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 Pontifical Council for the Pastoral Care of Migrants and Itinerant People

People on the Move - N° 91-92, April - August 2003, p. 273-276

Les Migrations Internationales en Europe*

S.E. Mgr. Agostino MARCHETTO 

Secrétaire du Conseil Pontifical pour

la Pastorale des Migrantes et des Personnes en déplacement

Chers auditeurs,

Après vous avoir expliqué qui nous sommes, au Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en déplacement, et l’objet de nos préoccupations (en faisant mention de nos différents Secteurs de travail apostolique), vous comprenez pourquoi, comme Conseil, nous avons donné notre Patronage à l’initiative de ce colloque international sur les migrations internationales en Europe. Il a été organisé, comme vous le savez, par l’Ambassade de France près le Saint-Siège e le Centre Culturel Saint-Louis de France.

Vous attendez de moi, en ce début de matinée, quelques mots d’introduction aux travaux et je le fais en prenant largement mon inspiration chez le Père Jean Weydert, S.J., du Ceras, à Vanves, dans «Mission de l’Eglise», octobre-décembre 2002.

Ça va nous aider à comprendre davantage l’importance de notre thème. 

Vision d’ensemble

En effet les quinze Pays de l’Union Européenne, y compris ceux du Sud, qui étaient, hier encore, des Pays d’émigration, sont aujourd’hui des Pays d’immigration. 

Quinze millions d’étrangers sont originaires de Pays extérieurs à l’Europe ou qui n’appartiennent pas à l’Union. Mais le migrants, ou leurs descendants immédiats, sont en fait plus nombreux, car il faut tenir compte des naturalisations accordées ou de celles obtenues de plein droit dans plusieurs Etats par les enfants nés de parents étrangers. En France, par exemple, on comptait, au recensement de 1999, 3.300.000 étrangers, mais 4.300.000 « immigrés ». Ces chiffres ne tiennent pas compte non plus des étrangers résidant sans autorisation. De toute façon l’Europe est le Continent avec le plus grand nombre d’habitants (56 milions) nés dans un Pays différent de celui de résidence.

A chaque pays ses immigrés

Observons avant tout que les immigrés sont inégalement répartis entre Pays européens. En chiffres absolus, l’Allemagne vient en tête (7.300.000, soit 8,9% de la population totale), suivie par la France (7%), puis le Royaume-Uni. Les proportions sont parfois plus fortes dans de petits Pays. Par exemple, 30% au Luxembourg et 19% en Suisse (qui ne fait pas partie de l’Union Européenne).

Chaque Pays a un peu ses immigrés, fruits de l’héritage colonial, des liens historiques ou de la proximité géographique. 

Une histoire complexe

Observons aussi que de 1950 au début des années 1970 une importante immigration de travailleurs se dirige vers l’Europe de l’Ouest, d’abord à partir d’autres Pays européens, puis à partir de régions extérieures. Ce mouvement est provoqué chez les migrants par le besoin de gagner leur vie et, dans les Pays d’arrivée, par un besoin de main-d’œuvre. En 1973-1974, la pression migratoire vers l’Europe reste forte, à cause des déséquilibres économiques, démographiques et politiques qui subsistent dans les Pays de départ. La suspension du recrutement incite les immigrés à rester en Europe et renforce la tendance au regroupement familial, que les Pays d’accueil s’emploient à limiter mais n’osent pas interdire pour des raisons humanitaires. Les restrictions à l’entrée favorisent aussi le développement de filières d’immigration clandestine. De toute façon une crainte excessive se manifeste de voir se déverser en Europe « toute la misère du monde »

La chute du Mur de Berlin, en 1989, et l’accélération de la mondialisation font apparaître naturellement de nouveaux pôles migratoires en Europe de l’Est et en Asie. Les nouveaux arrivants ne sont plus seulement des travailleurs peu qualifiés, aspirant à des contrats à durée indéterminée, mais des membres de classes moyennes instruites, des étudiants, des touristes, des saisonniers, des femmes ou des enfants isolés, des réfugiés, des ‘clandestins’, des personnes arrivant par regroupement familial (la majorité des entrées), avec une multiplication des canaux empruntés.

Depuis les années 1990, les politiques d’entrée et de séjour des Pays européens oscillent entre admission sélective, (on commence à se rendre compte que l’Europe a besoin de travailleurs qualifiés) répression des entrées illégales et régularisation. Partout des législations dissuasives sont mises en œuvre. Ces dernières années, quand même, plusieurs Pays ont procédé à des régularisations: la France, la Belgique et la Grèce, une fois, le Portugal, deux fois, l’Espagne, trois fois, l’Italie, quatre fois. Les nouveaux Pays du sud de l’Europe y ont procédé au moment où ils établissaient des politiques d’entrée dissuasives. 

Les Pays d’Europe ont aussi des manières différentes de faire face aux problèmes du « vivre-ensemble », mettant plus ou moins l’accent sur l’intégration des individus ou sur celle des communautés. 

Vers l’européanisation

La politique de l’immigration est de plus en plus appelée à s’européaniser. L’année 1985 a vu l’adoption, par les Etats membres de la Communauté Economique Européenne, de l’Acte Unique qui définit un espace communautaire européen sans frontières. La même année, les Accords de Schengen sont signés par un certain nombre de Pays. Ils sont intégrés dans l’Union Européenne en 1997 par le Traité d’Amsterdam. Ses principaux instruments sont l’adoption d’un visa unique de trois mois pour les non communautaires qui veulent pénétrer et circuler dans l’Espace Schengen, la liberté de circulation à l’intérieur des frontières européennes pour les Européens et les détenteurs d’un visa Schengen, la solidarité des Pays européens dans les contrôles aux frontières extérieures de l’Union. Le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark ne font pas encore partie de ce système (d’où les problèmes rencontrés au camp de réfugiés de Sangatte, malgré la politique commune d’asile entrée en vigueur le 1er  septembre 1997). Jusqu’à présent, chaque Pays reste maître de ses contrôles aux frontières extérieures de l’Europe. Le Traité d’Amsterdam  prévoit cependant la mise en place d’une politique d’immigration commune et l’on pourra voir la création d’une police des frontières européennes. Les visas ont été supprimes pour les Pays d’Europe de l’Est candidats à l’adhésion. Mais, à l’égard des Pays d’émigration non européens, la politique d’immigration commune risque de rester des plus restrictives. 

A propos de cette politique j’aimerais citer ici les commentaires, et la contribution à la discussion à l’intérieur de la Commission Européenne [COM –2000 – 757 finale] sur l’Immigration et sur une procedure commune vis à vis du droit d’asile [COM – 2000 – 755 finale], de la part de Caritas Europe, CCME, COMECE, ICMC, CEJP, JRS et QCEA. (Voir notre Revue «People on the Move» N. 87, du décembre 2001, pp. 207 – 227.)

Je vous signale aussi les dernières publications et les documents qui se référent à notre thème, et que je trouve d’une grande importance, c’est-à-dire :

  • «The annotated guide to the complete U.N. trafficking protocol » du «International Human Rights Law Group», avec “mise à jour” jusqu’aumois d’Août 2002;
  • «New Perspectives and policies on protection of victimes» de Patsy Sörensen, MEP, dans le contexte de «European Conference on preventing and combating trafficking in human beings – a global challenge for the21st Century, 1-20 September 2002, Brussels».
  • «Forced labour, child labour and human trafficking in Europe : an ILO perspective», publié en Septembre, cette année;
  • La déclaration (de Paris) des Catholiques d’Europe, sur le traffic d’êtres humains aussi : «Pour une action efficace en faveur des victimes» !
  • La rencontre, de fin Septembre 2002, présidée par le Cardinal Archevêque de Paris, l’Archevêque de Lecce et l’évêque de Chisinau (Moldavie);
  • L’édition provisoire de la Recommandation 1577 (2002) de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe (en Septembre dernier) sur la « Création d’une Charte d’intention sur la migration clandestine» et 
  • l’Avis sur la Recommandation 1504 (2001) de la même Assemblée Parlementaire: «Non-expulsion des immigrés de longue durée» (adopté par le CDDH, lors de sa 54e réunion, 1-4 Octobre 2002).

Pour conclure mon introduction, après avoir parlé des étrangers chez nous, en Europe, comme illustration d’une utopie, an bon sens du mot, je voudrais vous lire une poésie que je prends de la Revue «Le lien», du diocèse d’Oran, Algerie, (N.304, octobre 2002) qui, à son tour, l’a extraite d’une Revue de travailleurs espagnols en Allemagne. Le titre c’est:

"Ne m’appelle pas étranger"

 

A cause du sein maternel différent,

ou parce que les contes de ton enfance

t’ont façonné dans une autre langue,

ne m’appelle pas étranger.

           Ton blé est pareil à mon blé,

           ta main, pareille à la mienne,

           ton feu, pareil à mon feu,

           et tu m’appelles étranger !

Parce que dans un autre peuple je suis né,

parce que d’autres mers je connais,

parce qu’un autre port, un jour, j’ai quitté

ne un’appelle pas étrangers

           C’est le même cri que nous portons

           et la même fatigue que nous traînons,

           celle qui harasse l’homme depuis la nuit des temps,

           quand n’existaient nulles frontières,

           avant que n’arrivent ceux-là

           qui divisent et qui tuent,

           ceux-là qui volent, ceux-là, les inventeurs

           de ce mot: étranger.

Triste mot glacé, relent d’oubli et d’exil.

Ne m’appelle pas étranger.

Regarde-moi bien dans les yeux

bien au-delà de la haine,

de l’égoïsme et de la peur

et tu verras que je suis un homme.

Non, je ne peux être étranger!

 

* Intervention prononcée le Vendredi 29 Novembre 2002, à Rome, au Centre Culturel Saint-Louis de France, à l’occasion de la rencontre organisée par l’Ambassade de France auprès du Saint-Siège et du Centre St Louis de France, avec le Patronage des Conseils Pontificaux de la Justice et de la Paix  et pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en déplacement. 

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