I. Au niveau des structures
Linternationalisation des Universités, des écoles supérieures et des centres de recherche hautement spécialisés vont de pair aujourdhui avec la mobilité accrue aussi bien des professeurs, des chercheurs que des étudiants venant des quatre coins du globe. Les statistiques pour lannée 1995 comptaient ainsi un million six-cent mille étudiants étrangers de par le monde, les pôles dattractions étant bien sûr les pays développés, principalement les Etats-Unis et lEurope. Cette réalité ne peut pas ne pas interpeller lEglise Catholique. Na-t-elle pas reçu, en effet, du Seigneur la mission (Mt. 18,19, Mc. 16,15) daller et denseigner toutes les nations et tous les peuples en proclamant partout la Bonne Nouvelle du salut en Jésus-Christ. Il fut un temps où lÉglise envoyait de multiples missionnaires en terre étrangère. Aujourdhui il sagit plutôt de rencontrer et daccueillir chez soi les jeunes étudiants venant du monde entier en leur offrant un lieu et une communauté où ils pourront entendre la parole du Christ dans une langue qu'ils comprennent et témoigner eux-mêmes, à leur tour de lÉvangile.
Cest à partir des années 60, au moment de lémancipacipation des territoires coloniaux, que lEglise sest rendue compte, dans la foulée de leffort missionnaire intense qui avait été réalisé un peu partout dans le monde, quil fallait organiser laccueil des jeunes qui viendraient de ces contrées lointaines parfaire dans les pays développés leurs études supérieures. Il fallait donc prévoir loctroi de bourses détudes, la gestion de hômes daccueil, la mise en place de services sociaux daide et de guidance afin damortir au mieux les chocs culturels que de tels échanges de jeunes entrainent inévitablement.
Le Concile Vatican II (1962-65) et tout le mouvement de renouveau dans lEglise grâce, entre autres, à la prise de conscience du rôle et de la responsabilité des laïcs dans la vie sociale et religieuse, ont certainement contribué dans une large mesure et dans la plupart des pays dEurope, à la création dorganisations non gouvernementales (O.N.G). Des laïcs donc pour la plupart, de quelques orientations philosophiques qu'ils soient, épris de l'idéal de venir en aide aux pays en voie de développement non seulement par des aides directes sur le terrain, mais également, et à plus long terme, par un effort denseignement et déducation tant dans les pays dorigine que dans les pays plus développés.
Ainsi donc, tout ce secteur doeuvres en faveur des étudiants étrangers n'a pas été lapanage des congrégations religieuses uniquement, doù étaient sortis les missionnaires. Depuis lors dailleurs les pays doù venait une grande partie des étudiants internationaux nétaient plus territoire de mission. Au plan ecclésiastique ils étaient devenus des évêchés pleinement autonomes. On peut dès lors affirmer que c'est "la société civile" dans son ensemble, comme on l'appelle aujourd'hui, qui a été la première à se rendre compte de la nécessité d'une formation intellectuelle de haut niveau pour des jeunes des pays en voie de développement et de la nécessité d'organiser pour eux un accueil de qualité. Tout cet effort a été heureusement soutenu, de-ci-de-là, par des pouvoirs publics qui prévoyaient des subsides, encadrant ainsi toutes les bonnes volontés, comme il le fallait, en un tout plus cohérent.
Au plan de lEglise institutionnelle, ce sont soit les évêchés, soit les conférences épiscopales qui tâchent danimer ce secteur. Elles le font en nommant surtout des prêtres jusqu'à présent, mais aussi dautres responsables pastoraux, religieux ou laïcs pour animer des aumôneries ou même parfois des paroisses personnelles pour étudiants étrangers, selon les recommandations des can. 518, 792[1] et principalement 813[2].
Ainsi de 1965 à 1999 existait en Belgique un « Vicariat pour les étudiants étrangers ». Aujourdhui, au plan Européen cest un « Service des Églises européennes pour les étudiants internationaux » qui, sous le sigle de « S.E.C.I.S[3]. », commence à prendre petit-à-petit le relais en ce domaine.
Le S.E.C.I.S. vient de se constituer en "Association internationale sans but lucratif". Il travaille en étroite collaboration avec la "Commission des Episcopats de la Communauté Européenne" (COMECE) à Bruxelles, et espère grâce à cette collaboration étroite pouvoir mettre son expertise au service aussi bien des Églises que de l'Union Européenne.
Les statuts du S.E.C.I.S. indiquent clairement le but qu'il poursuit, à savoir : "être une association, dénuée de tout esprit de lucre, qui a pour but de promouvoir et de soutenir dans les pays de l Europe les activités daumônerie, daccueil, daccompagnement, de formation, d'institutions de bourses et d'aide au retour des étudiants internationaux dans lesprit des enseignements sociaux de lÉglise Catholique, en aidant donc particulièrement ceux qui sont les plus engagés dans des projets de développement. Pour ce faire lassociation se propose :
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dorganiser une fois par an une réunion sur les thèmes dintérêt commun;
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déchanger des informations concernant la situation des étudiants internationaux dans les différents pays et les diverses activités menées par les organisations représentées par les membres;
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de constituer une documentation et déditer un bulletin à ce sujet;
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de représenter les organisations précitées auprès des organismes internationaux, afin dy défendre les options prises par lÉglise, principalement en ce qui concerne les étudiants venant des pays en développement;
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de présenter ces questions auprès des organismes dÉglise;
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de coordonner les activités de lÉglise dans le secteur international des universités:
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de collaborer avec les autres organismes internationaux;
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de promouvoir des projets communs en faveur des étudiants internationaux, pour ce qui est de leur accompagnement, surtout au niveau pastoral, dans un esprit de dialogue interreligieux et de rencontre interculturelle. Ces projets peuvent également concerner la réintégration des étudiants internationaux dans leur pays dorigine après lachèvement de leurs études.
II. Au niveau de la pastorale et des oeuvres sociales, dans le concret de la réalité quotidienne
Le public visé par nos actions, ce sont les étudiants internationaux, ceux donc qui "viennent d'ailleurs", de pays tiers ou "étrangers", comme on disait dans le temps. Et puisque ces étudiants font partie, eux-aussi et à part entière, de la communauté universitaire ou de tout autre institut d'enseignement supérieur où ils sont inscrits, ils relèvent tout d'abord et en premier lieu de la pastorale et des centres sociaux de ces établissements On comprend donc aisément, qu'au plan de l'Église universelle la "Congrégation pour l'enseignement" ait son mot à dire en cette matière.
Mais, puisque ce qui caractérise le plus les étudiants internationaux, c'est qu'ils "viennent d'ailleurs", qu'ils sont donc dans une situation "itinérante" avec tous les problèmes spécifiques que cela comporte, le "Conseil Pontifical des Migrants" a tenu à les insérer parmi les autres groupes dont il se sent pastoralement responsable. D'où l'intérêt particulier pour notre sujet des pages 36-42 de la brochure que ce Conseil Pontifical a éditée à l'occasion du Jubilé pour les migrants, sous le titre "Verso una cultura mondiale"[4]. Oui, nos étudiants internationaux ont eu la chance d'être invités à Rome pour trois occasions au moins, cette année : pour le Jubilé des J.M.J. du 14 au 20 août, celui des universités du 8 au 10 septembre et enfin celui pour les migrants, du 1 au 3 juin 2000!
Parmi les étudiants internationaux il faut d'emblée distinguer, premièrement ceux qui viennent d'autres nations développées et qui sont dès lors peu dépaysés chez nous; secondement ceux qui viennent de l'Europe Centrale et Orientale avec leur problème particulier de devoir rattrapper le retard dû à l'inertie inhérente aux régimes communistes d'antan; et enfin troisièmement ceux qui viennent des pays en voie de développement.
Sans négliger les premiers, c'est vers ce dernier groupe d'étudiants que va principalement notre sollicitude. Ce sont eux, en effet, qui nous viennent des pays les plus pauvres. Ce sont eux qui ressentent le plus violemment les "chocs culturels et de civilisations". Ils sont brutalement confrontés chez nous avec un monde hyper-moderne, sécularisé à l'extrême, où chacun s'affaire, courant après le temps, au rythme effréné des perpétuels changements. Et pourtant, il faut pouvoir le reconnaître, il ny aura pas de solution au sous-développement et à tous les maux qui s'en suivent sans l'aide et la réussite de cette dernière catégorie d'étudiants. Eux seuls sils parviennent un jour à devenir une vraie élite intellectuelle, cest à dire en même temps compétents et conscients de leur propre responsabilité sociale, comme de celle des autres, pourront alors contribuer efficacement au développement réel de leur pays et former à leur tour une nouvelle génération dagents "multiplicateurs" de développemet.
1. Activité dAumônerie
Le tout premier service que le SECIS voudrait rendre à l'Église, c'est de veiller qu'en tout endroit en Europe, où un nombre significatif d'étudiants internationaux est réuni, l'église diocésaine et locale se souvienne des recommendations des cn. 813 et 792, mentionnés plus haut.
Il revient donc tout d'abord aux conférences des Évêques "d'établir et d'encourager les oeuvres qui accueillent fraternellement et veillent à un soutien pastoral adéquat", surtout lorsqu'il s'agit d'étudiants et de chercheurs qui viennent des pays des jeunes églises. Tout un programme donc qui doit être pris en main tant par les aumôneries d'étudiants que par les paroisses locales. Il faut dès lors commencer par trouver et nommer à cette tâche des prêtres ou tout autre agent pastoral, qui ont une connaissance suffisante du milieu universitaire d'une part, et de l'autre, des langues et des cultures des étudiants internationaux eux-mêmes. Il faudra ensuite soutenir ces prêtres et autres agents pastoraux en les guidant dans leur travail "missionnaire" et en les équipant de l'infrastructure nécessaire, notamment d'un lieu où ils pourront organiser des rencontres, des réunions de groupes de réflexion, monter une chorale pour lanimation de réunions de prière et surtout des célébrations eucharistiques régulières, en des endroits de culte adéquats.
2. LAccueil et lhospitalité qui sensuit
On ne peut imaginer une action pastorale bien conduite sans soubassement social. Il serait, en effet, totalement impossible, voir immoral, d'aller prétendre témoigner de l'évangile et de l'amour du prochain, sans faire tout d'abord l'effort personnel d'en vivre soi-même en premier lieu ! "Ce ne sont pas ceux qui crient Seigneur, Seigneur qui seront sauvés, mais tous ceux qui accomplissent la parole du Seigneur". Or, la Bible, dès le livre de la Genèse avec l'histoire d'Abraham recevant trois étrangers sous le chêne de Mamré (Gn. 18), donne de superbes exemples de ce que l'accueil et l'hospitalité de l'étranger doivent être : il faut venir au devant de l'étranger, lui tendre la main, lui laver les pieds, lui donner à manger, l'héberger la nuit, le protéger quand il est persécuté, etc. Dans notre monde occidental moderne et bien organisé, cela veut dire tout d'abord veiller à ce que l'étudiant étranger soit mis au courant des réseaux d'accueil qui existent dans le pays qui le reçoit; qu'il puisse trouver aisément un endroit de logement où il est attendu et qu'il puisse y rencontrer enfin ce climat familial d'étude et de détente, dont il aura besoin tout au long de son séjour afin que ce hôme où il habite devienne effectivement son foyer : « Your home, away from home ».
3. L'Accompagnement et la guidance
Laccompagnement et la guidance sont affaire de services sociaux, de "tutoring" et d'aumônerie aussi, là où il s'agit du "supplément d'âme" d'accueil qui ne néglige pas la formation plus spécifiquement spirituelle et religieuse. Un service d'assitance sociale aux étudiants internationaux est particulièrement nécessaire au plan des relations humaines, de l'intégration générale, des problèmes administratifs, matériels, financiers, culturels ou parfois simplement psychologiques. Alors que le "tutoring" se situe lui plutôt au niveau des études, comme une aide précieuse à une intégration plus rapide et plus souple dans le milieu universitaire, tant au niveau des études à réussir que de la formation plus générale des valeurs à acquérir pour qu'on s'engage par après dans une vie au service d'autrui.
4. Institutions de gestion de bourses detude, aide au retour et formation de réseaux pour des anciens boursiers
Au sein du S.E.C.I.S. deux institutions sont spécialisées dans l'octroi de bourses d'étude, principalement pour des étudiants venant des pays en développement, à savoir "Justinuswerk", CH-1700 Fribourg, Jurastr.3 et surtout le "Katholischer Akademischer Ausländer-Dienst" (KAAD), D-53129 Bonn, Hausdorffstr., 151.
La particularité du KAAD est de s'être lancé, à partir de son service de distribution de bourses d'étude et d'aide au retour de ses étudiants, dans la création de multiples réseaux d'ex-boursiers dans les pays dorigine. Ce sont eux qui gèrent à leur tour, dans leurs pays, des bureaux de recrutement et de parrainage pour de nouveaux étudiants-boursiers à envoyer dans les centres d'excellence dans le monde entier[5].
III. Au niveau des problèmes actuels étudiés au sein du SECIS
1. De la "fuite des cerveaux" des intellectuels des pays en voie de développement, à leur "captation" actuellement[6]!
Une étude récente du Frère Daniel BOULIER, aumônier d'étudiants internationaux à l'université de Bordeaux et membre fondateur du SECIS, étude parue dans "PEOPLE ON THE MOVE" N° 81 (p.69-77), analyse le phénomène de "l'exode des compétences" ou de "la fuite des cerveaux" qui entraîne de fait un appauvrissement supplémentaire surtout dans les pays les plus pauvres.
L'auteur dresse d'abord un rapide historique de cette réalité depuis son apparition, il y a 40 ans environ. Il s'interroge sur les atouts et les entraves que de telles migrations entraînent pour les pays d'origine. Il constate que certains pays industrialisés, qui rechignaient auparavant à accepter un nombre important d'étudiants des pays en développement, ont changé radicalement d'attitude ces derniers temps, recherchant maintenant plutôt à maintenir chez eux et donc à "capter" littéralement les meilleurs d'entre ces étudiants pour suppléer au manque d'intellectuels de haut niveau dans les pays industrialisés eux-mêmes! La complainte d'antan, qui fustigeait la "fuite des cerveaux" se mue ainsi en une tentation secrète de les attirer pour les "capter" et pallier ainsi à un manque d'effectifs dans les pays riches!
Cet article pose ainsi clairement les différents problèmes des "migrations des compétences" et de sa "mobilité" pour le meilleur et le pire des personnes et et des peuples, en passant en revue les notions bien connues de "brain drain", "brain gain", "brain overflow", "brain pool", etc. Il propose également, en finale, quelques pistes de réflexions utiles pour arriver à plus de justice et de solidarité en cette matière .
Un certain type de "mobilité des compétences", n'est pas mauvais en soi, bien au contraire. Il peut même signifier un atout dans le cas de "pays émergents", par exemple, qui peuvent ainsi disposer un peu partout dans le monde de "diasporas d'intellectuels", dune "réserve de cerveaux", donc dun "brain pool", apte à constituer des réseaux, qui grâce aux moyens de communications modernes spécialement par Internet, peuvent maintenir des conctacts et des liens avec les instituts dans leur pays, les aidant ainsi à parfaire leur information scientifique et technique.
Mais comme on ne peut pas ne pas reconnaître que les méfaits de la "fuite des cerveaux" a plutôt tendance à s'amplifier dans les pays moins développés, Daniel Boulier achève son article en proposant quelques actions à entreprendre pour remédier, tant faire se peut, aux effets les plus néfastes de cette exode/mobilité des compétences.
2. Un problème similaire se pose pour les prêtres des "jeunes églises", les religieux et religieuses en mission d'étude dans les pays industrialisés.
Il s'agit d'un problème particulier et crucial pour l'avenir de l'Église et surtout pour les jeunes Églises elles-mêmes, dans les pays en développement.
On ne peut nier qu'il est tout à fait normal et même excellent que les autorités religieuses des jeunes églises se soucient de la formation tant intellectuelle que spirituelle de ceux et celles qui se sentent appélés par l'évangile à une vie de service et d'apostolat à la suite du Seigneur comme les apôtres d'antan. Que ces autorités religieuses désirent envoyer, pour un certain temps, les plus doués de leurs fils et de leurs filles dans les meilleures universités catholiques des pays développés pour y achever leurs études, est, en effet, en soi tout-à-fait souhaitable. Cela est même explicitement prévu par le droit canon[7]. Il est donc du devoir missionnaire de chaque chrétien de soutenir de tels projets d'études avec tous les moyens possibles. Au niveau de l'Église au Vatican, c'est la "Congrégation pour l'évangélisation des peuples" qui se sent plus particulièrement concernée par cette question. Et à juste titre, car les problèmes qui se posent sont nombreux.
Problème, tout d'abord, d'un "ordre de mission" clair, précis et bien délimité dans le temps, de la part de l'autorité religieuse qui envoit : de l'Évêque diocésain donc ou du Supérieur majeur (homme ou femme) de la communauté religieuse responsable.
Problème, ensuite, de la mise en place de structures pour un accueil adéquat de la part de l'Église qui reçoit l'étudiant prêtre, religieux ou religieuse et qui doit dès lors pouvoir prendre réellement, avec l'autorité déléguée nécessaire, le relai tant au plan des relations personnelles que des réalités matérielles, académiques, spirituelles de l'étudiant, pendant toute la durée de son séjour dans le pays daccueil : un genre de "prise en charge" global, un peu à la manière des "tutors" dans les pays anglo-saxons.
C'est dès l'année 1975 qu'en Ile de France un "service pour les prêtres, religieux, religieuses étrangers, en mission d'étude à Paris" a été mis en place. C'est le Chanoine Hubert Salmon-Legagneur, qui avait été chargé de créer et de diriger ce service, en tant que Vicaire épiscopal en cette matière,[8]. A partir de septembre 1981, la Conférence des Supérieures majeures, nomma aussi une soeur religieuse pour suivre plus spécialement les religieuses étudiantes étrangères à Paris. Ces deux services d'Église sont toujours aussi actifs aujourd'hui[9]. Le responsible actuel en est le Père Philippe Simon-Barboux, qui, du fait de la pénurie de prêtres en France, cumule maintenant cette première fonction avec celle de Vicaire pour les migrants en général (adresse: 5 rue de Belzunce, 75010 Paris, France). (Tel.: 00/33/149.24.11.11 et 00/33/144.39.52.38).
L'accueil des prêtres étudiants, religieux et religieuses étrangers se fonde sur une "Convention" qui a été récemment revue et améliorée. La politique de base reste la même, à savoir : proposer à ces prêtres étudiants linsertion dans une équipe pastorale, de sorte qu'ils peuvent participer à la pastorale paroissiale locale, tout en veillant à ce que priorité soit quand même donnée aux études qui doivent être poursuivies sérieusement. En contrepartie, létudiant prêtre sera hébergé et nourri comme il faut. Il recevra en plus une indemnité financière, fruit du partage et de la solidarité fraternelle entre Églises. Les paroles prononcées par le Cardinal Marty le 31 octobre 1980 restent donc d'actualité, lorsqu'il disait : "Je considère que vous êtes ici bien sûr au bénéfice de vos Églises d'origine, au service desquelles vous vous préparez à retourner, mais en même temps, dans la communion de toute l'Église, vous êtes là présentement aussi au bénéfice de l'Église de France, au sein de laquelle vous vivez aujourd'hui. Vous êtes le signe et le témoin d'une Église autre qui doit nous provoquer à l'ouverture, nous obliger à avoir les yeux largement ouverts vers l'Orient et l'Occident, vers le Nord et le Sud" Et le Pape Jean-Paul II reprenait cette idée dans une entrevue avec des Évêques africains, quand il disait : "L'aide apportée par le ministère de prêtres de vos diocèses durant leurs études en Europe est un des heureux commencements de cette réciprocité apostolique".
Pour qu'un tel idéal puisse se réaliser sans trop de casse, il faut donc établir dès le départ une "Convention" claire et précise entre les aurorités religieuses qui envoient les étudiants prêtres, religieux et religieuses et celles qui les reçoivent. Il faut également veiller avec rigueur, tout au long du cheminement de l'étudiant, à ce que cette convention soit dûment respectée par toutes les parties en cause, sans temporiser et sans faux fuyant, pour le bien de l'Église universelle dont la vocation est de porter l'Évangile à tous les peuples partout dans le monde.
3. Problèmes de loecuménisme donc et du dialogue inter-religieux[10] :
Voilà un des grands défis devant lequel se trouvent les aumôneries catholiques des pays "modernes" dans leurs tâches pastorales en faveur des étudiants internationaux. Il faut, en effet, trouver le juste milieu entre laffirmation de sa foi personnelle et louverture vers les autres. Il y a la quête incessante vers un approfondissement personnel, la fidélité sans complexe dans la pratique de sa foi et le témoignage que lon veut en donner en toute humilité, mais aussi en toute vérité, par la parole et par lexemple que l'on veut donner. Mais, dans le même temps, par ailleurs, à cause de la présence détudiants internationaux et grâce à eux, l'aumônerie ne peut pas ne pas s'ouvrir largement au monde et à autrui dans la pluralité des opinions et des religions. Elle doit pratiquer une pastorale de rencontrse, d'échanges et de dialogues avec autrui, quels qu'ils puissent être et quelles que soient leurs opinions.
La récente déclaration de la Congrégation de la Doctrine de la Foi, "DOMINUS IESUS" donne quelques pistes de réflexion et d'actions en cette matière. Après un rappel du texte de Saint Paul (1 Co 9,16) : "Annoncer l'Évangile n'est pas pour moi un titre de gloire; c'est une nécessité qui mincombe. Oui, malheur à moi si je n'annonçais pas l'Évangile", elle évoque l'attention particulière du Magistère à encourager et à soutenir la mission évangélisatrice de l'Église, vis-à-vis de toutes les traditions religieuses du monde. La position du Magistère est, en effet, la suivante et nous la citons : « Considérant de manière ouverte et positive les valeurs dont témoignent ces (multiples) traditions et qu'elles offrent à l'humanité
l'Église catholique ne rejette rien de ce qui est vrai et saint dans ces religions. Elle considère avec un respect sincère les manières d'agir et de vivre, les règles et les doctrines (de ces religions) qui, quoiqu'elles diffèrent en beaucoup de points de ce qu'elle-même tient et propose, cependant apportent souvent un rayon de la vérité qui illumine tous les hommes". Et le texte de conclure : "La tâche ecclésiale d'annoncer Jésus-Christ, chemin, vérité et vie, (cf. Jn 14,6) emprunte aujourd'hui la voie du dialogue interreligieux qui ne remplace pas la "Missio ad gentes" mais l'accompagne plutôt à cause de ce mystère d'unité dont découle que tous ceux et celles qui sont sauvés participent, bien que différemment, au même mystère de salut en Jésus-Christ par son Esprit. Ce dialogue, qui fait partie de la mission évangélisatrice de l'Église, comporte une attitude de compréhension et un rapport de connaissance réciproque et d'enrichissement mutuel, dans l'obéissance à la vérité et le respect de la liberté".
Cette réflexion et ces idées sont reprises et développées par le très bel article "Les Migrations, une Chance pour vivre la Catholicité" par P. Dominique SIMON dans "PEOPLE ON THE MOVE" nr. 82, p. 55-68. En voici, brièvement un des passages les plus instructifs (p.61) :
"Le terrain de la rencontre de l'étranger et de la différence est un de ces lieux de fracture. Le premier moment de méfiance passé, lorsque la rencontre s'opère, la découverte positive de la différence produit souvent une dilatation du coeur, une joie qui se traduit en fête, en affection exprimée. L'accueil des jeunes étrangers dans les familles, à l'occasion des Journées Mondiales de la Jeunesse a pu vérifier cet élan.
La difficulté est de s'inscrire dans la durée et dans la profondeur, en quelque sorte, de passer de la rencontre au dialogue.
Dans la rencontre, démarche essentielle, il s'agit de mettre à jour ce qui nous unit ou ce qui immédiatement apporte mutuellement à chaque partenaire.
Dans le dialogue, qu'il soit imposé par la promiscuité de la vie, qu'il soit le chemin du nécessaire débat dans un engagement commun ou qu'il soit la recherche du sens que chacun donne à sa vie, nous touchons à ce qui nous différencie et qui, sans doute, est insurmontable. Il y a une mort à vivre, celle de prétendre comprendre et connaître l'autre, celle de le réduire à mon identité, celle de l'englober dans mes représentations. La sortie de cette mort ne peut se faire qu'en posant, ensemble, devant nous, un troisième pôle qui nous tire en avant et nous donne des raisons et la force de continuer ce dur chemin. Il y a là, profondément, une participation à l'événement pascal."
Oui, il est vrai que « avec l'événement de Pentecôte, l'Église tire son identité du "Peuple sans frontière" rassemblé par l'Esprit où chacun entend la Bonne Nouvelle dans sa propre langue et sa culture » (Geneviève Médevielle dans "Migrations et Pastorale" N° 262).
C'est dans ce sens que fut créé, par exemple, dès 1959, par le Cardinal Franz König à Vienne, le "Arbeitsgemeinschaft der katholischen Gemeinden aus Afrika und Asien in Wien" (ARGE AAG)[11]. Il s'agit d'une institution qui regroupe onze communautés catholiques de nationalités étrangères à Vienne, étudiants et non-étudiants confondus, d'Afrique, de l'Inde, d'Indonésie, du Japon, de Corée, d'Amérique-latine, des Philippines, du Vietnam et du Proche- et Moyen Orient. De cette manière, au plan religieux, chacune de ces communautés est libre d'organiser des liturgies "inculturées" dans leurs langues, leur coutumes et traditions.
Mais une fois par mois, les responsables de chacune des communautés se retrouve en "koinonia" pour une mise en commun des expériences vécues dans chaque groupe et dans leurs relations avec les paroisses locales de la ville de Vienne. Ils veillent également à ce que quatre fois par an les onze communautés puissent se retrouver ensemble pour une liturgie commune dans une des paroisses de Vienne. Ceci souligne l'unité fondamentale de l'Église catholique dans la diversité de ses membres.
L'institut ARGE AAG prend ainsi plusieurs services à sa charge, dont les plus importants sont :l'activité pastorale des onze communautés précitées, les contacts oecuméniques avec les communautés protestantes, les rencontres, les échanges et le dialogue inter-religieux, sans oublier évidemment l'accueil et la guidance des prêtres étudiants étrangers à Vienne. L'institut dispose également d'un bureau social, "Diaconia", avec tout ce que cela comporte en matière d'écoute d'autrui, d'aide à lui apporter, de conseils à lui donner dans les multiples problèmes qui se posent à lui, en tant qu'étranger.
Un autre exemple, tout récemment, à un niveau beaucoup plus modeste, en Belgique, dans la ville de Gent, un groupe d'étudiants internationaux vient de se constituer pour construire une salle et animer un forum pour des contacts et des rencontres, pour des échanges et des dialogues entre toutes les sortes de manifestations culturelles, sociales et religieuses qui peuvent coexister dans une Université pluraliste comme celle de la RUG à Gent.
Le but social de cette dernière association, créée le 11.11.2000 par les étudiants internationaux eux-mêmes peut servir de conclusion à notre propos, là où ils disent quils veulent créer à Gand (Belgique) un « Forum pour des réunions culturelles, des échanges et des dialogues entre les peuples et les cultures », espérant ainsi encourager leur compagnons étudiants, à une ouverture plus chaleureuse vers les autres et améliorer par là lintégration par une meilleure qualité daccompagnement, dassistance mutuelle et desprit de service.
Notes: