CONSEIL PONTIFICAL POUR LA PASTORALE INSTRUCTION Erga migrantes caritas Christi
TABLE DES MATIÈRES
LE PHÉNOMÈNE MIGRATOIRE AUJOURD'HUI
LES MIGRATIONS,
MIGRANTS ET PASTORALE D'ACCUEIL
ARTISANS D'UNE PASTORALE DE COMMUNION
STRUCTURES DE PASTORALE MISSIONNAIRE
DISPOSITION JURIDIQUES ET PASTORALE
Les migrations modernes constituent le plus vaste mouvement humaine de tous les temps. Durant ces dernières décennies ce phénomène, qui touche 200 millions de personnes, s’est transformé en une réalité structurelle de la société contemporaine et constitue un problème toujours plus complexe, du point de vue social, culturel, politique, religieux, économique et pastoral. L'instruction Erga migrantes caritas Christi veut mettre à jour la pastorale des migrants, en tenant compte des nouveaux flux migratoires et de leurs caractéristiques, car déjà trente-cinq ans sont passés depuis la publication du Motu Proprio du Pape Paul VI Pastoralis migratorum cura et de l'Instruction de la Sacrée Congrégation pour les Evêques De pastorali migratorum cura (Nemo est). Elle veut être donc une réponse ecclésiale aux nouveaux besoins pastoraux des migrants, pour les conduire, à leur tour, à transformer l'expérience migratoire en une occasion non seulement de développer leur vie chrétienne mais aussi de nouvelle évangélisation et de mission. Le Document vise également à une application concrète de la législation contenue dans le CIC et dans le CCEO afin de répondre d'une façon plus adéquate aux exigences particulières des fidèles d'origine orientale, toujours plus nombreux. L'appartenance religieuse des migrants d'aujourd'hui oblige à avoir une approche oecuménique de ce phénomène, en raison de la présence de beaucoup d'immigrants chrétiens qui ne sont pas en pleine communion avec l'Eglise Catholique, et aussi au dialogue inter-religieux, à cause du nombre toujours plus grand d'immigrants d'autres religions, en particulier des musulmans, qui s'installent en terres traditionnellement catholiques, et vice-versa. Une exigence strictement pastorale s'impose enfin, celle de promouvoir une action fidèle à nos structures pastorales mais qui soit en même temps ouverte aux nouvelles réalités de la migration, et capable de garantir la communion entre les acteurs pastoraux spécialisés et la Hiérarchie de la terre d'accueil, qui reste l'instance décisive de la sollicitude ecclésiale envers les migrants. Le Document, après un rapide passage en revue de quelques causes du phénomène moderne de la migration (la mondialisation, les changements démographiques, surtout dans les pays de première industrialisation, l'augmentation dramatique du déséquilibre entre pays du Nord et du Sud, la multiplication des conflits et des guerres civiles), souligne les traumatismes que cause généralement l’émigration chez les individus, en particulier chez les femmes et chez les enfants, ainsi que dans les familles. Tout ceci pose le problème moral de la recherche d'un nouvel ordre économique international, pour une distribution plus juste des biens de la terre, dans une vision de la communauté internationale comme famille de peuples, avec application du Droit International. Le Document propose ensuite un tableau de références bibliques et théologiques, en insérant le phénomène migratoire dans le contexte de l'histoire du salut, le présentant comme un « signe des temps » et de la présence de Dieu dans l'histoire et dans la communauté humaine en marche vers la communion universelle. Un bref excursus historique atteste ensuite de la sollicitude de l'Eglise pour les migrants et les réfugiés dans les documents ecclésiaux: de Exsul Familia au Concile Vatican II, à l'Instruction De Pastorali migratorum cura aux normes canoniques successives. Cette lecture nous révèle d'importants progrès théologiques et pastoraux. On fait référence à la personne humaine comme centre de nos préoccupations, à la défense des droits des migrants, à la dimension ecclésiale et missionnaire des migrations, à l'évaluation de la contribution pastorale des laïcs, des Instituts de vie consacrée et des Sociétés de vie apostolique, à la mise en valeur des cultures dans la tche d'évangélisation, à la protection et à la valorisation des minorités, aussi à l'intérieur de l'Eglise locale, à l'importance du dialogue intra et extra ecclésial et, enfin, à la contribution des migrations à la paix universelle. D'autres sujets sont aussi introduits, comme la nécessité de “ l'inculturation”, la vision d'une Eglise toute entière communion, missionnaire et Peuple de Dieu, l'importance toujours actuelle d'une pastorale spécialisée pour les migrants, l'engagement dans le dialogue et la mission de tous les membres du Corps mystique du Christ et du devoir de mettre en place une culture de l'accueil et de la solidarité dans la rencontre avec le migrant. Tout ceci en vue de l'analyse des situations pastorales spécifiques qui nous interpellent différemment, dépendant du fait qu'elles proviennent des migrants catholiques, de rite latin ou de rite oriental, des chrétiens appartenant à d'autres Eglises ou Communautés ecclésiales, ou encore à d'autres religions, à l'Islam en particulier. Le statut pastoral et juridique des Agents pastoraux est ensuite précisé et confirmé, en particulier celui des aumôniers/missionnaires et de leur coordonnateurs nationaux, celui du clergé diocésain/éparchial, des religieux prêtres, des frères, des religieuses, des laïcs, de leurs associations et des mouvements ecclésiaux. Leur engagement apostolique, de toute façon, est vu et perçu à travers la vision d'une pastorale de communion, d'ensemble. L'intégration des structures pastorales (celles déjà existantes et celles proposées) et l'insertion ecclésiale des migrants dans la pastorale ordinaire - tout en respectant leurs légitimes diversités et leur patrimoine spirituel et culturel dans l'optique de la formation d'une église concrètement catholique - sont un autre aspect important que ce document explore et propose aux Eglises particulières. Cette intégration est la condition essentielle pour que la pastorale, par et avec les migrants, devienne signe d'une Eglise universelle et missio ad gentes, lieu de rencontre fraternelle et pacifique, maison ouverte à tous, école de communion offerte et acceptée, de réconciliation demandée et accordée, d'accueil fraternel et de solidarité, ainsi que d’authentique promotion humaine et chrétienne. Une “Ordonnance juridico-pastorale”conclue l'Instruction et rappelle, dans un langage approprié, les devoirs, les responsabilités et le rôle incombant aux Agents pastoraux et aux différents Organismes ecclésiaux chargés de la pastorale des migrants.
Stephen Fumio Cardinal Hamao Agostino Marchetto
*** Le phénomène migratoire aujourd’hui
Le défi de la mobilité humaine 1. La charité du Christ envers les migrants nous presse (cf. 2 Co 5,14) de nouveau à leurs problèmes, qui touchent désormais le monde entier. D’une manière ou d’une autre, tous les pays doivent aujourd’hui faire face à l’irruption du phénomène des migrations dans la vie sociale, économique, politique et religieuse, phénomène qui acquiert une configuration de plus en plus structurelle et permanente. Fréquemment déterminé par la libre décision des personnes et assez souvent motivé par des raisons économiques mais aussi culturelles, techniques et scientifiques, il est le reflet éloquent des déséquilibres sociaux, économiques et démographiques au niveau régional et mondial qui poussent à l’émigration. Ce phénomène s’enracine aussi dans un nationalisme exacerbé et, dans certains pays, même dans la haine et l’exclusion systématique ou violente de groupes minoritaires ou de croyants de religions non majoritaires, lors de conflits civils, politiques, ethniques et même religieux qui ensanglantent tous les continents. Ces conflits font croître les flots de réfugiés et d’exilés, qui se mêlent souvent avec les flux migratoires, y entraînant des sociétés dans lesquelles se côtoient ethnies, peuples, langues et cultures variés, avec le risque de créer des oppositions et des affrontements. 2. Les migrations favorisent cependant la connaissance réciproque. Elles constituent des occasions de dialogue et de communion, ainsi que d’intégration à différents niveaux comme l’a souligné de manière emblématique le Pape Jean-Paul II dans son message pour la Journée Mondiale de la Paix en 2001: «Nombreuses sont les civilisations qui se sont développées et enrichies précisément grce aux apports venant de l'immigration. Dans d'autres cas, les diversités culturelles des autochtones et des immigrés n'ont pas été intégrées, mais elles ont montré leur capacité de cohabiter, à travers une pratique de respect réciproque des personnes, et d'acceptation ou de tolérance des mœurs différentes» [1] . 3. Les migrations actuelles nous mettent face à un défi certes difficile de par leurs liens avec le domaine économique, social, politique, sanitaire, culturel, et de sécurité. Il s’agit d’un défi que tous les chrétiens doivent relever, indépendamment de la bonne volonté ou du charisme personnel de certains. Nous ne pouvons donc pas passer ici sous silence la réponse généreuse donnée par des hommes et des femmes, des Associations et des Organisations qui, devant la souffrance de tant de personnes provoquée par l’émigration, luttent pour les droits des migrants, forcés ou non, et pour leur défense. Cet engagement est un fruit tout spécial de la compassion de Jésus, bon Samaritain, que l'Esprit Saint suscite partout dans le cœur des hommes de bonne volonté, et particulièrement dans l’Église, qui «revit une fois encore le mystère de son Divin Fondateur, mystère de vie et de mort» [2] . La mission d’annoncer la Parole de Dieu, confiée par le Seigneur à l’Église, est en effet intimement lié, depuis le début, avec l’histoire de l’émigration des chrétiens. Nous avons donc envisagé cette Instruction, qui entend surtout répondre aux nouveaux besoins spirituels et pastoraux des migrants, et transformer toujours davantage l’expérience migratoire en un instrument de dialogue et d’annonce du message chrétien. Ce document se propose en outre de répondre à certaines exigences importantes dans le contexte actuel. Nous prenons appui sur la nécessité de tenir compte des nouvelles normes des deux Codes canoniques en vigueur – latin et oriental –, et de répondre aussi aux exigences particulières des fidèles migrants des Églises orientales catholiques, qui sont de plus en plus nombreux. Il est aussi nécessaire d’avoir une perspective œcuménique du phénomène, en raison de la présence, dans les flux migratoires, de chrétiens qui ne sont pas en pleine communion avec l’Église catholique, et d’avoir aussi une perspective interreligieuse, en raison du nombre toujours plus élevé de migrants d’autres religions, notamment de musulmans. Il conviendra enfin de promouvoir une pastorale ouverte à de nouvelles évolutions dans les propres structures pastorales, qui puisse garantir, en même temps, la communion entre les agents pastoraux spécifiques et la hiérarchie locale. 4. Le phénomène migratoire, toujours plus étendu, constitue aujourd’hui un élément important de l’interdépendance croissante entre les États-Nations, qui contribue à caractériser la mondialisation [3] . Cette dernière a cependant ouvert les marchés mais non les frontières; elle a abattu ces dernières en vue de la libre circulation de l’information et des capitaux, mais pas dans la même mesure celles de la libre circulation des personnes. Aucun État n’échappe en tout cas aux conséquences des migrations sous une forme ou sous une autre, qui sont souvent associées à des facteurs négatifs, tels que le changement démographique dans les pays de première industrialisation, l’augmentation des inégalités Nord-Sud, l’existence dans les échanges internationaux de barrières protectionnistes ne permettant pas aux pays émergents de placer leurs produits à des conditions compétitives sur les marchés des pays occidentaux, et enfin la prolifération de conflits et de guerres civiles. Toutes ces réalités continueront à être encore dans les années à venir autant de facteurs d’accélération et d’expansion des flux migratoires (cf. EEu 87, 115, et PaG 67), même si l’irruption du terrorisme sur la scène internationale peut donner lieu à des réactions qui, pour des raisons de sécurité, entraveront les flux des migrants, qui rêvent de trouver travail et sécurité, dans les pays dits de bien-être, qui pour leur part ont besoin de main-d’œuvre. 5. Il n’est donc pas surprenant que les flux migratoires, hier comme aujourd’hui, entraînent des difficultés et des souffrances sans nombre pour les migrants, même si, particulièrement dans les périodes les plus récentes et dans des circonstances déterminées, ils ont souvent été encouragés et favorisés, afin d’accroître le développement économique soit du pays d’accueil soit de celui d’origine (en particulier grce aux versements financiers faits par les émigrés). Il faut reconnaître que beaucoup de pays ne seraient pas ce qu’ils sont aujourd’hui sans l’apport reçu de millions d’immigrés. L’émigration des cellules familiales et celle des femmes sont particulièrement marquées par la souffrance, l’émigration des femmes étant de plus en plus importante. Souvent engagées comme main-d’œuvre non qualifiée (aides domestiques) et employées au noir, les femmes sont souvent privées des droits humains et syndicaux les plus élémentaires, quand elles ne sont pas purement et simplement victimes de ce qu’on appelle le «trafic d’êtres humains», qui n’épargne aujourd’hui même pas les enfants. C’est un nouveau chapitre de l’histoire de l’esclavage. Même sans parvenir à de telles extrémités, il faut rappeler que les travailleurs étrangers ne doivent pas être considérés comme une marchandise ou une simple force de travail et qu’ils ne doivent donc pas être traités comme n’importe quel autre facteur de production. Tout migrant jouit de droits fondamentaux inaliénables qui doivent toujours être respectés. La contribution des migrants à l’économie du pays d’accueil est aussi liée à la possibilité qu’ils ont, dans leur travail, d’utiliser leur intelligence et leurs capacités. 6. À cet égard, la Convention internationale pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille – entrée en vigueur le premier juillet 2003 et dont la ratification a été vivement recommandée par Jean-Paul II [4] – offre un résumé des droits [5] qui permettent aux migrants d’apporter une telle contribution. C’est pourquoi elle mérite tout particulièrement l’adhésion des États qui tirent le plus de bénéfice des migrations elles-mêmes. Dans cette optique, l’Église encourage la ratification des instruments juridiques internationaux qui garantissent les droits des migrants, des réfugiés et de leurs familles, fournissant aussi, à travers ses différentes Institutions et Associations compétentes, l’«advocacy», plus que jamais nécessaire aujourd’hui (centres d’écoute des migrants, foyers, bureaux de service social, de documentation et de régularisation, etc.). Les migrants sont en effet bien souvent victimes d’embauche illégale et de contrats à court terme avec des conditions misérables de travail et de vie, d’abus physiques, verbaux et même sexuels. Ils doivent travailler pendant de longues heures souvent sans pouvoir bénéficier des soins de santé et des protections sociales normales. Mais cette situation précaire de tant d’étrangers, qui devrait attirer la solidarité de tous, provoque au contraire des peurs et des craintes chez beaucoup de personnes, qui perçoivent les immigrés comme un poids, qui les regardent avec méfiance et qui les considèrent même comme un danger ou une menace. Cette attitude entraîne souvent des manifestations d’intolérance, de xénophobie et de racisme [6] . 7. La présence grandissante de musulmans, comme du reste de membres d’autres religions dans des pays à tradition majoritairement chrétienne s’inscrit enfin dans le chapitre plus vaste et complexe de la rencontre entre cultures différentes et du dialogue entre les religions. Il y a par ailleurs une présence importante de chrétiens dans certains pays dont la population est majoritairement musulmane. Face à un phénomène migratoire aussi généralisé et avec des ramifications sans précédent, des politiques circonscrites au niveau uniquement national ne servirait pas à grand chose. Aucun pays ne peut aujourd’hui à lui seul s’imaginer résoudre les problèmes de l’émigration. Des politiques purement restrictives seraient encore plus inefficaces et auraient des effets encore plus négatifs, risquant d’augmenter les entrées clandestines et même de favoriser l’activité des organisations criminelles. 8. Les migrations internationales sont considérées à juste titre comme une composante structurelle importante de la réalité sociale, économique et politique du monde contemporain et leur consistance numérique rend nécessaire une étroite collaboration entre pays de départ et pays d’arrivée, ainsi qu’à la création d’une réglementation appropriée permettant d’harmoniser les différentes structures législatives. Le but poursuivi est de protéger les exigences et les droits des personnes et des familles émigrées aussi bien que ceux de la société d’accueil. Dans le même temps, le phénomène migratoire soulève une véritable question éthique, à savoir la recherche d’un nouvel ordre économique international en vue d’une répartition plus équitable des biens de la terre, qui contribuerait, pour une part non négligeable, à réduire et à modérer de manière significative une grande parte des flux des populations en difficulté. D’où le besoin d’un engagement plus aigu de mise en place de systèmes éducatifs et pastoraux en vue d’une formation au «caractère mondial», à une nouvelle vision de la communauté mondiale, considérée comme famille de peuples auxquels sont en définitive destinés les biens de la terre, dans la perspective du bien commun universel. 9. Les migrations actuelles mettent par ailleurs les chrétiens face à de nouvelles tches d’évangélisation et de solidarité. Elles les appellent à approfondir les valeurs – parfois partagées par d’autres groupes religieux ou laïcs – absolument indispensables pour une convivialité harmonieuse. Le passage de sociétés mono-culturelles à des sociétés multiculturelles peut ainsi devenir un signe de la présence vivante de Dieu dans l’histoire et dans la communauté des hommes, car il donne une chance providentielle de réaliser le plan divin d’une communion universelle. Le nouveau contexte historique est caractérisé en réalité par le fait qu’autrui se présente sous de multiples visages et, à la différence d’autrefois, la diversité devient chose commune dans de nombreux pays. Les chrétiens sont par conséquent appelés à prôner et à mettre en œuvre, non seulement un esprit de tolérance – qui est un acquis majeur non seulement du domaine religieux mais aussi du domaine politique et culturel – mais également le respect de l’identité d’autrui, en amorçant, partout où cela est possible et opportun, des démarches d’échanges avec des personnes d’origine et de culture différentes, en vue aussi d’une «annonce respectueuse» de leur foi. Nous sommes donc tous conviés à une culture de la solidarité [7] , si souvent souhaitée par le Magistère, afin de parvenir ensemble à une communion des personnes vraie et authentique. C’est ce chemin, il est vrai difficile, que l’Église invite à parcourir. 10. Ces derniers temps, les migrations internes ont considérablement augmenté dans plusieurs pays, qu’elles soient volontaires – comme celles des campagnes vers les métropoles – ou forcées, comme c’est le cas des personnes déplacées, de celles qui fuient le terrorisme, la violence et le trafic de drogue, notamment en Afrique et en Amérique latine. On estime en effet qu’à l’échelle mondiale, la majeure partie des migrants se déplace aujourd’hui à l’intérieur de chaque pays, parfois selon un rythme saisonnier. Cette mobilité, le plus souvent incontrôlée, a contribué à l’essor rapide et anarchique de centres urbains non préparés à accueillir une masse humaine aussi importante et a favorisé la formation de banlieues où les conditions de vie, sociales et morales, sont précaires. Un tel phénomène oblige de fait les migrants à s’insérer dans des milieux où les caractéristiques diffèrent profondément de celles de leur milieu d’origine, ce qui entraîne d’énormes difficultés humaines, de sérieux risques de déracinement social, avec de graves conséquences sur les traditions religieuses et culturelles des populations. Les migrations internes soulèvent pourtant de grandes espérances, hélas souvent illusoires et infondées, chez des millions d’individus, les séparant même de leurs attaches familiales et les parachutant dans des régions éventuellement de même langue mais dont le climat et les coutumes sont différents. S’ils retournent ensuite chez eux, ils le font en ayant une autre mentalité, un autre style de vie, et souvent une autre vision du monde et de la religion et d’autres comportements moraux. Voilà encore des défis pour l’action pastorale de l’Église, Mère et Educatrice. 11. La réalité actuelle exige donc, dans ce domaine aussi, de la part des Agents pastoraux et des communautés d’accueil, en un mot de l’Église, une large attention aux personnes en déplacement et à leurs demandes de fraternité et de solidarité. A travers les migrations internes, l’Esprit adresse un appel urgent et clair à un engagement fort et renouvelé d’évangélisation et de charité, à travers des structures articulées d’accueil et d’action pastorale, permanentes et ramifiées, adaptées le plus possible à la réalité et répondant aux besoins spécifiques et concrets des émigrés eux-mêmes.
Les migrations, signe des temps et sollicitude de l’Église
Regard de foi sur le phénomène migratoire 12. L’Église a toujours contemplé dans les migrants l’image du Christ qui a dit : «J’étais étranger et vous m’avez accueilli » (Mt 25,35). Pour elle, leurs difficultés sont donc chez les croyants une provocation à la foi et à l’amour, invités qu’ils sont à porter remède aux maux découlant des migrations et à découvrir en elles le dessein de Dieu, même quand elles sont le fruit d’évidentes injustices. Les migrations, en touchant les multiples composantes de la famille humaine, tendent en effet à l’édification d’un corps social toujours plus vaste et varié, presque dans le prolongement de la rencontre de peuples et de races qui, à la Pentecôte, par le don de l’Esprit, est devenue la fraternité ecclésiale. Si, d’une part, les souffrances qui accompagnent les migrations sont bien l’expression d’un travail d’enfantement d’une humanité nouvelle, d’autre part, les déséquilibres et les inégalités dont elles sont la conséquence et la manifestation font apparaître la déchirure causée par le péché dans la famille humaine et elles résonnent donc comme un appel douloureux à la vraie fraternité. 13. Ce regard nous conduit à rapprocher les migrations des événements bibliques qui ont marqué les étapes du laborieux chemin de l’humanité vers la naissance d’un peuple qui, au-delà des discriminations et des frontières, est dépositaire du don de Dieu pour tous les peuples et qui est ouvert à la vocation éternelle de l’homme. La foi nous y fait entrevoir le chemin des Patriarches qui, soutenus par la Promesse, marchaient vers la Patrie future et celui des Hébreux qui furent libérés de l’esclavage en passant la Mer Rouge, avec l’Exode qui donne naissance au peuple de l’Alliance. La foi y trouve toujours, en un sens, l’exil qui renvoie l’homme à la relativité de tout but atteint et qui y fait redécouvrir le message universel des prophètes. Ces derniers dénoncent comme contraires au dessein de Dieu les discriminations, les oppressions, les déportations, les dispersions et les persécutions, et ils saisissent cette occasion pour annoncer le salut pour tout homme, témoignant que, même dans la succession chaotique et contradictoire des événements humains, Dieu continue à tisser son dessein de salut jusqu’à ce que tout l’univers soit récapitulé en Christ (cf. Ep 1,10).
Migrations et Histoire du salut 14. Nous pouvons donc considérer le phénomène actuel des migrations comme un «signe des temps» particulièrement important, un défi à relever et à mettre en valeur en vue de la construction d’une humanité renouvelée et de l’annonce de l’Évangile de la paix. L’Écriture Sainte donne un sens à tout. Israël tira en effet son origine d’Abraham qui, obéissant à la voix de Dieu, quitta son pays et se rendit sur une terre étrangère, portant avec lui la Promesse divine qu’il deviendrait père «d’une grande nation» (Gn 12,1-2). Jacob était «un Araméen errant qui descendit en Egypte, et c’est en petit nombre qu’il y séjourna, avant d’y devenir une nation grande, puissante et nombreuse» (Dt 26,5). Israël reçut l’investiture solennelle de «Peuple de Dieu» après un long esclavage en Égypte, pendant les quarante années d’«exode» dans le désert. La dure épreuve des migrations et des déportations revêt donc un caractère fondamental dans l’histoire du Peuple élu, en vue du salut de tous les peuples : il en va de même du retour de l’exil (cf. Is 42, 6-7 ; 49,5). Riche d’une telle mémoire, il se sent renforcé dans sa confiance en Dieu, même aux heures les plus sombres de son histoire (Ps 105 [104], 12-15 ; Ps 106 [105], 45-47). Dans la Loi, on en arrive ainsi à avoir le même commandement pour les rapports avec les étrangers demeurant dans le pays qu’avec les «fils de ton peuple» (Lv 19,18), à savoir, «tu l’aimeras comme toi-même» (Lv 19,34).
Le Christ «étranger» et Marie icône vivante de la femme migrante 15. Plus encore que prochain, le chrétien contemple dans l’étranger le visage même du Christ, né dans une mangeoire, et qui, en tant qu’étranger, a fui en Égypte, assumant et récapitulant en lui l’expérience fondamentale de son peuple (cf. Mt 2,13ss). Né hors de chez lui et arrivant d’en dehors de sa Patrie (cf. Lc 2, 4-7), «il a habité parmi nous» (Jn 1,11.14) et il a mené sa vie publique de manière itinérante, parcourant «villes et villages» (cf. Lc, 13,22 ; Mt 9,35). Ressuscité, et pourtant encore étranger, inconnu, il apparaît sur le chemin d’Emmaüs à deux de ses disciples qui le reconnurent seulement à la fraction du pain (cf. Lc 24,35). Les chrétiens suivent donc un vagabond qui n’a pas où reposer la tête (Mt 8,20 ; Lc 9,58) » [8] . Marie aussi, la Mère de Jésus, peut dans la même optique être également contemplée en tant que vivante icône de la femme migrante [9] . Elle donne le jour à son fils loin de chez elle (cf. Lc 2,1-7) et elle se voit dans l’obligation de fuir en Égypte (cf. Mt 2,13-14). La dévotion populaire considère donc à juste titre Marie comme Notre-Dame de la route.
16. En contemplant maintenant l’Église, nous voyons qu’elle naît de la Pentecôte, accomplissement du mystère pascal et événement efficace, même symbolique, de la rencontre de peuples. C’est pourquoi Paul peut s’exclamer : «Là, il n’est plus question de Grec ou de Juif, de circoncision ou d’incirconcision, de Barbare, de Scythe, d’esclave, d’homme libre» (Col 3,11). Le Christ, des deux peuples a fait « une unité, détruisant la barrière qui les séparait» (Ep 2,14). Suivre le Christ signifie d’autre part marcher derrière Lui et se considérer comme de passage dans ce monde, car «nous n’avons pas ici-bas de cité permanente» (He 13,14). Le croyant est toujours un pároikos, un résident temporaire, un hôte, où qu’il se trouve (cf. 1 P 1,1 ; 2,11 ; Jn 17,14-16). C’est pourquoi leur place géographique dans le monde n’est pas de ce fait très important pour les chrétiens [10] et le sens de l’hospitalité leur est naturel. Les Apôtres insistent sur ce point (cf. Rm 12,13 ; He 13,2 ; 1 P 4,9 ; 3 Jn 5) et les lettres pastorales le recommandent particulièrement à l’episkopos (cf 1 Tm 3,2, et Tt 1,8). Dans l’Église primitive, les chrétiens répondirent par la pratique de l’hospitalité aux sollicitations de missionnaires itinérants, de chefs religieux en exil ou de passage, et de pauvres de différentes communautés [11] . 17. Les étrangers sont par ailleurs le signe visible et le rappel efficace de l’universalisme constitutif de l’Église catholique. Une «vision» d’Isaïe l’annonçait : «Il arrivera dans la suite des temps que la montagne de la maison du Seigneur sera établie en tête des montagnes … alors toutes les nations afflueront vers elle» (Is 2,2). Dans l’Évangile, Jésus lui-même le prédit : «Et l’on viendra du levant au couchant, du nord et du midi prendre place au festin dans le Royaume de Dieu» (Lc 13,29). Dans l’Apocalypse on contemple «une foule immense … de toute nation, race, peuple et langue» (Ap 7,9). L’Église est désormais sur le chemin escarpé qui conduit à ce but ultime [12] et, de cette multitude, les migrations peuvent être comme un rappel et une préfiguration de la rencontre finale de toute l’humanité avec Dieu et en Dieu. 18. Le chemin des migrants peut ainsi devenir signe vivant d’une vocation éternelle, élan continuel vers l’espérance qui, renvoyant à un avenir au-delà du monde présent, invite à sa transformation dans la charité et au dépassement eschatologique. Leurs particularités se transforment en rappel de la fraternité de Pentecôte, où les différences sont harmonisées par l’Esprit et où la charité devient authentique par l’acceptation de l’autre. Les migrations peuvent donc préfigurer le mystère pascal, pour lequel mort et résurrection tendent à la création de l’humanité nouvelle, où il n’y a plus d’esclave ni d’étranger (cf. Ga 3,28).
La sollicitude de l’Église envers les migrants et les réfugiés 19. Le phénomène migratoire du siècle dernier constitua un défi pour la pastorale de l’Église, organisée en paroisses territoriales stables. Si précédemment le Clergé avait l’habitude d’accompagner les groupes colonisant de nouvelles terres, pour continuer à exercer auprès d’eux son ministère pastoral, dès la moitié du XIXe siècle, la charge de l’assistance aux migrants est souvent revenue à des Congrégations religieuses [13] . En 1914, fut ensuite élaborée une première définition du Clergé chargé de cette assistance grce au décret Ethnografica studia [14] , qui soulignait la responsabilité de l’Église autochtone dans l’assistance aux migrants et qui suggérait une préparation spécifique – linguistique, culturelle et pastorale – du Clergé local. Le Décret Magni semper de 1918 [15] , faisant suite à la promulgation du Code de Droit canonique, confiait à la Congrégation consistoriale les procédures donnant les autorisations pour le Clergé chargé des migrants. Au siècle dernier, après la deuxième guerre mondiale, la réalité migratoire se fit encore plus dramatique, non seulement du fait des destructions causées par le conflit, mais aussi en raison de l’intensification du phénomène des réfugiés (surtout des pays dits de l’Est), comptant parmi eux un nombre non négligeable de fidèles des différentes Églises orientales catholiques.
20. La nécessité d’un document reprenant l’héritage des organisations et des dispositions précédentes, et orientant vers une pastorale organique se faisait désormais sentir. La Constitution apostolique Exsul Familia, publiée par Pie XII le 1er août 1952 [16] et considérée comme la magna charta de la pensée de l’Église sur les migrations, répondit à cette attente. C’est le premier document officiel du Saint-Siège qui définit d’une manière globale et systématique, d’un point de vue historique et canonique, la pastorale des migrants. Dans cette Constitution, à une large analyse historique, fait suite une partie proprement normative très structurée. Y est affirmée la responsabilité fondamentale de l’Évêque diocésain local dans le soin pastoral aux migrants, même si l’organisation à ce sujet restait toujours de la compétence de la Congrégation Consistoriale.
Le Concile œcuménique Vatican II 21. Le Concile Vatican II a par la suite élaboré d’importantes lignes directrices sur une telle pastorale spécifique, invitant surtout les chrétiens à connaître le phénomène migratoire (cf. GS 65 et 66) et à prendre conscience de l’incidence de l’émigration sur la vie. Y sont rappelés le droit d’émigrer (cf. GS 65) [17] , la dignité de l’émigré (cf. GS 66), la nécessité de dépasser les inégalités liées au développement socio-économique (cf. GS 63) et de répondre aux exigences réelles de la personne (cf. GS 84). Le Concile reconnaît par ailleurs aux Autorités civiles, dans un contexte précis, le droit de réguler le flux migratoire (cf. GS 87). Le peuple de Dieu – selon le texte conciliaire – doit contribuer généreusement à résoudre le problème de l’émigration et les laïcs chrétiens sont particulièrement invités à étendre leur collaboration aux secteurs les plus divers de la société (cf. AA 10), se faisant pareillement le «prochain» de l’émigré (cf. GS 27). Les Pères conciliaires réservent une mention spéciale à ceux qui «en raison de leur situation ne peuvent bénéficier suffisamment du ministère pastoral commun et ordinaire des curés, ou qui en sont totalement privés, comme c’est le cas pour la plupart des migrants, des exilés, des réfugiés, des marins et des aviateurs, des nomades et autres catégories semblables. Des méthodes pastorales appropriées – demandent-ils encore – seront mises en œuvre pour soutenir la vie spirituelle de ceux qui, pour des motifs de détente, se rendent pour un temps dans d’autres régions. Les Conférences épiscopales, surtout nationales – soulignent enfin les Pères conciliaires – étudieront soigneusement les questions les plus urgentes qui ont trait aux catégories susdites et, par des moyens et des institutions appropriés, elles chercheront, avec une volonté concordante et en unissant leurs forces, à assurer et à développer cette prise en charge spirituelle, en tenant compte avant tout des normes établies ou à établir par le Siège Apostolique, tout en les adaptant de façon convenable aux conditions de temps, de lieux et de personnes» [18] . 22. Le Concile Vatican II marque par conséquent un moment décisif pour le ministère pastoral des migrants et des personnes en déplacement, accordant une importance particulière à la signification de la mobilité et de la catholicité, et à la signification des Églises particulières, au sens de la paroisse et à la vision de l’Église comme mystère de communion. C’est pourquoi cette dernière apparaît et se présente comme le «peuple uni de l’unité du Père, et du Fils et de l’Esprit Saint» (LG 4). L’accueil de l’étranger, qui caractérise l’Église naissante, reste donc le sceau permanent de l’Église de Dieu. Elle demeure pour ainsi dire vouée à une vocation à l’exil, à la diaspora, à la dispersion au milieu des cultures et des ethnies, sans jamais s’identifier complètement à aucune d’entre elles, sans quoi elle cesserait d’être justement prémices et signe, ferment et prophétie du Règne universel et communauté accueillante à tout être humain, sans préférence de personnes et de peuples. L’accueil de l’étranger est donc inhérent à la nature même de l’Église et témoigne de sa fidélité à l’Évangile [19] . 23. Pour poursuivre et mettre en pratique l’enseignement conciliaire, le pape Paul VI en 1969 promulga le Motu proprio Pastoralis migratorum cura [20] , auquel s’ajouta l’Instruction De pastorali migratorum cura [21] . En 1978, la Commission pontificale pour la Pastorale des Migrations et du Tourisme – Organisme alors chargé de la pastorale des migrants – adressa une lettre circulaire aux Conférences épiscopales Église et mobilité humaine [22] , mettant à jour, à l’époque, la question du phénomène migratoire, et donnant une interprétation et une application pastorale précises. Ce document développa le thème de l’accueil des migrants par l’Église locale et il souligna la nécessité d’une collaboration intra-ecclésiale en vue d’une pastorale sans frontières. Enfin, il reconnut et mit en valeur le rôle spécifique des Laïcs, des Religieux et des Religieuses.
24. Le nouveau Code de Droit canonique de l’Église latine, toujours dans la suite du Concile et le confirmant, recommanda au curé d’accorder une attention spéciale à ceux qui sont loin de leur patrie (can. 529 §1), tout en soutenant la nécessité et, dans la mesure du possible, l’obligation, de réaliser pour eux un ministère pastoral spécifique (can. 568). Il prévoyait aussi, de même que le Code des Canons des Églises orientales, la constitution de paroisses personnelles (CIC can. 518 et CCEO can. 280 §1), s’ajoutant aux missions avec charge d’mes (can. 516) et aux agents pastoraux spécifiques tels le Vicaire épiscopal (can. 476) ou l’aumônier des migrants (can. 568). Le nouveau Code prévoit par ailleurs, conformément à la perspective conciliaire (cf. PO 10 et AG 20, note 4 et 27, note 28), la création d’autres structures pastorales spécifiques prévues par la législation et la pratique de l’Église [23] . 25. Puisque dans la mobilité humaine les fidèles des Eglises orientales catholiques d’Asie et du Moyen-Orient, d’Europe centrale et orientale, se dirigent en grand nombre vers les pays occidentaux, le problème de leur soin pastoral, toujours dans le cadre de la responsabilité décisive de l’Ordinaire du lieu d’accueil, se pose de manière évidente. On doit donc considérer de façon urgente les conséquences pastorales et juridiques de leur présence, toujours plus forte, en dehors de leurs territoires traditionnels, et des contacts qui se tissent à différents niveaux, officiels ou privés, individuels ou collectifs, entre communautés et entre individus. Les règles relatives spécifiques, qui permettent à l’Église de respirer déjà, en un sens, avec ses deux poumons [24] , figurent dans le CCEO [25] . 26. Ce Code envisage la constitution d’Églises sui iuris (CCEO can. 27, 28 et 147), il recommande la promotion et l’observance des «rites des Églises orientales, qui sont patrimoine de l’Église du Christ toute entière» (can. 39, cf. aussi les can. 40 et 41) et qui établit des normes précises concernant les lois liturgiques et disciplinaires (can. 150). Il fait obligation à l’Évêque éparchial d’assister les fidèles chrétiens «quels que soient leur ge, leur condition, leur nationalité ou leur Église sui iuris, qu’ils habitent sur le territoire de l’Éparchie ou qu’ils s’y trouvent pour un temps» (can. 192 §1), et de veiller à ce que les fidèles chrétiens d’une autre Église sui iuris qui lui sont confiés «conservent le rite de leur propre Église» (can. 193 §1), si possible «grce à des prêtres ou à des curés de la même Église sui iuris » (can. 193 § 2). Le Code recommande enfin que la paroisse soit territoriale, sans exclure les paroisses personnelles si des conditions particulières le requéraient (cf. can. 280 §1). Le Code des Canons des Églises orientales prévoit également l’existence de l’Exarchat, défini comme une «portion du peuple de Dieu qui, pour des circonstances diverses, n’est pas érigée en éparchie et qui, circonscrite à un territoire, ou définie selon d’autres critères, est confiée à la charge pastorale de l’Exarque» (CCEO can. 311 §1).
Lignes pastorales du Magistère 27. En plus des normes canoniques, avec une lecture attentive des Documents et des dispositions de l’Église émis jusqu’à ce jour sur le phénomène migratoire, on peut dégager quelques acquis théologiques et pastoraux importants, à savoir: le caractère central de la personne ; la défense des droits de l’homme et de la femme émigrés ainsi que de leurs enfants; la dimension ecclésiale et missionnaire des migrations ; la revalorisation de l’apostolat des laïcs, la valeur des cultures dans l’action d’évangélisation ; la protection et la mise en valeur des minorités, y compris au sein de l’Église ; l’importance du dialogue ecclésial ad intra et ad extra ; l’apport spécifique de l’émigration pour la paix universel. Ces documents soulignent par ailleurs la dimension pastorale de l’engagement en faveur des migrants. Tous en effet doivent trouver dans l’Église «leur Patrie» [26] : elle est le mystère de Dieu parmi les hommes, mystère de l’amour manifesté par le Fils unique, spécialement dans sa mort et dans sa résurrection, afin que tous les hommes «aient la vie, et qu’ils l’aient en abondance» (Jn 10,10), que tous trouvent la force de surmonter toutes les divisions et qu’ils fassent de leurs différences, une source non pas de rupture mais de communion, par l’accueil d’autrui dans sa légitime diversité. 28. Dans l’Église, est par ailleurs remis en valeur le rôle des Instituts de vie consacrée et des Sociétés de vie apostolique dans leurs apports spécifiques à la pastorale des migrants [27] . À cet égard, la responsabilité des Évêques diocésains ou éparchiaux est réaffirmée sans équivoque et ce, aussi bien pour l’Église de départ que pour celle qui accueille. Les Conférences épiscopales des différents pays et les structures correspondantes des Églises orientales sont donc engagées dans cette responsabilité. La pastorale des migrants comprend l’accueil, le respect, la protection, la promotion et l’amour authentique de toute personne, dans ses expressions religieuses et culturelles. 29. Dans la lignée de l’homme, route de l’Église [28] , les plus récentes interventions pontificales ont réaffirmé et élargi l’horizon et les perspectives pastorales liés au phénomène migratoire. Depuis le pontificat du Pape Paul VI, et ensuite de celui de Jean-Paul II, en particulier dans ses messages à l’occasion de la Journée mondiale pour les Migrants et les Réfugiés [29] , sont réaffirmés les droits fondamentaux de la personne, notamment le droit d’émigrer pour mieux mettre en œuvre ses capacités, ses aspirations et ses projets [30] (sans présumer cependant du droit de chaque pays à gérer une politique migratoire qui corresponde au bien commun), ainsi que le droit à ne pas émigrer et d’être de ce fait en mesure de mettre en œuvre ses droits et ses besoins légitimes dans son pays d’origine [31] . Le Magistère a toujours dénoncé les déséquilibres socio-économiques, qui sont par-dessus tout des facteurs de migrations, les risques d’une mondialisation sans règles, où les émigrés sont davantage les victimes que les protagonistes de leurs démarches migratoires, et le grave problème de l’immigration illégale, surtout quand l’émigré devient objet de trafic et d’exploitation de la part de bandes criminelles [32] . 30. Le Magistère a aussi réaffirmé le besoin d’une politique qui garantisse le respect du droit de tous les migrants, «en évitant scrupuleusement d’éventuelles discriminations» [33] , mettant en relief une vaste série de valeurs et de comportements (hospitalité, solidarité, partage) et la nécessité, pour ceux qui les reçoivent, de rejeter tout sentiment et toute manifestation de racisme ou de xénophobie [34] . Une grande attention est accordée, dans le cadre législatif comme dans la pratique administrative des différents pays, à l’unité de la famille et à la protection des mineurs, souvent mise à mal par les migrations [35] , ainsi qu’à la formation de sociétés multiculturelles issues des migrations. La pluralité culturelle incite l’homme contemporain au dialogue et à la confrontation, notamment sur les grandes questions existentielles telles que le sens de la vie et de l’histoire, de la souffrance et de la pauvreté, de la faim et des maladies, ainsi que de la mort. L’ouverture aux diverses identités culturelles ne signifie pas qu’il faille toutes les accepter sans discrimination mais bien les respecter – comme étant inhérentes aux personnes – et éventuellement les apprécier dans leur diversité. La «caractère relatif» des cultures est du reste souligné par le Concile Vatican II (cf. GS 54, 55, 56, 58). La pluralité est une richesse et le dialogue, même imparfait et en permanente évolution, constitue déjà un pas vers cette unité définitive à laquelle l’humanité aspire et est appelée.
31. La sollicitude constante de l’Église pour l’assistance religieuse, sociale et culturelle des migrants, dont témoigne le Magistère, se vérifie par ailleurs dans les Organismes spécialisés institués par le Saint-Siège à cette fin. L’idée de départ s’enracine dans le mémoire Pro emigratis catholicis du Bienheureux Jean-Baptiste Scalabrini, qui, conscient des difficultés posées, à l’étranger, par les différents nationalismes européens, proposa au Saint-Siège d’instituer une Congrégation (ou Commission) pontificale pour tous les émigrés catholiques. Le but de cette Congrégation, composée de représentants de différents pays, devait être «l’assistance spirituelle des émigrés, selon les différentes contingences et les fluctuations diverses du phénomène, en particulier dans les Amériques, et, ainsi, préserver dans leur cœur la foi catholique» [36] . Cette intuition fut réalisée de manière progressive. En 1912, après la réforme de la Curie romaine par Saint Pie X, fut créé le premier Bureau pour les problèmes des migrations, au sein de la Congrégation Consistoriale, et, en 1970, le Pape Paul VI institua la Commission pontificale pour la pastorale des migrations et du tourisme qui, en 1988, avec la Constitution apostolique Pastor Bonus, devait devenir le Conseil Pontifical pour la pastorale des Migrants et des Personnes en déplacement. Il lui fut confié la charge de ceux qui «ont été contraints de quitter leur patrie ou qui n’en ont pas» : réfugiés et exilés, migrants, nomades, gens du cirque, marins, soit en mer soit dans les ports, tous ceux qui se trouvent en dehors de leur domicile ou qui travaillent dans les aéroports et dans les avions [37] . 32. Le Conseil Pontifical a donc le devoir de susciter, de promouvoir et d’animer les initiatives pastorales appropriées à l’intention de ceux qui, par choix ou par nécessité, abandonnent leur lieu de résidence habituel. Il se doit aussi de suivre avec attention les questions sociales, économiques et culturelles souvent à l’origine de ces déplacements. Le Conseil Pontifical, dans le respect des responsabilités de chacun, s’adresse aux Conférences épiscopales et à leur Conseils régionaux, aux différentes structures hiérarchiques des Églises orientales catholiques intéressées, et aux Évêques individuellement, afin qu’ils mènent une pastorale spécifique envers les populations touchées par le phénomène toujours plus vaste de la mobilité humaine, et qu’ils adoptent des mesures répondant aux changements des situations. Tout récemment, la dimension migratoire est même apparue dans les relations œcuméniques, entraînant une multiplication de premiers contacts avec les autres Églises et Communautés ecclésiales. Cette perspective s’ouvre également au dialogue interreligieux. Le Conseil Pontifical lui-même, à travers ses Supérieurs et leurs collaborateurs, est parfois présent jusque dans le cadre international pour représenter le Saint-Siège lors de réunions d’Organismes multilatéraux. 33. Parmi les principales Organisations catholiques consacrées à l’assistance des migrants et des réfugiés, nous ne pouvons pas ne pas mentionner la création en 1951 de la Commission Catholique Internationale pour les Migrations. Le soutien qu’au cours de ces cinquante années, la Commission a apporté dans un esprit chrétien, aux Gouvernements et aux Organismes internationaux, et son apport original dans la recherche de solutions durables pour les migrants et les réfugiés du monde entier constituent ses grands mérites. Le service que la Commission a rendu et continue de rendre «est lié par une double fidélité : au Christ … et à l’Église » – comme l’a affirmé Jean-Paul II [38] . Son action «a représenté un point très fructueux de coopération œcuménique et interreligieuse» [39] . Enfin, nous ne pouvons pas ne pas citer l’engagement intense des différentes Caritas et des autres Organismes de charité et de solidarité qui sont aussi au service des émigrés et des réfugiés.
Migrants et pastorale d’accueil
«Inculturation» et pluralisme culturel et religieux 34. Sacrement d’unité, l’Église dépasse les barrières et les divisions idéologiques ou raciales. Elle proclame à tout homme et à toute culture la nécessité de tendre vers la vérité, dans une perspective de juste confrontation, de dialogue et d’accueil réciproque. Les diverses identités culturelles doivent ainsi s’ouvrir à une logique universelle, sans renier leurs propre caractéristiques positives, mais en les mettant au service de l’humanité entière. Cette logique, tout en engageant chaque Église particulière, met en évidence et manifeste l’unité dans la diversité que l’on contemple dans la vision trinitaire, qui, à sa tour, renvoie la communion de tous à la plénitude de vie personnelle de chacun. Dans cette perspective, la situation culturelle d’aujourd’hui dans sa dynamique globale, représente un défi sans précédent pour l’incarnation de la foi unique dans des cultures variées ; il s’agit d’un véritable kairòs qui interpelle le Peuple de Dieu (cf. EEu 58). 35. Nous sommes face à un pluralisme culturel et religieux dont on a peut-être jamais jusqu’à aujourd’hui fait l’expérience de manière aussi consciente. D’un côté, on avance à grandes enjambées vers une ouverture mondiale, favorisée par la technologie et par les mass-media - qui arrive à mettre en contact ou même à mettre en symbiose des univers culturels et religieux traditionnellement différents et étrangers les uns aux autres -, de l’autre, on assiste à la résurgence d’exigences d’identité locale, qui trouvent dans la spécificité culturelle de chacun les éléments de sa propre réalisation. 36. Cette fluidité culturelle rend donc l’«inculturation» encore plus indispensable, car l’on ne peut évangéliser sans entrer dans un dialogue profond avec les cultures. En même temps que des peuples aux racines diverses, ce sont d’autres valeurs et d’autres modèles de vie qui frappent à nos portes. Alors que toute culture tend à penser le contenu de l’Évangile en fonction de son propre cadre de vie, il revient au Magistère de l’Église de guider ces démarches et d’en juger la validité. L’«inculturation» commence avec l’écoute, la connaissance de ceux auxquels on annonce l’Évangile. Cette écoute et cette connaissance conduisent à une évaluation plus juste des valeurs et des travers présents dans les cultures, à la lumière du mystère pascal de mort et de vie. Ici, la tolérance ne suffit pas; il faut la sympathie, et dans la mesure du possible le respect de l’identité culturelle des interlocuteurs. Reconnaître les aspects positifs des cultures et les apprécier, parce qu’ils prédisposent à l’accueil de l’Évangile, est un préambule nécessaire au succès de l’annonce évangélique. C’est uniquement dans ces conditions que peuvent naître dialogue, compréhension et confiance. L’attention à l’Évangile devient ainsi une attention aux personnes, à leur dignité et à leur liberté. Un effort de fraternité, de solidarité, de service et de justice est nécessaire pour promouvoir chacun dans son intégrité. En effet, l’amour de Dieu, tout en donnant la vérité à l’homme et en lui montrant sa vocation sublime, promeut également sa dignité et fait naître la communauté autour d’une annonce écoutée et intériorisée, célébrée et vécue [40] .
L’Église du Concile œcuménique Vatican II 37. Dans la perspective du Concile œcuménique Vatican II, l’Église réalise son ministère pastoral principalement selon trois modalités. - En tant que communion, elle donne de la valeur aux particularités légitimes des communautés catholiques, qu’elle associe avec l’universalité. L’unité de la Pentecôte n’abolit pas en effet les diverses langues et cultures, mais elle les reconnaît dans leur identité, les ouvrant aussi à l’altérité à travers l’amour universel qui agit en elles. L’unique Église catholique est ainsi constituée par et dans les Églises particulières, tout comme les Églises particulières sont constituées dans et par l’Église universelle (cf. LG 13) [41] . - En tant que mission, le ministère ecclésial s’adresse à un ailleurs, pour communiquer son trésor et pour être enrichi de nouveaux dons et de nouvelles valeurs. Cette mission se déroule aussi à l’intérieur de l’Église particulière elle-même, car la mission est avant tout rayonnement de la gloire de Dieu, et l’Église a besoin d’«entendre proclamer les grandes œuvres de Dieu, … d’être à nouveau convoquée et réunie par lui» (EN 15). - En tant que Peuple et Famille de Dieu, mystère, sacrement, Corps mystique et temple de l’Esprit, l’Église devient l’histoire d’un Peuple en marche, qui, partant du mystère du Christ et de la vie des individus et des groupes qui la composent, est appelée à construire une histoire nouvelle, don de Dieu et fruit de la liberté humaine. Dans l’Église, les migrants sont donc eux aussi appelés à être des protagonistes, avec l’ensemble du Peuple de Dieu en pèlerinage sur la terre (cf. RMI 32, 49 et 71). 38. Concrètement, les choix pastoraux spécifiques pour l’accueil des migrants peuvent se résumer ainsi : - prise en charge d’un groupe ethnique ou rituel déterminé, en vue de promouvoir un véritable esprit catholique (cf. LG 13) ; - nécessité de préserver universalité et unité, qui, dans le même temps, ne peuvent être en opposition avec une pastorale spécifique, où la charge des migrants est éventuellement confiée à des Prêtres de leur langue, de la même Église sui iuris, ou à des Prêtres ayant des affinités avec eux du point de vue linguistique et culturel (cf. DPMC 11); - grande importance donc de la langue maternelle des migrants, grce à laquelle ceux-ci expriment leur mentalité, leurs manières de penser, leur culture et les caractéristiques mêmes de leur vie spirituelle et des traditions de leur Église d’origine (cf. DPMC 11). Une telle pastorale spécifique s’inscrit dans le contexte du phénomène migratoire qui, mettant en contact des gens de différentes nationalités, ethnies et religions, contribue à rendre visible l’authentique visage de l’Église (cf. GS 92) et souligne la valeur œcuménique ainsi que celle du dialogue et de la mission [42] . C’est aussi par elles, en effet, que se réalisera au milieu des nations le dessein salvifique de Dieu (cf. Ac 11, 19-21) [43] . C’est pourquoi il est nécessaire de faire grandir la vie chrétienne des migrants et de la mener à maturité à travers un apostolat «évangélisateur» et «catéchétique» (cf. CD 13-14 et DPMC 4). Cette entreprise de dialogue et de mission est le fait de tous les membres du Corps mystique; aussi les migrants eux-mêmes doivent-ils l’accomplir dans la triple fonction du Christ, Prêtre, Prophète et Roi. Il faudra donc construire et faire grandir l’Église en eux et avec eux, pour redécouvrir ensemble et pour faire connaître les valeurs chrétiennes et pour former une authentique communauté sacramentelle de foi, de culte, de charité [44] et d’espérance. La situation particulière dans laquelle se trouvent les aumôniers/missionnaires, ainsi que les Agents pastoraux laïcs, en relation avec l’Ordinaire et avec le Clergé local, exige de leur part une conscience vive d’avoir à exercer leur ministère en étroite collaboration avec l’Évêque diocésain ou éparchial, et avec son Clergé (cf. CD 28-29, AA 10 et PO 7). La difficulté et la nécessité d’atteindre certains de ces objectifs, sur les plans communautaire et personnel, inciteront les aumôniers/missionnaires des migrants à rechercher la collaboration la plus large et la plus juste de Religieux et Religieuses (cf. DPMC 52-55) et de Laïcs (cf. DPMC 56-61) [45] .
39. Les migrations constituent donc un événement qui touche aussi à la dimension religieuse de l’homme; elles offrent aux migrants catholiques l’occasion privilégiée, bien que souvent douloureuse, d’acquérir un sens accru de leur appartenance à l’Église universelle, au-delà de toutes les particularités. À cette fin, il est important que la communauté ne considère pas que sont devoir envers les migrants puisse se limiter simplement à poser des gestes d’aide fraternelle ou encore de soutenir des lois parcellaires qui favorisent leur digne insertion dans la société et qui respectent l’identité légitime de l’étranger. Les chrétiens doivent se faire les promoteurs d’une véritable culture de l’accueil (cf. EEu 101 et 103), qui sache apprécier les valeurs authentiquement humaines d’autrui, au-delà des nombreuses difficultés que comporte la convivialité avec des personnes différentes de nous (cf. EEu 85, 112 et PaG 65). 40. Les chrétiens réalisent tout cela en pratiquant un accueil véritablement fraternel, répondant à l’invitation de saint Paul : «Accueillez-vous les uns les autres comme le Christ vous a accueillis, pour la gloire de Dieu» (Rm 15,7) [46] . Assurément, ce simple appel, aussi inspiré et pressant soit-il, ne donne pas une réponse automatique et concrète à ce qui nous harcèle jour après jour. Il n’élimine pas, par exemple, une peur diffuse ni l’insécurité des personnes ; il n’assure pas le respect nécessaire de la légalité et la préservation de la communauté d’accueil. Mais l’esprit authentiquement chrétien donnera la manière de procéder et le courage pour affronter ces problèmes et il suggérera les moyens concrets par lesquels, dans la vie quotidienne de nos communautés chrétiennes, nous sommes appelés à les résoudre (cf. EEu 85 et 111). 41. C’est pourquoi l’Église entière du pays d’accueil doit se sentir intéressée et mobilisée par la question des migrants. Les Églises particulières doivent donc repenser et programmer une pastorale aidant les fidèles à vivre une foi authentique dans le nouveau contexte actuel, multiculturel et plurireligieux [47] . Avec le concours d’Assistants sociaux et pastoraux, il faut faire connaître aux autochtones les problèmes complexes des migrations et s’opposer aux suspicions infondées ou aux préjugés qui sont des offenses à l’égard des étrangers. Dans l’enseignement de la religion et la catéchèse, il conviendra de trouver les moyens appropriés pour faire naître dans la conscience chrétienne le sens de l’accueil, en particulier envers les plus pauvres et les marginaux, comme le sont souvent les migrants. Un accueil entièrement fondé sur l’amour du Christ, sûrs que le bien fait au prochain, surtout aux plus nécessiteux, par amour de Dieu, est fait à Dieu lui-même. Ces catéchèses, toutefois, ne pourront pas ne pas faire références aux graves problèmes qui précèdent ou accompagnent le phénomène migratoire, notamment la question de la démographie, du travail et de ses conditions (phénomène du travail au noir), de la charge des personnes gées, la criminalité, l’exploitation, le trafic et la traite d’êtres humains. 42. Il est certes utile et juste de distinguer, en ce qui concerne l’accueil, les termes d’assistance en général (ou premier accueil, plutôt à court terme), d’accueil à proprement parler (dans une perspective à plus long terme) et d’intégration (objectif à très long terme, à poursuivre dans la continuité et dans le sens juste du terme). Les Agents pastoraux dotés de compétences spécifiques dans le domaine des médiations culturelles – agents dont nos communautés catholiques aussi doivent s’assurer les services – sont appelés à apporter leur aide, en associant l’exigence légitime d’ordre, la légalité et la sécurité dans la société avec la vocation chrétienne concrète d’accueil et de charité. Il faudra aussi faire en sorte que tous se rendent compte des avantages, non seulement économiques, qu’apportent aux pays industrialisés les flux migratoires régulés et que, en même temps, ils prennent toujours plus conscience que derrière ces bras dont on a besoin il y a des personnes, c’est-à-dire des hommes, des femmes, et des cellules familiales entières, avec enfants et personnes gées. 43. Les actions d’assistance ou de «premier accueil» (qu’il suffise d’évoquer par exemple les «foyers des migrants » surtout dans les pays de transit vers les destinations d’accueil) restent quoi qu’il en soit d’une grande importance pour faire face aux urgences qui viennent du flux migratoire lui-même: nourriture, logement, santé, aide économique, centres d’écoute. Les actions de «véritable et plein accueil» sont tout aussi décisives, elles qui ont pour but de parvenir à l’intégration progressive et à l’autosuffisance de l’étranger immigré. Citons plus particulièrement les efforts faits en vue des regroupements familiaux, de l’éducation des enfants, du logement, du travail, de la vie associative, de la promotion des droits civils et des diverses formes de participation des immigrés à la vie sociale dans le pays d’accueil. Les associations religieuses, socio-caritatives et culturelles d’inspiration chrétienne devront, en outre, s’efforcer d’associer les immigrés à leurs structures elles-mêmes.
Liturgie et religiosité populaire 44. Les fondements ecclésiologiques de la pastorale des migrants aideront aussi à parvenir à une liturgie plus attentive à la dimension historique et anthropologique des migrations, afin que la célébration liturgique devienne l’expression vivante de la communauté des fidèles en marche hic et nunc sur les voies du salut. Cela ouvre ainsi la question des rapports entre la liturgie et le caractère, la tradition et le génie propre des différents groupes culturels ainsi que la prise en compte des situations sociales et culturelles particulières dans le cadre d’une pastorale qui prenne en charge une formation et une animation liturgique spécifiques (cf. SC 23), favorisant une plus grande participation des fidèles dans l’Église particulière (cf. EEu 69-72 et 78-80). 45. Au vu aussi de la pénurie de prêtres, ces derniers devront valoriser le rôle des laïcs dans les ministères non ordonnés. Dans cette perspective, il faut envisager la possibilité, dans les lieux où il n’y pas de prêtres disponibles, de réunir, y compris dans les communautés d’immigrés, ce que l’on nomme les assemblées dominicales en l’absence de prêtres (cf. CIC can. 1248 § 2), où l’on prie, où l’on proclame la parole de Dieu et où l’eucharistie est distribuée (cf. PaG 37), sous la conduite d’un Diacre ou d’un laïc légitimement prévu [48] . Le manque de prêtres pour les migrants peut en effet être partiellement comblé en confiant certains services dans la paroisse à des laïcs bien préparés, conformément au CIC (cf. can. 228 §1 ; 230 §3 et 517 §2). Pour le reste, on s’en tiendra aux normes générales déjà édictées par le Saint-Siège et rappelées dans la Lettre apostolique Dies Domini : «L'Église, prenant en considération les cas d'impossibilité de la célébration eucharistique, recommande la convocation d'assemblées dominicales en l'absence de prêtre, selon les indications et les directives données par le Saint-Siège, dont l'application est confiée aux Conférences épiscopales» [49] . En fonction de ce contexte, les prêtres auront soin de susciter dans le Peuple de Dieu une plus grande conscience de la nécessité, pour la vie de chaque Église particulière, d’authentiques vocations au sacerdoce ministériel, ainsi que de promouvoir, y compris chez les migrants, une intense pastorale des vocations au ministère ordonné (cf. EE 31-32 et PaG 53-54). 46. Il faut par ailleurs accorder une attention particulière à la religiosité populaire [50] , car elle caractérise beaucoup de communautés de migrants. En plus de reconnaître que «si elle est bien orientée, surtout par une pédagogie d’évangélisation, la piété populaire est riche de valeurs» (EN 48), il faudra se souvenir que, à ce sujet, pour nombre de migrants, elle joue un rôle fondamental de rattachement à l’Église d’origine, en transmettant une manière précise de comprendre et de vivre la foi. Il s’agit ici de procéder à une œuvre d’évangélisation en profondeur et de faire aussi connaître et apprécier à la communauté catholique locale certaines dévotions des migrants, pour qu’elle les comprenne. De cette union d’esprit pourra naître aussi une liturgie avec une plus grande participation, mieux intégrée et spirituellement plus riche. Cela vaut également pour ce qui concerne le rapport avec les différentes Églises orientales catholiques. La célébration de la Liturgie dans le rite de l’Église sui iuris est en effet importante pour préserver l’identité spirituelle des migrants catholiques d’Orient, ainsi d’ailleurs que l’utilisation de leur langue dans les rassemblements liturgiques [51] . 47. Au vu des conditions de vie particulières des migrants, la pastorale doit également donner un large espace, toujours dans une perspective liturgique, à la famille, comprise comme «église domestique», à la prière en commun, aux groupes bibliques familiaux, et aux évocations de l’année liturgique en famille (cf. EEu 78). Il convient aussi de considérer attentivement les bénédictions familiales proposées dans le Rituel des Bénédictions [52] . En outre, l’on assiste aujourd’hui à un nouvel effort pour faire participer les familles à la pastorale des Sacrements, qui peut donner une nouvelle vitalité aux communautés chrétiennes. Beaucoup d’adultes et de jeunes (cf. PaG 53) redécouvrent en effet par ce biais la signification et la valeur d’itinéraires qui les aident à affermir leur foi et leur vie chrétienne. 48. Un danger particulier pour la foi vient entre autre aujourd’hui du pluralisme religieux, compris comme un relativisme et un syncrétisme en matière de religion. Pour s’y opposer, il est nécessaire de mettre en œuvre de nouvelles initiatives pastorales aptes à affronter de manière appropriée ce phénomène qui, avec le développement des sectes [53] , est un des plus graves problèmes pastoraux de notre temps.
49. Concernant les migrants catholiques, l’Église prévoit une pastorale spécifique, dictée par la diversité de langue, d’origine, de culture, d’ethnie et de tradition, ou par l’appartenance à une Église sui iuris déterminée ayant un rite propre. Ces éléments font souvent obstacle à une insertion pleine et rapide des migrants dans les paroisses territoriales locales, et ils peuvent motiver la constitution de paroisses ou d’une hiérarchie propre pour les fidèles d’Églises sui iuris déterminées. À tant de déracinements (de la terre d’origine, de la famille, de la langue, etc.) auxquels l’expatrié doit forcément faire face, il ne faudrait en effet pas que s’ajoute aussi celui du rite ou de l’identité religieuse du migrant. 50. Les groupes particulièrement nombreux et homogènes d’immigrés doivent donc être encouragés à garder leur tradition catholique spécifique. Il faudra notamment veiller à ce que des prêtres de la langue, de la culture et du rite des immigrés apportent une assistance religieuse structurée, choisissant la forme juridique la plus adaptée parmi celles qui sont prévues par le CIC et le CCEO. De toute façon, on ne saurait trop insister sur le besoin de communion profonde entre les missions linguistiques ou rituelles et les paroisses territoriales. Il sera aussi important de mener une action favorisant la connaissance mutuelle, en se servant de toutes les occasions données par le ministère pastoral ordinaire pour impliquer aussi les immigrés dans la vie des paroisses (cf. EEu 28). Dans le cas où les immigrés ne seraient pas assez nombreux pour justifier une assistance religieuse structurée, l’Église particulière d’accueil devra les aider à surmonter les inconvénients liés au déracinement de leur communauté d’origine et les lourdes difficultés d’insertion dans la communauté d’accueil. Dans les lieux où les immigrés sont numériquement moins présents, il sera particulièrement judicieux que des Agents pastoraux, Religieux et Laïcs, mettent en place une formation catéchétique et d’animation liturgique en étroite collaboration avec l’Aumônier/ Missionnaire (cf. EEu 51,73 et PaG 51). 51. Il conviendra en outre de rappeler ici la nécessité de donner une assistance pastorale spécifique aussi aux techniciens, aux professionnels et aux étudiants étrangers provisoirement immergés dans des pays à majorité musulmane ou d’une autre religion. Livrés à eux-mêmes, et sans guide spirituel, ils peuvent, au lieu d’offrir un témoignage chrétien, susciter des jugements erronés sur le christianisme. Ceci indépendamment de l’apport bénéfique de milliers et de milliers de chrétiens qui, dans ces mêmes pays, donnent un bon témoignage ou de celui d’anciens migrants d’autres religions, originaires de terres à minorité chrétienne, qui rentrent chez eux après avoir séjourné dans des régions fortement catholiques.
Migrants catholiques de rite oriental 52. Les migrants catholiques de rite oriental, de plus en plus nombreux aujourd’hui, méritent une attention pastorale particulière. En ce qui les concerne, notons avant tout l’obligation juridique d’observer partout – dans la mesure du possible – le rite propre, considéré comme leur patrimoine liturgique, théologique, spirituel et disciplinaire (cf. CCEO can. 28 §1 et PaG 72) De ce fait, «même s’ils sont confiés à la charge du Hiérarque ou du curé d’une autre Église sui iuris, ils restent toujours inscrits à leur Église sui iuris » (CCEO can.38). Ainsi, l’usage, longtemps entretenu, de recevoir les sacrements selon le rite d’une autre Église sui iuris n’induit pas l’inscription à cette dernière (CIC can. 112 §2). Il est en fait interdit de «changer de rite sans le consentement du Siège Apostolique» (CCEO can. 32 et CIC can. 112 §1). Les migrants catholiques orientaux, restant sauf le droit et le devoir d’observer leur rite propre, ont aussi le droit de participer activement aux célébrations liturgiques de toute autre Église sui iuris, y compris donc de l’Église Latine, conformément aux prescriptions des livres liturgiques (CCEO can. 403 §1). De plus la Hiérarchie doit s’assurer que ceux qui sont fréquemment en relation avec des fidèles d’un autre rite connaissent ce rite et le respectent (cf. CCEO can. 41), et elle veillera à ce que personne ne se sente limité dans sa liberté pour des questions de langue ou de rite (cf. CCEO can. 588). 53. Le Concile œcuménique Vatican II (CD 23) en effet prévoit que «là où se trouvent des fidèles d’un autre Rite, l’Évêque diocésain devra pourvoir à leurs besoins spirituels, soit par des prêtres, ou des paroisses de même Rite, soit par un Vicaire épiscopal muni des pouvoirs appropriés et, le cas échéant, revêtu du caractère épiscopal, soit par lui-même en exerçant la charge d’Ordinaire des différents Rites». Par ailleurs, «l’Évêque peut établir un ou plusieurs Vicaires épiscopaux, qui, de plein droit, … jouissent, par rapport aux fidèles d’un rite déterminé du pouvoir que le droit commun accorde au Vicaire Général» (CD 27). 54. Conformément au décret du Concile, le CIC (can. 383 §2) prévoit donc que si l’Évêque «a dans son diocèse des fidèles de rite différent, il pourvoira à leurs besoins spirituels par des prêtres ou des paroisses de ce rite, ou bien par un Vicaire épiscopal». Celui-ci, aux termes du can. 476 du CIC «a le même pouvoir ordinaire que le droit universel accorde au Vicaire général» aussi en ce qui concerne les fidèles d’un rite déterminé. Le CIC (can. 518), après avoir énoncé le principe de territorialité de la paroisse, établit en effet que «là où c’est utile seront constituées des paroisses personnelles, déterminées par le rite». 55. Dans le cas où l’on procédera ainsi, ces paroisses feront alors juridiquement partie du diocèse latin et les curés de ce rite sont membres du Presbyterium diocésain de l’Évêque latin. Il faut toutefois noter que si, dans l’hypothèse prévue par les canons précités, ces fidèles sont bien sous la juridiction de l’Évêque latin, il convient que les Évêques, avant d’ériger des paroisses personnelles ou de désigner un prêtre comme assistant, curé, voire Vicaire épiscopal, entrent en dialogue avec la Congrégation pour les Églises orientales et la hiérarchie correspondante, et plus particulièrement avec son Patriarche. Il est bon de rappeler en effet que le CCEO (can.193 §3) prévoit que, dans le cas où les Évêques éparchiaux «constituent de cette manière des Prêtres, des Curés ou des Syncelles pour prendre soin des fidèles chrétiens des Églises patriarcales», ils «prendront contact avec les Patriarches intéressés et avec leur consentement agiront de leur propre autorité en informant au plus tôt le Siège Apostolique. Si les Patriarches n’y consentent pas, pour une raison ou une autre, l’affaire sera déférée au Siège Apostolique» [54] . S’il est vrai que dans le CIC la disposition similaire pour les Évêques diocésains latins fait défaut, elle devrait aussi valoir, par analogie, pour les Évêques des diocèses latins.
Migrants d’autres Églises et Communautés ecclésiales 56. La présence toujours plus nombreuse aussi d’immigrés chrétiens n’étant pas en pleine communion avec l’Église catholique offre aux Églises particulières de nouvelles possibilités de vivre la fraternité œcuménique dans le concret de la vie quotidienne et permet, loin d’un irénisme facile ou du prosélytisme, une meilleure compréhension réciproque entre Églises et Communautés ecclésiales. Il s’agit d’acquérir l’esprit de charité apostolique qui respecte la conscience d’autrui et reconnaît les biens qu’on voit chez lui, mais qui peut aussi attendre le moment de devenir instrument d’une rencontre plus profonde entre Christ et les frères. Les fidèles catholiques ne doivent pas oublier en effet qu’accueillir les frères dans la pleine communion avec l’Église est aussi un service et un signe de grand amour. Dans tous les cas, «si des prêtres, des ministres ou des communautés qui ne sont pas en pleine communion avec l’Église catholique n'ont pas d'endroit, ni les objets liturgiques nécessaires pour célébrer dignement leurs cérémonies religieuses, l’Évêque du diocèse peut leur permettre d'utiliser une église ou un édifice catholique, et même leur prêter ces objets nécessaires pour leur culte. Dans des circonstances semblables, la permission peut leur être accordée de faire des enterrements ou de célébrer des offices dans des cimetières catholiques» [55] . 57. Il faut rappeler ici aussi que, dans des circonstances déterminées, il est légitime pour des non catholiques de recevoir l’Eucharistie avec les catholiques, comme l’affirme la récente encyclique Ecclesia de Eucharistia. De fait, «s'il n'est en aucun cas légitime de concélébrer lorsqu'il n'y a pas pleine communion, il n'en va pas de même en ce qui concerne l'administration de l'Eucharistie, dans des circonstances spéciales, à des personnes appartenant à des Églises ou à des Communautés ecclésiales qui ne sont pas en pleine communion avec l'Église catholique. Dans ce cas en effet, l'objectif est de pourvoir à un sérieux besoin spirituel pour le salut éternel de ces personnes, et non de réaliser une intercommunion, impossible tant que ne sont pas pleinement établis les liens visibles de la communion ecclésiale. C'est en ce sens que s'est exprimé le Concile Vatican II quand il a déterminé la conduite à tenir avec les Orientaux qui, se trouvant en toute bonne foi séparés de l'Église catholique, demandent spontanément à recevoir l'Eucharistie d'un ministre catholique et qui ont les dispositions requises (cf. OE 27). Cette façon d'agir a été depuis ratifiée par les deux Codes de Droit, dans lesquels est considéré aussi, avec les adaptations nécessaires, le cas des autres chrétiens non orientaux qui ne sont pas en pleine communion avec l'Église catholique (cf. CIC, can. 844 §§3-4 et CCEO, can. 671,§§3-4)» [56] . 58. De toute manière, on aura une attention spéciale et réciproque à l’égard des règlements respectifs, comme cela est recommandé dans le Directoire pour l’application des principes et normes sur l’œcuménisme : «Les catholiques doivent faire preuve d'un respect sincère pour la discipline liturgique et sacramentelle des autres Églises et Communautés ecclésiales, et celles-ci sont invitées à montrer le même respect pour la discipline catholique» [57] . Ces dispositions et «l’œcuménisme de la vie quotidienne» (PaG 64) ne manqueront pas d’avoir des effets positifs en ce qui concerne les migrants. Les grandes fêtes liturgiques des différentes Confessions, les traditionnelles Journées mondiales pour la paix, pour les Migrants et les Réfugiés, ainsi que la Semaine annuelle de prière pour l’unité des chrétiens, pourront être des moments forts d’engagement œcuménique.
Migrants d’autres religions, en général 59. Dernièrement, la présence d’immigrés d’autres religions dans des pays de longue tradition chrétienne n’a cessé de se renforcer. En ce qui les concerne, divers documents du Magistère, en particulier l’Encyclique Redemptoris Missio [58] , et aussi l’Instruction Dialogue et Annonce [59] , donnent des orientations claires. À l’égard aussi des immigrés non-chrétiens, l’Église s’engage pour la promotion humaine et par le témoignage de la charité, qui en soi ont déjà une valeur évangélisatrice et sont capables d’ouvrir les cœurs à une annonce explicite de l’Évangile, qui doit être faite avec l’indispensable prudence chrétienne et dans le respect absolu de la liberté. Dans la mesure du possible, les migrants des autres religions doivent être soutenus afin de pouvoir préserver la dimension transcendante de leur vie. L’Église est donc appelée à entrer en dialogue avec eux, «dialogue [qui] doit être conduit et mis en œuvre dans la conviction que l’Église est la voie ordinaire du salut et qu’elle seule possède la plénitude des moyens du salut» (RMi 55 ; cf aussi PaG 68). 60. Cela implique que les communautés catholiques d’accueil prennent encore davantage en compte leur identité, qu’elles vérifient leur fidélité au Christ, qu’elles connaissent bien le contenu de leur foi, qu’elles retrouvent un esprit missionnaire et que, de ce fait, elles s’engagent à témoigner de Jésus le Seigneur et de son Évangile. C’est le présupposé nécessaire à un dialogue sincère, ouvert et respectueux avec tous, qui ne soit pas naïf et qui ne prenne pas au dépourvu (cf. PaG 64 et 68). Les chrétiens ont en particulier le devoir d’aider les immigrés à s’insérer dans le tissu social et culturel du pays qui les reçoit, en acceptant les lois civiles (cf. PaG 72). C’est principalement par leur témoignage de vie que les chrétiens sont appelés à dénoncer certaines valeurs négatives présentes dans les pays riches et industrialisés (matérialisme et consumérisme, relativisme moral et indifférence religieuse), susceptibles d’ébranler les convictions religieuses des immigrés. Nous souhaitons aussi qu’un tel engagement en faveur des migrants ne soit pas l’apanage seulement de certains chrétiens ou des traditionnelles Organisations d’aide et de secours, mais qu’il fasse également partie intégrante du programme global des Mouvements ecclésiaux et des Associations des fidèles (cf. CfL 29).
Quatre points d’attention particulière 61. Pour éviter tout malentendu et toute confusion, et étant donné les différences religieuses reconnues de part et d’autre, nous jugeons qu’il n’est pas opportun, pour le respect de nos lieux sacrés et de la religion d’autrui, que les lieux catholiques – églises, chapelles, lieux de culte, locaux réservés aux activités spécifiques d’évangélisation et de pastorale – soient mis à la disposition de croyants de religions non-chrétiennes, et moins encore qu’ils ne soient utilisés pour faire valoir des revendications vis-à-vis de l’Autorité publique. Les espaces de type social, par contre – réservés au temps libre, au jeu et à d’autres formes de socialisation –, pourraient et devraient rester ouverts à des personnes d’autres religions, dans le respect des règles qui les régissent. La socialisation qui se fait dans ces lieux serait en effet une occasion pour favoriser l’intégration des nouveaux arrivants et pour préparer des médiateurs culturels capables d’aider à dépasser les barrières culturelles et religieuses, en promouvant une connaissance réciproque appropriée. 62. Les écoles catholiques (cf. EEu 59 et PaG 52), même lorsqu’elles accueillent des enfants d’immigrés d’autres religions, ne doivent pas renoncer à leurs caractéristiques particulières et à leur propre projet éducatif, orienté selon les valeurs chrétiennes [60] . Les parents qui veulent y inscrire leurs enfants devront en être clairement informés. Dans le même temps, aucun enfant ne devra se voir obligé de participer à la Liturgie catholique ni d’accomplir des gestes contraires à ses propres convictions religieuses. D’autre part, les heures de religion prévues au programme, si elles font partie du cursus scolaire, pourraient être librement mises à profit pour que les élèves puissent connaître une croyance différente de la leur. Dans ces heures de classe tous les élèves devront être éduqués au respect – sans relativisme – des personnes ayant une autre conviction religieuse. 63. À l’exception de cas particuliers, le mariage entre catholiques et migrants non-chrétiens devra être déconseillé, avec toutefois plus ou moins de force, selon la religion de chacun et selon les normes du CIC et du CCEO. Il faudra de fait rappeler avec les paroles du pape Jean-Paul II que «dans les familles où les deux parents sont catholiques, il leur est plus facile de partager leur foi avec leurs enfants. Tout en rendant grce pour tous les cas de mariages mixtes où l'on constate un épanouissement de la foi aussi bien chez les époux que chez les enfants, le Synode a encouragé les efforts pastoraux en vue de promouvoir le mariage entre personnes partageant la même foi» [61] . 64. Enfin, dans les relations entre chrétiens et pratiquants d’autres religions, le principe de réciprocité revêt une grande importance. Il s’agit non pas d’une attitude purement revendicatrice, mais d’une relation fondée sur le respect mutuel et sur la justice dans les traitements juridiques et religieux. La réciprocité est aussi une attitude du cœur et de l’esprit qui permet de vivre ensemble et en étant partout à parité de droits et de devoirs. Une saine réciprocité stimule chacun à devenir «l’avocat» des droits des minorités là où sa propre communauté religieuse est majoritaire. On pense notamment aux nombreux migrants chrétiens vivant dans des pays à la population majoritairement non chrétienne, où le droit à la liberté religieuse est fortement restreint ou violé.
65. À ce propos, on observe aujourd’hui, particulièrement dans certains pays, un pourcentage élevé ou en augmentation d’immigrés musulmans, envers lesquels notre Conseil Pontifical a aussi une sollicitude. Le Concile Vatican II nous indique l’attitude évangélique à adopter à cet égard et il nous invite à purifier la mémoire des incompréhensions du passé, à cultiver les valeurs communes, ainsi qu’à clarifier et à respecter les différences, sans pour autant renoncer aux principes chrétiens [62] . Les communautés catholiques sont donc invitées au discernement. Il agit de distinguer, dans les doctrines, dans les pratiques religieuses et dans les lois morales de l’Islam ce qui peut être partagé et ce qui ne peut pas l’être. 66. La croyance en Dieu, Créateur et Miséricordieux, la prière quotidienne, le jeûne, l’aumône, le pèlerinage, l’ascèse en vue de la maîtrise des passions, la lutte contre l’injustice et l’oppression, sont des valeurs communes, également présentes dans le christianisme, bien qu’à travers des expressions et des manifestations diverses. À côté de ces convergences, il existe aussi des divergences, dont certaines concernent les acquis légitimes de la modernité. Soucieux en particulier des droits de l’homme, nous souhaitons donc de la part de nos frères et sœurs musulmans une prise de conscience toujours plus grande qu’on ne peut remettre en question l’exercice des libertés fondamentales, des droits inviolables de la personne, de l’égale dignité de l’homme et de la femme, du principe démocratique du gouvernement de la société et d’une saine laïcité de l’État. Il faudra aussi parvenir à un équilibre entre vision de foi et juste autonomie de la création [63] . 67. Dans le cas d’une demande de mariage par une femme catholique et un musulman – restant sauf ce qui est dit au numéro 63 et en tenant compte aussi des jugements pastoraux locaux –, au vu aussi des expériences amères, il faudra faire une préparation particulièrement soignée et approfondie. Elle devra amener les fiancés à connaître et à «assumer» en connaissance de cause les profondes diversités culturelles et religieuses auxquelles ils devront faire face, que ce soit entre eux ou avec les familles et l’environnement d’origine de la partie musulmane, vers lesquels ils seront éventuellement appelés à revenir après un séjour à l’étranger. Dans le cas où le mariage serait transcrit auprès d’un Consulat d’un État islamique, la partie catholique devra cependant se garder de lire ou de signer des documents contenant la shahada (profession de croyance musulmane). Les mariages entre catholiques et musulmans, s’ils sont néanmoins célébrés, auront cependant besoin, hormis la dispense canonique, du soutien de la communauté catholique, avant et après la célébration. Un des services important des associations, des bénévoles et des conseillers catholiques devra être donc d’aider ces familles dans l’éducation des enfants et éventuellement de soutenir la partie la moins protégée de la famille musulmane, à savoir la femme, pour lui permettre de connaître et de faire état de ses droits propres. 68. Enfin, concernant le baptême des enfants, les normes des deux religions sont – comme on le sait – fortement opposées. Le problème doit donc être clairement soulevé durant la préparation au mariage et la partie catholique devra s’engager dans le sens voulu par l’Église. La conversion et la demande de baptême de musulmans adultes exigent de toute façon une attention pondérée, aussi bien à cause de la nature particulière de la religion musulmane que pour les conséquences qui en découlent.
69. Les sociétés actuelles, toujours plus composites sur le plan religieux, notamment en raison des flux migratoires, exigent donc des catholiques qu’ils soient résolument disponibles au vrai dialogue interreligieux (cf. PaG 68). Dans ce but, il conviendra que, dans les Églises particulières, les fidèles et les Agents pastoraux reçoivent une formation et une information solides sur les autres religions, afin de dissiper les préjugés, de surmonter le relativisme religieux, d’éviter les fermetures et les peurs injustifiées qui freinent le dialogue et érigent des barrières, créant des violences et des incompréhensions. Les Églises locales auront soin d’intégrer une telle formation dans les programmes éducatifs des séminaires, des écoles et des paroisses. Le dialogue interreligieux ne doit pas être compris uniquement comme une recherche de points communs pour construire ensemble la paix, mais surtout comme occasion de renouer avec les dimensions communes au sein des communautés respectives. Nous voulons ici faire référence à la prière, au jeûne, à la vocation fondamentale de l’homme, à l’ouverture au Transcendant, à l’adoration de Dieu, à la solidarité entre les nations [64] . Toutefois, explicite ou implicite selon les circonstances, l’annonce du salut apporté par le Christ, médiateur entre Dieu et les hommes, auquel tend toute l’action de l’Église, doit rester pour nous absolument incontournable. Ni le dialogue fraternel, ni l’échange et le partage de valeurs «humaines» ne peuvent en effet atténuer l’effort ecclésial d’évangélisation (cf. RMI 10-11 et PaG 30).
Artisans d’une pastorale de communion
Églises d’origine et d’accueil 70. Pour que la pastorale des migrants soit une pastorale de communion (se fondant sur l’ecclésiologie de communion et tendant à la spiritualité de communion), il est indispensable qu’une étroite collaboration s’établisse entre Églises d’origine et les Églises d’accueil des courants migratoires. Cette collaboration devra naître en premier lieu de l’échange d’information réciproque concernant ce qui est d’un intérêt pastoral commun. Il est impensable en effet que les Églises ne dialoguent pas ou ne se consultent pas systématiquement, notamment à travers des rencontres régulières sur des problèmes intéressant des milliers de migrants. Pour une meilleure coordination de toutes les activités pastorales en faveur des immigrés, les Conférences épiscopales confieront cette mission à une Commission spécifique qui choisira un Directeur national avec la charge d’animer les différentes Commissions diocésaines. Dans l’impossibilité de créer cette Commission, la coordination de la pastorale pour les migrants sera confiée au moins à un Evêque mandaté ou qui en sera le promoteur. Il sera ainsi manifeste que l’assistance spirituelle apportée à ceux qui sont loin de leur patrie est un engagement éminemment ecclésial, un devoir pastoral qui ne peut être laissé à la seule générosité d’individus, Prêtres, Religieux, Religieuses ou Laïcs, mais qu’il est du ressort des Églises locales, y compris sur le plan matériel (cf. aussi PaG 45). 71. Les Conférences épiscopales auront soin, par ailleurs, de confier aux Facultés universitaires catholiques présentes sur leur territoire le devoir d’approfondir les nombreuses questions de fond posées par les migrations elles-mêmes, en vue d’un bénéfice du service pastoral concret en faveur des migrants. À cet égard, des cours obligatoires de spécialisation théologique pourront aussi être programmés. Les séminaires aussi devront bénéficier d’une formation prenant en compte le phénomène migratoire, désormais planétaire. Ainsi, «les Universités et les Séminaires, tout en restant libres sur la façon d’organiser les programmes et d’adopter telle ou telle méthode, devront offrir la connaissance des thèmes fondamentaux, tels que les diverses formes de déplacements (définitifs ou saisonniers, internationaux et internes), les causes des déplacements, leurs conséquences, les grandes lignes d’une action pastorale adéquate, l’étude des Documents Pontificaux et des Églises particulières» [65] . Quoi qu’il en soit, les «Cahiers universitaires du Conseil Pontifical [alors Commission Pontificale] pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en déplacement, ainsi que sa Revue [People] on the Move, en plus des récentes publications de Documents magistériels sur ce thème, pourront constituer, du moins comme point de départ, un matériel didactique valable pour cet enseignement» [66] . L’Exhortation apostolique post-synodale
72. La célébration annuelle de la Journée (ou Semaine) mondiale du Migrant et du Réfugié sera l’occasion de redoubler d’effort et d’approfondir le thème spécifique proposé chaque année par le Saint-Père dans son Message. Notre Conseil Pontifical préconise qu’elle puisse être célébrée dans le monde entier à date fixe, identique pour tous, afin que nous puissions être aidés à vivre ensemble devant Dieu – au même moment – un jour de prière, d’action et de sacrifice pour la cause des migrants et des réfugiés. En dehors de cette Journée, une rencontre annuelle, si possible à la cathédrale, entre l’Évêque/Éparque et l’ensemble des groupes ethniques présents dans le diocèse/l’éparchie, pourra avoir une valeur significative. Dans certains lieux, ce rendez-vous, qui se célèbre déjà, est appelé «fête des peuples».
Le Coordinateur national des Aumôniers/ Missionnaires 73. Parmi les Agents pastoraux au service des migrants, il convient de souligner le rôle du Coordinateur national, qui est à considérer plus comme une aide pour les Aumôniers/Missionnaires d’une certaine langue, ou d’un certain pays, que pour les migrants eux-mêmes. Par ailleurs, il est plutôt l’expression de l’Église ad quam auprès des Aumôniers/Missionnaires, sans toutefois jouer le rôle de leur représentant. Il est donc au service des Aumôniers/Missionnaires qui reçoivent la «déclaration d’idonéité» – le rescrit donné par la Conférence épiscopale a qua (cf. DPMC 36,2) –, dans les pays où un nombre important de migrants provient d’une Nation déterminée. 74. Le Coordinateur national joue, auprès des Aumôniers/Missionnaires, un rôle de vigilance fraternelle, de modération et de lien entre les différentes communautés. Il n’a pas de compétence directe sur les migrants qui, en raison de leurs lieux de domicile ou de quasi-domicile, sont soumis à la juridiction des Ordinaires/Hiérarques des Églises particulières ou des Éparchies. Il n’a pas non plus de pouvoir de juridiction sur les Aumôniers/Missionnaires, qui sont soumis, pour les facultés et l’exercice du ministère, à l’Ordinaire/Hierarque du lieu, qui leur donne les facultés nécessaires. Le Coordinateur national devra donc travailler en étroite collaboration avec les Directeurs nationaux et diocésains de la pastorale pour les migrants.
L’Aumônier/Missionnaire des migrants 75. En nous appuyant à ce sujet sur des documents ecclésiaux déjà parus [68] , nous souhaitons avant tout souligner que la pastorale spécifique des migrants, qui comporte une finalité éminemment spirituelle et une authentique dimension missionnaire, exige une préparation particulière (cf. PaG 72). Cette préparation se fait en communion et sous la responsabilité aussi de l’Ordinaire/Hiérarque local du pays d’origine. 76. Dans un tel contexte, il va sans dire que «la complexité et la fréquente évolution enregistrée dans les phénomènes du mouvement migratoire rendent nécessaire, pour l’orientation de la pastorale, l’action d’institutions complémentaires, destinées à suivre ces phénomènes et à les évaluer objectivement. Il s’agit ici de centres pastoraux pour les groupes ethniques, mais surtout de centres d’études interdisciplinaires, qui regroupent les éléments nécessaires à l’élaboration et à la mise en œuvre de la Pastorale» (CMU 40). Ces recherches devraient aussi pouvoir orienter les études dans les séminaires, dans les instituts de formation et dans les centres pastoraux, et servir directement à la préparation des Agents pastoraux de la pastorale des migrants. 77. Être Aumônier/Missionnaire des migrants eiusdem sermonis (de la même langue) ne veut pas dire pour autant qu’il faille se cantonner à une manière unique, exclusive, nationale de vivre et d’exprimer sa foi. Si, d’une part, il est bon de souligner la nécessité d’une pastorale spécifique, fondée sur le besoin de transmettre le message chrétien en utilisant la culture, la formation et les justes exigences du destinataire, il est également important, d’autre part, de rappeler aussi qu’une telle pastorale spécifique nécessite l’ouverture à un monde nouveau et un effort d’intégration, jusqu’à arriver à une participation plénière des migrants à la vie diocésaine. L’Aumônier/Missionnaire devra, sur cette voie, jouer le rôle d’un pont reliant la communauté des immigrés et celle qui accueille. Il est avec eux pour faire Église, avant tout en communion avec l’Évêque diocésain/éparchial et ses confrères dans le sacerdoce, plus particulièrement les curés partageant le même ministère pastoral (cf. DPMC 30,3). C’est pourquoi il est indispensable qu’il connaisse et apprécie la culture du lieu où il est appelé à exercer son ministère, qu’il en parle la langue, qu’il sache dialoguer avec la société dans laquelle il vit et qu’il fasse respecter et estimer le pays d’accueil, jusqu’à l’aimer et le défendre. L’Aumônier/Missionnaire des migrants, s’il base sa pastorale sur l’aspect ethnique ou linguistique, sait bien que la pastorale des migrants doit aussi se traduire dans la construction d’une Église remplie d’un souffle œcuménique et missionnaire (cf. RMI 10-11; DPMC 30,2). 78. Les responsables de la pastorale des migrants devront pour ce faire être plus ou moins experts en communication inter-culturelle. Cette caractéristique doit aussi concerner les responsables locaux de la pastorale, car les personnes qui arrivent de l’étranger ne peuvent pas réaliser seules cette médiation culturelle. Les principaux devoirs de l’Agent pastoral chargé des migrants seront donc avant tout : - défendre l’identité ethnique, culturelle, linguistique et rituelle des migrants, sachant qu’une action pastorale efficace est impensable sans respecte et valorisation du patrimoine culturel des migrants. Ces derniers doivent naturellement entrer en dialogue avec l’Église et la culture locale pour répondre aux nouvelles exigences ; - être un guide dans le parcours vers une juste intégration, en évitant à la fois l’écueil du ghetto culturel et celui de l’assimilation pure et simple des migrants à la culture locale ; - avoir un esprit missionnaire et évangélisateur, en partageant les situations et les conditions des migrants, faisant preuve d’une capacité d’adaptation et de contact personnel, et donnant un clair témoignage de vie.
Les Prêtres diocésains/éparchiaux comme Aumôniers/Missionnaires 79. Les Aumôniers/Missionnaires peuvent être des Prêtres diocésains/éparchiaux (qui habituellement restent incardinés dans leur propre Diocèse/Éparchie et se rendent à l’étranger pour s’occuper temporairement de la pastorale en faveur des migrants) ou encore des Prêtres religieux. Le Prêtre diocésain/éparchial aussi bien que le religieux prennent en charge une même mission, tout en ayant des vocations de départ différentes et complémentaires. Les Prêtres diocésains/éparchiaux exerçant leur ministère dans un Diocèse/une Eparchie qui n’est pas le lieu d’incardination se retrouvent intégrés de fait dans le Diocèse où ils exercent, et font ainsi partie intégrante du Clergé diocésain/éparchial [69] . Cette situation est également celle du clergé religieux. On ne soulignera jamais assez combien les Aumôniers/Missionnaires doivent vivre dans une entente fraternelle avec l’Ordinaire/Hiérarque local et le Clergé du diocèse qui les accueillent, notamment les curés. La participation aux rencontres sacerdotales et aux rassemblements diocésains/éparchiaux, la fréquentation assidue des réunions d’étude en matière sociale, morale, liturgique et pastorale sont la condition sine qua non pour mettre en œuvre une authentique pastorale dans un esprit de collaboration mutuelle, de solidarité et de coresponsabilité (cf. DPMC 42). Cette unité devra être opérante pour pouvoir être également effective entre immigrés et autochtones. Une telle solidarité dans l’intention et dans l’action donnera ainsi un excellent exemple d’adaptation et de collaboration, et elle favorisera la connaissance mutuelle et le respect du patrimoine culturel de chacun.
Prêtres, Religieux-Frères et Religieuses engagés avec les migrants 80. Dans la pastorale des migrants, Prêtres, Religieux-Frères et Religieuses ont toujours joué un rôle de premier plan, c’est pourquoi l’Église a compté et continue de compter avec confiance sur leur apport. À cet égard, la communauté catholique reconnaît la vocation religieuse comme un don particulier de l’Esprit, que l’Église accueille, garde et interprète, pour le faire grandir et pour le développer selon son dynamisme propre [70] . Ce même Esprit a suscité au cours de l’histoire des Instituts ayant pour but spécifique l’apostolat en faveur des migrants [71] , avec leur propre organisation. Il est de notre devoir de rappeler à ce sujet l’apostolat des Religieuses, très souvent engagées dans la pastorale des migrants, avec des charismes et des œuvres spécifiques d’une grande importance pastorale, en rappelant ce qu’énonce l’Exhortation apostolique post-synodale Vita consecrata: «L’avenir même de la nouvelle évangélisation, comme du reste de toutes les autres formes d’action missionnaire, est impensable sans une contribution renouvelée des femmes, particulièrement des femmes consacrées» (n. 57). Et encore : «Il est donc urgent de faire quelques pas concrets, en commençant par ouvrir aux femmes des espaces de participation dans divers secteurs et à tous les niveaux, y compris dans les processus d’élaboration des décisions, surtout pour ce qui les concerne» [72] . 81. Hormis les Instituts religieux qui sont ici mentionnés, d’autres, tout en ne poursuivant pas spécifiquement ce même but, sont cordialement encouragés à porter une part de cette responsabilité. En réalité, «il sera toujours bien opportun et louable qu’ils se consacrent au soin spirituel de cette catégorie de fidèles, accomplissant spécialement les travaux qui correspondent le mieux à leur caractère et à leur finalité» (DPMC 53,2). Il s’agit de l’application concrète d’une directive conciliaire puisque «étant donné les besoins urgents des mes et la pénurie du Clergé diocésain, les Instituts religieux qui ne sont pas exclusivement voués à la vie contemplative peuvent être appelés par les Évêques à apporter leur concours aux divers ministères pastoraux, en fonction cependant du caractère propre de chaque Institut ; pour apporter ce concours, les supérieurs religieux doivent selon leurs possibilités accepter le gouvernement, même temporaire, de paroisses» (CD 35). 82. Si tous les Instituts religieux sont ainsi invités à prendre en compte le phénomène de la mobilité humaine dans leur pastorale, ils doivent par ailleurs envisager avec générosité l’éventualité d’envoyer quelques Religieux ou Religieuses pour travailler dans le domaine des migrations. Beaucoup, de fait, sont en mesure d’apporter une contribution notoire à l’assistance aux migrants parce qu’ils disposent de Religieux à la formation diversifiée, provenant de différents pays et pouvant avec une facilité relative se transférer dans une nation autre que la leur. C’est surtout dans le domaine des migrations qu’apparaît clairement pour nous le rôle attribué aux Religieux par l’Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi. En effet, «ils sont par leur vie signe de totale disponibilité pour Dieu, pour l’Église, pour les frères. En cela, ils ont une importance spéciale dans le cadre du témoignage, qui est … primordial dans l’évangélisation. Ce témoignage silencieux de pauvreté et de dépouillement, de pureté et de transparence, d’abandon dans l’obéissance, peut devenir, en même temps qu’un appel adressé au monde et à l’Église elle-même, une éloquente prédication capable de toucher même les non-chrétiens de bonne volonté, sensibles à certaines valeurs» (EN 69). 83. L’Instruction conjointe du 25 mars 1987 relative à l’effort pastoral en faveur des migrants et des réfugiés, publiée par la Congrégation pour les Religieux et les Instituts séculiers et par la Commission pontificale pour la Pastorale des Migrations et du Tourisme adressée à tous les Supérieur(e)s généraux(ales), souligne justement cette exigence d’attention pastorale. L’appel pour les religieux à s’engager particulièrement en faveur des migrants et des réfugiés trouve en fait sa motivation profonde dans une sorte de correspondance entre les attentes intimes de ceux qui sont déracinés de leur terre et la vie religieuse. Ce sont les attentes souvent inexprimées de pauvres sans perspective de sécurité, de marginaux tant de fois mortifiés dans leur désir de fraternité et de communion. Offerte par les personnes qui ont volontairement choisi de vivre pauvre, chaste et obéissant, la solidarité envers eux, en plus d’être un soutien dans les difficultés, constitue aussi un témoignage de valeurs capables de rendre l’espérance dans des situations bien tristes (cf. n. 8). Les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique sont donc instamment invités à ouvrir généreusement les limites de leur engagement à une vraie dimension missionnaire, surtout s’il s’agit de Congrégations religieuses ayant une telle finalité missionnaire [73] . 84. Certes, de nombreux Instituts religieux sont de plus en plus conscients aujourd’hui que le problème des migrations interpelle plus ou moins directement leur charisme. Mais afin que de semblables dispositions d’esprit et les sollicitations du Magistère se traduisent en un engagement concret, nous souhaitons suggérer ici aux Supérieur(e)s généraux(ales) de collaborer généreusement à l’œuvre des Agents pastoraux dans le domaine des migrants et des réfugiés, en réservant certains Religieux(ses) à l’engagement dans ce secteur, avec la collaboration et la solidarité de toute la communauté religieuse, mettant aussi à disposition à cette fin, de manière stable ou temporaire, un local resté éventuellement inutilisé dans les btiments propres de l’Institut. Dans les Lettres circulaires qu’ils adressent à leurs confrères ou à leurs consœurs et dans les rencontres communautaires, les Supérieur(e)s pourront, de temps en temps, attirer l’attention sur l’urgence des problèmes des migrants et des réfugiés, évoquant les documents de l’Église et les paroles du Souverain Pontife à ce sujet. On pourra aussi avoir soin d’introduire ce thème à l’occasion des Chapitres généraux et provinciaux et au cours de sessions de formation permanente. Les futurs prêtres aussi devront au moins envisager l’éventualité de se préparer à exercer tout ou partie de leur ministère parmi les migrants [74] . 85. À ce sujet, la vie concrète des Religieux et des Religieuses engagés dans le service des migrants – il est utile de le souligner – doit avoir comme critère fondamental le fait que la vie religieuse soit protégée et valorisée dans ses intuitions et dans ses formes particulières. Elle est en elle-même l’image de la charité parfaite, un charisme dont les richesses rejaillissent sur l’ensemble de la communauté. La pastorale des migrants a certes besoin de communautés religieuses, mais il est également nécessaire que celles-ci soient à même de vivre et d’œuvrer tout en observant et en adhérant à leurs normes propres. C’est ce qui est souligné dans Mutuæ Relationes: «En cette période d'évolution culturelle et de renouveau ecclésial, il est donc nécessaire que chaque Institut conserve son identité avec une assurance telle qu'on puisse éviter le péril d'une situation insuffisamment définie qui porterait les Religieux à s'insérer dans la vie de l'Église d'une manière vague et ambiguë, sans se référer suffisamment à leur caractère propre» (MR 11).
Laïcs, Associations de fidèles et Mouvements ecclésiaux: vers un engagement en faveur des migrants 86. Dans l’Église et dans la société, les Laïcs, les Associations de fidèles et les Mouvements ecclésiaux, sont aussi appelés, dans la diversité des charismes et des ministères, à donner un témoignage chrétien et à servir auprès des migrants [75] . Pensons plus particulièrement aux collaborateurs pastoraux et aux catéchistes, aux animateurs de groupes de jeunes ou d’adultes, au monde du travail et du service social, à l’action caritative (cf. PaG 51). Dans une Église qui s’efforce d’être entièrement missionnaire et ministérielle, remplie de l’Esprit, c’est le respect des dons de chacun qui doit être souligné. À cet égard, les fidèles laïcs disposent d’un espace de juste autonomie mais ils sont aussi responsables des services typiques de la Diaconie, notamment la visite aux malades, l’aide aux personnes gées, la responsabilité de groupes de jeunes, l’animation d’associations familiales, l’engagement dans la catéchèse, les cours de qualification professionnelle, la présence dans les écoles, ainsi que les tches administratives, le service liturgique, les centres d’écoute, les rencontres de prière et de méditation sur la Parole de Dieu. 87. Le champ des engagements plus spécifiques de la part des Laïcs peut être les syndicats et le milieu du travail, le conseil et l’action dans l’élaboration des lois visant à faciliter le regroupement familial des migrants ou l’égalité des droits et des chances. Cela concerne l’accès aux biens essentiels, au travail et au salaire, au logement et aux écoles, et la participation des migrants à la vie de la communauté civile (élections, associations, activités récréatives, etc.). Dans le domaine ecclésial, on pourrait examiner de manière plus spécifique la possibilité d’instituer un ministère particulier (non ordonné) de l’accueil, dans le but d’être proches des migrants et des réfugiés et de les introduire progressivement dans la communauté civile et ecclésiale, ou de les aider en vue d’un éventuel retour dans leur patrie. Une attention particulière devra être accordée aux étudiants étrangers. 88. Une formation systématique s’impose, y compris pour les Laïcs, qui ne soit pas une simple transmission d’idées et de concepts mais plutôt une aide, même intellectuelle naturellement, en vue d’un authentique témoignage de vie chrétienne (cf. PaG 51). Et les communautés ethniques et linguistiques sont appelées à devenir aussi des lieux éducatifs avant même d’être des centres organisationnels. Dans cet élargissement de la vision, une place devra revenir à la formation permanente et systématique. Le témoignage chrétien des Laïcs, dans la construction du Royaume de Dieu, se situe au sommet d’un ensemble de questions importantes parmi lesquelles figurent les relations Église-monde, foi-vie, charité-justice.
Structures de pastorale missionnaire
Unité dans la pluralité: problématique 89. De nombreux motifs poussent à l’intégration toujours plus profonde du ministère spécifique pour les migrants à la pastorale des Églises particulières (cf. DPMC 42), dont le premier responsable est l’Évêque diocésain/éparchial. Cependant, cette intégration doit se faire dans le respect total de leur diversité et de leur patrimoine spirituel et culturel, en dépassant les limites de l’uniformité (cf. PaG 65 et 72) et en distinguant le caractère territorial de la charge d’mes de celui qui est lié à l’appartenance ethnique, linguistique, culturelle et rituelle. Dans ce contexte, les Églises d’accueil sont appelées à intégrer la réalité concrète des personnes et des groupes qui les composent, en mettant en communion les valeurs de chacun, tous étant appelés à former une Église concrètement catholique. «Ainsi se réalise dans l’Église locale l’unité dans la pluralité, c’est-à-dire cette unité qui n’est pas uniformité, mais harmonie, et dans laquelle les diversités légitimes sont assumées au sein d’une tension commune et unitaire» (CMU 19). L’Église particulière contribuera ainsi à la fondation, dans l’Esprit de Pentecôte, d’une société nouvelle dans laquelle les différentes langues et cultures ne constitueront plus des barrières infranchissables, comme après Babel, mais permettront, dans la diversité, de créer un nouveau mode de communication et de communion (cf. PaG 65). Dans ce cadre, la pastorale des migrants devient un service ecclésial pour les fidèles d’une langue ou d’une culture différente de celle du pays d’accueil, tout en permettant un apport spécifique de la collectivité étrangère à la construction d’une Église qui soit signe et instrument d’unité, en vue d’une humanité renouvelée. Cette vision devrait être approfondie et assimilée pour éviter notamment d’éventuelles tensions entre paroisses autochtones et aumôneries pour les immigrés, entre Prêtres autochtones et Aumôniers/Missionnaires. Dans ce cadre, il faut considérer aussi la distinction classique entre immigrés de la première, deuxième et troisième génération, avec chacune ses caractéristiques et ses problèmes spécifiques. 90. Le problème de l’insertion ecclésiale des immigrés se pose aujourd’hui surtout à deux niveaux, à savoir canonique et structurel, ainsi que théologique et pastoral. Le caractère planétaire qu’a aujourd’hui le phénomène de la mobilité humaine comporte assurément le dépassement à long terme, d’une pastorale généralement mono-ethnique, qui jusqu’à présent a caractérisé aussi bien les aumôneries/missions étrangères que les paroisses territoriales des pays d’accueil, afin d’entrer dans une pastorale basée sur le dialogue et sur une mutuelle et constante collaboration. Pour les aumôneries/missions d’une autre langue et culture, notons que la formule classique Missio cum cura animarum était finalement liée, par le passé, à une immigration provisoire ou du moins en phase d’installation. Ces solutions, cependant, ne devraient plus constituer aujourd’hui la formule presque exclusive d’intervention pastorale auprès des collectivités d’immigrés, qui se trouvent à différents niveaux d’intégration dans le pays d’accueil. Il faut donc penser à de nouvelles structures qui, d’une part, soient plus stables, avec une configuration juridique plus adaptée dans les Églises particulières, et, d’autre part, qu’elles restent souples et ouvertes à une immigration mobile ou temporaire. Ce n’est pas chose facile, mais ce défi semble bien être celui que l’avenir nous réserve.
91. En tenant toujours compte du fait que les premiers acteurs de la pastorale doivent être les immigrés eux-mêmes, on pourrait envisager des solutions appropriées, que ce soit dans le cadre d’une pastorale ethnique et linguistique aussi bien que dans une pastorale d’ensemble (cf. PaG 72). Dans le premier cadre, nous voulons indiquer certaines dynamiques et structures pastorales, en commençant par la Missio cum cura animarum, formule classique pour des communautés en formation appliquée à des groupes ethniques nationaux ou d’un certain rite, groupes non encore stabilisés. Même dans ces aumôneries/missions cependant, il faudra insister de plus en plus sur les rapports inter-ethniques et inter-culturels. La paroisse personnelle ethnique et linguistique ou rituelle, par contre, est prévue pour une collectivité immigrée constamment renouvelée et d’une certaine importance numérique. Elle conserve les services paroissiaux habituels (Annonce de la Parole, Catéchèse, Liturgie, Diaconie) et elle s’adresse avant tout à des fidèles d’immigration récente ou saisonniers ou soumis à des rotations régulières, ainsi qu’à ceux qui, pour des raisons variées, ont des difficultés à s’insérer dans les structures territoriales existantes. On peut également envisager le cas d’une paroisse locale avec mission ethnique et linguistique ou rituelle, qui s’identifie à une paroisse territoriale qui, grce à un ou plusieurs Agents pastoraux, prend en charge un ou plusieurs groupes de fidèles étrangers. L’Aumônier est ici intégré à l’équipe de la paroisse. Il peut enfin exister un Service pastoral ethnique et linguistique au niveau d’une zone, conçu comme une action pastorale en faveur d’immigrés relativement intégrés à la société locale. Il semble en effet important de maintenir certains éléments de pastorale linguistique ou liée à une nationalité, ou un rite, afin d’assurer des services essentiels et liés à un certain type de culture et de piété. Il faut, dans le même temps, veiller à l’ouverture et à l’intégration entre la communauté territoriale et les différents groupes ethniques. 92. Dans tous les cas, quand l’érection canonique de ces structures pastorales stables semble difficile ou inopportune, le devoir d’assister pastoralement les catholiques immigrés n’en reste pas moins intact selon les modalités qui, au vu des caractéristiques de la situation, sont considérées plus efficaces même sans institutions canoniques spécifiques. Les focalisations pastorales informelles, et parfois spontanées, méritent d’être encouragées et reconnues dans les circonscriptions ecclésiastiques, en tenant compte du nombre de ceux qui en bénéficient pour ne pas donner prise à l’improvisation, à l’œuvre d’Agents isolés et inadaptés ou même à la présence de sectes.
Pastorale d’ensemble et sectorielle 93. Parler de pastorale d’ensemble signifie ici surtout parler d’une communion qui sait mettre en valeur l’appartenance à des cultures et des peuples différents en réponse au dessein d’amour du Père, qui construit son Règne de paix – par le Christ, avec le Christ et dans le Christ – par la puissance de l’Esprit, au milieu des événements historiques de l’humanité, complexes et souvent en apparence contradictoires (cf. NMI 43). En ce sens, il est possible d’envisager: - la Paroisse interculturelle et inter-ethnique ou inter-rituelle prenant en charge à la fois la pastorale des autochtones et celle des étrangers résidant sur le même territoire. La Paroisse territoriale traditionnelle deviendrait ainsi un lieu privilégié et stable d’expériences inter-ethniques ou interculturelles, chaque groupe conservant toutefois une certaine autonomie; - la Paroisse locale avec un service offert aux migrants d’une ou plusieurs ethnies, d’un ou plusieurs rites. Il s’agit d’une Paroisse territoriale composée d’une population autochtone mais dont l’Église ou le centre paroissial deviennent un point de repère, de rencontre et de vie communautaire pour une ou plusieurs communautés étrangères. 94. On pourrait enfin prévoir des lieux, des structures ou des secteurs pastoraux spécifiques réservés à l’animation et à la formation, toujours dans le monde des migrants, à différents niveaux. Nous pensons aux : - Centres de pastorale spécifique de la jeunesse et de proposition vocationnelle, qui ont pour but de promouvoir les différentes initiatives; - Centres de formation des laïcs et des Agents pastoraux, dans une perspective multiculturelle; - Centres d’étude et de réflexion pastorale, dont le but est de suivre l’évolution du phénomène migratoire et de présenter à qui de droit des propositions pastorales adéquates.
95. Les unités pastorales [76] , apparues depuis quelque temps dans certains diocèses, pourraient constituer à l’avenir une plate-forme pastorale y compris pour l’apostolat envers les immigrés. Elles mettent en évidence en effet le lent changement du rapport entre la paroisse et le territoire, qui se réalise dans une multiplication des services de la charge d’mes à un niveau supra-paroissial, dans l’apparition de nouveaux et légitimes services ministériels, sans oublier une présence toujours plus forte et géographiquement répandue de la «diaspora» migratoire. Les unités pastorales auront l’évolution attendue si elles se placent surtout sur un plan de fonctionnalité en relation avec une pastorale d’ensemble, intégrée, organique. Les aumôneries/missions ethniques et linguistiques, et rituelles, pourront dans ce cadre jouir de la pleine reconnaissance. Les exigences de la communion et de la coresponsabilité doivent se manifester non seulement dans les relations entre personnes ou entre groupes divers mais également dans les rapports entre communautés paroissiales locales et communautés ethniques et linguistiques, ou rituelles.
«Semina Verbi» (Semences du Verbe) 96. Les migrations actuelles représentent le plus important mouvement de personnes, voire de peuples, de tous les temps. Elles nous font rencontrer des hommes et des femmes, nos frères et sœurs, qui pour des raisons économiques, culturelles, politiques ou religieuses, abandonnent ou sont contraints d’abandonner leurs maisons pour se retrouver en majeure partie dans des camps de réfugiés, des mégalopoles sans me, des quartiers défavorisés, ou des barraquements de périphérie, où les migrants partagent souvent la précarité des ouvriers au chômage, des jeunes inadaptés, des femmes abandonnées. L’immigré est de ce fait assoiffé de «gestes» lui permettant de se sentir accueilli, reconnu et valorisé en tant que personne. La simple salutation peut faire partie de ces gestes. Face à un tel désir, les personnes consacrées, les Communautés, les Mouvements ecclésiaux et les Associations de fidèles ainsi que les Agents pastoraux doivent se sentir appelés à éduquer les chrétiens à l’accueil, à la solidarité et à l’ouverture envers les étrangers, afin que les migrations deviennent une réalité toujours plus «significative» pour l’Église, et que les fidèles puissent découvrir les semina verbi (semences du Verbe) présents dans les différentes cultures et religions [77] . 97. Dans la communauté chrétienne, née de la Pentecôte, les migrations font en effet partie intégrante de la vie de l’Église, elles en expriment bien l’universalité, elles en favorisent la communion et elles influent sur sa croissance. Les migrations offrent donc à l’Église l’occasion historique de vérifier ses principales caractéristiques. Elle est une aussi en tant qu’elle exprime, d’une certaine manière, l’unité de toute la famille humaine; elle est sainte également pour sanctifier tous les hommes et pour qu’en eux soit sanctifié le nom de Dieu; elle est catholique dans l’ouverture aussi aux diversités qu’il faut harmoniser, et elle est apostolique car engagée également dans l’évangélisation de tout l’homme et de tous les hommes. Il semble clair désormais que ce n'est pas seulement l’éloignement géographique mais plutôt la différence culturelle et religieuse qui détermine le caractère missionnaire. Aller «en mission» est donc aller vers tout homme pour lui annoncer Jésus Christ et, en Lui et dans l’Église, le mettre en communion avec toute l’humanité.
98. Une fois passée la phase d’urgence et d’installation des migrants dans le pays d’accueil, l’Aumônier/Missionnaire cherchera à élargir son horizon et à devenir un «diacre de la communion». Avec son «identité étrangère», il rappellera par sa personne à l’Église locale dans toutes ses composantes sa catholicité caractéristique. Les structures paroissiales qu’il sert seront le signe, aussi pauvre soit-il, d’une Église particulière engagée concrètement dans un chemin de communion universelle, dans le respect des différences légitimes. 99. À cet égard, les fidèles laïcs, même sans fonctions ou tches particulières, sont invités à entreprendre un chemin de communion conduisant justement à l’acceptation des différences légitimes. La défense des valeurs chrétiennes passe, certes, par la non-discrimination à l’égard des immigrés mais surtout par un regain spirituel vigoureux des fidèles eux-mêmes. Le dialogue fraternel et le respect réciproque, témoignage vécu d’amour et d’accueil, seront déjà en soi la forme première et indispensable d’évangélisation.
Pastorale de dialogue et missionnaire 100. Les Églises particulières, en raison même de l’Évangile, sont appelées à s’ouvrir à un meilleur accueil des immigrés, en prenant des initiatives pastorales de rencontre et de dialogue et en aidant aussi les fidèles à surmonter les préjugés et les apriori. Dans la société contemporaine, que les migrations rendent de plus en plus multi-ethnique, interculturelle et multi-religieuse, les chrétiens sont appelés à écrire un chapitre substantiellement inédit et fondamental du devoir missionnaire: sa mise en œuvre dans des terres d’antique tradition chrétienne (cf. PaG 65 et 68). Quels que soient le respect et l’attention que nous devons aux traditions et cultures des migrants, nous n’en sommes pas moins appelés, nous chrétiens, à témoigner de l’Évangile de la charité et de la paix à eux aussi et à leur annoncer explicitement la Parole de Dieu, afin que la bénédiction du Seigneur, promise à Abraham et à sa descendance à jamais, les atteigne également. La pastorale spécifique pour les migrants, parmi eux et avec eux, justement parce qu’elle est faite de dialogue, de communion et de mission, deviendra alors une expression significative de l’Église, appelée à être lieu de rencontre fraternelle et pacifique, maison commune, édifice soutenu par les quatre piliers auxquels fait référence le Bienheureux Jean XXIII dans Pacem in Terris: la vérité, la justice, la charité et la liberté [78] , fruits de l’événement pascal qui, dans le Christ, a réconcilié tout et tous. L’Église manifestera ainsi en plénitude qu’elle est maison et école de communion (cf. NMI 43) accueillie et vécue, de réconciliation demandée et donnée, d’accueil fraternel réciproque et d’une vraie promotion humaine et chrétienne. Ainsi «le caractère universel inné de l’organisme ecclésial, dans lequel personne ne peut être considéré comme un étranger ou même simplement un hôte, et moins encore comme un marginal, acquiert une densité toujours plus grande» (CMU 29).
L’Église et les chrétiens, signe d’espérance 101. Face au vaste mouvement de populations en chemin, au phénomène de la mobilité humaine considéré par certains comme le nouveau «credo» de l’homme contemporain, la foi nous rappelle que nous sommes tous pèlerins vers la Patrie. «La vie chrétienne est essentiellement la Pque vécue avec le Christ, c’est-à-dire un passage, une sublime migration vers la Communion totale du Royaume de Dieu» (CMU 10). Toute l’histoire de l’Église met en relief sa passion, son zèle pour cette humanité en chemin. «L’étranger» est le messager de Dieu qui surprend et brise la régularité et la logique de la vie quotidienne, en rendant proche celui qui est lointain. Dans les «étrangers», l’Église voit le Christ qui «plante sa tente parmi nous» (cf. Jn 1,14) et qui «frappe à notre porte» (cf. Ap 3,20). Cette rencontre – faite d’attention, d’accueil, de partage, de solidarité, de protection des droits des migrants et d’élan d’évangélisation – est le reflet de la sollicitude constante de l’Église, qui perçoit en eux des valeurs authentiques et qui les considère comme une grande richesse humaine. 102. Dieu confie donc à l’Église, elle aussi en pèlerinage sur la terre, le devoir de façonner une nouvelle création, dans le Christ Jésus, récapitulant en Lui (cf. Ep 1,9-10) toutes les richesses contenues dans l’extraordinaire diversité humaine, transformées par le péché en divisions et conflits. C’est dans la mesure où la présence mystérieuse de cette création nouvelle est un authentique témoignage de sa vie que l’Église est signe d’espérance pour un monde qui aspire tant à la justice, à la liberté, à la vérité, à la solidarité, en bref à la paix et à l’harmonie [79] . En dépit des échecs répétés de projets humains louables, les chrétiens, sensibilisés au phénomène de la mobilité, prennent conscience qu’ils sont appelés à être toujours davantage signe de fraternité et de communion dans le monde, pratiquant, dans l’éthique de la rencontre, le respect des différences et la solidarité. 103. Même les migrants peuvent être des btisseurs cachés et providentiels d’une telle fraternité universelle, avec beaucoup d’autres frères et sœurs. Ils offrent à l’Église l’occasion de réaliser plus concrètement son identité de communion et sa vocation missionnaire, comme l’atteste le Vicaire du Christ: «Les migrations offrent aux Églises locales l’occasion de vérifier leur catholicité, qui consiste non seulement à accueillir les différentes ethnies, mais surtout à réaliser leur communion. Dans l’Église, le pluralisme ethnique et culturel ne constitue pas un état de choses à tolérer parce que transitoire, c’est au contraire une dimension structurelle qui lui est propre. L’unité de l’Église n’est pas le fait d’une origine et d’une langue communes, mais de l’Esprit de Pentecôte qui, en réunissant en un seul Peuple des personnes de langues et de nations différentes, confère à tous la foi en un même Seigneur et appelle tous les hommes à la même espérance» [80] . 104. Que la Vierge Marie, qui, avec son Fils béni, a fait l’expérience de la douleur de l’émigration et de l’exil, nous aide à comprendre l’expérience, et souvent le drame de ceux qui sont contraints à vivre loin de leur Patrie. Qu’elle nous enseigne à nous mettre au service de leurs besoins, dans un accueil vraiment fraternel, afin que les migrations actuelles soient considérées comme l’annonce, même mystérieuse, du Règne de Dieu déjà présent en germe dans l’Église (cf. LG 9) et comme un instrument providentiel au service de l’unité de la famille humaine et de la paix [81] .
Dispositions juridiques et pastorales Art. 1 § 1. Au droit des fidèles à recevoir l’aide provenant des biens spirituels de l’Église, en particulier la Parole de Dieu et les Sacrements (CIC can. 213, CCEO can. 16) correspond le devoir pour les pasteurs de pourvoir à cette aide, notamment auprès des migrants, en tenant compte de leurs conditions de vie spécifiques. § 2. Puisqu’en fonction de leur lieu de domicile ou de quasi-domicile, les migrants font canoniquement partie d’une paroisse et d’un diocèse/éparchie (CIC can. 100-107 ; CCEO can. 911-917), il revient au curé et à l’évêque diocésain ou éparchial de leur accorder la même attention pastorale que celle qui est due aux propres fidèles du lieu. § 3. De leur côté, surtout quand les groupes de migrants sont nombreux, les Églises d’origine ont la responsabilité de coopérer avec les Églises d’accueil pour favoriser une assistance pastorale effective adaptée.
Art. 2 § 1. Pour accomplir leurs devoirs spécifiques, les Laïcs agiront en vue d’une mise en œuvre de ce que la vérité, la justice et la charité requièrent. Ils doivent donc accueillir les migrants comme des frères et sœurs, et œuvrer pour que leurs droits, notamment concernant la famille et son unité, soient reconnus et protégés par les Autorités civiles. § 2. Les fidèles laïcs sont aussi appelés à promouvoir l’évangélisation des migrants par le témoignage d’une vie chrétienne vécue dans la foi, dans l’espérance et dans la charité, et par l’annonce de la Parole de Dieu, avec les moyens dont ils disposent. Cet engagement est encore plus nécessaire dans les lieux où, du fait de l’éloignement ou de la dispersion des installations ou de la pénurie du Clergé, les immigrés se trouvent privés d’assistance religieuse. Dans ces cas, les fidèles laïcs sont invités à aller à leur rencontre, à leur indiquer l’église de lieu et à aider l’Aumônier/Missionnaire et les curés à entrer en relation avec eux.
Art. 3 § 1. Les fidèles qui décident de vivre auprès d’un autre peuple s’efforceront d’estimer le patrimoine culturel de la Nation qui les accueille, de contribuer au bien commun et de propager la foi, principalement par l’exemple d’une vie chrétienne. § 2. Là où les migrants sont particulièrement nombreux, il est recommandé de leur permettre de prendre part aux Conseils pastoraux diocésains/éparchiaux et paroissiaux afin d’être réellement insérés dans les structures de participation de l’Église particulière. § 3. Restant sauf le droit des migrants de fonder leurs propres associations, on cherchera toutefois à les faire participer aux associations locales. § 4. Les Laïcs culturellement les mieux préparés et spirituellement les plus disponibles seront sollicités et formés pour accomplir un service spécifique d’Agent pastoral, en étroite collaboration avec les Aumôniers/Missionnaires.
Art. 4 § 1. Les prêtres ayant reçu de l’Autorité ecclésiale compétente le mandat d’assister spirituellement d’une manière stable les migrants de la même langue ou nation, ou appartenant à la même Église sui iuris, sont appelés Aumôniers/Missionnaires des migrants. Sur la base de leur fonction, ils seront munis des facultés dont il est question au can. 566 § 1 du CIC. § 2. Cette fonction est confiée à un prêtre préparé pendant un temps convenable et qui, par ses vertus, par sa culture, par sa connaissance de la langue et en raison d’autres qualités morales et spirituelles, se révèle apte à mener à bien cette tche spécifique difficile.
Art. 5 § 1. L’Évêque diocésain ou éparchial voudra bien concéder la possibilité d’exercer ce ministère aux Prêtres qui désirent se consacrer à l’assistance spirituelle des migrants, et qu’il jugera aptes pour une telle mission, en conformité avec les can. 217 du CIC et 361-362 du CCEO ainsi qu’avec les présentes dispositions juridiques et pastorales. § 2. Les prêtres ayant obtenu l’autorisation mentionnée au paragraphe précédent se mettront à la disposition de la Conférence épiscopale ad quam, munis du document qui leur a été remis, par l’intermédiaire de leur Évêque diocésain ou éparchial et de leur propre Conférence épiscopale ou des structures hiérarchiques compétentes des Églises orientales catholiques. La Conférence épiscopale ad quam veillera ensuite à confier ces prêtres à l’Évêque diocésain ou éparchial ou aux Évêques des diocèses ou éparchies intéressés, qui les nommeront Aumôniers/Missionnaires des migrants. § 3. En ce qui concerne les Prêtres religieux, qui se consacrent à l’assistance aux migrants, sont valables les normes spécifiques contenues dans le chapitre III.
Art. 6 § 1. Quand, en raison du nombre des migrants ou du besoin d’une pastorale spécifique répondant à leurs exigences, on juge nécessaire d’ériger une Paroisse personnelle, dans l’acte d’érection l’Évêque diocésain ou éparchial aura soin d’établir clairement le cadre de la Paroisse et les dispositions concernant les livres paroissiaux. Partout où cela est possible, les migrants doivent pouvoir choisir en pleine liberté d’appartenir à la paroisse territoriale du lieu où ils vivent ou à la paroisse personnelle. § 2. Le Prêtre ayant à charge une Paroisse personnelle pour les migrants jouit des mêmes facultés et des mêmes obligations que les Curés. Les dispositions concernant ici les Aumôniers/Missionnaires des migrants s’appliquent aussi pour eux, à moins qu’il en soit autrement par la nature des choses.
Art. 7 § 1. L’Évêque diocésain ou éparchial pourra également ériger une Mission avec charge d’mes sur le territoire d’une ou plusieurs paroisses, en la rattachant ou non à une paroisse territoriale, et en définissant précisément son champ d’action. § 2. L’Aumônier auquel a été confiée une mission avec charge d’mes est, toute distinction étant faite, équiparé juridiquement au Curé et il exerce sa fonction conjointement au Curé local, avec les facultés de célébrer des mariages quand l’un des deux conjoints est un migrant appartenant à la Mission. § 3. L’Aumônier dont il est question au paragraphe précédent a l’obligation de remplir les livres paroissiaux conformément au Droit et d’en faire parvenir une copie à la fin de chaque année au Curé du lieu ou à celui de la paroisse où le mariage a été célébré. § 4. Les Prêtres nommés Coadjuteurs de l’aumônier responsable de la Mission avec charge d’mes ont, toute distinction étant faite, les mêmes devoirs et les mêmes facultés que celles qui reviennent aux Vicaires paroissiaux. § 5. Si les circonstances le rendent nécessaire, la Mission avec charge d’mes érigée sur le territoire d’une ou encore de plusieurs paroisses peut être rattachée à une paroisse territoriale, surtout quand cette dernière est confiée aux membres du même Institut de vie consacrée ou de la Société de vie apostolique qui ont en charge l’assistance spirituelle des migrants.
Art. 8 § 1.Chaque Aumônier des migrants, même s’il n’est pas responsable d’une Mission avec charge d’mes, devra, dans la mesure du possible, disposer d’une église ou d’un oratoire pour l’exercice du ministère sacré. Dans le cas contraire, l’Évêque diocésain ou éparchial compétent prendra les dispositions nécessaires pour que l’Aumônier/Missionnaire puisse exercer librement son ministère spirituel dans une église, sans exclure l’église paroissiale, conjointement avec le Curé local. § 2. Les Évêques diocésains ou éparchiaux veilleront à ce que les tches des Aumôniers/Missionnaires des migrants soient coordonnées à celles des Curés et que ces derniers leur offrent aide et écoute (cf. CIC can. 571). Il convient pour cela que certains Aumôniers/Missionnaires des migrants soient appelés à faire partie du Conseil presbytéral du diocèse.
Art. 9 Sauf dans le cas de conventions contraires expresses entre Évêques diocésains ou éparchiaux, il revient à celui qui a érigé la Mission dans laquelle l’Aumônier exerce son ministère de garantir qu’il bénéficie des mêmes conditions économiques et de sécurité sociale que les autres Prêtres du Diocèse ou de l’Éparchie.
Art. 10 L’Aumônier/Missionnaire des migrants, pendant toute la durée de sa charge, est soumis à la juridiction de l’Évêque diocésain ou éparchial qui a érigé la Mission dans laquelle il exerce sa charge, aussi bien pour l’exercice du ministère que pour le respect de la discipline ecclésiale.
Art. 11 § 1. Dans les pays où les Aumôniers/Missionnaires des migrants de même langue sont nombreux, il est recommandé que l’un d’eux soit nommé Coordinateur national. § 2. Étant donné que le Coordinateur est chargé de la coordination du ministère et qu’il est au service des Aumôniers/Missionnaires œuvrant dans un pays donné, il agit au nom de la Conférence épiscopale ad quam, qui, par son Président, lui donne sa mission, après consultation préalable de la Conférence épiscopale a qua. § 3. Le Coordinateur, en général, doit être choisi parmi des Aumôniers/ Missionnaires de la même nationalité ou langue. § 4. En raison de sa charge, le Coordinateur ne jouit pas de pouvoir de juridiction. § 5. Le Coordinateur a le devoir d’entretenir des relations, pour une bonne coordination, avec les Évêques diocésains ou éparchiaux du pays a quo ainsi qu’avec ceux du pays ad quem. § 6. Il est recommandé de consulter le Coordinateur en cas de nomination, déplacement ou retraite d’Aumôniers/Missionnaires ainsi qu’en cas d’érection d’une nouvelle Mission.
Art. 12 § 1. Tous les Instituts dans lesquels se trouvent des Religieux provenant de différents pays peuvent contribuer grandement à l’assistance aux migrants. Les Autorités ecclésiastiques favoriseront par ailleurs l’activité de ceux qui, après avoir prononcé des vœux, se consacrent à l’apostolat spécifique en faveur des migrants ou ont acquis une grande expérience dans ce domaine. § 2. On devra apprécier et valoriser l’aide offerte par les Instituts féminins religieux en faveur de l'apostolat des migrants. Dans le respect total de leurs droits propres et tenant compte de leurs obligations et de leurs charismes, l’Évêque veillera donc à ce que ces Instituts ne manquent pas de l’assistance spirituelle et des moyens matériels nécessaires à leur mission.
Art. 13 § 1. En règle générale, dès lors qu’un Évêque diocésain ou éparchial entend confier la charge des migrants à un Institut religieux, il veillera à établir une convention écrite, dans le respect des normes canoniques habituelles, avec le Supérieur de l’Institut. Si plusieurs diocèses ou éparchies sont concernés, la convention devra être signée par chaque Évêque diocésain ou éparchial, restant sauf le rôle de coordination de ces initiatives qui revient à la Commission ad hoc de la Conférence épiscopale ou des structures hiérarchiques correspondantes des Églises orientales catholiques. § 2. Si la charge pastorale des migrants est confiée à un seul Religieux, il faut également obtenir l’accord préalable de son Supérieur et établir une convention écrite, en procédant, toute distinction étant faite, de la même manière qu’indiquée à l’art. 5 pour les Prêtres séculiers.
Art. 14 Dans leur apostolat auprès des migrants et des personnes en déplacement, tous les Religieux sont tenus de suivre les dispositions de l’Évêque diocésain ou éparchial. Toutes les œuvres et initiatives en faveur des migrants, y compris celles des Instituts ayant pour apostolat spécifique l’aide aux migrants, sont soumises à l’autorité et à la direction de l’Évêque diocésain ou éparchial, restant sauf le droit des Supérieurs d’exercer une vigilance sur la vie religieuse de leurs confrères et sur leur zèle dans l’accomplissement de leur ministère.
Art. 15 Tout ce qui, dans ce chapitre, concerne les Religieux, est à appliquer, toute distinction étant faite, aux Sociétés de Vie apostolique ainsi qu’aux Instituts séculiers.
Art. 16 § 1. L’Évêque diocésain ou éparchial doit faire preuve d’une sollicitude particulière à l’égard des fidèles migrants, notamment en soutenant l’action pastorale déployée en leur faveur par les Curés et les Aumôniers/Missionnaires des immigrés, en demandant l’aide nécessaire aux Églises d’origine et aux autres Institutions spécialisées dans l’assistance spirituelle aux migrants et en pourvoyant à la mise en place des structures pastorales les plus adaptées aux circonstances et aux besoins pastoraux. S’il s’avère nécessaire, l’Évêque diocésain ou éparchial nommera un Vicaire épiscopal chargé de diriger la pastorale relative aux migrants ou bien créera un Bureau spécial pour les migrants eux-mêmes près de la Curie diocésaine ou éparchiale. § 2. Puisque l’assistance spirituelle des fidèles est, in primis, du ressort de l’Évêque diocésain ou éparchial, il lui incombe d’ériger des paroisses personnelles et des Missions avec charge d’mes ainsi que de nommer les Aumôniers/Missionnaires. L’Évêque diocésain ou éparchial veillera à ce que le Curé de la paroisse territoriale et les prêtres chargés des migrants travaillent dans un esprit de collaboration et de bonne entente. § 3. L’Évêque diocésain ou éparchial, selon les normes du can. 383 du CIC et du can. 193 du CCEO, pourvoira à l’assistance spirituelle des migrants d’une autre Église sui iuris, favorisant l’action pastorale des Prêtres du même rite ou d’autres Prêtres, conformément aux normes canoniques en vigueur.
Art. 17 § 1. Envers les immigrés chrétiens qui ne sont pas en pleine communion avec l’Église catholique, l’Évêque diocésain ou éparchial agira dans la charité, favorisant l’œcuménisme tel que le comprend l’Église et proposant à ces immigrés le secours spirituel possible et nécessaire, conformément aux normes relatives à la communicatio in sacris et aux légitimes desiderata de leurs Pasteurs. § 2. L’Évêque diocésain ou éparchial considérera que les immigrés non baptisés lui ont aussi été confiés par le Seigneur et, dans le respect de la liberté de conscience, il leur donnera la possibilité de parvenir à la vérité qui est le Christ.
Art. 18 § 1. Les Évêques diocésains ou éparchiaux des pays a quibus avertiront les Curés de la grave responsabilité qui leur incombe de donner à tous leurs fidèles une formation religieuse leur permettant, le cas échéant, de faire face aux difficultés liées à un départ vers l’émigration. § 2. Les Évêques diocésains et éparchiaux des lieux a quibus s’efforceront de trouver des Prêtres diocésains/éparchiaux, aptes à mener une pastorale avec les émigrés. Ils ne devront pas négliger de se mettre en relation étroite avec la Conférence épiscopale ou les structures hiérarchiques respectives de l’Église Orientale catholique de la Nation ad quam pour apporter leur soutien à la pastorale. § 3. Même dans les diocèses/éparchies ou les régions où une spécialisation des séminaristes dans le domaine des migrations n’est pas immédiatement nécessaire, les problèmes de la mobilité humaine devront faire de plus en plus partie du cursus général de l’enseignement théologique et plus particulièrement de la théologie pastorale.
Art. 19 § 1. Dans les pays d’où part et où arrive un nombre important de migrants, les Conférences épiscopales et les structures hiérarchiques compétentes des Églises orientales catholiques doivent former une Commission nationale spéciale pour les migrations. Elle devra avoir son Secrétaire, qui en général assumera la fonction de Directeur national pour les migrations. Il est fortement conseillé que fassent partie de cette Commission des Religieux, comme experts, spécialement des Religieux qui se consacrent à l’aide aux migrants, ainsi que des Laïcs ayant des compétences dans ce domaine. § 2. Dans les autres pays où le nombre de migrants est moins important, les Conférences épiscopales ou les structures hiérarchiques respectives des Églises orientales catholiques désigneront un Évêque promoteur, pour leur assurer l’assistance adéquate. § 3. Les Conférences épiscopales et les structures hiérarchiques respectives des Églises orientales catholiques communiqueront au Conseil pontifical pour la Pastorale des migrants et des personnes en déplacement la composition de la Commission évoquée au paragraphe 1, ou le nom de l’Évêque promoteur.
Art. 20 § 1. Il revient à la Commission pour les migrations ou à l’Évêque promoteur de : 1) s’informer sur l’évolution du phénomène migratoire dans le pays et transmettre les données utiles aux Évêques diocésains/éparchiaux en relation aussi avec les Centres d’Études migratoires; 2) animer et stimuler les Commissions diocésaines concernées qui, à leur tour, joueront ce rôle auprès des Commissions paroissiales chargées du phénomène plus large de la mobilité humain; 3) accueillir les demandes d’Aumôniers/Missionnaires émises par les Évêques diocésains ou éparchiaux des Églises/Éparchies d’immigration et proposer aux Évêques des Prêtres pour ce ministère; 4) proposer à la Conférence épiscopale et aux structures hiérarchiques respectives des Églises orientales catholiques, s’il y a lieu, la nomination d’un Coordinateur national pour les Aumôniers/ Missionnaires; 5) établir les contacts nécessaires avec les Conférences épiscopales et les structures hiérarchiques respectives des Églises orientales catholiques concernées; 6) établir les contacts nécessaires avec le Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en déplacement, et transmettre les indications qu’on reçoit de lui aux Évêques diocésains ou éparchiaux; 7) envoyer au Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en déplacement, à la Conférence épiscopale et aux structures hiérarchiques respectives des Églises orientales catholiques, ainsi qu’aux Évêques diocésains ou éparchiaux, le rapport annuel sur la situation de la pastorale des migrants. § 2. Il revient au Directeur national de: 1) favoriser de manière générale, aux termes notamment de l’art. 11, les rapports entre les Évêques de son pays et la Commission nationale/spécifique ou l’Évêque promoteur; 2) rédiger le rapport dont il est question au n. 7 du § 1 du présent article.
Art. 21 Pour sensibiliser l’ensemble des fidèles aux devoirs de fraternité et de charité à l’égard des migrants, et recueillir les fonds économiques nécessaires à leurs obligations pastorales envers les migrants, les Conférences épiscopales et les structures hiérarchiques respectives des Églises orientales catholiques fixeront la date d’une Journée (ou Semaine) du migrant et du réfugié au temps et de la manière les plus adaptés aux circonstances locales, dans l’attente d’une célébration souhaitée à date fixe.
LE CONSEIL PONTIFICAL POUR LA PASTORALE DES MIGRANTS ET DES PERSONNES EN DÉPLACEMENT Art. 22 § 1. Il revient au Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en déplacement diriger «la sollicitude pastorale de l’Église à l’égard des besoins particuliers de ceux qui ont été contraints de quitter leur patrie ou qui n’en ont pas; de même, il s’efforce de suivre avec l’attention nécessaire les questions relatives à ce domaine» (PB 149). Par ailleurs, «le Conseil veille à ce que, dans les Églises particulières, soit offerte une assistance spirituelle efficace et appropriée, le cas échéant par le moyen de structures pastorales opportunes, soit aux réfugiés et aux exilés, soit aux migrants» (PB 150,1), restant sauves la responsabilité pastorale des Églises locales et les compétences des autres Organismes de la Curie romaine. § 2. Il revient au Conseil Pontifical, entre autre, de: 1) étudier les rapports envoyés par les Conférences épiscopales et les structures hiérarchiques respectives des Églises orientales catholiques ; 2) émettre des instructions, selon les termes du can. 34 du CIC, faire des propositions, encourager des initiatives, des activités et des programmes, et développer les structures et les institutions s’occupant de la pastorale des migrants; 3) favoriser l’échange d’informations entre les différentes Conférences épiscopales ou provenant des structures hiérarchiques correspondantes des Églises orientales catholiques, et faciliter leurs contacts, surtout en ce qui concerne le déplacement de Prêtres d’un pays à l’autre pour la pastorale des migrants; 4) suivre, encourager, et animer l’activité pastorale de coordination et d’harmonisation des Organismes régionaux ou continentaux de communion ecclésiale; 5) étudier les différentes situations pour voir s’il y a lieu, à un endroit donné, de créer des structures pastorales spécifiques pour les migrants (cf. numéro 24, note 23); 6) favoriser les relations entre les Instituts religieux donnant une assistance spirituelle aux migrants et les Conférences épiscopales ou les structures hiérarchiques respectives des Églises orientales catholiques, et suivre leur action, restant sauves les compétences de la Congrégation pour les Instituts de Vie consacrée et les Sociétés de Vie apostolique en ce qui concerne l’observance de la vie religieuse et les compétences de la Congrégation pour les Églises orientales; 7) encourager les initiatives œcuméniques utiles et nécessaires, et y participer, en vue d’une collaboration œcuménique juste et profitable avec le Conseil Pontifical pour la promotion de l’Unité des Chrétiens, dans le domaine des migrations; 8) encourager les initiatives qui seront jugées nécessaires et avantageuses pour le dialogue avec des groupes migrants non chrétiens, en accord avec le Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux.
Nonobstant toutes choses contraires. Le 1er mai 2004, mémoire de saint Joseph Travailleur, le Saint-Père a approuvé la présente Instruction du Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en déplacement et en a autorisé la publication. Rome, du siège du Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en Déplacement, le 3 mai de l’an 2004, en la fête des Saints Philippe et Jacques, Apôtres.
Stephen Fumio Cardinale Hamao Agostino Marchetto
Sigles e abréviations
AA Apostolicam Actuositatem (Concile Vatican II) AAS Acta Apostolicae Sedis AG Ad Gentes (Concile Vatican II) CCEO Codex Canonum Ecclesiarum Orientalium CD Christus Dominus (Concile Vatican II) CfL Christifideles Laici (Pape Jean Paul II) CIC Codex Iuris Canonici CMU Chiesa e mobilità umana (Église et Mobilité Humaine) (Commission Pontificale pour la Pastorale des Migrations et du Tourisme) DPMC De Pastorali Migratorum Cura, "Nemo est" (Congrégation pour les Evêques) EA Ecclesia in America (Pape Jean Paul II) EE Ecclesia de Eucharistia (Pape Jean Paul II) EEu Ecclesia in Europa (Pape Jean Paul II) EN Evangelii Nuntiandi (Pape Paul VI) EO Ecclesia in Oceania (Pape Jean Paul II) EV Enchiridion Vaticanum GS Gaudium et Spes (Concile Vatican II) LG Lumen Gentium (Concile Vatican II) Message Message pontificale pour la Journée mondiale des migrants et des réfugiés MR Mutuae Relationes (Congrégation pour les Religieux et les Instituts Séculiers et Congrégation pour les Evêques) NMI Novo Millennio Ineunte (Pape Jean Paul II) OE Orientalium Ecclesiarum (Concile Vatican II) OR L'Osservatore Romano PaG Pastores Gregis (Pape Jean Paul II) PB Pastor Bonus (Pape Jean Paul II) PdV Pastores dabo vobis (Pape Jean Paul II) PG Patrologia Graeca, Migne PL Patrologia Latina, Migne PO Presbyterorum Ordinis (Concile Vatican II) PT Pacem in Terris (Pape Jean XXIII) RH Redemptor Hominis (Pape Jean Paul II) RMa Redemptoris Mater (Pape Jean Paul II) RMi Redemptoris Missio (Pape Jean Paul II) SC Sacrosanctum Concilium (Concile Vatican II) [1] Jean-Paul II Message pour la Journée mondiale de la paix 2001 Dialogue entre les cultures pour une civilisation d’amour et de paix, n. 12: AAS XCIII (2001), p. 241 ; cf. aussi Jean-Paul II Lettre apostolique Novo millennio ineunte, n. 55: AAS XCIII (2001), p. 306. [2] Commission Pontificale pour la Pastorale des Migrations et du Tourisme, Lettre circulaire aux Conférences épiscopales Église et mobilité humaine, n. 8, AAS LXX (1978), p. 362. [3] Cf. Jean-Paul II, Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Europa, n. 8 : AAS XCV (2003), p. 655 et Exhortation apostolique post-synodale Pastores gregis, nn. 69; 72 : OR 17 octobre 2003, p.12. [4] Cf. Jean-Paul II, «Angelus Domini» du dimanche 6 juillet 2003 : OR 7-8 juillet 2003, p.1. [5] La Convention fait également référence à d’autres Conventions déjà existantes, toujours dans un cadre international, et dont les principes et les droits peuvent en toute cohérence s’appliquer à la personne des migrants. Elle évoque notamment les Conventions sur l’esclavage, celles contre la discrimination dans le domaine de l’éducation et contre toute forme de discrimination raciale, les pactes internationaux sur les droits civils et politiques, ceux sur les droits économiques, sociaux et culturels ainsi que la Convention contre la discrimination de la femme, et celle contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. Il est aussi fait référence à la Convention sur les droits de l’enfance et à la Déclaration de Manille du IVe Congrès des Nations Unies sur la prévention du crime et le traitement des transgresseurs. Il convient par ailleurs de souligner que même les pays qui n’ont pas ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille sont tenus d’observer les Conventions citées précédemment, dans le cas naturellement, où ils les ont ratifiées et y ont pleinement adhéré. Pour les droits des migrants dans la société, consulter, par exemple, au niveau ecclésial, l’encyclique de Jean-Paul II Laborem exercens, n. 23 : AAS LXXIII (1981), pp. 635-637. [6] Cf. Message 2003, in OR 2-3 décembre 2002, p.7. [7] Cf. Concile œcuménique Vatican II, Constitution pastorale sur l’Église dans le monde de ce temps Gaudium et Spes, Préambule, nn. 22, 30-32 : AAS LVIII (1966), pp. 1025-1027, 1042-1044, 1049-1051 ; Constitution dogmatique sur l’Église Lumen Gentium, nn. 1, 7 et 13: AAS LVII (1965), pp. 5, 9-11, 17-18; Décret sur l’Apostolat des Laïcs Apostolicam Actuositatem, n. 14: AAS LVIII (1966), pp. 850ss ; Jean XXIII, Encyclique Pacem in terris, 1ère partie: AAS LV (1963), pp. 259-269 ; Conseil pontifical Cor Unum et Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en Déplacement, Les réfugiés, un défi à la solidarité, EV 13, (1991-1993), pp. 1019-1037 ; Commission pontificale Justice et Paix, Self-reliance : compter sur soi : EV 6 (1977-1979), pp. 510-563 et Conseil pontifical Justice et Paix, L’Église face au racisme, 1988, EV 11 (1988-89), pp. 906-943. [8] Message 1999, 3, in OR 21 février 1999, p.7. [9] Cf. Jean-Paul II, Lettre encyclique Redemptoris Mater, 25 : AAS LXXIX (1987), p. 394. [10] Cf. Lettre à Diognète 5.1, citée dans le Message 1999, 2 : l. c., 7. [11] Cf. Clément de Rome, Lettre aux Corinthiens, X-XII : PG 1, 228-233 ; Didaché, XI,1 ; XII, 1-5 ed. F.X FUNK, 1901, pp. 24, 34 ; Constitutions apostoliques, VII, 29, 2, ed. F.X FUNK, 1905, p.418 ; Justin, Apologie I, 67 : PG 6, 429 ; Tertullien, Apologétique, 39 : PL 1, 471 ; Tertullien, De praescriptione haereticorum, 20 : PL 2,32 ; Augustin, Sermon 103, 1-2. 6 : PL 38, 613-615. [12] Cf. Jean-Paul II, Encyclique Redemptoris missio, n. 20 : AAS LXXXIII (1991), p. 267. [13] Rappelons, sans être exhaustifs, les interventions de la Société Salésienne de Saint Jean Bosco en Argentine, les initiatives de Sainte Francesca Saverio Cabrini, en particulier en Amérique du Nord, celles de deux congrégations religieuses fondées par le bienheureux évêque Giovanni Battista Scalabrini, l’œuvre Bonomelli, en Italie et la St. Raphaels-Verein en Allemagne ainsi que de la Société du Christ pour les émigrés fondée par le Card. August Hlond en Pologne. [14] Cf. Sacra Congregatio Consistorialis, Decretum de Sacerdotibus in certas quasdam regiones demigratibus Ethnografica studia: AAS VI (1914), pp. 182-186. [15] Cf. Sacra Congregatio Consistorialis, Decretum de Clericis in certas quasdam regiones demigratibus Magni semper: AAS XI (1919), pp. 39-43. [16] AAS XLIV (1952), pp. 649-704. [17] L’Encyclique Pacem in Terris, dans sa première partie, rappelle le droit d’émigrer et d’immigrer : «Tout homme à droit à la liberté de mouvement et de séjour à l’intérieur de la communauté politique dont il est le citoyen ; il a aussi le droit moyennant des motifs valables, d’immigrer dans d’autres communautés politiques et de s’y installer» : l. c., 263. [18] Concile œcuménique Vatican II, Décret sur la charge pastorale des Évêques Christus Dominus, n. 18: AAS LVIII (1966), p. 682. En ce qui concerne les dispositions, cf. Pie X, Motu Proprio Iam pridem: AAS VI (1914), pp. 173ss.; Pie XII, Exsul Familia, surtout la partie normative: l. c., 692-704 ; Sacra Congregatio Consistorialis, Leges Operis Apostolatus Maris, auctoritate Pii Div. Prov. PP XII conditae: AAS L (1958), pp. 375-383. [19] Cf. Message 1993, 6: OR 2 août 1992, p.5. [20] Paul VI, Motu proprio Pastoralis migratorum cura: AAS LXI (1969), pp. 601-603. [21] Instruction de la Congrégation pour les évêques De Pastoralis migratum cura (Nemo est) : AAS LXI (1969), pp. 614-643. [22] Cf. Chiesa e Mobilità umana, l. c., 357-378. [23] Cf. CIC can. 294; Jean-Paul II, Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in America, n. 65, note 237 : AAS XCI (1999), p. 800 et Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Europa, n. 103, note 166, l. c., 707. [24] Cf. Constitution apostolique Sacri canones: AAS LXXXII (1990), p. 1037. [25] Pour les dispositions normatives particulières concernant les Églises orientales catholiques, dans le contexte présent, cf. CCEO, can. 315 (sur les exarchats et les exarques, les can. 911 et 916 (sur le statut de l’étranger et de l’Ordinaire du lieu, de l’Ordinaire de droit propre et du curé de droit propre) , le can. 986 (sur le pouvoir de gouvernement), le can. 1075 (sur le for compétent) et le can. 1491 (sur les lois, les coutumes et les actes administratifs). [26] Jean-Paul II, Exhortation apostolique Familiaris consortio, n. 77 : AAS LXXIV (1982), p. 176. [27] Cf. Instruction de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique Repartir du Christ. Un engagement renouvelé de la vie consacrée au troisième millénaire, nn. 9, 35, 36, 37 et 44 : OR 15 juin 2002, Supplément pp. III, IX, X. [28] Jean-Paul II, Encyclique Redemptor Hominis, n. 14 : AAS LXXI (1979), pp. 284-286. [29] Cf. en particulier Message 1992 : OR 11 septembre 1991, p.5 et ceux de 1996 : OR 6 septembre 1995, p.6 et de 1998 : OR 21 novembre 1997, p.4. [30] Cf. Message 1993: 2, l. c., 5. [31] Cf. Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en Déplacement, Discours du Saint-Père, 2: Actes du IVe Congrès mondial sur la Pastorale des Migrants et des Réfugiés (5-10 octobre 1998), Cité du Vatican 1999, p.9. [32] Cf. Message 1996 : OR 6 septembre 1995, p. 6. [33] Message 1988, 3b : OR 4 septembre 1987, p.5. [34] Cf. Message 1990, 5 : OR 22 septembre 1989, p. 5 et ceux de 1992, 3, 5-6 : l. c., 5 et de 2003 : OR 2-3 décembre 2002, p.7. [35] Cf. Message 1987 : OR 21 septembre 1986, p.5 et celui de 1994 : OR 17 septembre 1993, p.4. [36] Giovanni Battista Scalabrini, Mémoire pour la constitution d’une commission pontificale Pro emigratis catholicis (4 mai 1905): S. Tomasi et G. Rosoli, «Scalabrini e le migrazioni moderne. Scritti e carteggi», Turin 1997, p.233. [37] Jean-Paul II, Constitution apostolique sur la Curie romaine Pastor Bonus, 149-151: AAS LXXX (1988), pp. 899-900. [38] Jean-Paul II, Discours aux membres de la Commission Catholique Internationale pour les Migrations, 4: OR 12-13 novembre 2001, p.6. [39] Ibidem. [40] L’Exhortation apostolique de Paul VI Evangelii nuntiandi (n.20) fait particulièrement état de ce besoin d’évangéliser les cultures. Il y est dit : «Il importe d’évangéliser … la culture et les cultures de l’homme, dans le sens riche et large que ces termes ont dans Gaudium et spes (GS 53), partant toujours de la personne et revenant toujours aux rapports des personnes entre elles et avec Dieu. L’Evangile et donc l’évangélisation ne s’identifient pas avec la culture, et sont indépendants à l’égard de toutes les culture. Et pourtant le Règne que l’Évangile annonce est vécu par des hommes profondément liés à une culture, et la construction du Royaume ne peut pas ne pas emprunter des éléments de la culture et des cultures humaines» : AAS LXVIII (1976), pp. 18-19. [41] Cf. aussi Congrégation pour la Doctrine de la Foi Lettre aux évêques sur certains aspects de l’Église entendue comme communion, nn. 8-9: AAS LXXXV (1993), pp. 842-844. [42] Cf. du Concile œcuménique Vatican II, Décret sur l’activité missionnaire de l’Église, Ad Gentes, n.11 : AAS LVIII (1966), pp. 959-960. [43] Ibidem n.38: l. c., 986. [44] Cf. Concile œcuménique Vatican II, Décret sur le ministère et la vie des prêtres Presbyterorum ordinis, nn. 2 et 6: AAS LVIII (1966), pp. 991-993, 999-1001 et la Constitution sur la Liturgie Sacrosanctum Concilium, n.47: AAS LVI (1964), pp. 97-138, ainsi que GS 66. [45] Cf. Instruction interdicastérielle sur certaines questions concernant la collaboration des Laïcs au ministère des Prêtres Ecclesiae de mysterio: AAS LXXXIX (1997), pp. 852-877 et PaG 51 et 68. [46] Dans le chapitre 15 de la Lettre aux Romains, le devoir d’accueil nous est présenté dans des traits saillants que nous rappelons en le qualifiant. L’hospitalité doit donc être «chrétienne», profonde, et venir du cœur (« Dieu … vous accorde d’avoir les uns pour les autres les mêmes sentiments, à l’exemple du Christ Jésus: v. 5) ; elle doit être généreuse et gratuite, et non intéressée ou possessive (« Le Christ n’a pas recherché ce qui lui plaisait … mais il s’est fait serviteur» : v. 3 et 8), bienfaisante et édifiante («Que chacun d’entre nous plaise à son prochain, pour le bien, en vue d’édifier» : v. 2), attentive aux plus faibles («C’est un devoir pour nous les forts de porter les faiblesses de ceux qui n’ont pas cette force et de ne point rechercher ce qui nous plaît» : v. 1). [47] Cf. Message 1992, 3-4 : l. c., 5 et PaG 65. [48] Cf. Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Christifideles laici n. 23 : AAS LXXXI (1989), pp. 429-433, RMi 71 et PaG 40. [49] Jean-Paul II, Lettre Apostolique sur la sanctification du dimanche Dies Domini, n.53: AAS XC (1998), p. 747 ; cf. Congrégation pour le Culte Divin, Directoire pour les célébrations dominicales en l’absence de prêtre Christi Ecclesia, 18-50: EV 11 (1988-1989), pp. 452-468 et l’Instruction interdicastérielle Ecclesiae de mysterio, 4 et art. 7 : l. c., 860, 869-870. [50] Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, Directoire sur la piété populaire et la Liturgie. Principes et orientations, Cité du Vatican 2002 et Commission théologique internationale, Foi et inculturation, troisième partie, Problèmes actuels d'inculturation, nn.2-7 : EV 11 (1988-89), pp. 876-878. [51] Cf. Concile œcuménique Vatican II, Décret sur les Églises orientales catholiques Orientalium Ecclesiarum, nn. 4 et 6 : AAS LVII (1965), pp. 77-78. [52] Cf. Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements, De Benedictionibus, Cité du Vatican 1985. [53] Cf. Message 1991 : OR 15 août 1990, p. 5 ; Secrétariats pour l’Union des Chrétiens, pour les non-Chrétiens et pour les non-Croyants et Conseil Pontifical pour la culture, Le phénomène des sectes ou des nouveaux mouvements religieux : un défi pastoral, Cité du Vatican 1986 ; et Sectes et nouveaux mouvements religieux : textes de l’Église catholique, (1986-1994), (par le groupe de travail sur les nouveaux mouvements religieux), Cité du Vatican 1995. Au sujet du «New Age», cf. Conseils Pontificaux pour la Culture et pour le Dialogue interreligieux, Jésus-Christ le porteur d’eau vive. Une réflexion chrétienne sur le «New Age», Cité du Vatican 2003. [54] Concernant les dispositions pour la coordination des différents rites sur un même territoire, cf. CCEO, can. 202, 207 et 322. [55] Conseil Pontifical pour la promotion de l’Unité des Chrétiens, Directoire pour l’application des principes et des normes sur l’œcuménisme, n. 137 : AAS LXXXV (1993), p. 1090. [56] Jean-Paul II, Encyclique Ecclesia de Eucharistia, n. 45: OR 18 avril 2003, p.5. Le Saint Père affirme à ce propos, pour les catholiques, en faisant référence à l’Encyclique Ut unum sint : «Réciproquement, dans des cas déterminés et pour des circonstances particulières, les catholiques peuvent aussi recourir pour ces mêmes sacrements aux ministres des Églises dans lesquelles ils sont valides» (n. 46: AAS LXXXVII [1995], p. 948). Il convient d'être très attentif à ces conditions, qui ne souffrent pas d'exception, bien qu'il s'agisse de cas particuliers biens déterminés, car à cause du refus d'une ou de plusieurs vérités de foi sur ces sacrements, et, parmi elles, de celle qui concerne la nécessité du sacerdoce ministériel … un fidèle catholique ne pourra pas recevoir la communion dans une communauté qui n'a pas de sacrement de l'Ordre valide» (EE 46). [57] Conseil Pontifical pour la promotion de l’Unité des Chrétiens, Directoire pour l’application des principes et des normes sur l’œcuménisme, n. 107 : l. c., 1083. [58] Cf. RMi 37b, 52, 53, 55-57 : l. c., 283, 299, 300, 302-305. [59] Cf. Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux et Congrégation pour l’Évangélisation des Peuples, Instruction Dialogue et Annonce, nn. 42-50 : AAS LXXXIV (1992), pp. 428-431. [60] Dans les écoles avec cantine, il faudra tenir compte des règles alimentaires des élèves, à moins que les parents déclarent y renoncer. L’école devra par ailleurs proposer aux parents, notamment à ceux appartenant à d’autres religions, des temps de dialogues sur les activités communes. [61] Jean-Paul II, Exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Oceania, n. 45: AAS XCIV (2002), pp. 417-418. [62] Cf. Concile œcuménique Vatican II, Déclaration sur les relations de l’Église avec les religions non chrétiennes Nostra aetate, nn. 3-5 : AAS LVIII (1966), pp.740-744, et EEu 57. [63] Cf. aussi, Secrétariat pour les non Chrétiens, La position de l’Église face aux pratiquants d’autres religions, n.32 : OR 11-12 juin 1984, p. 4. [64] Cf. Message 2002, 3: OR 19 Octobre 2001, p. 5. [65] Congrégation pour l’Éducation catholique, Lettre circulaire Le phénomène de la mobilité, aux Ordinaires diocésains et aux recteurs de leurs séminaires concernant la pastorale de la mobilité humaine dans la formation des futurs prêtres (1986), Annexe, 3: EV 10 (1986-87), p. 14. [66] Ibidem 4. [67] Cf. Jean-Paul II, Exhortation apostolique post-synodale Pastores dabo vobis, n. 58: AAS LXXXIV (1992), p. 760. [68] Pour la définition du «Missionnaire» ou «Aumônier», cf. DPMC 35. Le nouveau Code utilise simplement le mot Cappellanus (cf. les can. 564-572). Pour le but spécifique de cette activité missionnaire cf. AG 6 ; concernant l’obligation d’un mandat de la part de l’Église cf. DPMC 36 ; pour les destinataires, à savoir les migrants, cf. DPMC 15 et la Lettre circulaire déjà évoquée Église et mobilité humaine, 2 : l. c., 358. Pour le concept de la pastorale des migrants cf. DPMC 15. [69] Cf. DPMC 37 et 42-43 [70] Cf. Congrégation pour les religieux et les Instituts séculiers et Congrégation pour les évêques. Directives sur les relations mutuelles entre évêques et religieux dans l’Église, Mutuae Relationes, nn. 11 et 12 : AAS LXX (1978), pp.480-481. [71] Cf. note 13. [72] Jean-Paul II, Exhortation apostolique post-synodale Vita consecrata, n.58: AAS LXXXVIII (1996), p.430 ; cf. EEu 42-43. [73] Cf. Congrégation des Religieux et Instituts séculiers et Conseil Pontifical pour la pastorale des Migrations et du Tourisme, Lettre conjointe à tous les Religieux et Religieuses du monde, People on the Move n. 48 (1987), pp. 163-166. [74] Cf. Congrégation des Religieux et Instituts séculiers et Commission Pontificale pour la pastorale des Migrations et du Tourisme. Invitation à l’engagement pastoral en faveur des migrants et des réfugiés, Instruction conjointe, n.11: SCRIS Informationes 15 (1989) 183-184; cf. AG 20 et DPMC 52, 53, 54. [75] Cf. Message 1988 : l. c., 5 ; Instruction Ecclesiae de mysterio, 4 : l. c., 860-861, et EEu 41. [76] Elles sont en général constituées de plusieurs paroisses appelées par l’Evêque à construire ensemble une «communauté missionnaire» efficace, opérant sur un territoire donné, en harmonie avec le plan pastoral diocésain. C’est finalement une forme de collaboration, de coordination inter-paroissiale (entre deux ou davantage de paroisses limitrophes). [77] Cf. Message 1996: OR 6 septembre 1995, p. 6. [78] Cf. PT, première partie: l. c., 265-266. [79] Cf. Ibidem, 266. [80] Message 1988, 3c: OR 4 septembre 1987, p. 5. [81] Cf. Message 2004: OR 24 décembre 2003, p. 5. |
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