂÂavère toujours plus urgent dÂÂÂinsister sur le fait quÂÂÂils doivent respecter le meilleur des traditions des ancêtres. Les moyens de communication sociale doivent être au service de la vie, de lÂÂÂédification de la personne dans ses aspirations les plus profondes et de la culture des valeurs. 23. Aussi pour de nombreuses personnes, la fuite hors du pays dÂÂÂorigine semble représenter lÂÂÂunique issue, dÂÂÂoù le grand nombre de réfugiés et immigrés africains, qui se comptent par millions sur tout le continent et en dehors du continent. Les phénomènes des réfugiés, des immigrés ainsi que celui de lÂÂÂexode rural, sÂÂÂaccompagnent dÂÂÂune tendance à rejeter la culture et les valeurs ancestrales. DÂÂÂoù la nécessité dÂÂÂinsister à nouveau sur lÂÂÂappel du Pape Jean-Paul II aux jeunes: «chers jeunes, le Synode vous demande de prendre en charge la culture de votre peuple et de travailler à sa redynamisation, fidèles à votre héritage culturel, en perfectionnant votre esprit scientifique et technique et surtout en rendant témoignage de votre foi chrétienne». [20] Il nÂÂÂy a pas de progrès économique et technique, sans enracinement culturel. La réflexion sur la réconciliation, la justice et la paix ne saurait donc pas faire fi de la composante culturelle et religieuse. III. Les religions au service de la réconciliation, de la paix et de la justice en Afrique 24. Dans cette perspective, lÂÂÂon ne peut passer sous silence les chances et les difficultés que présente le dialogue avec certaines communautés musulmanes et avec les adeptes de la Religion Traditionnelle Africaine ouverts à une collaboration en vue de lÂÂÂavènement de la réconciliation, de la justice et de la paix. Il est évident quÂÂÂil nÂÂÂy aura pas de paix sans la collaboration entre les adeptes des diverses religions. 1. La Religion Traditionnelle Africaine 25. Bien souvent, la Religion Traditionnelle Africaine constitue pour les chrétiens et les musulmans africains lÂÂÂhumus socio-culturel à partir duquel ils peuvent sÂÂÂentendre. En effet, la «Religion Traditionnelle Africaine constitue le contexte religieux et culturel dÂÂÂoù viennent la plupart des chrétiens en Afrique et dans lequel ils vivent encore». [21] En tant que religion qui embrasse la totalité de la vie, elle est souvent la source dÂÂÂinspiration fondamentale pour comprendre et traduire en action ce que sont la réconciliation, la paix et la justice. Et en tant que telle, elle est bien souvent pour les chrétiens et les musulmans, dans leur quête dÂÂÂentente et de collaboration, une vraie passerelle. 26. Dans la tradition religieuse et culturelle africaine, la réconciliation est souvent comprise comme pacification et renvoie à une harmonie vitale existentielle. Elle se manifeste dans lÂÂÂétat intérieur et extérieur dans lequel on se trouve. CÂÂÂest le manque de dureté ou de rudesse, cÂÂÂest aussi une bonté bienfaisante et active, qui soigne et veille au bien-être de lÂÂÂautre. De même, quÂÂÂune certaine forme de justice sociale ait été une préoccupation des sociétés traditionnelles africaines, cela est hors de doute. Elle est souvent considérée comme une harmonieuse disposition dans la possession, la protection, la répartition des biens qui maintiennent en vie. Les biens ne sont biens que dans la mesure où ils servent à lÂÂÂépanouissement de la vie de la communauté. On ne saurait toutefois perdre de vue que certaines pratiques, telles que le rite contre les sortilèges, peuvent produire aujourdÂÂÂhui des effets contraires et accentuer la haine et les divisions dans la société. DÂÂÂoù la nécessité dÂÂÂune réflexion approfondie pour distinguer tout ce qui, dans la Religion Tradition Africaine, promeut la paix, la justice et la réconciliation, de ce qui est contre ces valeurs. Dans ce domaine, comme dans celui du dialogue avec lÂÂÂIslam, il y a un besoin certain dÂÂÂune réflexion commune qui sous-tende lÂÂÂaction pastorale. 2. LÂÂÂIslam 27. Nous considérons ici lÂÂÂIslam en le situant par rapport au thème du prochain Synode: la réconciliation, la justice et la paix. LÂÂÂIslam est à comprendre dans son dynamisme actuel, qui a des aspects qui ne sont pas toujours rassurant comme celui de lÂÂÂintolérance religieuse. En outre, son impact politique est tellement diversifié quÂÂÂil rend difficile lÂÂÂétablissement, de manière univoque, de modalités concrètes pour le dialogue, pourtant indispensable. Par conséquent, il est nécessaire dÂÂÂopérer des distinctions entre sa dimension politique et sa dimension religieuse et, à lÂÂÂintérieur de celle-ci, entre lÂÂÂIslam et les musulmans, de manière à privilégier le dialogue de vie. Sous cet aspect, lÂÂÂIslam est souvent un partenaire important et difficile. [22] Important, parce quÂÂÂensemble avec les musulmans, les chrétiens peuvent élaborer des stratégies pour une collaboration fructueuse et paisible dans tous les domaines ayant trait à la réconciliation, à la justice et à la paix, à la promotion dÂÂÂun bon gouvernement dans la société et à trouver une position commune sur les valeurs touchant le caractère général dÂÂÂun peuple. Le dévouement désintéressé des personnes consacrées et le témoignage religieux de leurs vies sont souvent grandement appréciés dans les milieux musulmans. En de nombreux pays, chrétiens et musulmans ont créé des associations pour le dialogue, la promotion de la paix et de la justice. En certains endroits, il existe même des jours communs de jeûne et de prière entre chrétiens et musulmans. Les expériences positives dans les relations avec les musulmans en certaines régions dÂÂÂAfrique démontrent que lÂÂÂon peut continuer à espérer et prier pour que de telles collaborations se multiplient et deviennent encore plus efficaces. LÂÂÂon ne saurait oublier toutefois quÂÂÂune telle entreprise exige des structures efficaces et compétentes de collaboration. Force est de reconnaître que bien souvent, certains groupes de musulmans sont des partenaires difficiles faisant obstacle à la pratique commune de ces valeurs. 28. Dans cette perspective demeure encore actuel le vÂÂÂu du Pape Jean-Paul II: «Je souhaite vivement que si les fidèles musulmans trouvent justement aujourdÂÂÂhui dans les pays de tradition chrétienne les facilités essentielles pour satisfaire les exigences de leur religion, les chrétiens puissent de même bénéficier dÂÂÂun traitement comparable dans tous les pays de tradition islamique. La liberté religieuse ne saurait être limitée à une simple tolérance. Elle est une réalité civile et sociale, assortie de droits précis permettant aux croyants et à leurs communautés de témoigner sans crainte de leur foi en Dieu et dÂÂÂen vivre toutes les exigences». [23] Le respect du principe de réciprocité est une condition nécessaire pour tout progrès dans la réconciliation, la justice et la paix. 3. La collaboration avec les autres chrétiens 29. Dans lÂÂÂengagement pour la réconciliation, la justice et la paix, les chrétiens ne peuvent pas ignorer la prière de leur Seigneur et Maître de la vie: «afin que tous soient un. [ ] afin que le monde croie que tu mÂÂÂas envoyé» (Jn 17, 21). Le fond culturel africain commun, enrichi de la Parole de Vie, est un grand acquis pour pouvoir chercher ensemble des voies et des moyens pour rendre notre témoignage évangélique toujours plus crédible. Chaque chrétien est appelé à promouvoir toute initiative qui favorise lÂÂÂunité. Les efforts pour trouver des règles communes de traduction de la Bible en langues vernaculaires, la lutte commune pour lÂÂÂavènement de la paix, de la démocratie et le respect des Droits de lÂÂÂHomme ainsi que lÂÂÂengagement commun dans les divers processus de réconciliation, ont beaucoup contribué à supprimer les préjugés des uns contre les autres. Il faut dire toutefois quÂÂÂaucune motivation humaine ne suffira pour venir à bout des divisions et retrouver lÂÂÂunité de lÂÂÂÉglise. Celle-ci exige un renouveau spirituel pour comprendre ce quÂÂÂest la vraie unité de lÂÂÂÉglise. Ainsi, les moments de prière en commun, comme celui de la Semaine de prière pour lÂÂÂunité des chrétiens, revêtent une grande importance. en tant que membres de lÂÂÂÉglise catholique, nous ne pouvons quÂÂÂêtre convaincus que cÂÂÂest en elle que se réalise lÂÂÂÉglise dans sa structure fondamentale et nous continuons à prier afin que le Seigneur suscite partout la foi, de telle manière quÂÂÂelle aboutisse à former une seule Église dans le Christ. La Deuxième Assemblée Spéciale pour lÂÂÂAfrique du Synode des Évêques sera, espérons-le, une occasion providentielle pour présenter un tableau dÂÂÂensemble de la situation africaine, des stratégies et des objectifs à assigner afin que lÂÂÂÉglise dans le continent puisse efficacement continuer à promouvoir le Royaume de Dieu qui est réconciliation, justice, paix et amour. Dans ce contexte, le fond culturel religieux africain peut être un allié pour un dialogue avec les autres chrétiens et les autres religions en vue dÂÂÂune évangélisation en profondeur et de la promotion humaine, lesquelles ne peuvent advenir que dans un enracinement profond en Celui qui est le motif de notre espérance en une renaissance de lÂÂÂAfrique. Voilà pourquoi résonne en conclusion de ce chapitre la question fondamentale: où faut-il aller pour trouver les forces et les énergies pour une telle renaissance? IV. La perspective: Quo vadis, Africa? 30. Quel sera le support aux bouleversements comportementaux qui doivent sÂÂÂopérer pour que le destin de lÂÂÂAfrique change, pour quÂÂÂadvienne la réconciliation au milieu de tant de haines et de divisions, pour que règnent finalement la paix et la justice dans cette Afrique? Dans quel champ doit en priorité sÂÂÂexercer lÂÂÂimagination pour baliser les routes du futur? Comment annoncer lÂÂÂÉvangile dans une Afrique marquée de haines, de guerres et dÂÂÂinjustices? Comment faire face aux excès de la mondialisation? Bref, comment rester fidèle au mandat du Seigneur et offrir la contribution ecclésiale à la promotion de la réconciliation, de la paix et de la justice? Face à ces défis, lÂÂÂÉglise-Famille de Dieu en Afrique nÂÂÂa dÂÂÂautre réponse que celle de Simon Pierre: «Seigneur, à qui irons-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle» (Jn 6, 68). Toutes ces questions nous invitent donc à repartir du Christ, plénitude de vie, notre réconciliateur, notre paix et notre justice. Le Christ est notre «espérance» (cf. 1 Tm 1, 1); il est notre «paix, lui qui des deux peuples nÂÂÂen a fait quÂÂÂun, détruisant la barrière qui les séparait, supprimant en sa chair la haine» (Ep 2, 14). CÂÂÂest toute lÂÂÂÉglise qui est invitée à sÂÂÂinterroger sur ces vérités de notre foi, sur leur signification et surtout sur leurs conséquences pour sa mission: lÂÂÂannonce de lÂÂÂÉvangile quÂÂÂest Jésus-Christ, source de notre plénitude de vie. 31. Sans se laisser séduire par la perspective naïve quÂÂÂil pourrait exister pour toutes ces questions une solution facile, lÂÂÂÉglise-Famille de Dieu en Afrique confesse que la solution est une Personne: Jésus-Christ! Voilà pourquoi elle invite de nouveau à persévérer dans lÂÂÂespérance en Lui, lÂÂÂunique capable de nous redonner la dignité et la vraie liberté. En recentrant sa pensée et son action sur le Christ, en le faisant connaître et aimer, en introduisant à lÂÂÂimitation du Christ par une expérience de rencontre personnelle et communautaire avec lui, lÂÂÂÉglise-Famille de Dieu en Afrique veut rayonner de la vie trinitaire et transformer avec le Christ, par lui, en lui et pour lui, lÂÂÂhistoire et les sociétés africaines. CÂÂÂest dans la rencontre avec le Dieu vivant qui se donne en Jésus le Christ que lÂÂÂAfrique trouvera la plénitude de vie à laquelle elle aspire. CÂÂÂest dans et par cette expérience de rencontre avec Lui que notre foi devient inébranlable, comme celle de Moïse: «Il était inébranlable dans sa foi comme sÂÂÂil avait vu lÂÂÂInvisible» (He 11, 27). Une telle foi «traverse tous les obstacles pour aller se reposer au sein de lÂÂÂAmour infini, qui ne peut faire quÂÂÂÂÂÂuvre dÂÂÂamour».
[24]
Tels sont lÂÂÂamour, la foi et lÂÂÂespérance en Jésus-Christ que la Deuxième Assemblée Spéciale veut raviver dans la pensée et lÂÂÂagir des fils et des filles de lÂÂÂÉglise en Afrique. Jésus le Christ, parole et pain de vie, 32. «Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et opprimés et moi je vous restaurerai» (Mt 11, 28). LÂÂÂÉglise-Famille de Dieu qui est en Afrique trouve en ces paroles une invitation à la confiance, à jeter de nouveau les filets en profondeur, elle qui, depuis lÂÂÂAssemblée Spéciale pour lÂÂÂAfrique du Synode des Évêques, a fait une option préférentielle pour les pauvres. Elle manifestait ainsi que la situation de déshumanisation et dÂÂÂoppression qui afflige les peuples africains la place devant une crise dans son sens original de «jugement» et devant un défi: la crise de conversion, de sainteté et dÂÂÂintégrité; le défi de développer toutes les potentialités du message évangélique de lÂÂÂadoption divine, afin de libérer les peuples africains du péché et des «structures de péché» [25] de ce joug lourd qui pèse sur eux. Cette crise et ce défi nous portent à tourner nos regards vers Celui qui est notre Vie et notre Libération: Jésus le Christ! I. Parole de vie en abondance 33. LÂÂÂÉpître aux Hébreux nous annonce que Dieu, «après avoir, à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis aux Pères par les prophètes, en ces jours qui sont les derniers, nous a parlé par le Fils, quÂÂÂil a établi héritier de toutes choses, par qui aussi il a fait les siècles» (He 1, 1-2). [26] Ce Fils par lequel Dieu nous parle est lui-même la Parole devenue chair: il est la preuve par excellence de lÂÂÂefficacité de la Parole de Dieu telle quÂÂÂelle est attestée par le Prophète: «ainsi en est-il de la parole qui sort de ma bouche, elle ne revient pas vers moi sans effet, sans avoir accompli ce que jÂÂÂai voulu et réalisé lÂÂÂobjet de sa mission» (Is 55, 11). Devenue chair, cette parole est à lÂÂÂorigine de ce que nous sommes et faisons; elle est le fondement de toute vie. Par elle, Dieu nous engendre à une vie nouvelle, à condition que nous le recevions. Car, cÂÂÂest à ceux qui lÂÂÂont reçu qu«il a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu» (Jn 1, 12). CÂÂÂest donc à partir dÂÂÂelle que nous devons comprendre les traditions africaines, corriger et ajuster leurs visions de la vie, de lÂÂÂhomme et de la famille. Le Christ Jésus, Parole de vie, est la source et lÂÂÂaccomplissement de toutes nos vies. 34. Dans la tradition africaine, parole et vie sont intimement liées. La parole est efficace de manière à précipiter dans la mort ou à donner la vie. La Parole de Dieu devenue chair assume et élève le sens sacré quÂÂÂavait la parole dans les traditions africaines pour la rendre salvifique et la dépouiller de la mort, afin que personne nÂÂÂaille à sa perte. Mais quand on voit combien le peuple africain est objet de manipulation par la parole monopolisée par la radio, la télévision et les discours politiques, on peut dire quÂÂÂelle est devenue on ne peut plus mortelle, alors que lÂÂÂÉvangile de Jésus-Christ a rehaussé infiniment son caractère sacré et vivifiant. Or, dans la ligne de la plupart des traditions africaines et des îles adjacentes, la parole devrait être une interprétation correcte du monde. Cet élément culturel et religieux devrait nous permettre de comprendre mieux ce que signifie lÂÂÂêtre nouveau inauguré par Celui qui est Parole par excellence, et donc de qui découle désormais toute vie. Cela exige du chrétien une familiarité avec cette Parole, pour quÂÂÂelle devienne concrète dans sa vie quotidienne. DÂÂÂoù lÂÂÂimportance de la connaissance de cette Parole par le chrétien; non pas une connaissance purement intellectuelle, académique ou par «ouïe dire»; mais une connaissance qui jaillit dÂÂÂune rencontre personnelle avec le Christ qui nous parle dans les Écritures Saintes. Il est urgent que nos communautés chrétiennes deviennent toujours plus ces lieux dÂÂÂécoute profonde de la Parole de Dieu, dÂÂÂune lecture orante des Écritures Saintes, comme nous le rappelle Sa Sainteté Benoît XVI: «la lecture de lÂÂÂÉcriture Sainte est prière, doit être prière, doit émerger de la prière et conduire à la prière». [27] CÂÂÂest dans cette lecture orante et communautaire en Église que le chrétien rencontre le Christ ressuscité qui lui parle et lui redonne espérance en la plénitude de vie quÂÂÂil donne au monde. Mort et ressuscité, Jésus est confirmé comme source et accomplissement de toute vie: Il est le Principe de toute vie nouvelle; car en lui et par lui, Dieu donne au monde la Parole de vie et réconcilie désormais tous les êtres «en faisant la paix par le sang de sa croix» (Col 1, 20; cf. Col 1, 18sq.) et en étant la justification de tous. Cette justification et cette paix, il nous la donne au fil des temps dans le Pain rompu, qui rend concrète en nous sa Parole, faisant dÂÂÂelle Chair avec notre chair, Corps avec notre corps pour quÂÂÂunis à lui nous reflétions sa lumière, sa présence dans le monde, nous donnions au monde la saveur divine.
II. Pain de vie 35. En effet, par le Pain rompu, le «Christ rend présent, au long du temps, son mystère de mort et de résurrection». [28] Dans le Pain rompu, Il se donne «en personne comme ÂÂÂpain vivant descendu du cielÂÂÂ (Jn 6, 51) et, avec Lui, nous est donné le gage de la vie éternelle, grâce auquel, on goûte par avance au banquet éternel de la Jérusalem céleste». [29] Dans ce festin pascal Dieu lui-même vient à notre rencontre, il vient nous chercher dans le quotidien de nos situations ordinaires et nous unir dans le mystère du don de son amour et anticiper ainsi lÂÂÂunion définitive avec lui. LÂÂÂEucharistie nous oriente vers lÂÂÂavenir, vers lÂÂÂultime retour du Christ. Elle oriente notre attention vers lÂÂÂattente du retour du Seigneur. Cette attente nous introduit dans une dynamique qui met en marche et qui donne à notre cheminement dans lÂÂÂhistoire le souffle de lÂÂÂespérance. LÂÂÂAttendu nÂÂÂest pas cependant absent de lÂÂÂhistoire, car lÂÂÂEucharistie le rend vraiment présent. Dans la réalité de son Corps et de son Sang, le Christ se rend tout entier substantiellement présent à nos vies, [30] réalise sa promesse dÂÂÂêtre avec nous tous les jours de nos vies jusquÂÂÂà la fin des temps (cf. Mt 28, 20) et nous renvoie vers nos réalités quotidiennes pour que nous puissions les remplir de sa présence qui jaillit de notre rencontre avec Lui. CÂÂÂest cette relation intime et mutuelle avec Lui qui nous permet dÂÂÂanticiper en quelque sorte le ciel sur la terre. Dans lÂÂÂEucharistie est bien mise en évidence que la vie est relation de communion avec Dieu, avec nos frères et sÂÂÂurs, et avec toute la création entière. LÂÂÂEucharistie fait de nous Église, signe et instrument de son amour qui transforme le monde. 36. En effet, quÂÂÂy a-t-il de plus dramatique dans le contexte socio-politique et économique actuel du continent africain que la lutte souvent sanglante pour la vie et la survie? Et si la Première Assemblée Spéciale pour lÂÂÂAfrique de 1994 a insisté sur lÂÂÂÉglise-Famille de Dieu, quelle peut bien être son apport dans la construction de lÂÂÂAfrique assoiffée de réconciliation et en quête de justice et de paix? Les guerres ethniques ou régionales, les massacres et les génocides qui ont libre cours sur le continent doivent nous interpeller dÂÂÂune manière toute spéciale: sÂÂÂil est vrai quÂÂÂen Jésus-Christ, nous appartenons à la même famille et partageons la même Parole de vie et le même Pain de vie, sÂÂÂil est tout aussi vrai que nous partageons la même Vie, car le même Sang du Christ circule dans nos veines, faisant de nous les enfants de Dieu, membres de la Famille de Dieu; alors il ne devrait plus y avoir de haines, dÂÂÂinjustices et de guerres entre frères. DÂÂÂoù la nécessité dÂÂÂapprofondir et dÂÂÂincarner dans la vie ce quÂÂÂest le mystère dÂÂÂune Église-Famille.
Église, sacrement de réconciliation, de justice et de paix en Afrique 37. Définie comme Église-Famille, lÂÂÂÉglise en Afrique entend rappeler à tous quÂÂÂils sont sÂÂÂurs et frères (cf. Mt 23, 8) et quÂÂÂils ont tous le devoir de rechercher en toute chose, ce qui contribue à édifier la fraternité, la paix (cf. Rm 14, 19) et la justice. Dans le dessein de Dieu, lÂÂÂÉglise nÂÂÂest pas un moyen que lÂÂÂon peut employer pour une quelconque idéologie. Elle est bien plutôt, dans le mystère de la communication de lÂÂÂamour de Dieu à lÂÂÂhumanité, le signe et lÂÂÂinstrument [31] de la communion de la famille humaine avec Dieu lui-même et de la communion entre les hommes et avec toute la création. Elle est en son sein porteuse de la Parole et du Pain de vie, Parole et Pain dÂÂÂamour.
I. La perspective missionnaire de réception de lÂÂÂÉglise-Famille de Dieu dans lÂÂÂAfrique contemporaine 38. Le sens de la fraternité qui va au-delà des limites de sa propre famille, de sa propre tribu ou ethnie est une valeur qui est réellement enracinée dans les milieux africains; il est la source dÂÂÂinspiration des comportements de solidarité qui ont amené beaucoup de gens jusquÂÂÂà la mort, parce quÂÂÂils ont refusé de participer à la violence exercée par leurs groupes contre les autres, ou parce quÂÂÂils ont protégé et défendu des gens voués à lÂÂÂextermination par leurs groupes. 39. CÂÂÂest dans cette tradition marquée par la sacralité de la vie, la fraternité et le sens de la parole que sÂÂÂinscrit la définition de lÂÂÂÉglise comme Famille de Dieu. Elle est le lieu de la fraternité, elle qui se reçoit du Christ, plénitude de vie, notre frère Aîné, Premier-né dÂÂÂentre les morts; elle qui vit de la Parole vivante du Père Éternel. En tant que Mère qui nous génère dans le baptême à la vie en Dieu, elle doit être le lieu par excellence de la vie, et non de la mort. CÂÂÂest par son sang versé, jaillissant de son flanc sur la croix que Jésus nous établit en frères et sÂÂÂurs unis désormais par le lien de son Sang qui, de lÂÂÂEucharistie, passe dans nos veines. La vie reçue dans le baptême et que chacun de nous est appelé à son tour à faire grandir par la participation aux sacrements, et spécialement lÂÂÂEucharistie, doit être de tous et par tous contemplée comme sacrée, et par conséquent, respectée et protégée. Puisque désormais, cÂÂÂest le même Sang du Christ qui circule en chacun de nous et nous constitue Église-Famille de Dieu dans le Corps et Sang du Christ, verser le sang de son frère, cÂÂÂest verser son propre sang, le Sang du Christ, cÂÂÂest tuer sa vie en nous. Personne nÂÂÂest autorisée à porter atteinte à la vie. Seul Dieu en est le maître. Tous nous la recevons de Lui et devons la remettre en ses mains. LÂÂÂEucharistie met particulièrement en évidence ce caractère sacré de la vie et notre responsabilité commune par rapport à elle. 40. La mission dÂÂÂune Église qui se veut Famille de Dieu en Afrique ne peut désormais se comprendre quÂÂÂà partir de cette communication de la vie, quÂÂÂà partir de lÂÂÂunité-fraternité qui jaillit de la paix que nous donne le Sang du Christ versé pour nous. LÂÂÂannonce de cette paix aux peuples déchirés par les conflits et les guerres résonne désormais en nos cÂÂÂurs en ces termes: «Vous êtes tous frères» (Mt 23, 8), arrêtez les guerres! CÂÂÂest là rejoindre une des déclarations fondamentales de Concile Vatican II «lÂÂÂactivité missionnaire de lÂÂÂÉglise [ ] possède un lien intime avec la nature humaine et ses aspirations» [32] et précise que «lÂÂÂÉvangile [ ] se présente toujours comme un ferment de fraternité, dÂÂÂunité et de paix». [33] Par conséquent, personne ne peut prendre plaisir à détruire, à tuer sa sÂÂÂur ou son frère, à dépouiller sa propre famille, à la priver des forces vitales nécessaires. Dès lors, lÂÂÂon peut dire, se situant dans la perspective de ce mystère de lÂÂÂÉglise-Famille de Dieu, que si lÂÂÂAfrique est frappée par la pauvreté, la corruption, lÂÂÂinjustice et la violence, lÂÂÂÉglise doit être une communauté qui guérit, réconcilie, pardonne et encourage, bref, une Église évangélisatrice et engagée dans la promotion humaine, comme nous le rappelle si bien Sa Sainteté le Pape Benoît XVI: «LÂÂÂÉglise est famille de Dieu dans le monde. En cette famille, personne ne doit souffrir par manque du nécessaire». [34] La Deuxième Assemblée Spéciale devrait nous permettre dÂÂÂaccroître la prise de conscience de ce lien étroit entre la mission et la promotion humaine, de traduire dans le quotidien la Doctrine sociale de lÂÂÂÉglise. II. La Doctrine sociale de lÂÂÂÉglise et sa mission évangélisatrice 41. Pour lÂÂÂÉglise-Famille de Dieu en Afrique, le lien qui existe entre la mission évangélisatrice et la promotion humaine est un lien indissociable de son être et de sa mission; [35] étant donné que le salut en Jésus-Christ quÂÂÂelle annonce concerne lÂÂÂhomme dans son intégralité. Pour elle, «évangéliser cÂÂÂest développer lÂÂÂhomme dans toutes les dimensions de sa vocation de fils de Dieu». [36] Ce lien se concrétise dans des actes dÂÂÂengagement pour la promotion humaine tels que: éducation, santé, assistance aux nécessiteux, projets de développement, défense des Droits de lÂÂÂHomme et engagement pour lÂÂÂavènement de la démocratie et des états de droit. Séparer la promotion humaine de lÂÂÂamour évangélique qui la porte, cÂÂÂest nier lÂÂÂunité profonde de lÂÂÂengagement humain dans lequel se révèle, en effet, lÂÂÂidentité profonde du chrétien. 1. Quelques principes fondamentaux de la Doctrine sociale de lÂÂÂÉglise a. Le fondement théologique et anthropologique 42. Par sa Doctrine sociale, lÂÂÂÉglise réalise fidèlement sa mission spécifique: celle dÂÂÂêtre dans le monde le reflet de lÂÂÂamour de Dieu pour tout être humain. Dans lÂÂÂannonce et lÂÂÂactualisation de lÂÂÂÉvangile, «elle atteste à lÂÂÂhomme, au nom du Christ, sa dignité propre et sa vocation à la communion des personnes, elle lui enseigne les exigences de la justice et de la paix, conformes à la sagesse divine». [37] À lÂÂÂhomme en tant quÂÂÂêtre de relation, lÂÂÂÉglise exprime sa proximité grâce à sa Doctrine sociale. [38] Elle lui révèle quÂÂÂil est un être spirituel et corporel, en relation avec Dieu, avec ses frères et sÂÂÂurs dans lÂÂÂhumanité et avec toutes les autres créatures. CÂÂÂest donc lÂÂÂhomme, considéré dans sa dimension historique, qui est au cÂÂÂur de la Doctrine sociale de lÂÂÂÉglise. [39] Celle-ci reçoit ses orientations à partir du principe de la dignité de la personne humaine. [40] 43. De lÂÂÂhomme et des réalités terrestres, il est déjà question dans les premières pages de lÂÂÂÉcriture Sainte. Dès le début, lÂÂÂhomme, créé à lÂÂÂimage de Dieu (cf. Gn 1, 27), est posé comme le gardien de la création (cf. Gn 2, 15; Ps 8; Sg 9, 1-5; Si 17, 1-4). Cette mission de gardien va de pair avec le devoir de cultiver la terre. Le travail se révèle comme le lieu à partir duquel, lÂÂÂhomme assume sa mission de gardien. Ainsi Saint Paul peut dire aux Thessaloniciens: «en mettant votre honneur à vivre calmes, à vous occuper chacun de vos affaires, à travailler de vos mains, comme nous vous lÂÂÂavons ordonné» (1 Th 4, 11; cf. Ep 4, 28; 2 Th 3, 10). Le travail est souligné non seulement comme une nécessité, comme un moyen dÂÂÂassurer sa propre subsistance et celle des autres, mais comme ce qui donne dignité à lÂÂÂhomme et donc le libère pour être le gardien de la création et jouir de ses fruits (cf. 2 Tm 2, 6). En même temps, les textes sacrés attirent notre attention sur la caducité des réalités terrestres (cf. 1 Tm 6, 6-10; 1 Co 7, 29-31). CÂÂÂest à partir de cette perspective eschatologique que se mesure et sÂÂÂévalue toutes les réalités terrestres et la relation de lÂÂÂhomme à elles. b. Certains principes fondamentaux 44. Au cÂÂÂur de cette mission de gardien et de ce devoir de travailler et de jouir des fruits de son travail, les textes sacrés insistent sur la solidarité de tout le créé comme un principe fondamental qui garantit lÂÂÂunité, la justice et la paix. Saint Paul rappelle que tous sont appelés à mettre à disposition des autres leurs propres biens (cf. 1 Tm 6, 17-19). [41] Il ne sÂÂÂagit pas dÂÂÂenlever aux uns ce qui leur est dû, mais de veiller à ce que demeure de mise, au sein de la création, le principe dÂÂÂéquité (cf. 2 Co 8, 13-15), que lÂÂÂabondance des uns supplée au manque des autres. Un tel partage doit veiller à ne pas encourager le parasitisme, mais à créer une vraie culture du travail et de la solidarité. Ce principe de solidarité est intimement lié au principe de la destination universelle des biens: «Dieu a destiné la terre et tout ce quÂÂÂelle contient à lÂÂÂusage de tous les hommes et de tous les peuples, en sorte que les biens créés doivent être mis en abondance à la disposition de tous, de façon équitable, sous la conduite de la justice, dont la charité est la compagne». [42] Ce principe est à la base du droit à lÂÂÂusage des biens. Tout être humain doit avoir la possibilité de jouir du bien-être nécessaire à son plein développement. La destination universelle des biens exige de tous lÂÂÂeffort pour obtenir pour toute personne humaine et pour tous les peuples les conditions nécessaires pour un développement intégral. Par conséquent, lÂÂÂÉglise considère le droit à la propriété privée comme étant subordonné au droit de lÂÂÂusage commun et au principe de la destination universelle des biens. [43] Par là, on entend souligner le fait que lÂÂÂhomme doit considérer les biens quÂÂÂil possède non seulement comme sa propriété, mais aussi comme étant communs, dans ce sens quÂÂÂils peuvent toujours être utiles aussi aux autres. [44] Par le biais du principe de la destination universelle des biens, lÂÂÂÉglise met en évidence son option préférentielle pour les pauvres, [45] laquelle renvoie chaque chrétien à ses responsabilités sociales en tant que témoin du primat de la charité du Christ. Cela vaut également au niveau des biens culturels. 45. Les nouvelles connaissances techniques et scientifiques doivent être mises au service des besoins premiers de lÂÂÂhomme. LÂÂÂÉglise en Afrique sÂÂÂunit à la voix du Pape Jean-Paul II pour exiger que lÂÂÂon en finisse avec «les barrières et les monopoles qui maintiennent de nombreux peuples en marge du développement, assurer à tous les individus et à toutes les nations les conditions élémentaires qui permettent de participer au développement». [46] LÂÂÂÉglise ne nie cependant pas le droit à la propriété privée. Celle-ci assure à la personne humaine lÂÂÂespace nécessaire pour lÂÂÂautonomie personnelle et familiale et peut être considérée comme un prolongement de la liberté humaine. Elle est un stimulant pour le sens du devoir et de la responsabilité. [47] Elle ne doit pas cependant être considérée comme un bien absolu. Elle est relative au bien commun. 46. Le bien commun peut être entendu comme la dimension sociale e communautaire du bien moral. De même que lÂÂÂagir moral de la personne se réalise dans lÂÂÂaccomplissement du bien, lÂÂÂagir social atteint sa plénitude dans la réalisation du bien commun. [48] La responsabilité du bien commun revient non seulement à lÂÂÂÉtat, mais aussi aux individus. LÂÂÂÉtat doit en effet garantir la cohésion, lÂÂÂunité et lÂÂÂorganisation de la société dont il est lÂÂÂexpression, de manière que tous ses citoyens puissent contribuer au bien commun. De ce fait, il doit harmoniser avec justice les différents intérêts sectoriels et réglementer les différends. LÂÂÂordre juste de la société et de lÂÂÂÉtat est le devoir essentiel du politique. [49] Pour le réaliser, il est important que le politique respecte et fasse respecter les valeurs fondamentales de la vie sociale telles que: la bonne gouvernance, la vérité, la liberté et la justice. 47. LÂÂÂavènement de cet ordre exige la collaboration et la participation de toutes les composantes de la société. Voilà pourquoi, lÂÂÂÉglise insiste sur le respect et lÂÂÂapplication du principe de subsidiarité, selon lequel toutes les sociétés dÂÂÂordre supérieur doivent avoir une attitude de soutien, de support, de promotion, dÂÂÂaide (subsidium) par rapport aux sociétés dÂÂÂordre mineur. Par là, lÂÂÂÉglise entend dire que si lÂÂÂÉtat veut promouvoir la dignité de la personne humaine, il doit encourager, soutenir, promouvoir et développer «les initiatives qui naissent des différentes forces sociales et qui associent spontanéité et proximité avec les hommes ayant besoin dÂÂÂaide». [50] Sur base de ce principe, lÂÂÂÉglise est contraire à toute forme dÂÂÂexcès de centralisation, de bureaucratisation, de présence de lÂÂÂÉtat et de lÂÂÂappareil administratif. En sens inverse, on peut noter en certains pays africains, lÂÂÂabsence totale dÂÂÂun État qui garantit la sécurité des biens et des personnes et capable de soutenir et promouvoir les initiatives qui viennent dÂÂÂen bas. Une des conséquences du principe de subsidiarité est justement la participation. Elle sÂÂÂexprime essentiellement «à travers une série dÂÂÂactivité au moyen desquelles le citoyen, comme individu ou en association avec dÂÂÂautres [ ] contribue à la vie culturelle, économique, sociale et politique de la communauté civile à laquelle il appartient». [51] Aucun citoyen ne peut se soustraire à ce devoir de participation. LÂÂÂÉglise faisant sienne les joies et les souffrances du peuple de Dieu ne peut se soustraire à ce devoir de participation. 2. Quelques tentations à vaincre 48. Dans cette perspective, lÂÂÂÉglise ne perd pas de vue que les fidèles qui constituent lÂÂÂÉglise dÂÂÂaujourdÂÂÂhui sont aussi marqués par lÂÂÂesprit du temps; ils partagent les joies et les souffrances des hommes dÂÂÂaujourdÂÂÂhui. [52] La réalisation de sa mission de donner forme concrète au Règne de Dieu dans lÂÂÂhistoire exige de lÂÂÂÉglise cette solidarité avec toute la création, mais, avant tout, une conversion continue. À lÂÂÂexemple du Christ, nous ne serons fidèles à cette mission quÂÂÂen effectuant une conversion continue vers le Père, source de toute vraie vie, lÂÂÂunique capable de nous délivrer du mal, de toute tentation et de nous maintenir dans son Esprit, au sein même du combat contre les forces du mal. 49. Selon lÂÂÂÉvangile de Saint Luc, nous ne pouvons perdre de vue que la première tentation est celle de transformer les pierres en pain (cf. Lc 4, 1-5). En nous engageant dans la lutte contre la faim, ne nous laissons pas dévier de la trajectoire originaire: le Christ comme vrai Pain de vie. En focalisant lÂÂÂattention, en raison des détresses, vers lÂÂÂespérance des lendemains meilleurs où seront bannis pénurie, conflits, dissensions et violences, nÂÂÂoublions pas lÂÂÂécoute de ce qui sÂÂÂannonce comme forme fondamentale de toute vraie libération: lÂÂÂappel de Jésus à la conversion (cf. Mt 4, 17). Ne tombons pas dans la tentation dÂÂÂun messianisme qui écarte, comme par enchantement, la pénurie, comme si lÂÂÂéconomie, le travail quÂÂÂelle suppose et lÂÂÂinventivité quÂÂÂelle requiert nÂÂÂétaient que des accidents malheureux de notre condition. Puisse la Deuxième Assemblée Spéciale être un temps fort de réflexion pour trouver des voies et des moyens de relancer nos économies et créer une vraie et solide culture du travail bien fait. 50. La deuxième tentation (cf. Lc 4, 5-9) évoque notre rapport au devenir de lÂÂÂAfrique: le politique. Dans la réponse de Jésus à cette tentation se révèle une critique du politique: sa prétention à vouloir être le médiateur exclusif de la libération et donc à sÂÂÂétablir en Absolu excluant toute dimension religieuse. En effet, lÂÂÂÉtat ne peut ignorer ou vouloir se débarrasser de la religion. La réalisation de la société juste ne peut advenir sans la composante de lÂÂÂamour. Comme nous le rappelle Sa Sainteté Benoît XVI, quiconque veut se débarrasser de lÂÂÂamour finit par se débarrasser de lÂÂÂhomme. [53] Le politicien africain nÂÂÂest pas non plus épargné par cette tentation. En effet, on note chez beaucoup de nos politiciens la tendance à ignorer la religion ou à vouloir sÂÂÂen débarrasser. Plus que lÂÂÂattention à la vérité de Dieu, ce sont leurs idoles qui comptent. Les idoles ne possèdent quÂÂÂun pouvoir imaginaire ou de fascination, elles nÂÂÂont pas le souci de lÂÂÂêtre humain puisquÂÂÂelles nÂÂÂexistent que de son désir dévié ou pervers. Un seul garantit la vie, celui qui nÂÂÂest point une idole, mais le Dieu vrai. Jésus dédivinise le politique, il le dénonce comme une tentation majeure et lui donne sa vraie dimension: être le vecteur privilégié dÂÂÂune histoire réconciliée. La réconciliation est avant tout un don qui nous vient de Dieu, lÂÂÂUnique qui opère dans le plus profond des cÂÂÂurs. LÂÂÂattitude du chrétien face à la tentation du politique qui tend à sÂÂÂériger en maître de la vie ne peut être que celle des Rois Mages (cf. Mt 2, 12.16-18) qui solidarisent avec lÂÂÂEnfant-Jésus et sa famille et sÂÂÂengagent à protéger à tout prix sa vie. De la même manière, les chrétiens sÂÂÂopposent aux sorciers et aux sorcières modernes qui sèment partout en Afrique la misère et la mort, avec leurs armes et leurs politiques criminelles. Par le baptême et par la Célébration eucharistique, le chrétien reçoit la vie de Dieu et sÂÂÂengage à la faire grandir en soi, mais aussi à la laisser croître dans les autres. Cet accueil de la vie du Christ en nous doit nous conduire jusquÂÂÂà la résistance à tout message et à toute autorité contraires à la vie. Le massacre des innocents du temps de Jésus, lui-même pacifiquement protégé par les Rois Mages, a été la conséquence de cette décision sanglante dÂÂÂHérode. Et depuis ce temps-là combien de martyrs, hommes et femmes, dans lÂÂÂhistoire du Christianisme, nÂÂÂont pas payé de leur vie cette résistance née de la fidélité à lÂÂÂÉvangile et à la personne du Christ? 51. LÂÂÂhistoire récente de lÂÂÂAfrique en témoigne également. Nous pensons ici non seulement aux martyrs tels que ceux de lÂÂÂOuganda, les Bienheureux Annuarite Nengapeta et Isidore Bakanja; mais aussi à certains témoins de la foi tels que le Bienheureux Cyprien Michael Iwene Tansi et le Serviteur de Dieu Julius Nyerere et à tous ces nombreux chrétiens qui ont souffert lÂÂÂemprisonnement, la torture, la privation de leurs biens à cause de lÂÂÂÉvangile. Comment ne pas mentionner également toutes ces victimes de lÂÂÂhistoire récente de nos pays, ces hommes et ces femmes brutalement déchiquetés par les balles des dictateurs africains et étrangers et dont le seul crime était de réclamer la paix, plus de justice et de dignité humaine pour leurs concitoyennes et concitoyens opprimés. Souvent ce sont les chrétiens qui prennent une part très active à lÂÂÂorganisation du destin politique et économique de leurs peuples. Il nÂÂÂest pas rare, en effet, quÂÂÂils soient, eux aussi, à lÂÂÂorigine des divisions, des guerres interethniques, de la corruption et dÂÂÂautres maux qui agitent le continent. Ce faisant, ils trahissent non seulement lÂÂÂÉvangile du Christ, mais encore ils font fi même de leur tradition ancestrale qui voudrait que chacun pourvoie à lÂÂÂaccroissement de la vie de chacun et de toute la communauté. Comment maintenir toujours vivante la conscience du fait que la nature de sa mission exige de lÂÂÂÉglise lÂÂÂunité et la fidélité à lÂÂÂenseignement du Maître? 52. La troisième tentation (cf. Lc 4, 9-13) dévoile les raisons des illusions économiques et politiques: user de la puissance divine pour des fins contredisant le désir de Dieu et son action, construire un divin à la mesure du désir de lÂÂÂhomme. La logique chrétienne est, en revanche, celle de sÂÂÂinterroger sur le destin de la foi en ce monde: le Règne est là, et cÂÂÂest ici et maintenant quÂÂÂil faut le voir et lÂÂÂexpérimenter. Voilà pourquoi, lÂÂÂExhortation Apostolique proclame haut et fort quÂÂÂil «est impossible dÂÂÂaccepter que lÂÂÂÂÂÂuvre dÂÂÂévangélisation puisse ou doive négliger les questions extrêmement graves, tellement agitées aujourdÂÂÂhui, concernant la justice, la libération, le développement et la paix dans le monde». [54] Comment entendre dès lors lÂÂÂavènement du Règne comme réconciliation, justice et paix? La Deuxième Assemblée Spéciale est une opportunité pour réfléchir et trouver dans la lumière de lÂÂÂEsprit les voies et les moyens dÂÂÂun témoignage chrétien fécond et efficace dans le monde de la politique et de lÂÂÂéconomie en Afrique. Le meilleur fonctionnement de ce deux domaines dépend beaucoup de la capacité des Africains à se réconcilier, à rétablir la paix et la justice. CÂÂÂest particulièrement urgent parce que la situation actuelle en ce qui concerne la réconciliation, la justice et la paix dans la plupart des pays africains peut être qualifiée de préoccupante dans certains pays, et de désastreuse dans dÂÂÂautres. Le témoignage dÂÂÂune Église qui reflète la lumière du Christ sur le monde 53. La mission de lÂÂÂÉglise est dÂÂÂannoncer la Bonne Nouvelle du salut, un salut qui libère lÂÂÂhomme, tout lÂÂÂhomme, lÂÂÂhomme dans toutes ses dimensions: spirituelle, morale, culturelle, économique et sociale. CÂÂÂest cette mission qui incombe à lÂÂÂÉglise-Famille de Dieu en Afrique. Elle interpelle tous les membres de lÂÂÂÉglise, chacun à son niveau et dans son milieu de vie. I. LÂÂÂÉglise dans sa dimension hiérarchique et son témoignage dans le monde 1. Le rôle de lÂÂÂévêque et celui des Conférences épiscopales 54. LÂÂÂévêque étant le premier pasteur de lÂÂÂÉglise locale, il lui incombe dÂÂÂassumer en premier cette responsabilité et de veiller à trouver la méthode et les attitudes adéquates pour enseigner et mettre en ÂÂÂuvre ce message doctrinal et pastoral. Cela exige quÂÂÂil doit manifester une plus large solidarité envers le peuple et une grande sensibilité aux problèmes qui affectent la vie du peuple de Dieu qui lui est confié. [55] Il doit démontrer une réelle volonté à en trouver des solutions en en dévoilant les vraies causes. Il doit toujours être prêt à prendre position lorsque les droits humains fondamentaux sont bafoués et, sÂÂÂinspirant à la Doctrine sociale de lÂÂÂÉglise, exiger le respect des principes de la bonne gouvernance de la part de la classe politique. Il doit par conséquent avoir le souci de former des chrétiens capables de dépasser la dichotomie entre la conscience individuelle et lÂÂÂappartenance au groupe. LÂÂÂévêque doit réconcilier, il ne doit pas avoir de parti pris. Dans les conflits qui secouent lÂÂÂAfrique, lÂÂÂÉglise doit être un arbitre dont lÂÂÂimpartialité ne doit pas être mise en discussion. Les prises de position de lÂÂÂévêque se doivent dÂÂÂêtre impartiales vis-à-vis du pouvoir politique et des idéologies des différentes formations à caractère politique ou tribal. Une telle impartialité devrait lui permettre dÂÂÂêtre en position favorable pour dénoncer les abus de ce même pouvoir ainsi que les manipulations du peuple par certains politiciens et défendre avec énergie les petites gens qui voient, impuissants, leurs droits foulés au pied. 55. CÂÂÂest dans la collégialité et la solidarité avec ses confrères dans lÂÂÂépiscopat que son action trouvera son efficacité. LÂÂÂunité à lÂÂÂintérieur de la Conférence épiscopale est dÂÂÂune importance capitale surtout en situation de crise sociale et politique. CÂÂÂest cette unité qui rendra lÂÂÂaction de lÂÂÂÉglise crédible et prometteuse de lendemains meilleurs. Une telle unité ne se limite pas à lÂÂÂintérieur dÂÂÂun pays; elle devrait caractériser aussi les relations avec les autres Conférences épiscopales régionales et continentale. Cela exige de la part de chaque évêque un profond et authentique sens ecclésial et une fidélité indéfectible à lÂÂÂÉvangile dans la recherche des solutions aux problèmes communs. 56. Les Conférences épiscopales devraient relancer et rendre vraiment opérationnelles les différentes Commissions «justice et paix». Il faut en outre les soutenir et les doter de tous les moyens nécessaires afin de leur permettre de jouer efficacement leur rôle. Elles devraient être les lieux dÂÂÂétude des problèmes auxquels les sociétés africaines sont confrontées pour ensuite contribuer à en trouver des solutions adéquates. DÂÂÂoù la nécessité, de la part des évêques et des Conférences épiscopales, dÂÂÂune sensibilisation, sinon dÂÂÂun apprentissage, à débattre sur les problèmes de la société, à la lumière de la Parole de Dieu, de la Doctrine sociale de lÂÂÂÉglise et des Messages pontificaux par exemple, ceux pour la Journée mondiale de la paix. Ceci exige de préparer adéquatement les agents pastoraux à cette mission. Dans cette perspective, chaque Conférence épiscopale devra mettre en place une pastorale particulière en vue de répondre aux exigences des différentes catégories qui composent la société: les forces armées, les mouvements armés et les milices, les politiciens, les intellectuels et les fonctionnaires, les réfugiés à lÂÂÂextérieur et les déplacés à lÂÂÂintérieur du pays. Vu le rôle que toutes ces catégories jouent -ou sont appelées à jouer- pour quÂÂÂil y ait paix et justice en Afrique, il est absolument indispensable quÂÂÂelles soient dorénavant plus au centre de lÂÂÂattention de la part des pasteurs de lÂÂÂÉglise. Chaque Conférence épiscopale devrait penser à mettre sur pied des équipes dÂÂÂexperts chargées dÂÂÂélaborer sérieusement des projets pastoraux qui répondent aux exigences de chacune de ces catégories sociales. Encore faudra-t-il que ces équipes dÂÂÂexperts soient dotées de moyens suffisants et dÂÂÂinstruments nécessaires pour pouvoir bien y travailler. 2. Les Commissions épiscopales «justice et paix» 57. Chaque Conférence épiscopale, et au besoin chaque diocèse, devrait avoir une Commission épiscopale «justice et paix». Celle-ci doit être lÂÂÂÂÂÂil vigilant de lÂÂÂÉglise locale au sein de la société au sujet de tous les problèmes épineux qui la hantent, en particulier ceux relatifs à la justice sociale, lÂÂÂéquité, les droits de lÂÂÂhomme, la promotion du bien commun, la coexistence démocratique, la réconciliation, le développement. Elle devrait être un organe dÂÂÂétude et de réflexion dans le cadre de la pastorale dÂÂÂensemble définie par la Conférence épiscopale et en relation avec le Conseil Pontifical justice et paix. En tant que telle, cette Commission est à concevoir comme une ÂÂÂuvre dÂÂÂÉglise qui pense en Église et pour lÂÂÂÉglise. Elle se veut une Commission pour la promotion de la justice et de la paix selon lÂÂÂesprit de lÂÂÂÉvangile et de lÂÂÂenseignement de lÂÂÂÉglise sur ces valeurs. Elle est un instrument indispensable pour lÂÂÂexécution dÂÂÂune pastorale spécifique en matière de réconciliation, de justice et de paix. 3. Les prêtres, les personnes consacrées et les Institutions ecclésiales de formation a. Les prêtres 58. La mission spécifique du prêtre dans lÂÂÂÉglise, comme nous le rappelle le Concile Vatican II, nÂÂÂest pas dÂÂÂordre politique, économique ou sociale, mais religieux. [56] Toutefois, dans la perspective de son ministère, il peut et doit contribuer à lÂÂÂinstauration dÂÂÂun ordre séculier plus juste. En effet, la parole de lÂÂÂÉvangile quÂÂÂil annonce au nom du Christ et de son Église, la grâce efficace de la vie sacramentelle quÂÂÂil administre et le témoignage de sa charité, doivent contribuer à libérer lÂÂÂhomme de ses égoïsmes personnels et sociaux, et promouvoir entre les hommes les conditions de justice qui sont signes de la Charité du Christ présent parmi nous. [57] La contribution des agents pastoraux au progrès de la réconciliation, de la paix et de la justice en Afrique passera par le canal des prédications, des catéchèses, des lettres pastorales. Et en particulier par une pastorale familiale bien adaptée à ces défis. b. Les personnes consacrées 59. De même, les personnes consacrées sont appelées à ÂÂÂuvrer pour lÂÂÂavènement de la réconciliation, de la justice et de la paix en Afrique en vivant profondément leur charisme et les conseils évangéliques au sein de leurs propres communautés et dans le monde. En effet, cÂÂÂest par le témoignage dÂÂÂune vie de service, dÂÂÂacceptation de la diversité, de pardon et de réconciliation, quÂÂÂelles seront dans le monde «signe» et «instrument» du Règne à venir. Par la simplicité de leur style de vie chaste, signe visible de leur donation totale au Christ et à son Église, par lÂÂÂesprit évangélique de détachement et dÂÂÂhonnêteté dans lÂÂÂusage des biens de ce monde et dÂÂÂobéissance à leur supérieur, elles rendront témoignage «aux merveilles que Dieu opère dans lÂÂÂhumanité fragile des personnes quÂÂÂil appelle à le suivre de manière toute spéciale». [58] LÂÂÂengagement pour la réconciliation, la justice et la paix est intrinsèque à leur vocation. En effet, les personnes consacrées devraient être en quelque sorte la mémoire vivante de la conviction de tout chrétien de ne pas «avoir une cité stable, définitive» sur la terre (Hb 13, 14) ou mieux encore de nÂÂÂappartenir à aucune tribu, race et peuple, sur la terre et par conséquent de nÂÂÂêtre que des citoyens en quête de la réalisation définitive du Règne de Dieu dont elles invoquent incessamment la venue. c. Les Institutions ecclésiales de formation 60. Une préparation préalable non seulement de ceux qui, dans le futur, seront engagés dans la pastorale ecclésiale; mais aussi de tous ceux-là qui sont formés dans les Institutions ecclésiales (Universités et Instituts Supérieurs catholiques, etc.), est plus que nécessaire. DÂÂÂoù la nécessité dÂÂÂintroduire dans le programme de formation des agents pastoraux et des personnes consacrées, ainsi que dans le programme de formation des Institutions ecclésiales de formation, des cours et des séminaires de formation sur lÂÂÂéducation à la paix et aux questions de justice. Il sÂÂÂagira de leur fournir des instruments de grande utilité pour lÂÂÂanalyse des réalités socio-politiques du milieu dans lequel ils sont appelés à ÂÂÂuvrer. Les Institutions éducatives catholiques sont appelées à rendre un service formatif précieux en promouvant la rencontre féconde entre lÂÂÂÉvangile et les différents savoirs. [59] La formation des chrétiens laïcs doit par conséquent en premier lieu chercher à les rendre capables dÂÂÂaffronter efficacement les tâches quotidiennes dans les domaines culturel, social, économique et politique en développant en eux le sens du devoir pratiqué au service du bien commun. Un deuxième aspect de cette formation consiste en une formation de la conscience politique pour préparer les chrétiens laïcs à lÂÂÂexercice du pouvoir politique. [60] Ils doivent en effet acquérir une connaissance de qualité de lÂÂÂenseignement et de lÂÂÂaction pastorale de lÂÂÂÉglise dans le domaine social et un vif intérêt pour les questions sociales de notre temps. II. LÂÂÂengagement de tous les fidèles au service de la réconciliation, de la justice et de la paix 1. LÂÂÂidentité et la mission du laïc dans lÂÂÂÉglise et dans le monde 61. LÂÂÂheure est venue pour un engagement massif et déterminé des laïcs chrétiens africains dans la vie de lÂÂÂÉglise et de lÂÂÂÉtat. La mission des laïcs appartient à la nature même de lÂÂÂÉglise. AujourdÂÂÂhui en Afrique, elle est dÂÂÂune actualité et dÂÂÂune nécessité toute particulière. Cette actualité et cette nécessité ne se justifient pas tant du fait de la croissance de la conviction sur la responsabilité et la participation des laïcs dans lÂÂÂagir de lÂÂÂÉglise dans le monde, mais bien plus de la conscience de la vraie nature même de la mission de lÂÂÂÉglise dans le monde. Pour une meilleure intelligence de cette actualité et nécessité de la mission du laïc au sein de lÂÂÂunique mission de lÂÂÂÉglise, il nous faut repartir dÂÂÂune compréhension de lÂÂÂÉglise comme famille, comme «lieu dÂÂÂentraide et de disponibilité au service», [61] comme communauté de vie, dans laquelle il y a diversité de talent, de charisme, de ministère, de fonction, de devoir et de service, lesquels, chacun à leur manière, contribuent à lÂÂÂédification de lÂÂÂÂÂÂuvre commune. Elle est composée de plusieurs membres, mais unie; elle est le Corps du Christ, le peuple de Dieu. 62. CÂÂÂest à partir de cette référence au Christ et au Dieu quÂÂÂil révèle comme amour que tout se comprend et se justifie. Tous sont à son service; chacun à sa manière contribue à lÂÂÂédification de son Corps. À ce service sont destinés les dons reçus de Dieu (cf. 1 Co 7, 7; Ep 4, 13.16) et du Seigneur Jésus-Christ (cf. Ep 4, 7). À travers eux, chaque membre participe à sa manière au pouvoir et à la mission du Christ. [62] Sans porter préjudice à cette unité intérieure fondamentale, face aux différentes situations historiques lÂÂÂÉglise doit toujours réagir en fonction du contexte, tout en gardant à lÂÂÂesprit quÂÂÂelle a une unique mission: [63] révéler le mystère de Dieu et offrir au monde le salut en Jésus-Christ. Avec tous ses membres, elle doit réaliser sa mission. Si lÂÂÂon veut parler de son service au monde, il faut dire que le laïc est lÂÂÂexpert de cette mission. CÂÂÂest ce caractère séculier qui détermine la spécificité du laïc. [64] Il exerce sa mission chrétienne au milieu du monde, dans les conditions normales de la vie familiale et de la société. [65] Il est un chrétien dans le monde. Certes, les clercs et les consacrés sont aussi dans le monde, mais leur mission chrétienne ne touche pas directement lÂÂÂédification des réalités terrestres. Les laïcs, en revanche, ont comme mission spécifique lÂÂÂexistence terrestre. Le rôle des laïcs est par conséquent de réaliser le Règne de Dieu dans lÂÂÂadministration et lÂÂÂorganisation des réalités terrestres selon le dessein divin. Guidés par lÂÂÂesprit de lÂÂÂÉvangile, ils doivent être au sein du monde comme le levain dans la pâte, [66] sel et lumière (cf. Mt 5, 13.14). 63. Par conséquent, le service du laïc dans le monde nÂÂÂest pas purement et simplement un service terrestre; cÂÂÂest un service salvifique qui est, en même temps, un service ecclésial. LÂÂÂÉglise étant une Église dans le monde et pour le monde, le service terrestre du laïc est en même temps un service ecclésial. À travers eux, lÂÂÂÉvangile et la réalité salvifique du Christianisme deviennent présents dans le monde de même que les problèmes du monde deviennent présents au sein de lÂÂÂÉglise. À travers eux, on devrait arriver à lÂÂÂintégration entre Christianisme et culture, de même quÂÂÂà une incarnation du Christianisme dans le monde de notre temps. Le service séculier du laïc participe donc du caractère sacramentel de lÂÂÂÉglise, qui est sacrement du salut. Sur la base de cette conception du laïc au sein de lÂÂÂÉglise, on peut concevoir la relation Église-monde sur deux plans: la place du laïc dans lÂÂÂÉglise et le laïc comme messager de la Bonne Nouvelle dans le monde. Il est appelé à être témoin dans: le couple et la famille; le travail et la profession; la science et lÂÂÂéconomie; la culture et la politique. Il est appelé, justement sur la base de son caractère laïc, [67] à sanctifier le monde et à y insérer lÂÂÂesprit de lÂÂÂÉvangile. [68] CÂÂÂest dans ce contexte que sÂÂÂinscrit lÂÂÂengagement quÂÂÂil doit rendre au nom de lÂÂÂÉvangile au service de la réconciliation, de la justice et de la paix. 64. LÂÂÂavènement de la réconciliation et la consolidation de la paix et de la justice ne sauraient faire fi de lÂÂÂapport des fidèles laïcs eux-mêmes du moment quÂÂÂils en sont en fait les principaux protagonistes. Pour gagner ce pari, ils doivent tous sÂÂÂengager: à combattre toute forme de discrimination; à bâtir la société sur le principe de lÂÂÂégalité et de lÂÂÂéquité; à démystifier lÂÂÂethnie; à maintenir vivante la mémoire de tout ce qui dans les traditions africaines contribuait et contribue à promouvoir la paix, la justice et la réconciliation; à sÂÂÂengager dans une dynamique de réconciliation; à emprunter la voie de la non-violence. Cette mission du laïc dans le monde exige de lui une bonne préparation scientifique, doctrinale et spirituelle. 2. LÂÂÂimportance de la formation des laïcs 65. LÂÂÂhistoire de lÂÂÂévangélisation de lÂÂÂAfrique témoigne dÂÂÂun important engagement missionnaire dans lÂÂÂéducation. LÂÂÂécole fut parmi les institutions les plus importantes -très souvent la plus importante- dans la pastorale missionnaire. Le cas du Congo-Belge est ici assez éclairant. Le Gouvernement belge confia toute lÂÂÂÂÂÂuvre dÂÂÂéducation à la Mission catholique. Ceci produisit beaucoup dÂÂÂeffets positifs: il faut bien reconnaître que cÂÂÂest au travail de ces missionnaires quÂÂÂest dû lÂÂÂessor de plusieurs pays dÂÂÂAfrique, même sÂÂÂil faut bien reconnaître que la période post-coloniale a laissé se dégrader progressivement les bons fondements quÂÂÂils avaient posés. Même dans les périodes de crise, pour plusieurs pays africains, lÂÂÂéducation nÂÂÂa pu fonctionner, en grande partie, que grâce aux institutions ecclésiales. LÂÂÂhumble reconnaissance du travail accompli, ne nous dispense pas dÂÂÂune méditation profonde sur les voies et les moyens pour relancer le système éducatif dans ces pays. 66. Les Églises particulières en Afrique doivent sÂÂÂinterroger sur les efforts à fournir pour assurer une meilleure conscience de la responsabilité des laïcs dans le domaine de la vie économique et politique. Elles ont aussi le devoir de mettre en place les instruments de formation dont les laïcs ont besoin pour que leurs engagements temporels soient inspirés par lÂÂÂÉvangile et la Doctrine sociale. CÂÂÂest avec regret que lÂÂÂon peut constater quÂÂÂen certains endroits lÂÂÂÉglise a longtemps négligé la formation et lÂÂÂéducation des laïcs pour quÂÂÂils sachent se servir de leurs droits civiques, politiques et sociaux en cas dÂÂÂoppression ou de contestation de ces droits. SÂÂÂil est vrai que lÂÂÂon rencontre aujourdÂÂÂhui, dans certains pays, suite à lÂÂÂimpulsion donnée par le Concile Vatican II, un accroissement de lÂÂÂattention accordée par lÂÂÂÉglise à la formation des laïcs et à la création des écoles professionnelles et des universités catholiques, il faut reconnaître, en revanche, que dans nombre de pays très peu dÂÂÂattention est accordée à la formation dÂÂÂune élite catholique compétente, fidèle au Christ et très engagée dans le social. Pour une contribution efficace de lÂÂÂÉglise à une renaissance authentique et dynamique de lÂÂÂAfrique, il faut évaluer le patrimoine de lÂÂÂÉglise et voir comment le mettre en valeur, le gérer, lÂÂÂentretenir et renforcer ainsi lÂÂÂefficacité et la compétence dans la formation dÂÂÂune élite chrétienne capable dÂÂÂexercer une forte influence dans la transformation positive de lÂÂÂAfrique. Il faut le faire avec la ferme conviction dÂÂÂapporter une contribution neuve à la question de la formation des laïcs. Il ne suffit pas de former les gens, encore faut-il concevoir et, si possible, créer des emplois. LÂÂÂÉglise, en effet, «veut servir la formation des consciences dans le domaine politique et contribuer à faire grandir la perception des véritables exigences de la justice et, en même temps, la disponibilité dÂÂÂagir en fonction dÂÂÂelles». [69] LÂÂÂobjectif est de réussir non seulement à produire des compétences capables dÂÂÂinventer, mais aussi dÂÂÂexpérimenter des formes dÂÂÂenseignement qui prépareront les Africains à produire eux-mêmes les conditions meilleures de leur vie matérielle et spirituelle, à survivre et même à prospérer dans un monde de science et de technologie. Une telle formation ne saurait négliger certains éléments fondamentaux, tels que: lÂÂÂestime et lÂÂÂacceptation mutuelle, lÂÂÂexigence dÂÂÂincarner dans les cultures des peuples africains les réalités de la foi, le lien qui existe entre pauvreté et violence, lÂÂÂexigence dÂÂÂune bonne gestion des ressources africaines, la reconnaissance des minorités, les sources subjectives et psychologiques des guerres. 3. Certains aspects qui nécessitent une attention particulière a. Estime et acceptation mutuelle 67. LÂÂÂun des remèdes à opposer à ce «virus» mortel de la discrimination, cÂÂÂest sans doute lÂÂÂadhésion ferme et convaincue à la culture de lÂÂÂestime et de lÂÂÂacceptation mutuelle. Le laïc est avant tout appelé à être dans ce contexte un messager et un témoin engagé dans la recherche des voies et des moyens pour convaincre chaque Africain que lÂÂÂethnie, la région ou lÂÂÂidéologie ne sont pas des valeurs absolues et quÂÂÂelles ne doivent donc pas constituer la principale référence pour le comportement et lÂÂÂaction des uns et des autres. Tout chrétien africain est invité à soutenir toute initiative visant à favoriser lÂÂÂacceptation mutuelle, la coexistence pacifique dans lÂÂÂestime réciproque. Une telle vision du Christianisme exige de rompre avec les solidarités négatives, cÂÂÂest-à-dire qui celles prennent origine justement dans la cristallisation de lÂÂÂethnie. Cela signifie quÂÂÂil faut solidariser avec ceux de sa propre ethnie dans le bien, mais se désolidariser dÂÂÂavec eux dans le mal. Les solidarités positives, non seulement entre membres dÂÂÂune même ethnie, mais aussi entre ceux appartenant à des ethnies différentes sont des bases sur lesquelles fonder lÂÂÂoptimisme pour sortir de lÂÂÂengrainage de la haine et de lÂÂÂautodestruction des peuples. Les témoignages qui se sont vérifiés pendant les moments de crise où des gens dÂÂÂune tribu ont sauvé ceux dÂÂÂune tribu ennemie doivent servir dÂÂÂexemple pour regarder le présent et lÂÂÂavenir avec optimisme. Renforcer de telles solidarités positives, cÂÂÂest une tâche qui consistera à redonner la juste place aux valeurs sociales, en particulier la justice, lÂÂÂéquité, lÂÂÂestime mutuelle et la cohabitation pacifique. LÂÂÂenracinement dans sa propre culture vécu positivement peut être enrichissant pour la réconciliation, la justice et la paix. b. Réconciliation et pardon 68. Le terme réconciliation peut signifier plusieurs choses. Dans lÂÂÂexpérience sud-africaine, par exemple, on décèle une double connotation du terme: dÂÂÂune part, le terme tend à signifier simplement un accord, un consensus ou encore la résolution dÂÂÂun problème ou dÂÂÂun différend; dÂÂÂautre part, il renvoie à lÂÂÂélimination de lÂÂÂinimitié ou la fin de la violence. Mais, le terme ne signifie pas alors nécessairement le rétablissement de la paix dans les cÂÂÂurs, ce qui importe est le rétablissement dÂÂÂune relation normale, de la communication et donc le dépassement du différend. Dans cette perspective, la réconciliation a un caractère pragmatique et est un langage pour apprendre à vivre avec et dans la pluralité, à gérer pacifiquement les conflits. CÂÂÂest ici que revêt tout son sens, pour une pratique de la réconciliation en Afrique, lÂÂÂaffirmation forte de Sa Sainteté Benoît XVI: «Le sang versé ne crie pas vengeance, mais appelle au respect de la vie et à la paix». [70] Il convient de noter ici la nuance qui existe entre réconciliation et pardon. Le pardon, souligne davantage le travail intérieur à la personne pour retrouver la paix, panser la blessure. Dans les deux cas, la question fondamentale est celle de la mémoire. CÂÂÂest dans le pardon que sÂÂÂoffre la possibilité dÂÂÂune vraie purification de la mémoire et dÂÂÂune paix solide: «La demande de pardon, et le don du pardon [ ] sont deux éléments fondamentaux pour la paix. La mémoire est alors purifiée, le cÂÂÂur pacifié, et devient alors limpide le regard sur ce quÂÂÂexige la vérité pour développer des pensées de paix. Je ne peux ne pas rappeler les paroles illuminantes de Jean-Paul II ÂÂÂil nÂÂÂy a pas de paix sans justice, de même quÂÂÂil nÂÂÂy a pas de justice sans pardon». [71] Ce qui requiert de la part de lÂÂÂÉglise une pastorale dynamique tant pour amener les coupables à un processus de conversion et de reconnaissance de leurs erreurs ou de leurs crimes que pour aider les victimes à accorder généreusement leur pardon, même dans les cas où les responsables de crimes sont justement punis par les tribunaux compétents. 69. Accepter dÂÂÂemprunter le chemin de la réconciliation ne signifie donc pas renoncer à honorer par la mémoire collective les victimes innocentes. Mais une telle mémoire nÂÂÂexige pas nécessairement de nous de ressasser continuellement les rancÂÂÂurs. Il y a en effet une pratique nuisible de la mémoire. Il faut savoir sÂÂÂen libérer et oublier et suivre lÂÂÂexemple du Maître de la vie qui donne sur la Croix en surabondance son pardon à ses bourreaux: «Père, pardonne leur, car ils ne savent pas ce quÂÂÂils font» (Lc 23, 34). Si Jésus-Christ est plénitude de vie, désormais il unifie les ethnies et les peuples, les réconciliant dans son Sang; il en fait une seule famille qui vit de son testament qui est sa parole finale: «aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés» (Jn 13, 34; cf. 15, 12). CÂÂÂest son amour déversé en nos cÂÂÂurs qui est capable de nous réconcilier les uns avec les autres. Lever le deuil causé par tant dÂÂÂinimitiés signifie la réconciliation. Tâche ardue, elle ne sera pas facile. Après les drames horribles que vient de vivre lÂÂÂAfrique, il lui faudra redécouvrir le sens profond de la prière du Notre Père: «Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés». Certes, le pardon dans cette Afrique dominée par la violence nÂÂÂest pas facile. Pourtant Dieu demande de pardonner. Il nÂÂÂexige pas lÂÂÂoubli, mais la réconciliation avec les bourreaux. Seule la victime peut faire le premier pas, seule elle peut pardonner. Le pardon est quelque chose de divin et cÂÂÂest peut-être en pardonnant que lÂÂÂhomme ressemble le plus à Dieu. 70. Avec le problème de la réconciliation nous touchons dÂÂÂemblée la question de la guérison qui a une si grande importance en Afrique noire. En Afrique, la maladie est contemplée comme relevant dÂÂÂun manque dÂÂÂharmonie dans la sphère des relations et cÂÂÂest beaucoup plus à ce niveau quÂÂÂil faut agir si lÂÂÂon veut redonner la santé. Celle-ci dépend beaucoup de la qualité des relations à lÂÂÂintérieur de la communauté. c. Réconciliation et guérison 71. Si aujourdÂÂÂhui on constate une grande affluence vers les nouveaux mouvements religieux de tous bords ou vers les Églises africaines indépendantes, cela tient en partie au fait que les gens se sentent mieux pris au sérieux jusque dans leur dimension thérapeutique dans ces Églises et nouveaux mouvements religieux. Il nÂÂÂy a rien de plus évident dans les Évangiles que le ministère de Jésus comme «guérisseur». Il a guéri les malades et à travers ces guérisons, il a manifesté lÂÂÂavènement du Règne de Dieu. En outre, la mission quÂÂÂil confie à ses disciples, selon Saint Luc, est de «proclamer le Royaume de Dieu et faire des guérisons» (Lc 9, 2). LÂÂÂÉglise, à travers les temps, a toujours considéré la pastorale des malades comme une de ses préoccupations fondamentales. Le Concile Vatican II a mis en évidence la dimension intégrale du salut en Jésus-Christ en donnant le fondement du lien intime entre le salut eschatologique et la guérison physique: «cÂÂÂest la personne humaine quÂÂÂil faut sauver, cÂÂÂest la société humaine quÂÂÂil faut renouveler. CÂÂÂest donc lÂÂÂhomme, dans son unité et sa totalité, avec son corps et son âme, avec son cÂÂÂur et sa conscience, avec sa pensée et sa volonté qui sera lÂÂÂaxe de tout notre exposé». [72] CÂÂÂest cette perspective qui détermine également lÂÂÂapproche de lÂÂÂÉglise en Afrique. - La guérison dans sa dimension socio-religieuse et spirituelle 72. En Afrique, lÂÂÂÉglise se veut fondamentalement une famille. Le salut quÂÂÂelle proclame englobe lÂÂÂhomme dans sa totalité et ne peut être réduit uniquement au salut de lÂÂÂâme. Du point de vue humain et relationnel, il faut dire que le degré de santé de lÂÂÂÉglise dépend de la qualité des relations interpersonnelles en son sein dans la famille. Dans une communauté où il nÂÂÂy a pas dÂÂÂentente et où tout le monde se combat tous deviennent malades, sorciers pour tous. DÂÂÂoù la pertinence de redécouvrir le Christ guérisseur, comme Parole vivifiante qui convoque la palabre réconciliatrice et intervient par des médicaments efficaces, notamment les sacrements, qui créent lÂÂÂunité familiale. Quand il est question de sacrements, il ne sÂÂÂagit pas uniquement du sacrement de pénitence; tous les sacrements sont concernés par le processus de guérison. Partout le Christ intervient comme guérisseur non pas seulement pour la santé spirituelle, mais aussi corporelle. Les sacrements, plus spécifiquement lÂÂÂEucharistie, nous constituent en signes et instruments qui libèrent des maux qui rongent les membres de la communauté et font de lÂÂÂÉglise une ambassadrice de la réconciliation (cf. 2 Co 5, 20). 73. Le rôle de lÂÂÂÉglise dans cette Afrique divisée ne peut être que celui de rassembler les frères et sÂÂÂurs africains, même non baptisés, sous le Christ, lÂÂÂarbre de vie et Parole réconciliatrice. CÂÂÂest ainsi quÂÂÂelle pourra rendre manifeste que Jésus-Christ est mort «pour rassembler dans lÂÂÂunité les enfants de Dieu dispersés» (Jn 11, 52) et quÂÂÂil est la Parole de vie par excellence qui donne la vie en abondance et réconcilie tout par le sang de sa croix (cf. Jn 1, 10 et Col 1, 20). À lÂÂÂexemple du Christ, Parole de vie, les chrétiens sont appelés à ne prononcer que des paroles vivifiantes, celles qui deviennent chair, créent lÂÂÂunité et humanisent le monde. En effet, en Afrique, la vie est dans la parole. Par elle, lÂÂÂon peut tuer, tout comme par elle on peut donner vie, réconcilier, bâtir lÂÂÂunité. - La guérison dans sa relation à la politique, à lÂÂÂéconomie et à la culture 74. Si le Christ est guérisseur et nous envoie pour sauver et guérir les autres à notre tour (cf. Lc 9, 6; Mc 16, 15-20), ce nÂÂÂest pas uniquement pour transmettre les biens spirituels et sauver lÂÂÂâme sans le corps. La mission du Christ et du chrétien est, comme il a déjà été dit, de sauver tout lÂÂÂhomme (cf. Lc 4, 18sq.). Précisément dans lÂÂÂAfrique dÂÂÂaujourdÂÂÂhui, lÂÂÂhomme doit être sauvé non seulement par la libération spirituelle mais aussi par lÂÂÂéradication de la guerre, de lÂÂÂexploitation économique interne et externe, de la faim, de la maladie, du tribalisme et de toute injustice, de la dictature et de la corruption en tous genres. La problématique de la guérison ne se limite donc pas à la seule sphère religieuse, mais inclut et présuppose les sphères politique, économique et culturelle. Il existe différents types de guérison. Dans lÂÂÂengagement pour la politique, comme dans tout engagement pour lÂÂÂamélioration de nos conditions de vie et de santé ainsi que dans lÂÂÂamélioration de la culture de nos peuples nous faisons advenir une sorte de guérisons pour nos peuples. En effet, le Christ ne peut être perçu comme guérisseur que si les chrétiens sÂÂÂengagent dans les différents domaines pour libérer lÂÂÂAfrique moderne de tous les maux qui sont en train de suffoquer le continent, plus particulièrement le mal de la guerre. d. Violence et pauvreté 75. Souvent la violence venue des milieux pauvres est une réaction à la marginalisation sociale croissante et aussi envers la société à chaque fois plus injuste et discriminatoire. SÂÂÂil nÂÂÂen est pas ainsi, comment pourrons-nous expliquer le drame des enfants soldats ou des enfants sorciers? On nÂÂÂéradiquera pas la violence tant que lÂÂÂon ne changera pas structurellement les conditions sociales qui provoquent lÂÂÂappauvrissement croissant des uns et lÂÂÂenrichissement scandaleux des autres, lÂÂÂexode rural et le chômage. 76. Il est clair que la solution réelle à la violence ne réside pas seulement dans la justice sociale. La violence est aussi un élément culturel et il faut travailler à recréer une culture de la paix. En effet, la violence et la guerre sont comme un produit culturel né dans le quotidien de la société, basé sur un paradigme belliqueux qui nous éduque à la violence. Même si la violence vient des hommes, nous nÂÂÂy sommes ni condamnés, ni même quÂÂÂelle ne devienne une fatalité inexorable. La non-violence et la paix sont des entités culturelles, et donc à construire, à enseigner, à apprendre. Elles ont quelque chose à voir avec la politique, lÂÂÂéconomie, lÂÂÂorganisation sociale, mais aussi avec lÂÂÂéducation et la religion. La paix ne sera pas réalisée si elle ne devient pas lÂÂÂacte du sujet collectif qui est la communauté toute entière: la paix pour tous, la paix par tous. La paix appelle un ministère de la Parole: Christ, Prince de la Paix, qui est notre Paix (cf. Ep 2, 14). Mais cette Parole de Dieu nous est donnée en Église et par lÂÂÂÉglise. En effet, cÂÂÂest en Église et avec lÂÂÂÉglise quÂÂÂelle se construit, parce quÂÂÂelle est avant tout don de Dieu. CÂÂÂest donc au sein du peuple de Dieu quÂÂÂil faut trouver les critères individuels et collectifs dÂÂÂune affirmation ou dÂÂÂune action chrétienne dans le domaine de la paix. Si lÂÂÂÉglise, comme cÂÂÂest sa vocation, se veut signe et sacrement de la paix dans le monde et pour lui, elle doit sÂÂÂengager dans lÂÂÂéducation à la paix. 77. La résolution non-violente des conflits nÂÂÂest pas une utopie ou une fiction; elle ne signifie pas non plus la soumission, la passivité ou la résignation. [73] Il sÂÂÂagit réellement dÂÂÂétablir une vraie palabre, à savoir, de décider à partir dÂÂÂun dialogue et dÂÂÂune quête sérieuse et continue du consensus. Une telle dynamique présuppose la capacité de pardonner et une vision éthico-morale du pardon, comme option du cÂÂÂur, un choix personnel, avant dÂÂÂêtre un fait social. Le Pape Jean-Paul II a insisté sur le fait quÂÂÂil nÂÂÂy a pas de développement possible des peuples sans la paix et quÂÂÂune paix véritable nÂÂÂest possible quÂÂÂà travers le pardon. [74] Celui-ci peut à court terme sembler un échec, mais en réalité et à long terme, il est un gain énorme. Loin de diminuer lÂÂÂhomme, il lÂÂÂélève plutôt. e. Pour quÂÂÂon mette fin au commerce des armes et à lÂÂÂexploitation sauvage des ressources africaines 78. Pour lÂÂÂÉglise-Famille de Dieu en Afrique, exiger la paix, cÂÂÂest exiger lÂÂÂarrêt du commerce des armes dans les zones de conflit. LÂÂÂon sait comment les parties en conflit se fournissent en armement. Il y a là une grande injustice et un vol: les ressources des pays pauvres sont systématiquement pillées pour alimenter le commerce des armes. Il faut exiger quÂÂÂà la force matérielle des armes soit substituée la force morale du droit. Donner ses chances au droit suppose quÂÂÂil faille dÂÂÂabord lÂÂÂinstituer. En effet, si dans plusieurs États africains, le droit est inscrit dans des législations, les institutions indépendantes capables de le faire respecter conformément à la justice manquent cependant souvent. LÂÂÂinstitution du droit suppose la reconnaissance du droit au dissentiment: la faculté théorique et pratique de poser une objection de conscience de type civil, de pratiquer la désobéissance civile à certaines lois ou idéologies totalitaires en invoquant le principe: «mieux vaut obéir à Dieu quÂÂÂaux hommes» (Ac 5, 29); du droit à une propre vision du monde et à la liberté dÂÂÂéducation. f. La reconnaissance des minorités 79. Exiger la paix, cÂÂÂest exiger également que soit reconnu le droit des minorités. Les guerres en Afrique naissent souvent du manque du respect des minorités ou encore de lÂÂÂarrogance de certaines minorités au pouvoir qui se croient supérieures aux autres. LÂÂÂobligation universelle de comprendre et respecter la variété et la richesse des autres peuples, sociétés, cultures et religions, repose sur deux principes fondamentaux. Le premier, cÂÂÂest la dignité inaliénable de toute personne, indépendamment de ses origines nationale, culturelle, ethnique ou raciale, ou de sa croyance religieuse; cette dignité signifie que lorsque des hommes sÂÂÂunissent en groupes, ils ont le droit de jouir dÂÂÂune identité collective. Ainsi les minorités ont-elles le droit dÂÂÂexister, à lÂÂÂintérieur dÂÂÂun pays avec leur langue, leur culture et leurs traditions propres, et lÂÂÂÉtat est moralement obligé de faire une place à ces identités et à ces expressions particulières. Le second, cÂÂÂest lÂÂÂunité fondamentale de la race humaine, qui tire son origine du Dieu créateur de toutes choses. Cette unité implique quÂÂÂaucun groupe ne puisse se sentir supérieur à un autre. Elle implique pareillement que lÂÂÂintégration puisse sÂÂÂédifier sur une solidarité effective, dépourvue de toute discrimination. En conséquence, lÂÂÂÉtat a le devoir de respecter et de défendre les différences existant entre les citoyens, et de permettre que leur diversité serve au bien commun. LÂÂÂexpérience montre en effet que la paix et la sécurité ne peuvent être garanties que par le respect des droits de tous ceux dont lÂÂÂÉtat a la responsabilité. 80. Dans cette perspective, la liberté des individus et des communautés à professer et à pratiquer leur religion est un élément essentiel pour la coexistence pacifique. La liberté de conscience et la liberté de rechercher la vérité et dÂÂÂagir conformément à sa croyance religieuse personnelle sont tellement fondamentales pour lÂÂÂêtre humain que tout effort pour les restreindre conduit inévitablement à dÂÂÂimplacables conflits. Lorsque les relations ont été brisées parmi les groupes dÂÂÂune nation, le dialogue et la réconciliation sont les chemins obligatoires vers la paix. Seul un dialogue sincère, ouvert aux revendications légitimes de toutes les parties, peut construire un édifice de réelle justice où tous pourront travailler pour le bien véritable de la patrie et de leur peuple. La réconciliation, en accord avec la justice, et le respect des aspirations légitimes de tous les secteurs de la communauté nationale doivent être la règle. La garantie de la participation des minorités à la vie politique est le signe dÂÂÂune société moralement adulte, et elle honore les pays dans lesquels tous les citoyens sont libres de participer à la vie nationale dans un climat de justice et de paix. g. Les sources subjectives et psychologiques de la guerre 81. Sans cesser de sÂÂÂattaquer aux causes objectives des conflits et de lÂÂÂinsatisfaction générale, il semble indispensable de déceler les sources subjectives et psychologiques de la guerre. On cite parmi elles, les traditionnels conflits entre tribus, lÂÂÂabsence de grandes causes mobilisatrices, la projection sur la collectivité des propres malaises ou ressentiments du sujet, la radicalisation de la méfiance. Il y a aussi des frustrations qui sont à lÂÂÂorigine dÂÂÂexplosions sociales: inégalité dÂÂÂaccès à lÂÂÂinstruction, manque de participation -de droit ou de fait- au pouvoir économique ou politique; besoin de considération et dÂÂÂidentité: être connu et reconnu par la société; la soif de chaleur humaine, dÂÂÂamour et de fête. Pour sortir de cette situation, il est nécessaire dÂÂÂopérer une transformation spirituelle. Pour être acteur de la paix, il faut la réaliser au dedans de soi-même. La paix du monde passe par la conversion du sujet.
Les ressources spirituelles pour la promotion de la réconciliation, I. LÂÂÂoriginalité du mode de vie du chrétien dans le monde 82. «Vous êtes le sel de la terreÂÂÂ vous êtes la lumière du monde» (Mt 5, 13.14). Le Seigneur appelle ses disciples à être sel de la terre et lumière du monde. Il précise en fait quelle est la mission de ses disciples dans le monde: ils sont le sel de la terre et lumière du monde et ils ne peuvent lÂÂÂêtre que dans la mesure où ils sont habités par la présence réelle du Dieu vivant qui se donne dans le Corps et Sang de Celui qui est Parole de vie. Parce que la Parole de Dieu est fidèle et efficace, le disciple trouve en elle non seulement saveur et lumière, mais aussi gage du salut. 83. En parlant de lumière, Jésus utilise également une ancienne image: Sion, la cité sur la montagne (cf. Is 2, 1sq.). Attirés par la lumière, les peuples y affluaient venant de tous les côtés. Du pays des ombres de la mort et des guerres (cf. Is 9, 1sq.), ils accourent vers Sion pour obtenir la vie et la paix à partir des indications du Seigneur. Là où il y a le disciple, les autres doivent pouvoir se trouver à lÂÂÂaise. Se trouver à lÂÂÂaise dans leur monde, à savoir: trouver la lumière, le salut, la sagesse et la libération des ténèbres, libération de toute forme de marginalisation; trouver le réconfort, la consolation pour tout cÂÂÂur blessé. LÂÂÂévangéliste met lÂÂÂaccent sur «tous» ceux qui sont disciples: «ainsi doit briller votre lumière sur tous les hommes, afin quÂÂÂils voient vos bonnes ÂÂÂuvres et rendent gloire à votre Père qui est dans les cieux» (Mt 5, 16). CÂÂÂest là la vocation fondamentale de tout chrétien dans le monde: faire briller dans le monde la lumière du Christ qui est en lui. La lumière agit. Elle produit des ÂÂÂuvres, de bonnes ÂÂÂuvres. CÂÂÂest dans un tel engagement quÂÂÂil donne saveur chrétienne et lumière du Christ au monde africain. Cela requiert toute une spiritualité de lÂÂÂengagement chrétien dans la politique, le monde du travail et le milieu professionnel. Une telle spiritualité sÂÂÂenracine dans le ministère sacerdotal de tous les fidèles. II. La vie liturgique comme foyer de la spiritualité chrétienne 84. La raison dÂÂÂêtre de lÂÂÂÉglise dans le monde est de rendre visible la présence réelle de lÂÂÂaction salvifique divine dans le temps et dans lÂÂÂespace. Elle est dÂÂÂouvrir le monde à lÂÂÂaction de Dieu, à la vie de Dieu en nous. CÂÂÂest justement la présence eucharistique qui enseigne et actualise le fait que le point de départ du salut est dans lÂÂÂacceptation gratuite, et pleine dÂÂÂamour, de tout homme et de toute réalité comme don de Dieu. Sa Sainteté Benoît XVI nous le rappelle bien: «le nouveau culte a son fondement dans lÂÂÂantériorité du Don que Dieu nous octroie afin que, comblés de ce Don, nous devenions siens: la création retourne vers son Créateur». [75] CÂÂÂest ce Don qui constitue le chrétien en tant que celui qui vit de lÂÂÂamour quÂÂÂil reçoit du Dieu Un et Trine. De la foi en un seul et unique Dieu dans la Trinité des personnes, le chrétien tire la conviction que tous les hommes sont frères et sÂÂÂurs, au-delà de toute distinction de race ou sexe, de classe sociale ou de culture; et que le mystère de lÂÂÂidentité de tout être humain est dans la relation. Cette conviction se trouve en dernier ressort confirmée et précisée par le Mystère eucharistique, qui est avant tout accueil de la vie de Dieu en nous, du don de son être quÂÂÂil nous fait en Jésus-Christ. Envoyé comme présence suprême de lÂÂÂamour du Père pour lÂÂÂhumanité toute entière, Jésus exprime et réalise totalement dans lÂÂÂEucharistie cette logique du don de soi, de lÂÂÂaccueil et de lÂÂÂécoute. Par conséquent, toute action et toute pensée chrétienne ne se comprend quÂÂÂà partir de ce mystère dÂÂÂaccueil du don de Dieu. 85. Le témoignage du chrétien nÂÂÂest pas seulement cohérence, mais anticipation, réalisation dans le temps et lÂÂÂespace du don de Dieu qui transforme le monde. De ce fait, la diaconie que lÂÂÂÉglise doit exercer dans le monde est avant tout un service dÂÂÂaccueil et dÂÂÂécoute des besoins de tous, et en particulier, de ceux qui nÂÂÂont pas de voix pour se faire entendre, ou de poids politique pour se faire valoir. Exercée à lÂÂÂaccueil et à lÂÂÂécoute de son Sauveur qui se donne dans le silence eucharistique, lÂÂÂÉglise, plus encore que dans la privation de biens et de moyens, exprime sa pauvreté dans sa capacité dÂÂÂécoute de tout besoin humain, si humble soit-il, et de le porter vers le Père, source de tout bien. En cela, elle réalise le double mouvement fondamental de lÂÂÂEucharistie: élévation en, dans et par le Christ, de lÂÂÂhomme et de son monde vers Dieu et don de Dieu au monde en, dans et par le Christ. Dès lors, sÂÂÂexplique la nécessité et lÂÂÂurgence de lÂÂÂEucharistie dans la vie quotidienne du chrétien. En effet, cÂÂÂest par elle et en elle que le chrétien réalise quotidiennement son être le plus profond: être don pour les femmes et les hommes de notre temps. Dans la Célébration eucharistique advient la réalisation fondamentale de cette donation à travers une dynamique qui se déploie sous quatre modes: lÂÂÂadoration, lÂÂÂaction de grâce, la prière propitiatoire et la prière dÂÂÂimpétration. 86. Dans lÂÂÂadoration, le chrétien exprime avec le plus dÂÂÂévidence sa dépendance totale par rapport à Dieu dont il proclame lÂÂÂabsolue souveraineté comme source de tout bien et de toute vie. Mais le culte chrétien dÂÂÂadoration valorise également lÂÂÂhomme; car, adorer Dieu veut dire le glorifier. Or, la gloire de Dieu, cÂÂÂest lÂÂÂhomme vivant. [76] LÂÂÂadoration de Dieu exprime en effet la fidélité de Dieu à lÂÂÂhomme, une volonté de délivrer lÂÂÂhomme de dépendances humiliantes et dévalorisantes. LÂÂÂEucharistie devient lÂÂÂexpression la plus claire de la synthèse: gloire de Dieu - libération - élévation de lÂÂÂhomme. LÂÂÂEucharistie donne au croyant dÂÂÂune part la conviction de vivre comme plongé dans un univers de gratuité: tout est grâce, parce que tout est don du Père de tout bien; dÂÂÂautre part, la conscience dÂÂÂêtre appelé par le Père à faire jaillir de toute réalité reçue les valeurs positives qui y sont encloses, afin de témoigner et de rendre perceptible la bonté et la gratuité des dons divins. Pour mettre cela en ÂÂÂuvre, le chrétien doit utiliser les dons reçus selon la même logique de gratuité qui a été celle de Dieu. LÂÂÂhomme qui utilise les choses dans une attitude de possession égoïste ne rend pas grâce à Dieu. Une spiritualité eucharistique fait naître une humanité fraternelle. 87. En mettant en évidence le rapport très étroit qui unit la gloire de Dieu à lÂÂÂépanouissement de toute réalité créée, lÂÂÂEucharistie confirme lÂÂÂidée chrétienne que le péché a toujours et simultanément une dimension verticale (offense à Dieu) et horizontale (désordre cosmique). Mais elle enseigne aussi que la propitiation comporte, en même temps que la juste reconnaissance de la souveraineté divine, une exigence de réforme du monde et de lÂÂÂhistoire. Par conséquent, la pénitence chrétienne et lÂÂÂengagement à la conversion exigent lÂÂÂélimination du mal et demandent aussi un effort constant de progression vers le bien. Le renouvellement quotidien de la demande eucharistique nÂÂÂa pas pour but de plier la volonté divine par lÂÂÂinsistance de notre requête, mais dÂÂÂouvrir patiemment notre intelligence et notre cÂÂÂur à une compréhension progressive du grand don quÂÂÂest le Christ, plénitude de vie, et dÂÂÂengager notre volonté à aimer et à vouloir ce que Dieu a aimé et a voulu dans le Christ. En ce sens, la nécessité non seulement de la prière eucharistique quotidienne, mais aussi dÂÂÂune pratique régulière de la Liturgie des Heures et dÂÂÂun recours continuel et fréquent aux sacrements et sacramentaux, bien loin dÂÂÂêtre une tentative aliénante visant à remettre la solution de nos problèmes à la toute puissance divine, est au contraire une prise de responsabilité en vue dÂÂÂun engagement encore plus profond pour une meilleure transformation de nos réalités quotidiennes en offrandes agréables à Dieu dans le Christ. III. Vers une spiritualité de lÂÂÂengagement dans le monde 88. Lorsque les Pères de lÂÂÂÉglise parlent du ministère sacerdotal de tous les fidèles croyants, ils entendent par là le culte de la vie chrétienne, qui consiste dans lÂÂÂorientation totale de son être à Dieu et au prochain: [77] faire de sa vie un service généreux à Dieu et au prochain qui parfois peut réclamer aussi lÂÂÂoffrande suprême de sa propre vie, le martyre. S. Thomas dÂÂÂAquin, synthétisant la tradition patristique, affirme que le caractère sacramentel reçu dans le baptême et la confirmation est à comprendre comme participation au sacerdoce de Jésus-Christ et comme être orienté vers le culte. Par culte, il faut entendre «le culte selon la vie chrétienne». [78] Pour S. Thomas, le culte ici en question nÂÂÂest pas un rite extérieur, pas même une organisation extérieure, mais le rite de la vie chrétienne. Tout chrétien est appelé à témoigner avant tout non pas tant par ce quÂÂÂil dit et fait, mais par ce quÂÂÂil est et vit: sa relation au Christ qui détermine alors ce quÂÂÂil dit et fait. Ce quÂÂÂil dit et fait doit être expression de sa gratitude à lÂÂÂégard du Père qui nous comble de tout bien en Jésus-Christ. 1. Une spiritualité du travail bien fait enraciné dans lÂÂÂamour pour Dieu et pour le prochain 89. Cette attitude de gratitude sÂÂÂexprime également dans le soin que lÂÂÂhomme a pour la création, à travers un travail bien fait et continu, assidu et ardu. En effet, Dieu fit pour Adam ce monde si beau pour quÂÂÂil le travaillât et en fût le gardien (cf. Gn 2, 15). Nous devons donc être pleinement convaincus que cÂÂÂest par le travail assidu et bien fait que lÂÂÂhomme se réalise (cf. Jb 5, 7) et participe au pouvoir créateur de Dieu. Cette participation au pouvoir créateur de Dieu requiert du chrétien un soin tout particulier dans lÂÂÂexécution de ses tâches individuelles: quÂÂÂil sanctifie ses tâches en les accomplissant avec amour jusquÂÂÂaux moindres détails. Le travail professionnel devient ainsi une lampe qui éclaire ceux qui nous entourent et nous rencontrent, de même quÂÂÂil donne la saveur, la joie de vivre à ceux qui jouissent des fruits de notre travail. Le chrétien est ainsi appelé à bien apprendre son métier, à lÂÂÂexercer avec soin, cÂÂÂest en cela que consiste la sanctification du travail. La sanctification du travail de tous les jours est pour ainsi dire la charnière de la véritable spiritualité du chrétien plongé dans les réalités temporelles. Une telle sanctification nÂÂÂest possible que lorsque nous nous consacrons par amour à tous nos devoirs professionnels; lorsque nous menons tout à bien par amour, comme nous exhorte Sa Sainteté le Pape Benoît XVI:«Ils doivent être des personnes touchées avant tout par lÂÂÂamour du Christ, des personnes dont le Christ a conquis le cÂÂÂur par son amour, en y réveillant lÂÂÂamour pour le prochain». [79] CÂÂÂest la voie qui nous portera à pouvoir contempler les merveilles dont le travail est la source -précisément parce que nous aimons-, même sÂÂÂil nous arrive de goûter lÂÂÂamertume de lÂÂÂincompréhension, de lÂÂÂinjustice, de lÂÂÂingratitude et même de lÂÂÂéchec humain. Fruits savoureux, semence dÂÂÂéternité! Un deuxième élément caractéristique de cette spiritualité est la liberté chrétienne. 2. La liberté chrétienne et le sens familial comme signe distinctif de cette spiritualité 90. Le chrétien vit aujourdÂÂÂhui au point de rencontre entre la réalité salvifique et la réalité du monde, avec tout ce que cette rencontre comporte de conflit et de tension. Une existence chrétienne advient en ce contexte comme une unité faite de tension entre le martyre et le dialogue, lÂÂÂorientation vers le monde et le témoignage comme signe de contradiction qui jaillit de lÂÂÂévénement de la croix. Le discernement des esprits est ici requis. Le meilleur service que peut offrir lÂÂÂÉglise est lÂÂÂoffre dÂÂÂune formation qualifiée de la conscience et dans la foi. Beaucoup de confusions proviennent en effet dÂÂÂun grand manque dÂÂÂinformations suffisantes en matière de foi et de bonne conscience. Un renouvellement et un approfondissement dÂÂÂune catéchèse continue et de qualité pour les adultes est un présupposé indispensable pour un renouvellement de lÂÂÂapostolat et de la spiritualité des chrétiens. Un troisième aspect peut être tiré de lÂÂÂenseignement biblique et patristique de la communion des membres de lÂÂÂunique Corps du Christ. On ne devient chrétien quÂÂÂensemble avec les autres chrétiens dans la grande communion des saints. CÂÂÂest là mettre en évidence la dimension communautaire de notre liberté et de notre engagement. Personne ne se sauve tout seul, le Christ nous sauve ensemble pour faire de nous la famille de Dieu unie dans son Corps et son Sang. La communion renvoie à la communication. Celle-ci est possible à plusieurs niveaux: dans les groupes de travail, de rencontre, dÂÂÂéchange et de partage, dans les associations, dans la famille, au travail et dans les cercles dÂÂÂamitié. Le chrétien est un homme qui sait travailler en équipe, dans la collaboration, dans lÂÂÂamitié sincère avec les autres; partout où il est à lÂÂÂÂÂÂuvre, il tente de créer un climat familial. Le lieu le plus fondamental dÂÂÂexpression de cette dimension communautaire demeure toujours le cadre familial.
Pour une spiritualité orientée vers la communauté pour le service au monde 91. Dans le contexte africain jouent ici un grand rôle certains mouvements spirituels et les communautés ecclésiales vivantes. Ils constituent une espérance pour lÂÂÂÉglise. Par delà les difficultés quÂÂÂil y a à transformer ces communautés ecclésiales vivantes en vrais instruments de la réconciliation, de la justice et de la paix, il faut reconnaître toutefois quÂÂÂelles constituent des signaux importants de lÂÂÂEsprit de Dieu, de lÂÂÂesprit de communion. Elles sont des signes de la forme concrète que doit prendre lÂÂÂapostolat des laïcs aujourdÂÂÂhui. CÂÂÂest en ces communautés que sont traités les vrais problèmes de la réconciliation, de la justice et de la paix et cÂÂÂest en elles que, petit à petit, lÂÂÂon trouvera les réponses aux problèmes réels des communautés. CÂÂÂest ici quÂÂÂadviennent en effet lÂÂÂengagement et la responsabilité des laïcs de manière plus intense. Les mouvements spirituels peuvent aussi constituer ces petits foyers à partir desquels lÂÂÂÉvangile féconde la réalité du monde. Les fidèles laïcs sont invités à être attentifs aux dons de lÂÂÂEsprit qui inspirent et suscitent au sein de son Église des initiatives nouvelles et incarnées dans nos réalités pour relever les grands défis contemporains. LÂÂÂAfrique ne doit pas que consommer les mouvements spirituels que le même Esprit a suscité dans dÂÂÂautres contextes culturels, elle doit également être capable dÂÂÂen susciter et de les répandre dans toute lÂÂÂÉglise, comme signe de sa maturité spirituelle et de son attentive écoute des paroles que lÂÂÂEsprit adresse aux Églises. 92. «Vous êtes le sel de la terreÂÂÂ vous êtes la lumière du monde» en Afrique et dans le monde. CÂÂÂest lÂÂÂinvitation du Seigneur qui engage tous ses disciples, dans la diversité de leurs vocations, à être les artisans de la réconciliation et de la paix, les promoteurs de la justice -des évêques jusquÂÂÂaux laïcs-, avec lÂÂÂaide des structures complémentaires qui composent le tissu ecclésial. Il sÂÂÂagit dÂÂÂÂÂÂuvrer à lÂÂÂavènement du Royaume de Dieu, de contribuer à lÂÂÂavènement dÂÂÂune Afrique nouvelle afin quÂÂÂavec lÂÂÂaide de la Grâce, prévalent toujours la justice, la paix et le bien commun des personnes et des nations. 93. LÂÂÂEsprit agit de telle sorte que des chrétiens et les hommes de bonne volonté par leurs actions quotidiennes, individuelles ou collectives, rejettent lÂÂÂégoïsme, le péché, chaque violation de la paix et de la justice et ÂÂÂuvrent activement à la réconciliation avec Dieu et avec les frères. Marie, Temple de lÂÂÂEsprit, Reine de la Paix, Protectrice de lÂÂÂAfrique, nous montre le Christ, notre Réconciliation, notre Justice et notre Paix, afin que sous sa protection maternelle, lÂÂÂÉglise en Afrique fasse rayonner toujours plus la lumière qui jaillit de la Gloire du Père, le Christ. À Elle, nous confions la préparation et les fruits des travaux de la Deuxième Assemblée Spéciale pour lÂÂÂAfrique du Synode des Évêques: 94. Sainte Marie, Par ton obéissance au Père et par la grâce de lÂÂÂEsprit Saint Mère de tendresse et de sagesse, Mère, pleine de Miséricorde et de Justice, Mère du Perpétuel Secours, Reine de la Paix, priez pour nous! Notre-Dame dÂÂÂAfrique, priez pour nous!
Introduction
Chapitre I
Chapitre II
Chapitre III
Chapitre IV
a. la santé, lÂÂÂéducation, et les structures sociales? b. les droits de lÂÂÂhomme et la démocratie? c. les relations entre les différents groupes ethniques et religieux?
Chapitre V
En général
[1] Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Post-synodale Ecclesia in Africa(14.09.1995): AAS 88 (1996) 5-82. [2] Ibid., 5: AAS 88 (1996) 7. [3] Jean-Paul II, Allocution aux participants au Symposium des Évêques dÂÂÂAfrique et dÂÂÂEurope(13.11.2004), 5: LÂÂÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2855 (16.11.2004) 1. [4] LÂÂÂexercice de la charité est une note constitutive de lÂÂÂÉglise au même titre que lÂÂÂannonce de lÂÂÂÉvangile et lÂÂÂadministration des sacrements. Cf. Benoît XVI, Encyclique Deus caritas est (25.12.2005), 32: LÂÂÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2917 supplément (31.01.2006) VII.[5] Cf. Jean-Paul II, Lettre Apostolique Mane nobiscum Domine (07.10.2004), 2: AAS 97 (2005) 337. [6] Synode des Évêques, Assemblée Spéciale pour lÂÂÂAfrique, Message, 2: LÂÂÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2314 (10.05.1994) 2. [7] Benoît XVI, Discours aux prêtres du Diocèse de Rome (02.03.2006), 9: LÂÂÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2923 (14.03.2006) 4. [8] De 1978 à 2004, le nombre des catholiques africains est passé de 55 à 149 millions. De même, pour les vocations au sacerdoce et à la vie consacrée, on note dans la même période une remarquable croissance: cf. Secretaria Status Rationarium Generale Ecclesiæ, Annuaire statistique de lÂÂÂÉglise 2004, Cité du Vatican 2006, p. 18. [9] Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Post-synodale Ecclesia in Africa (14.09.1995), 114: AAS 88 (1996) 68. [10] Cf. ibid., 110: AAS 88 (1996) 65. [11] Synode des Évêques, Assemblée Spéciale pour lÂÂÂAfrique, Proposition n. 56. [12] Cf. Jean-Paul II, Homélie dÂÂÂouverture de lÂÂÂAssemblée synodale (10.04.1994), 7: LÂÂÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2310 (12.04.1994) 2. [13] Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Post-synodale Ecclesia in Africa(14.09. 1995), 113: AAS 88 (1996) 67. [14] Ibid., 118: AAS 88 (1996) 70. [15] Cf. Benoît XVI, Encyclique Deus caritas est (25.12.2005), 28a: LÂÂÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2917 supplément (31.01.2006) V. [16] Symposium des Conférences Épiscopales dÂÂÂAfrique et de Madagascar(S.C.E.A.M.), «Église-Famille de Dieu: lieu et sacrement de pardon, de réconciliation et de paix en Afrique. ÂÂÂChrist est notre PaixÂÂÂ (Ep 2, 14)»: Documentation catholique 2262 (20.01.2002) 64-84. [17] Cf. Synode des Évêques, Assemblée Spéciale pour lÂÂÂAfrique, Instrumentum laboris, 118; Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Post-synodale Ecclesia in Africa (14.09. 1995), 51; 117: AAS 88 (1996) 32; 69. [18] Benoît XVI, Discours à lÂÂÂissue de la rencontre avec le clergé de Rome (13.05.2005): LÂÂÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2881 (17.05.2005) 5. [19] Cf. Jean-Paul II, Message pour la journée mondiale de la paix (08.12.1994), 8: AAS 87 (1995) 363. [20] Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Post-synodale Ecclesia in Africa (14.09. 1995), 115: AAS 88 (1996) 69. [21] Synode des Évêques, Assemblée Spéciale pour lÂÂÂAfrique, Lineamenta, 69. [22] Cf. Synode des évêques, Assemblée Spéciale pour lÂÂÂAfrique, Instrumentum laboris, 97. [23] Jean-Paul II, Discours au Corps diplomatique (13.01.1990): LÂÂÂOsservatore Romano (14.01.1990)p. 5; ou encore sur la nécessité de promouvoir la liberté religieuse et le principe de réciprocité cf. Benoît XVI, Discours au Corps diplomatique(09.01.2006): LÂÂÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2914 (10.01.2006) 5:«aucun gouvernement ne peut se dispenser du devoir de garantir à ses citoyens des conditions de liberté appropriées». [24] B. Elisabeth de la Trinité,«Traités spirituels. I. Le ciel dans la foi»: ÂÂÂuvres complètes, édition critique de Conrad de Meester, Paris 1996, p. 111. [25] Jean-Paul II, Discours prononcé à la deuxième session de célébration de lÂÂÂAssemblée Spéciale pour lÂÂÂAfrique du Synode des Évêques, Johannesburg [Afrique du Sud] (17.09.1995), 3: LÂÂÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2386 (03.10.1995) 7. [26] Cf. Concile ÂÂÂcuménique Vatican II, Constitution dogmatique sur la Révélation divine Dei Verbum, 2. [27] Benoît XVI, Homélie de la Messe chrismale (13.04.2006): LÂÂÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2928 (18.04.2006) 4. [28] Jean-Paul II, Lettre Apostolique Mane nobiscum Domine (07.10.2004), 3: AAS 97 (2005) 338. [29] Idem. [30] Cf. ibid., 16: AAS 97 (2005) 344. [31] Cf. Concile ÂÂÂcuménique Vatican II, Constitution dogmatique sur lÂÂÂÉglise Lumen gentium, 1. [32] Concile ÂÂÂcuménique Vatican II, Décret sur lÂÂÂactivité missionnaire de lÂÂÂÉglise Ad gentes, 8. [33] Idem. [34] Benoît XVI, Encyclique Deus caritas est (25.12.2005), 25b: LÂÂÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2917 supplément (31.01.2006) V. [35] Cf. Conseil Pontifical Iustitia et Pax, Compendium de la Doctrine sociale de lÂÂÂÉglise, Cité du Vatican 2004, n. 66. [36] Symposium des Conférences Épiscopales dÂÂÂAfrique et de Madagascar (S.C.E.A.M.), Actes de la VIIème Assemblée plénière(Kinshasa, 1984): La voix du S.C.E.A.M., Accra 1987, p. 161. [37] Catéchisme de lÂÂÂÉglise Catholique, n. 2419. [38] Cf. Jean-Paul II, Encyclique Centesimus annus (01.05.1991), 54: AAS 83 (1991) 859. [39] Cf. ibid, 11: AAS 83 (1991) 807. [40] Cf. B. Jean XXIII, Encyclique Mater et magistra (15.05.1961): AAS 53 (1961) 453, 459. [41] Il convient de rappeler ici la notion de «communauté de biens» et la disponibilité au partage dans les premières communautés chrétiennes: Didachè I, 5: SC 248, 144: «Donne à tout homme qui tÂÂÂimplore»; cf. Épître de Barnabé, 19, 8: SC 172, 206; Hermas, Le Pasteur, Précepte II, 4-5: SC 53, 146-148; Tertullien, Apologeticum XXXIX, 11: rec. P. Frassinetti, Augustæ Taurinorum 1965, p.92. [42] Concile ÂÂÂcuménique Vatican II, Constitution pastorale sur lÂÂÂÉglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, 69. [43] Cf. Jean-Paul II, Encyclique Laborem exercens (14.12.1981), 14: AAS 83 (1981) 616. [44] Cf. Concile ÂÂÂcuménique Vatican II, Constitution pastorale sur lÂÂÂÉglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, 69. [45] Cf. Jean-Paul II, Lettre Apostolique Novo millennio ineunte (06.01.2001), 49-50: AAS 93 (2001) 302-303; Encyclique Sollicitudo rei socialis (30.12.1987), 42: AAS 80 (1988) 572. [46] Jean-Paul II, Encyclique Centesimus annus (01.05.1991), 35: AAS 83 (1991) 837. [47] Cf. Concile ÂÂÂcuménique Vatican II, Constitution pastorale sur lÂÂÂÉglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, 71. [48] Cf. Conseil Pontifical Iustitia et Pax, Compendium de la Doctrine sociale de lÂÂÂÉglise, Cité du Vatican 2004, n. 164. [49] Cf. Benoît XVI, Encyclique Deus caritas est (25.12.2005), 28a: LÂÂÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2917 supplément (31.01.2006) V. [50] Ibid., 28b: LÂÂÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2917 supplément (31.01.2006) V. [51] Conseil Pontifical Iustitia et Pax, Compendium de la Doctrine sociale de lÂÂÂÉglise, Cité du Vatican 2004, n. 189. [52] Cf. Concile ÂÂÂcuménique Vatican II, Constitution pastorale sur lÂÂÂÉglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, 1. [53] Cf. Benoît XVI, Encyclique Deus caritas est (25.12.2005), 28b: LÂÂÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2917 supplément (31.01.2006) V-VI. [54] Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Post-synodale Ecclesia in Africa(14.09. 1995), 68: AAS 88 (1996) 42-43. [55] Cf. Benoît XVI, Encyclique Deus caritas est (25.12.2005), 32: LÂÂÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2917 supplément (31.01.2006) VII. [56] Cf. Concile ÂÂÂcuménique Vatican II, Constitution pastorale sur lÂÂÂÉglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, 42. [57] Cf. ibid., 58; cf. Benoît XVI, Encyclique Deus caritas est (25.12.2005), 29: LÂÂÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2917 supplément (31.01.2006) VI. [58] Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Post-synodale Vita consecrata (25.03.1996), 20: AAS 88 (1996) 393; cf. ibid, 26: AAS 88 (1996) 399-400. [59] Cf. Conseil Pontifical Iustitia et Pax, Compendium de la Doctrine sociale de lÂÂÂÉglise, Cité du Vatican 2004, n. 532. [60] Cf. ibid., n. 531. [61] Benoît XVI, Encyclique Deus caritas est (25.12.2005), 32: LÂÂÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2917 supplément (31.01.2006) VII. [62] Cf. Documents du Concile ÂÂÂcuménique Vatican II: pour lÂÂÂévêque: Constitution dogmatique sur lÂÂÂÉglise Lumen gentium, 21; pour le prêtre: Décret sur le ministère et la vie des prêtres Presbyterorum ordinis, 21; pour le laïc: Décret sur lÂÂÂapostolat des laïcs Apostolicam actuositatem, 29et Constitution dogmatique sur lÂÂÂÉglise Lumen gentium, 30sq. [63] Cf. Concile ÂÂÂcuménique Vatican II, Constitution dogmatique sur lÂÂÂÉglise Lumen gentium, 41et le Décret sur lÂÂÂapostolat des laïcs Apostolicam actuositatem, 2. [64] Cf. Concile ÂÂÂcuménique Vatican II, Constitution dogmatique sur lÂÂÂÉglise Lumen gentium, 31; Décret sur lÂÂÂapostolat des laïcs Apostolicam actuositatem, 2.4.7; Constitution pastorale sur lÂÂÂÉglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, 43; Paul VI, Exhortation Apostolique Evangelii nuntiandi (08.12.1975), 70-72: AAS 68 (1976) 59-61. [65] Cf. Benoît XVI, Encyclique Deus caritas est (25.12.2005), 29: LÂÂÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2917 supplément (31.01.2006) VI. [66] Cf. Concile ÂÂÂcuménique Vatican II, Constitution dogmatique sur lÂÂÂÉglise Lumen gentium, 31, 36; Décret sur lÂÂÂapostolat des laïcs Apostolicam actuositatem, 2, 5, 7. [67] Cf. Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Post-synodale Christifideles laici (30.12. 1988), 15-17: AAS 81 (1989) 413-421. [68] Cf. Concile ÂÂÂcuménique Vatican II, Décret sur lÂÂÂapostolat des laïcs Apostolicam actuositatem, 4; Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Post-synodale Christifideles laici (30.12.1988), 44: AAS 81 (1989) 479-480. [69] Benoît XVI, Encyclique Deus caritas est, 28a: LÂÂÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2917 supplément (31.01.2006) V. [70] Benoît XVI, Discours au Corps diplomatique (09.01.2006): LÂÂÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2914 (10.01.2006) 5. [71] Idem. [72] Concile ÂÂÂcuménique Vatican II, Constitution pastorale sur lÂÂÂÉglise dans le monde de ce temps Gaudium et spes, 3. [73] Cf. Paul VI, Message pour la journée mondiale de la paix (08.12.1968): AAS 60 (1968) 771; Message pour la journée mondiale de la paix (08.12.1974): AAS 67 (1975) 65; Message pour la journée mondiale de la paix (08.12.1977): AAS 70 (1978) 49. [74] Cf. Jean-Paul II, Message de la journée mondiale de la paix «Pas de paix sans justice; pas de justice sans pardon»(08.12.2001): AAS 94 (2002) 132-140. [75] Benoît XVI, Homélie de la Messe chrismale(13.04.2006): LÂÂÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2928 (18.04.2006) 4. [76] Cf. S. Irénée de Lyon, Adversus hæreses, IV,20,7: SC 100/2, p.648, 180-181. [77] Cf. S. Augustin, De civitate Dei, 10, 5. 6: PL 41, 283;S. Léon le Grand, De natali ipsius, sermo 4, 1: SC 200, 266. [78] S. Thomas dÂÂÂAquin, Summa Theologica III, q. 63, a. 1-6. [79] Benoît XVI, Encyclique Deus caritas est (25.12.2005), 33: LÂÂÂOsservatore Romano, E.H.L.F., 2917 supplément (31.01.2006) VII.
Copyright 2006 - Secrétairerie Générale du Synode des Évêques Ce texte peut être reproduit par les Conférences épiscopales, ou avec leur autorisation, à condition que son contenu ne soit pas modifié et que deux exemplaires de la publication soient envoyés à la Secrétairerie Généraledu Synode des Évêques, 00120 Cité du Vatican.
|
|