INTERVENTION DE S.E. MONS. JEAN-LOUIS TAURAN À LA 10ème RÉUNION DU CONSEIL DES MINISTRES DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DES PAYS MEMBRES DE LÂÂORGANISATION POUR LA SÉCURITÉ ET LA COOPÉRATION EN EUROPE (OSCE) Porto - Portugal Vendredi, 6 décembre 2002 Monsieur le Président, En sÂÂétant activement impliquée dans une réflexion sur des thèmes dÂÂactualité tels que le terrorisme, le trafic des personnes humaines, la tolérance et la discrimination, lÂÂOSCE a manifesté, une fois encore, sa vocation à former un espace de liberté, de justice et de stabilité, dans la perspective dÂÂune compréhension globale de la sécurité, spécifique de notre Organisation. Le Saint-Siège, bien évidemment, tant au plan de la diplomatie bilatérale quÂÂà celui de la diplomatie multilatérale, nÂÂa pas manqué dÂÂencourager et dÂÂaccompagner les efforts de ceux qui tentent dÂÂéradiquer les causes à la base de ces réalités qui défigurent la personne humaine et mettent en péril la survie même des sociétés. La pauvreté, le chômage, le manque de ressources culturelles, des crises politiques et sociales non résolues sont autant de domaines susceptibles de faire germer des virus de haine et de barbarie dont les effets dévastateurs sont sous nos yeux. Ces derniers mois, au cours de leurs travaux, nos délégations ont souvent observé quÂÂaucun Etat, aucune démocratie ne peuvent fonctionner sans un certain consensus sur les valeurs essentielles de lÂÂexistence humaine. Parmi elles, les convictions religieuses sont sans doute celles qui ont une force de mobilisation personnelle et collective particulièrement stimulante. CÂÂest pourquoi, ayant à lÂÂesprit le rôle des religions dans les pays ici représentés ainsi que les normes contenues dans les divers documents de lÂÂ OSCE, la Délégation du Saint-Siège se doit de partager quelques graves préoccupations à ce sujet. LÂÂannée qui se termine a vu se détériorer de façon alarmante les conditions dÂÂexercice du droit à la liberté de religion, en violation des engagements pris dans le cadre de cette Organisation. Dans certains pays ici représentés, des lois restrictives en matière de liberté religieuse ont été adpotées ou sont en voie de lÂÂêtre. Des responsables de communautés de croyants, dont un évêque catholique, ont été expulsés du pays où ils exerçaient leur apostolat ou empêchés de rejoindre leurs fidèles. De telles attitudes, souvent adoptées de manière arbitraire, manifestent une méfiance à lÂÂégard du fait religieux, une méconnaissance du rôle des religions dans la société civile, un mépris des engagements internationaux librement souscrits et une discrimination envers les croyants. Il serait utile de se souvenir de ce quÂÂun grand juriste italien du XIXE siècle notait avec clairvoyance: "Supprimez la religion dans une société, lÂÂhomme deviendra bientôt une marchandise" ( Luigi Taparelli dÂÂAzeglio, Droit naturel, chap. IX, 1800). SÂÂil est nécessaire que les responsables politiques prévoient un régime légal pour toutes les communautés de croyants et aménagent la convivialité religieuse des citoyens entre eux comme avec la puissance publique, ils ne peuvent toutefois le faire que dans le respect des engagements quÂÂils ont assumé. Pour ceux qui sont réunis autour de cette table: tous les Documents du processus dÂÂHelsinki et en particulier le Document final de Vienne (1989). En outre, quand, pour des motifs historiques, une confession est majoritaire, et que certains droits et privilèges lui sont reconnus, cela ne peut advenir au détriment des libertés fondamentales des autres confessions présentes sur le territoire national. CÂÂest le cas, par exemple, quand une Eglise revendique le monopole de la vie religieuse sur le territoire national et réclame lÂÂappui de lÂÂEtat pour mieux se lÂÂassurer. Les adeptes des autres confessions peuvent alors devenir victimes dÂÂune intolérable discrimination promue par la loi et la liberté de conscience des citoyens, qui ont le droit de changer de religion ou de nÂÂen avoir aucune, sÂÂen trouve menacée. Je voudrais citer ici, Monsieur le Président, le Pape Jean-Paul II. SÂÂadressant au Corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège, le 9 janvier 1989, il déclarait : "Le droit à la liberté de religion est si étroitement lié aux autres droits fondamentaux que lÂÂon peut soutenir à juste titre que le respect de la liberté religieuse est comme un "test" pour lÂÂobservance des autres droits fondamentaux... Le respect par lÂÂEtat du droit à la liberté de religion est signe du respect des autres droits fondamentaux en ce quÂÂil est la reconnaissance implicite de lÂÂexistence dÂÂun ordre qui dépasse la dimension politique de lÂÂexistence" (Allocution au Corps diplomatique). En terminant, je voudrais remercier à mon tour les Autorités portugaises pour lÂÂhospitalité quÂÂelles nous offrent dans cette ville de Porto si attrayante. Je désire également exprimer des vÂÂux fervents de plein succès à la prochaine présidence des Pays-Bas qui prend la relève. Elle peut compter dÂÂores et déjà sur lÂÂentière collaboration de la Délégation du Saint-Siège. Je me réjouis enfin des candidatures de la Bulgarie et de la Slovénie pour la présidence des années successives. |