Intervention de S.E. Monseigneur Renato R. Martino Nonce Apostolique, Observateur Permanent du Saint-Siège Auprès des Nations Unies sur le point 105: Mise en Oeuvre de la Première Décennie des Nations Unies pour lÂÂEradication de la Pauvreté New York, le 12 octobre 1999 Monsieur le Président, On ne peut pas ne pas attribuer une profonde signification au fait que ce soit à lÂÂoccasion du 50.ème anniversaire de lÂÂOrganisation des Nations Unies que lÂÂAssemblée Générale aît proclamé la première Décennie pour lÂÂéradication de la pauvreté (1997-2006). La solennité de cette circonstance montre de façon évidente que la communauté internationale est pleinement consciente de lÂÂampleur et de la gravité dÂÂun problème qui nÂÂa pas encore été résolu malgré les efforts déployés aux niveau technique et politique et lÂÂabondance des ressources actuellement disponibles. Il sÂÂagit avant tout dÂÂune question morale, cet aspect étant justement formulé en premier dans le thème même de la Décennie: "LÂÂéradication de la pauvreté est un impératif éthique, social, politique et économique de lÂÂhumanité". Un impératif, ajouterai-je en citant le Pape Jean Paul II, "qui sÂÂimpose à la conscience de lÂÂhumanité" (Message pour la journée mondiale de la paix 1993), car à lÂÂheure de la mondialisation et de la diffusion rapide de toute information, "on ne peut plus tolérer un monde où vivent côte à côte des riches et des misérables, des personnes qui nÂÂon rien, qui sont privées même de lÂÂessentiel, et des personnes qui gaspillent sans retenue ce dont dÂÂautres ont un besoin désespéré" (Message pour la journée mondiale de la paix 1998). Les pauvres sont donc, principalement, victimes de lÂÂinjustice. Une des formes les plus évidentes de lÂÂinjustice se trouve dans lÂÂimpossibilité pour les pauvres dÂÂaccéder équitablement au crédit. Ma Délégation voudraît souligner lÂÂimportance de ce problème à la fois par lÂÂintérêt quÂÂil revêt en soi et parce quÂÂil sÂÂinsère parfaitement dans le sujet qui a été choisi pour la journée pour lÂÂéradication de la pauvreté du 17 octobre 1999, cÂÂest-à- dire: "La femme et lÂÂéradication de la pauvreté". Il existe déjà de nombreuses institutions financières qui pratiquent le micro-crédit avec des taux de faveur pour ceux et celles qui en ont besoin et, en fait, cÂÂest essentiellement aux femmes quÂÂil est destiné. Preuve en est que la Grameen Bank, la première et bien connue "banque des pauvres", ne compte que 6% dÂÂhommes parmi ses membres: aider les femmes est le meilleur moyen dÂÂaméliorer le sort de toute leur maisonnée car elles consacrent lÂÂessentiel de leurs ressources à leur famille. Le micro-crédit sÂÂimplante avec succès sur tous les continents, indépendamment des cultures et quel que soit le niveau de développement du pays. Un autre aspect positif de ce système est quÂÂil constitue un moyen privilégié de lutte contre la plaie honteuse de lÂÂusure qui guette les pauvres des pays en voie de développement comme ceux des pays riches. En outre, on peut relever que le financement des Institutions de micro-crédit revient normalement moins cher que celui dÂÂun projet dÂÂaide au développement classique. Un élément, enfin, qui tient particulièrement à coeur à lÂÂEglise catholique consiste dans la possibilité qui est offerte au pauvre, à travers le micro-crédit, dÂÂexercer son droit à lÂÂinitiative économique. "Il sÂÂagit dÂÂun droit important, non seulement pour les individus mais aussi pour le bien commun. LÂÂexpérience nous montre que la négation de ce droit ou sa limitation au nom dÂÂune prétendue égalité de tous dans la société réduit, quand elle ne le détruit pas en fait, lÂÂesprit dÂÂinitiative, cÂÂest-à-dire la personnalité créative du citoyen" (Encyclique Sollicitudo Rei Socialis n. 15). La satisfaction pour ce qui, dans ce domaine, se réalise déjà ne doit pas pour autant nous dispenser de chercher ce qui pourrait être réalisé de plus et dÂÂune meilleure manière. En effet, le micro-crédit ne permet pas encore de toucher les plus pauvres des pauvres qui sont souvent dans un dénuement tel quÂÂils ne se considèrent pas solvables et nÂÂosent même pas sÂÂadresser aux institutions de micro-financement. Beaucoup reste donc à faire pour étudier et mettre en oeuvre des programmes spécifiques pour les couches les plus déshéritées de la population. Monsieur le Président, La Délégation du Saint-Siège voudrait, enfin, souligner un autre aspect spécifique et actuel de la lutte contre la pauvreté dans le monde: la nécessité de créer une nouvelle culture de la solidarité internationale. Il sera impossible, sans un support financier efficace et renouvelé, dÂÂaller de lÂÂavant dans la mise en oeuvre du programme de lutte contre la pauvreté projeté par les récentes Conférences internationales. Malheureusement, depuis plusieurs années, les aides internationales sont tombées au niveau le plus bas. Il faut à nouveau créer, surtout dans les pays riches, un mouvement dÂÂopinion favorable à la coopération internationale et aux valeurs de celle-ci. Sans une augmentation des fonds pour lÂÂaide au développement, on ne pourra pas faire face à tous les grands défis que notre époque nous présente et qui vont de la dette internationale aux investissements dans lÂÂéducation et la santé, de la promotion des infrastructurs sociales - qui sont les conditions de la reprise économique - à lÂÂaccès aux connaissances pour la promotion du développement économique et social. Il faut, naturellement, veiller à ce que les fonds soient employés pour les objectifs auxquels ils ont été destinés. Les aides ne doivent pas créer une nouvelle dépendance mais être orientées de manière telle quÂÂelles puissent atteindre les personnes vivant actuellement dans la pauvreté et les mettre en mesure de devenir partenaires et protagonistes du grand projet commun de la réalisation dÂÂune famille humaine caractérisée par des rapports fondés sur la justice et lÂÂéquité. Monsieur le Président, Permettez-moi de conclure cette déclaration en citant encore une fois Sa Sainteté Jean-Paul II: "Les questions liées à la pauvreté des personnes et des peuples qui de nos jours dominent la scène internationale ont une portée décisive. On ne peut les résoudre par des slogans faciles ou des déclarations stériles. .... Je vous encourage à promouvoir avec vigueur une culture de la solidarité et de la coopération entre les peuples où tous assument leurs responsabilités afin de faire reculer de façon décisive lÂÂextrême pauvreté, source de violence, de rancÂÂurs et de scandales. (cf. Bulle dÂÂindiction du grand Jubilé Incarnationis mysterium, n. 12)" (Message du Saint-Père à la Conference des Organisations Internationales Catholiques, 30 septembre 1999). Merci, Monsieur le Président. |