INTERVENTION DU SAINT-SIÈGE À L'OCCASION INTERVENTION DE S.E. MGR SILVANO M. TOMASI, Genève Madame le président, 1. La communauté internationale s'efforce de trouver des solutions à la crise financière et économique que l'avidité et le manque de responsabilité éthique ont engendrée. Tandis que les analystes débattent des causes de la crise, les conséquences sociales d'une nouvelle pauvreté, du chômage, de la malnutrition et du ralentissement du développement frappent les groupes de personnes les plus vulnérables et exigent donc des réponses concrètes et rapides. La délégation du Saint-Siège apprécie que l'attention de ce débat de haut-niveau se concentre, de façon tout à fait appropriée, sur le thème: "Tendances mondiales et nationales actuelles et leur incidence sur le développement social, y compris la santé publique". La crise économique mondiale n'a pas perdu de son intensité. Elle est exacerbée par l'apparition d'un virus de la grippe, auparavant inconnu, A-H1N1, dont la dimension de pandémie a déjà été reconnue et dont l'impact futur ne peut être mesuré avec certitude, et par la crise alimentaire mondiale, qui menace la vie de millions de personnes, en particulier les plus pauvres du monde, dont un grand nombre souffrent déjà de malnutrition aiguë et chronique. Ces exemples montrent une fois de plus le lien entre pauvreté et santé, et le fardeau disproportionné qui pèse sur les pays en voie de développement et même sur les pauvres des pays développés. Face à ces défis mondiaux si urgents, l'avenir est hypothéqué au point que les jeunes risquent d'hériter d'un système économique sérieusement compromis, d'une société privée de cohésion, et d'une planète dont la durabilité en tant que lieu d'accueil de la famille humaine tout entière est endommagée. 2. La délégation du Saint-Siège prend acte avec une profonde préoccupation des prévisions de la Banque mondiale selon lesquelles en 2009, entre 53 et 65 millions de personnes supplémentaires seront victimes de la pauvreté extrême et le nombre de personnes souffrant de la faim de façon chronique dépassera un milliard, dont 800 millions vivent dans des zones rurales dans lesquelles la santé publique est extrêmement faible et où des initiatives innovatrices en matière de santé sont urgentes. Nous pouvons raisonnablement déduire qu'un nombre important de personnes souffrant de la pauvreté extrême et de la faim seront davantage exposées au risque de contracter des maladies aussi bien transmissibles que chroniques et non-transmissibles. De plus, si ces personnes doivent faire face à une réduction des aides internationales ou si le nombre de personnes ayant besoin de soins augmente, les systèmes de santé publique déjà fragiles dans les pays en voie de développement ne seront pas en mesure de répondre de façon adéquate aux besoins en matière de santé de leurs citoyens les plus vulnérables. Pour faire face à ce problème, surmonter la tentation de réduire les services publics - en vue d'un bénéfice à court terme mais au prix d'un coût humain à long terme - devient, plus encore qu'une expression de solidarité, une question de justice. De même, l'aide au développement doit être maintenue et même accrue en tant que facteur fondamental pour renouveler l'économie et nous sortir de la crise. Madame le président, 3. Un autre obstacle fondamental à la réalisation des objectifs exprimés au niveau international dans le secteur de la santé publique sont les inégalités devant être affrontées qui existent entre les pays comme au sein des pays, et entre les groupes raciaux et ethniques. Il est tragique de constater que dans de nombreuses régions, les femmes continuent de recevoir des soins médicaux de moins bonne qualité. Cette situation est bien connue des personnes et des institutions qui travaillent sur le terrain. L'Eglise catholique apporte son soutien à 5.378 hôpitaux, 18.088 cliniques, 15.448 foyers pour personnes âgées et porteurs de handicap, et à d'autres programmes de santé dans le monde, mais en particulier dans les régions les plus isolées et marginalisées et parmi les populations qui n'ont que rarement accès aux services de santé fournis par les programmes de santé publics au niveau national, provincial, ou municipal. A cet égard, une attention particulière est accordée à l'Afrique, où l'Eglise catholique s'est engagée à demeurer aux côtés des plus pauvres sur ce continent afin de défendre la dignité inhérente à toutes les personnes. 4. On reconnaît toujours plus qu'une pluralité d'acteurs, dans le respect du principe de subsidiarité, contribue à l'application du droit humain aux soins de santé primaires. Parmi les organisations de la société civile garantissant des services de santé au sein de divers systèmes nationaux, les programmes promus par l'Eglise catholique et d'autres organisations confessionnelles jouent un rôle de premier plan. Les responsables de l'OMS ont reconnu que ces organismes "assurent une part importante des soins dans les pays en voie de développement, en couvrant souvent des populations vulnérables vivant dans de mauvaises conditions" [1]. Toutefois, en dépit des résultats excellents et documentés dans le domaine des services offerts pour le traitement du VIH-SIDA et des soins de santé primaires, les organisations confessionnelles ne reçoivent pas une part équitable des ressources destinées à soutenir les initiatives mondiales, nationales et locales dans le domaine de la santé. 5. La simple recherche quantitative de flux d'aides et la multiplication des initiatives mondiales en matière de santé ne sont peut-être pas suffisantes pour garantir "la santé pour tous". L'accès à des soins de santé primaires et à des médicaments abordables pouvant sauver la vie, est fondamental pour améliorer la santé mondiale et promouvoir une réponse mondiale commune aux besoins de base de tous. Dans un monde toujours plus interdépendant, même les virus et les maladies ne connaissent pas de frontières, et une plus grande coopération mondiale devient donc non seulement une nécessité concrète, mais, de façon plus importante, un impératif éthique de solidarité. Toutefois, nous devons être guidés par la meilleure tradition en matière de soins de santé, qui respecte et défende le droit à la vie, de sa conception à sa mort naturelle pour tous, quels que soient la race, le handicap, la nationalité, la religion, le sexe et le statut socio-économique. Ne pas placer la promotion de la vie au centre des décisions en matière de santé, conduit à une société dans laquelle le droit absolu de la personne aux soins de santé primaires et à la vie serait limité par sa capacité à payer, par la perception de sa qualité de vie et par d'autres décisions subjectives qui sacrifient la vie et la santé en échange de bénéfices sociaux, économiques et politiques à court terme. 6. En conclusion, Madame le président, la délégation du Saint-Siège désire attirer l'attention sur le besoin de solutions qui ne soient pas seulement financières, aux défis que la crise économique pose aux efforts mondiaux en vue d'assurer un accès universel aux soins de santé. Dans sa nouvelle encyclique, Benoît XVI affirme: "L'activité économique ne peut résoudre tous les problèmes sociaux par la simple extension de la logique marchande. Celle-là doit viser la recherche du bien commun, que la communauté politique d'abord doit aussi prendre en charge" [2]. Une approche éthique du développement est nécessaire, qui implique un nouveau modèle de développement mondial, centré sur la personne humaine plutôt que sur le profit, et qui inclue les besoins et les aspirations de toute la famille humaine. ___________________________________________________________________________ [1] DeCock, Kevin (2007), "Les organisations confessionnelles jouent un rôle majeur dans les soins et le traitement du VIH-SIDA en Afrique sub-saharienne", cité par le communiqué de presse de l'Organisation mondiale de la santé, 9 février 2007, Washington, D.C. [2] Benoît XVI, Lettre encyclique Caritas in veritate, n. 36. *L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n°30 p.9.
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