Pontifical Council for the Pastoral Care of Migrants and Itinerant People People on the MoveN° 99, December 2005
AUX Funérailles dU p. Herman BOON*(Homélie)
Cardinal Godfried Danneels Archevêque de Malines-Bruxelles
Textes bibliques : Tb. 5 passim Rm. 14, 8-12 Mt. 11, 25-30 Notre mort... nous ne la choisissons pas, nous la recevons de la main de Dieu. Nous ne connaissons ni la manière, ni l'endroit, ni le moment de notre dernier voyage. Cela nous est donné de la main de Celui de qui nous avons reçu la vie. Dieu se tient aux deux portes de notre vie: au début et à la fin. Et pourtant rien n'est pur hasard, même pas notre mort. Cétait le cas de Herman Boon: il a entamé son dernier voyage à la chapelle de laéroport, «sa chapelle». Il lavait lui-même demandée et lavait reçue. Il lavait aménagée avec beaucoup de goût. Herman est parti sans avoir été une charge pour personne, le lendemain de la Fête de lAscension. Il a voulu suivre son Maître et il était pressé. Tel était Herman: un homme qui aimait demeurer dans la maison de Dieu à laéroport, planté comme un «arbre en prière» devant le tabernacle. Toute sa vie il était pressé de faire le plus de bien possible. Il est mort comme il a vécu. Cest ainsi que Dieu la voulu. Lange Raphaël pour tant de Tobie. Pendant 17 ans, Herman a vécu à laéroport, du matin au soir, jour et nuit. Cétait son «biotope»: il y était comme enraciné, il y poussait et y portait des fruits. Il est décédé là où il a vécu. Dans la chapelle il avait placé une icône de Tobie cheminant avec lange Raphaël. Il en était si fier. Une telle icône de lange Raphaël navait jamais été peinte auparavant. Aussi nous lavons ici avec nous dans cette église. Il a certainement été très attentif tantôt en écoutant la première lecture. Et il sy est certainement reconnu. Comme un ange Raphaël, il a accompagné des milliers de Tobie à lavion: des missionnaires qui partaient aux quatre coins du monde, des pèlerins de toutes sortes, vers Rome, Lourdes, Jérusalem et même vers La Mecque. Pour certains cétait le premier voyage en avion. Ils avaient peur et lui demandaient, comme Tobie à lange Raphaël: «Veux-tu maccompagner? Es-tu familier de ces endroits?». Et Herman de répondre: «Oui, je connais le chemin». Et il les accompagnait jusquà lavion, parfois même plus loin, en pèlerinage. Au début son pas était ferme et léger comme celui dun ange, mais ces derniers temps cela lui demandait de gros efforts de parcourir les longs couloirs de laéroport. Les dernières semaines on pouvait lentendre dire: «je deviens trop vieux pour la vie dici-bas, mais je resterai toujours jeune pour le ciel». En route, il saluait tout le monde. Il connaissait tout le personnel de laéroport et eux le connaissaient aussi. Et quand il sarrêtait en chemin et causait avec eux, il gratifiait tous ceux qui le croisaient dun chaleureux «salut...». Un tel Raphaël nous manquera maintenant et cela ne sera pas facile pour nous. Laéroport était son «chez lui», il y vivait constamment. Il y a vu beaucoup de souffrances. Mais ce nétait pas uniquement un lieu de soucis et dafflictions. Il y avait aussi des moments de bonheur et de grandes consolations. Chaque année il y avait la célébration de la nuit de Noël. Dans un hangar de laéroport, sous les ailes dun Boeing ou dun Airbus - un ange géant - il pouvait célébrer la messe de Noël pour des centaines de personnes, de laéroport et des alentours. Cétait alors pour lui la Crèche de Zaventem, car ailleurs dans les bâtiments de laéroport il ny avait pas de place à lauberge pour le petit Jésus. Laéroport devait rester «terrain neutre» et il na jamais pu comprendre cela. «Venez à moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau» Beaucoup de personnes étaient escortées par Herman. Il en faisait autant dans le sens inverse: de lextérieur vers lintérieur. Et ce parcours était loin dêtre toujours agréable. Qui pourra jamais compter les réfugiés et demandeurs dasile, les vivants et les morts que Herman a reçus à laéroport de Zaventem pendant toutes ces années? Qui est allé visiter les personnes qui étaient coincées dans la zone de transit pour les encourager? Qui est allé acheter des vêtements pour eux? Non, Herman nétait pas un révolutionnaire, il avait du respect pour les lois du pays. Mais il trouvait quon ne devait pas-traiter les réfugiés comme de simples «objets perdus». Et il ne tolérait pas non plus quon les emploie comme «instruments» pour des mouvements qui veulent ainsi propager leurs idéologies et leurs stratégies à leurs dépens. Très souvent il se trouvait seul à la tâche du vendredi au lundi. Et souvent on le trouvait là avant le lever du soleil pour le départ des «charters» et jusque après minuit et à certains moments imprévus pour consoler les familles lors du rapatriement dun défunt proche. Herman était aussi un homme de culture et avait un goût très fin et cultivé. C'était un trait de famille. Il avait hérité de la tradition familiale, humaine et culturelle de son père et il a su transposer ces dons au niveau de la Foi et de lEglise. Cétait un homme de Dieu et de lEglise. Tout ce que je lui demandais au nom de lEglise, il la accepté: vicaire dune paroisse, aumônier de lhôpital St. Raphaël à Louvain - il y avait déjà à ce moment là un lien avec lange Raphaël -, «superviser» pastoral au séminaire Jean XXIII, à «Missio» et finalement à laéroport. «Vous me demandez et je le ferai» était sa réponse. Même quand il sagissait dune entreprise risquée. Cétait un homme très sensible, noble de coeur, mais aussi très social. Il défendait les droits de ceux qui avaient perdu leur travail. Il avait le sens de lart et de la beauté. Les chapelles à laéroport étaient décorées avec de lart religieux moderne. Et il se réjouissait tellement quand il entendait cette parole de Jésus dans lEvangile: «Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la terre, davoir caché cela aux sages et aux intelligents et de lavoir révélé aux tout-petits. Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir» (Mt 11, 25). Exactement comme Jésus, Herman se réjouissait toujours de lamour de Dieu pour les plus petits: «Oui, Père, car tel a été ton bon plaisir». Toute sa vie il sest intéressé au sort des pauvres chrétiens palestiniens dans le pays de Jésus: les plus pauvres de toute la chrétienté. Ils lui tenaient tellement à coeur. Il était si bon. Et avec lâge et les années il devenait meilleur. Lors dune rencontre avec lui on devait penser automatiquement à ces paroles de Jésus: «Venez à moi vous tous qui peinez et ployer sous le fardeau, et moi je vous soulagerai. Chargez-vous de mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez soulagement pour vos âmes» (Mt. 11, 28). Oui, cétait des paroles de Jésus, mais elles étaient aussi écrites dans le coeur de Herman. «Nul dentre nous ne vit pour soi-même, comme nul ne meurt pour soi-même; si nous vivons, nous vivons pour le Seigneur, et si nous mourons, nous mourons pour le Seigneur» (Rm. 14, 7-8). Il ne sest jamais ménagé. Le service des autres la usé jusquà la corde. Il sest éteint car il aimait trop. Son coeur et ses forces lui ont manqué. Et maintenant Herman dirait
Qui se trouve là à la porte du ciel? Herman, tu nous manqueras! Moi non plus je ne te verrai plus au check-in, tu ne seras plus là au «gate» quand jarriverai et débarquerai dun avion. Tu es parti. Mais non. Qui sera là, à la porte du ciel, lors de notre dernier voyage? Et nentendrons-nous pas le père de Tobie nous dire... : «pars avec ton frère. Que le Dieu qui est dans les cieux vous protège là-bas! Que son ange vous accompagne» (Tobie 5, 21). Et nous, nous nous demanderons une fois arrivés à la porte du ciel: «Nest-ce pas lange Raphël»? Mais depuis la porte du ciel quelquun appelle: mais non, regardez bien, cest Herman Boon. Il se tient toujours à la porte quand on arrive, et ici, à la porte du ciel, il fait de même. Quest-ce que vous pouvez bien penser?
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Zaventem, Eglise St. Martin -13 mai 2005. Nous reproduisons ici lhomélie, prononcée par M. le Cardinal Godfried Danneels, lors des funérailles du Père Herman Boon. Il est décédé le 6 mai 2005 d'une crise cardiaque dans sa chapelle, celle de l'aéroport de Zaventem. À près de 75 ans, cela faisait 17 ans que, le cur sur la main, il y accueillait les voyageurs, le personnel de Bruxelles National ou encore les réfugiés. Mais c'est surtout pour son rôle d'aumônier de l'aviation civile en Belgique qu'il restera dans les mémoires. Source de réconfort certain, lors de la douloureuse faillite de la SABENA, il était aussi particulierment touché devant la détresse et la situation de certains migrants, abandonnés dans la zone de transit de laéroport. Ses funérailles eurent lieu le 13 mai à l'église Saint-Martin de Zaventem.
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