Monsieur le Président,
La Communauté internationale bénéficie aujourd'hui d'une occasion sans précédent de discuter et de soulever le problème de l'éradication de la pauvreté et de son lien avec le développement durable dans les régions rurales. Notre travail contribue à l'application des nobles objectifs contenus dans les Accords de Monterrey de la Conférence internationale sur l'Aide financière au Développement et la Déclaration finale du Sommet mondial de Johannesburg sur le développement durable. Il fait également progresser, de façon directe ou indirecte, les huit objectifs contenus dans la Déclaration des Objectifs de Développement de l'ONU pour le Millénaire. Tout en poursuivant nos débats, nous devons également tenir compte de la reconnaissance, de la part de la Déclaration ministérielle de Doha, du besoin de faciliter le lien entre le développement rural et la réduction de la pauvreté.
Avant de soumettre et de souligner ses préoccupations pour les problèmes ruraux, ma Délégation désire rendre un hommage chaleureux et reconnaissant aux millions de femmes et d'hommes qui passent leur vie dans les champs et apportent à l'humanité les fruits de leur travail. Nous souhaitons promettre notre engagement en particulier à ceux dont l'existence et la dignité humaine elles-mêmes sont menacées par la pauvreté rurale.
L'établissement d'une solide alliance pour le développement, incluant les Organisations internationales, les gouvernements, les ONG, la société civile, les activités agricoles et les agriculteurs, provenant aussi bien de pays développés que de pays en voie de développement, manifestera l'unité de l'humanité. Ce partenariat doit reconnaître que ceux qui ont la chance de disposer de ressources économiques et du pouvoir de les utiliser, sont appelés dans la solidarité à soulager le fardeau de ceux qui sont parmi les plus vulnérables. L'unité du genre humain elle-même est menacée lorsque les injustices économiques internationales et nationales divisent les membres de la famille humaine en castes économiques injustifiables. De plus, cette alliance peut également contribuer à maintenir la paix et la sécurité internationales que les Nations unies se doivent de faire progresser. Elle peut également faire progresser les relations réciproques de tous les peuples, ce qui renforcera les liens de solidarité.
De plus, il y a la question de la justice, qui doit prévaloir dans le monde économique. On dit que la forme la plus véritable de justice est l'authentique fraternité. Mais comment la justice véritable peut-elle exister lorsque notre voisin rural pauvre n'est considéré ni comme un ami, ni comme un être humain semblable à nous? La reconnaissance du lien réciproque et de l'interdépendance qui existent entre les intérêts sociaux, économiques et politiques de tous les pays et des peuples conduira à nouveau la Communauté internationale à renforcer la véritable justice. Les menaces matérielles qui pèsent sur les nations développées aujourd'hui seront réduites et peut-être même éliminées si la pauvreté est soulagée. La véritable prospérité et le véritable progrès dans le monde dépendent de l'unification des intérêts de tous les peuples.
Le Saint-Siège profite de cette occasion pour appeler à une stratégie intégrée, qui mette en place une série de concessions économiques et commerciales généreuses, sans rien demander en retour, tout au moins à court terme. Au coeur de cette stratégie, il existe un principe de responsabilité collective, en vertu duquel les pénuries et les conditions moins favorables des pays pauvres devraient être prises en charge et résolues par les pays riches, comme s'il s'agissait de problèmes intérieurs propres à ces derniers. En appliquant cette stratégie, l'alliance pour le développement pourrait poursuivre les objectifs suivants:
- Limitation des pratiques économiques à l'étranger qui permettent une amélioration temporaire, mais qui ne renforcent pas les économies des régions rurales, afin que leurs habitants puissent devenir des protagonistes économiques et sociaux actifs, capables de contribuer au bien commun national et international.
- De nouvelles pratiques qui soutiennent à la fois le développement durable et l'augmentation de la productivité des exploitations agricoles familiales, devraient être encouragées, de même que les activités génératrices d'emploi dans les zones rurales.
- Etablir et appliquer des normes équitables réglementant le commerce international, qui accroissent la participation active des économies rurales et ne favorisent pas seulement l'intérêt des économies développées. Ces normes pourraient promouvoir une plus grande égalité entre les parties, faisant même des Etats les plus pauvres des participants compétitifs dans l'économie globale. Des normes éliminant ou, tout au moins, réduisant sensiblement les subventions à l'exportation accordées par les Etats développés à leur agriculture domestique, pourraient être un exemple de cette évolution.
- La réduction de la dette, visant à éliminer les fardeaux qui empêchent la reprise et la croissance des économies des Etats en voie de développement et à promouvoir de nouvelles ressources financières pour le développement de l'agriculture.
- Encourager les investissements privés et publics dans le domaine de l'éducation primaire et secondaire pour tous les enfants, et les systèmes d'assistance médicale de base visant à réduire sensiblement l'impact non seulement du VIH/SIDA, mais également de toutes les autres maladies qui menacent les habitants pauvres des zones rurales, telles que la malaria, la typhoïde, le choléra et la tuberculose.
- L'assistance économique en faveur de programmes de santé publique ne doit pas être considérée simplement comme une aide humanitaire à l'égard des membres les plus vulnérables de la communauté rurale, mais également comme une partie de la stratégie économique et sociale visant à améliorer les conditions des travailleurs ruraux qui constituent la main d'oeuvre dans les régions rurales du monde. Une main-d'oeuvre en bonne santé permettra aux Etats en voie de développement de poursuivre des relations commerciales à long terme avec d'autres Etats.
- Encourager les investissements qui contribueront à l'élimination de la malnutrition et au développement de ressources adéquates d'eau potable. L'alimentation et l'hydratation adéquates sont essentielles pour une participation active des peuples dans les relations commerciales avec les autres.
- Identifier et éliminer les causes qui sont à l'origine des conflits armés régionaux, dans lesquels les civils innocents, souvent des habitants des zones rurales, deviennent les cibles des conflits.
- Promouvoir le partage de la technologie des Etats développés avec les Etats en voie de développement, et en particulier les technologies qui rendraient le développement rural durable, la sécurité alimentaire, la protection de l'environnement et les exportations agricoles des pays en voie de développement compatibles entre eux.
Monsieur le Président,
Le monde d'aujourd'hui s'accroche à une paix fragile. Trop de personnes vivent sans espérance, doivent faire face à des promesses non tenues et perdent confiance dans l'efficacité des sommets régionaux et internationaux.
C'est la tentative visant à soulager le désespoir des pauvres qui doit alimenter le travail permanent de la Communauté mondiale. Nous ne pouvons pas permettre à notre travail de finir ici. La Communauté internationale ne peut permettre qu'un jour s'écoule sans que ne soit accompli, avec toute l'énergie et la résolution que nous pouvons rassembler, une réelle tentative en vue d'atteindre les objectifs et d'accomplir de réels progrès vers la diminution de la pauvreté.
Un progrès a été accompli à travers l'établissement d'une alliance public-privé pour le développement, qui servira à éliminer la pauvreté, en particulier celle qui est vécue par les habitants des zones rurales du monde. Notre réunion ici montre qu'il existe un espoir, un engagement, et un mouvement honnête vers l'élimination de la pauvreté qui freine le développement authentique de tous les peuples et sociétés. Une bonne base pour édifier un meilleur avenir, pour toute l'humanité, est à portée de main. Puissions-nous recevoir le courage et la sagesse d'édifier sur les promesses que cette alliance contient pour l'humanité.
Merci, Monsieur le Président.
*L'Osservatore Romano. Edition hebdomadaire en langue française n.34 pp. 8, 11.
La Documentation catholique n.2300 p.932-934.