CONCÉLÉBRATION EUCHARISTIQUE HOMÉLIE DE L'ARCHEVÊQUE GIOVANNI LAJOLO Cathédrale de Tunis
Excellences, chers Frères et Soeurs, C'est avec une grande joie que j'ai accepté l'invitation de Monseigneur Fouad Twal, Evêque de Tunis, à visiter pendant quelques jours votre pays, pour y rencontrer les Autorités civiles, avec lesquelles le Saint-Siège entretient d'excellentes relations, ainsi que la communauté chrétienne. Je suis venu également pour vous transmettre la Bénédiction paternelle ainsi que les encouragements de Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II, qui n'oublie pas sa visite dans votre pays, le 14 avril 1966. Il avait alors prié avec vous dans cette cathédrale où les saints martyrs de l'Eglise de Carthage donnèrent leur vie pour le Christ, en particulier saint Cyprien, saintes Perpétue et Félicité. Il continue de prier pour tous ceux qui aujourd'hui témoignent ici de leur foi, tout en vivant un dialogue quotidien et fraternel avec les membres de la communauté musulmane. Vous avez déjà célébré dans le diocèse de Tunis, dimanche dernier, la fête de l'Epiphanie, et nous sommes toujours dans le temps de Noël, cette éclatante manifestation de l'amour de Dieu, qui "a envoyé son Fils comme Sauveur du monde", ainsi que le proclame la première Lettre de saint Jean que nous venons d'entendre. "Il n'y a pas de crainte dans l'amour, l'amour parfait chasse la crainte", nous dit aussi l'apôtre. C'est à cette même assurance confiante que Jésus invite ses disciples lorsque la tempête menace leur embarcation, comme le rapporte saint Marc dans l'Evangile de ce jour: "Confiance, c'est moi, n'ayez pas peur!". Saint Augustin, particulièrement cher à votre Eglise en Tunisie, auquel vous avez consacré une très belle Exposition dans l'ancienne Basilique de Carthage, commente l'épisode de la tempête apaisée en insistant sur cette confiance que nous donne la présence du Christ au milieu de nos doutes et nos difficultés. "Les disciples, déclare-t-il dans l'un des sermons (LXXV), s'étaient troublés en le voyant sur la mer et ils avaient dit: "C'est un fantôme". Pour lui, montant sur la barque, il fit cesser l'incertitude de leurs coeurs, incertitude qui mettait plus leur âme en danger que les vagues n'y mettaient leur corps... Mais notre Intercesseur l'emporte, car au milieu des secousses qui nous tourmentent, il nous inspire confiance, en venant à nous et en nous fortifiant". Si le Christ affermit l'expérience de ses disciples, il confirme aussi leur foi, et saint Augustin, contre les hérésies de son temps, établit un lien entre l'épisode de la tempête apaisée et le mystère de Noël, réaffirmant la foi de l'Eglise en l'humanité véritable du Christ: il commente ainsi les paroles de Jésus rejoignant les disciples dans la barque: "Ayez confiance, c'est moi; ne craignez point. En d'autres termes: N'admirez pas ma grandeur jusqu'à vouloir me dépouiller de ma réalité. Il est bien vrai, je marche sur la mer, je tiens sous mes pieds, comme des flots écumants, l'orgueil et le faste du siècle; je me suis montré néanmoins véritable homme, et mon Evangile dit vrai quand il publie que je suis né d'une Vierge, que je suis le Verbe fait chair". L'argument de l'évangile de Marc, et celui de saint Augustin, me semble proche du thème qu'a voulu aborder le Pape Jean-Paul II dans son récent Message pour la Journée mondiale de la Paix: "Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien". Confiance, espérance, courage face à la tempête, face au mal qui parfois submerge nos sociétés. C'est seulement si Jésus nous accompagne sur la barque de notre vie que nous serons capables de lutter contre le mal et d'avoir cette paix que nous implorons, que tant de peuples appellent à grands cris, souvent des cris de douleur et de souffrance. En ces jours, nous entendons de toute urgence ces cris de douleur, ces appels à l'aide, qui nous parviennent des populations du Sud-Est asiatique, frappées par une catastrophe naturelle de proportions inouïes. La charité de l'Eglise entière, qui ne connaît pas de frontière religieuse ou géographique, la charité de votre communauté chrétienne de Tunis est appelée à donner une réponse généreuse, à la mesure des immenses besoins du moment. Dans son Message du Jour de l'An, le Saint-Père nous rappelle notre devoir face au mal, à la guerre, à l'injustice, face aussi à toute souffrance de l'homme dans le besoin: "Aucun homme ni aucune femme de bonne volonté, écrit le Pape, ne peut se soustraire à l'engagement de lutter pour vaincre le mal par le bien. C'est un combat qui ne se mène valablement qu'avec les armes de l'amour". Frères et soeurs, ce combat, motivé par l'amour, vous le menez dans ce pays, au nom de votre foi. Prêtres diocésains et religieux, unis à votre Evêque, c'est en guidant, en enseignant, en partageant les sacrements avec vos communautés, si réduites soient-elles parfois, que vous combattez le mal et faites croître le bien. Religieux, Religieuses et Fidèles laïcs, à travers vos responsabilités dans les domaines de l'éducation, de la santé, du développement, de l'attention aux plus pauvres, vous annoncez déjà le royaume nouveau, celui de l'amour, à l'écoute des paroles de saint Jean: "Puisque Dieu nous a tant aimés, nous devons nous aimer les uns les autres". Vous pratiquez ainsi le plus beau des dialogues et le plus efficace sans doute, celui de la charité. L'ancienne Eglise de Carthage a toujours été étroitement unie à celle de Rome: pensons seulement aux liens entre saint Cyprien et le Pape Corneille au III siècle, sans oublier ceux entre le Cardinal Lavigerie et le Pape Léon XIII au XIX siècle. L'Eglise en Tunisie maintient toujours ce même lien de communion que je suis heureux de souligner aujourd'hui en célébrant cette Eucharistie avec votre Evêque et avec le Nonce apostolique. Que le corps du Christ partagé demeure la source de notre communion et le foyer de notre témoignage de l'amour de Dieu pour les hommes. Amen!
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