Messieurs les Cardinaux et
vénérés confrères dans l'épiscopat et dans le sacerdoce,
chers membres de la Compagnie de Jésus,
frères et soeurs dans le Seigneur!
"Alleluia, alleluia", telle est l'exclamation joyeuse qui jaillit de notre coeur en cette période pascale, tandis que nous contemplons la puissance du ressuscité qui renverse la lourde pierre du tombeau et apparaît aux disciples dans toute la splendeur de sa gloire.
"Alleluia, alleluia", répétons-nous nous aussi aujourd'hui en tournant le regard sur ce que le Seigneur, au moyen de son Esprit Saint, a accompli dans l'Eglise au cours de son histoire, suscitant en elle des formes toujours nouvelles de sainteté.
Notre regard s'arrête aujourd'hui de façon particulière sur trois grandes figures de religieux, qui ont jeté les bases de la Compagnie de Jésus: Ignace de Loyola, François-Xavier et Pierre Favre.
Dans le climat pascal
L'histoire qui nous pousse aujourd'hui à élever un chant commun d'alleluia, dans le joyeux climat de la Pâque, est une histoire glorieuse.
Un éminent historien de la liturgie, le regretté Père Joseph Jungmann, de la Compagnie de Jésus, dans son célèbre Traité "Missarum Solemnia", nous a bien expliqué la valeur de la brève exclamation biblique de l'Alleluia qui imprègne toute l'Eglise en ce temps de joie pascale. Il nous rappelait même qu'avant la réforme liturgique de saint Pie X, l'Alleluia se répétait bien neuf fois le Dimanche in Albis pour exprimer toute la joie des chrétiens face aux dons du Seigneur (ibid., Verlag Herder, Wien, 1949, n. 434).
Avec cette attitude intérieure, nous voulons nous aussi élever aujourd'hui un chant de louange au Tout-Puissant, en répétant les paroles du Psaume responsorial:
"Haec dies quam fecit Dominus, exultemus et laetemur in ea - Voici le jour que fit Yahvé, pour nous allégresse et joie" (Ps 117).
La célébration d'aujourd'hui
Dans cet esprit, nous sommes réunis ici, autour de l'autel du Seigneur, pour renouveler le sacrifice eucharistique, en nous offrant avec le Christ au Père dans une attitude d'adoration, d'action de grâce, d'expiation et de supplique. Ce sont là les quatre finalités reconnues de chaque Célébration eucharistique, selon la doctrine de l'Eglise.
A cet égard, je me souviens encore avec nostalgie des profondes leçons que nous tenait à l'Université pontificale grégorienne le regretté Père Giuseppe Filograssi, s.j. qui, en tant que maître éminent et véritable homme de Dieu, nous conduisait à mieux connaître les divers aspects du "mysterium fidei".
Face à la Majesté Divine
Aujourd'hui également, le premier motif qui a réuni la Famille de saint Ignace autour de l'autel du Seigneur est celui de l'adoration du Père, notre Créateur et Seigneur. A travers son Esprit Saint, il a suscité au coeur de l'Europe, il y a cinq siècles, les trois grands géants de la sainteté que nous voulons rappeler aujourd'hui. Ceux-ci voulaient "Deo militare - militer au service de Dieu", comme le disait le Pape Paul III dans la Bulle "Regimini militantis Ecclesiae" du 27 septembre 1540. Ils voulaient constituer une Compagnie "pour le plus grand service, louange et gloire du Nom de Dieu" (Constitution, n. 693), certains que "la divine et suprême majesté voulait se servir de la Compagnie pour la diffusion" de son Royaume (Constitutions, n. 190).
En réalité, dans les difficultés de la vie apostolique également, saint Ignace voulait que Dieu soit servi en premier. Dans le même esprit, saint François-Xavier se consacrait à ses entreprises missionnaires et le bienheureux Pierre Favre accomplissait son oeuvre silencieuse d'accompagnement de tant d'âmes à la recherche de Dieu.
Tout devait être "ad majorem Dei gloriam - à la plus grande gloire de Dieu", comme le récite la devise que nos saints nous ont laissée. Et c'est dans cet esprit que nous voulons aujourd'hui célébrer notre Sacrifice eucharistique.
Le devoir d'action de grâce
En second lieu, nous voulons rendre grâce avec le Christ au Père qui est aux cieux pour tous les bienfaits qu'il a accordés à l'Eglise, en suscitant en elle les saints que nous rappelons aujourd'hui. Nous contemplons aujourd'hui Ignace, Xavier et Pierre comme des hommes intimement unis entre eux, mais nous savons bien, d'après leur propre témoignage, qu'ils étaient très unis entre eux car ils étaient intimement unis au Christ. Ensemble, ils voulaient précisément former la Compagnie de Jésus, vivant selon le même style de vie, et travaillant avec la même finalité pour l'avènement de son Royaume. Certes, Ignace fut à l'origine de cette cordée, mais bientôt, à Paris, alors qu'il étudiait à la Sorbonne, il fut rejoint par François-Xavier, qui venait de la terre de Navarre, et par Pierre Favre, qui venait de Savoie. C'est ainsi que naquit l'émulation réciproque qui les conduisit à donner naissance à la Compagnie de Jésus dans les années 1539-1540, dans le but précisément d'"ayudar a las animas", aider les âmes à aimer et servir le Seigneur.
Aujourd'hui, nous voulons rendre grâce au Père céleste pour nous avoir donné de tels maîtres de sainteté, qui nous indiquent le chemin de l'amour pour le Christ et de l'engagement apostolique qui en découle, en vue de conduire les âmes à Dieu.
La demande de pardon
Conscients également que tout sacrifice eucharistique possède également une fin propitiatrice, nous voulons aujourd'hui demander pardon pour nos infidélités. En réalité, nous savons bien que chaque entreprise humaine est accomplie par les fils d'Adam, qui sont enclins au péché, et que chaque jour, ils doivent donc répéter la prière qui nous a été enseignée par Jésus, disant: "Notre Père..., délivre-nous du mal".
Le mal existe dans l'histoire des personnes comme dans celle des communautés. Déjà, dans le Collège apostolique, il y eut Judas qui trahit le Seigneur, ainsi que Pierre qui le renia. Pour nous aussi aujourd'hui, le coq se remet souvent à chanter, nous invitant à regretter nos infidélités et à demander pardon au Seigneur.
La prière pour l'avenir
Enfin, aujourd'hui, nous voulons également implorer du Père qui est aux cieux d'abondantes grâces sur toute la Compagnie de Jésus pour la sanctification de ses membres et pour la fécondité de leur ministère.
La commémoration actuelle marquera ainsi une heure de grâce pour la Famille de saint Ignace et la poussera à une nouvelle ardeur apostolique, pour annoncer le Christ aux hommes d'aujourd'hui.
Dans l'Evangile d'aujourd'hui, nous avons à nouveau écouté le mandat missionnaire universel: "Allez dans le monde entier, proclamez l'Evangile à toute la création" (Mc 16, 15).
Au cours de cette Messe, nous implorerons pour nous tous la lumière et la force pour remplir cette mission. Comme à l'époque de Jésus, aujourd'hui aussi, il existe "des champs qui se dorent pour la moisson" (Jn 4, 35) et qui attendent l'arrivée des moissonneurs.
Que notre prière s'élève donc à Dieu pour la Compagnie de Jésus, afin qu'elle puisse continuer à accomplir avec générosité sa mission d'annoncer au monde d'aujourd'hui l'Evangile du Christ, en reprenant l'élan des origines, et l'ardeur apostolique d'Ignace, François-Xavier et Pierre Favre.
Conclusion
Frères et soeurs dans le Seigneur, c'est dans ce but que nous célébrerons aujourd'hui le sacrifice eucharistique. Des grâces abondantes descendront ainsi sur l'Eglise, au début de ce troisième millénaire chrétien. Que du ciel, intercède pour nous la très Sainte Vierge Marie, qui en ces jours, est invoquée de façon particulière comme Mère de la Compagnie de Jésus. Qu'elle nous obtienne de son Fils divin la grâce de continuer avec un engagement nouveau dans le saint service du Seigneur.
Amen.