Conseil Pontifical pour la Pastoral des Migrants et des Personnes en déplacement Rencontre sur la Pastoral du Tourisme dans les pays du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord Communiqué Final Fatqa, le 7/3/2003 Introduction 1. Le Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en Déplacement a tenu au Liban, en collaboration avec l’Assemblée des Patriarches et Evêques Catholiques, la Ière Rencontre sur la Pastorale du Tourisme dans les Pays du Moyen-Orient et du Nord de l’Afrique le 6 et 7 mars 2003 sous la présidence de Son Eminence le Patriarche Cardinal Mar Nasrallah-Pierre Sfeir, Président de l’Assemblée des Patriarches et Evêques Catholiques au Liban et de son Excellence Mgr Agostino Marchetto, Secrétaire du dit Conseil Pontifical.Leurs Béatitudes Nersès Bédros XIX, Catholicos Patriarche de Cilicie des Arméniens Catholiques et Michel Sabbah, Patriarche de Jérusalem des Latins, ainsi que 70 personnes dont des évêques, prêtres, religieux religieuses et laïcs de Chypre, Egypte, France, Grèce, Iraq, Jordanie, Liban, Libye, Maroc, Syrie, Terre-Sainte, Tunisie, Turquie, et du Saint-Siège y ont participé. L’objectif fondamentalde la Rencontre était celui de procéder à un échange d’expériences pour mieux connaître les diverses activités en relation avec la pastorale du tourisme dans les différents pays, dans une perspective d’avenir. 2. La Rencontre fut ouverte par la prière du matin suivie de la lecture du Message adressé par Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II aux participants à travers les bons offices du Cardinal Secrétaire d’Etat: «Le Saint-Père se réjouit des initiatives que peuvent prendre les participants afin de permettre aux pèlerins et aux touristes de toutes religions de découvrir un visage accueillant et fraternel de l’Eglise, et de leur donner l’occasion d’aller à la rencontre non seulement des sanctuaires chrétiens mais aussi des communautés chrétiennes d’aujourd’hui.Le Saint-Père souhaite que soit encouragé et développé, grâce au tourisme, le dialogue entre les croyants». L’allocution inaugurale fut prononcée par Sa Béatitude le Cardinal Sfeir.Après avoir adressé la bienvenue aux participants, il mit l’accent sur la grande importance du tourisme au niveau tant religieux qu’humain, n’oubliant pas l’aspect socio-économique, vu ses avantages et son utilité. Il dénonça d’autre part ses aspects négatifs quand il est utilisé à des fins illicites et rendu instrument d’exploitation de la nature (question écologique). Cette séance d’ouverture fut clôturée par le salut de bienvenue adressé par S. E. Mgr A. Marchetto.Il rappela les paroles du Pape Jean Paul II qui invite « les chrétiens, agents du tourisme ou simples touristes, à imprimer l’activité touristique par un esprit évangélique, à être donc des témoins de la paix et apporter la sérénité à ceux qu’ils rencontrent». Il souligna la dimension éthico-humaine du tourisme et celle d’ecclésialité du pèlerinage. Il remercia enfin le Cardinal Patriarche Sfeir pour l’accueil de cette Ière Rencontre, tous ceux qui se sont dévoués au travail de préparation et les participants des différents pays. 3. Le thème de la Pastorale du Tourisme, développé par S. E. Mgr A. Marchetto, détermina le cadre des réflexions de cette Première Rencontre.Il s’agit de prendre pleine conscience du phénomène, en général toujours croissant, du tourisme et du pèlerinage, d’abord pour l’accepter et ensuite pour formuler les principes de notre réponse pastorale. La tenue de cette Ière Rencontre pour les pays du Moyen-Orient et du Nord de l’Afrique, avec la présence d’observateurs, est distinguée par la marque de religion qui les caractérise et cela devrait faciliter le rôle du tourisme en vue d’offrir une ouverture des touristes à l’universalité et au vivre-ensemble en faveur de la liberté et de la paix dans la justice et l’amour. Prise de conscience, échange d’expériences et réponse pastorale avec perspectives d’avenir,tels furent les trois volets de cette Rencontre. Les participants prirent connaissance des principes qui doivent nous guider, de la situation et de la problématique du tourisme et du pèlerinage dans les pays des régions considérées; ils échangèrent leurs expériences dans les différents lieux et sanctuaires; ils formulèrent des suggestions en vue d’une réponse pastorale commune, en respectant les différences légitimes, en perspective d’avenir. I. Prise de conscience a. Les principes 4. Le thème, développé par S. E. Mgr Marchetto, sous le titre « La Pastorale du Tourisme dans la Mission Evangélisatrice de l’Eglise », lui donna l’occasion d’exposer les principes généraux conducteurs de la pastorale du tourisme et du pèlerinage. Le tourisme, un phénomène à caractère mondial avec ses différentes dimensions (économique, sociale, culturelle et religieuse), constitue en effet un défi important pour la mission de l’Eglise et crée de nouvelles possibilités pour son zèle apostolique. Les lignes principales de la pastorale du tourisme ont été déjà recueillies dans deux documents du Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en Déplacement, le «Directoire Général pour la Pastorale du Tourisme» et les «Orientations pour la Pastorale du tourisme». 5. Ces principes, qui manifestent l’apport possible du tourisme à la mission évangélisatrice de l’Eglise, aideront à insérer cette pastorale dans le contexte de la pastorale ordinaire des diocèses et des paroisses, exercée dans les pays de nos deux régions.En effet, le tourisme peut être un instrument de connaissance mutuelle, de respect des personnes, de dialogue entre cultures, civilisations et religions, de promotion de la paix et de la solidarité entre les hommes et les peuples. b. Situation et problématique 6. Pour une meilleure prise de conscience de l’important phénomène du tourisme qui est indiqué comme «un des nouveaux aréopages de l’évangélisation du monde contemporain», les participants écoutèrent des interventions et des communications sur la situation et les problèmes du tourisme et du pèlerinage dans les deux régions concernées. Une vision globale a été offerte avant tout sur le patrimoine religieux des pays intéressées et sur leurs valeurs spirituelles, artistiques, culturelles et socio-économiques qui interpellent aussi les communautés chrétiennes à le mieux connaître, protéger et mettre en valeur pour le développement intégral de l’homme et de la société humaine. Aussi, les participants ont pu mieux connaître les hauts lieux du christianisme dans leur région, qui font du Moyen-Orient le berceau des religions et des civilisations, devenu aujourd’hui terre de la haine et du sang. Nous pensons aux Lieux Saints ! Une triste vision des problèmes a été donnée aux participants par le tourisme et le pèlerinage réduits à néant, soit en Terre Sainte par le combat de feu et de fer qui s’y poursuit de longue date et constitue une honte pour l’humanité tout entière, soit en Iraq soumis à l’assaut du blocus depuis des années et aux menaces, aujourd’hui, d’une guerre qui pourrait être une catastrophe pour la région tout entière. Nul n’ignore les efforts que déploient le Saint Père, le Saint Siège, les Patriarches et les Evêques du monde entier pour épargner cette catastrophe à la région et au monde. II. Echange d’expériences 7. Les interventions, les communications et les ateliers de travail ont permis aux participants un large échange d’expériences relatives aux initiatives spirituelles, culturelles et socio-humaines qui se prennent dans les différents pays et lieux de pèlerinage, dans les deux régions, par la pastorale de l’accueil.Cette Rencontre au Liban leur a permis d’apprendre davantage. 8. En plus des célébrations eucharistiques, de l’administration du Sacrement de réconciliation et de la direction spirituelle des visiteurs, il faut aussi mentionner les pèlerinages à pieds, les processions, les bénédictions des enfants et des malades, les ordinations sacrées, les concerts religieux, les veillées de prière et les neuvaines d’adoration continue. 9. Une des expériences, qui caractérise ces régions, est le contact direct avec l’Islam et les autres religions asio-africaines.Ce qui favorise le vivre-ensemble, la découverte des valeurs communes, la connaissance mutuelle et l’apport des jeunes. Ainsi, les Eglises locales offrent une bonne opportunité de service aux Eglises sœurs d’Europe et du monde entier. En effet, beaucoup de non chrétiens effectuent fréquemment des visites aux sanctuaires, assistent aux célébrations liturgiques, se renseignent sur les lieux saints et échangent les valeurs religieuses communes avec le christianisme. Parmi les initiatives sur le plan interreligieux, l’on cite le Mouvement de pèlerinages islamo-chrétiens (la Route de Marie) qui organise des rencontres et des échanges à l’intérieur d’une démarche où des chrétiens et des musulmans entreprennent des pèlerinages sur les pas de Marie qui est considérée comme un pont entre le Christianisme et l’Islam. On y ajoute l’initiative à caractère œcuménique et interreligieux (Al-Mada), qui est en cours de formation et se donne pour objectif de favoriser la connaissance mutuelle des personnes, des patrimoines, des Eglises, des religions et des sociétés, en vue de favoriser la communication, la solidarité et la paix. 10. Il est à noter aussi l’importance que jouent les mass-medias, radios et télévisions qui transmettent en direct ou par satellite les célébrations liturgiques et les manifestations religieuses. 11. D’autres expériences de type agricol et socio-humanitaire démontrent combien les lieux chrétiens de la région servent la diaconie de la charité et de l’hospitalité, en temps de paix et de guerre.D’autres témoignent de l’histoire, du patrimoine temporel et de l’apport culturel et artistique de l’Eglise, grâce à ses bibliothèques, à ses manuscrits et à ses icônes. III. Réponse pastorale avec perspectives d’avenir 12. Les ateliers de travail ont permis aux participants de réfléchir sur cinq points: les problèmes et les possibilités que suscite la présence des touristes chrétiens dans les pays à minorité chrétienne, les avantages et les inconvénients des nouvelles formes du tourisme, la conservation des biens culturels et la promotion de leur rôle, la formation des agents et des personnes qui travaillent dans le secteur du tourisme, les modalités de contact et de coopération avec les Eglises d’origine. 1) Les touristes chrétiens dans les pays à minorité chrétienne 13. Quelle que soit la forme du tourisme, culturelle ou religieuse, les touristes chrétiens devraient se rappeler qu’ils sont les hommes de la rencontre qui passe d’abord par l’acceptation et la reconnaissance de l’autre, par l’accueil et le dialogue.Il n’est pas suffisant de visiter des sites, aussi prestigieux et historiques soient-ils, en oubliant les communautés qui, actuellement, vivent et témoignent sur ces terres. Il faut qu’il y ait un engagement personnel qui les amène à partager, ne serait-ce que pendant un temps limité, la réalité de la vie de l’humanité d’aujourd’hui. 14. La visite d’un pays, où une religion non chrétienne forme toute la culture et la vie sociale, offre pour le moins l’occasion d’acquérir une information et une vision plus directe, Elle exige donc le respect des coutumes, des traditions et des sensibilités locales, ainsi que l’ouverture à une expérience nouvelle qui fait passer d’un simple contact informatif à une relation de communion et de solidarité.En effet, le tourisme constitue un instrument de connaissance et de dialogue entre les civilisations et les peuples, à travers la rencontre avec la nature, l’art, les traditions religieuses et la vie des communautés d’accueil. 2) Le pour et le contre des nouvelles formes de tourisme 15. En survolant les pays des deux régions intéressées, les participants examinèrent les différents types de tourisme qui s’y retrouvent. a) Le tourisme culturel est ici la forme de tourisme la plus répandue. Cependant la plupart des habitants des pays du Moyen-Orient et du Nord de l’Afrique ne connaissent pas leur propre pays. Ils ont besoin de faire eux-mêmes du tourisme culturel à l’intérieur des territoires nationaux. Une solution au niveau du système éducatif s’avère nécessaire. b) Le tourisme de jeunes souffrent du peu d’échanges et de va-et-vient entre les jeunes. Il est nécessaire de favoriser l’organisation de chantiers et d’activités pour promouvoir ces échanges. c) Le tourisme rural, qui ouvre à la découverte de l’âme des villages et des populations locales, est encore très peu développé dans ces pays, soit par manque d’organisation, soit pour raisons politiques. d) Le tourisme religieux et les pèlerinages trouvent dans les pays du Moyen-Orient et du Nord de l’Afrique d’énormes potentialités. Cependant, l’instabilité politique les ralentissent. Au niveau de l’organisation, il y a besoin de créer d’offices d’orientations pour les pèlerins, afin que leur pèlerinage soit un véritable chemin de foi qui se déroule à travers les lieux où Dieu s’est manifesté rappelant les hommes à la conversion et au salut. Les itinéraires religieux offrent une bonne occasion pour effectuer une catéchèse discrète et opportune. La sagesse pastorale consiste à dispenser à tous un accueil adéquat, adapté, cordial et respectueux, pour qu’ils puissent accéder peu à peu à la richesse salvatrice qu’offrent les lieux saints et les sanctuaires. Une attention particulière devrait être donnée au pèlerinage à la Terre Sainte. C’est un faitdouloureux de constater que les communautés chrétiennes de Terre Sainte ressentent l’absence des chrétiens comme une atteinte à la fraternité. En comparaison de l’efficacité des aides apportées par la diaspora juive ou musulmane, la solidarité entre communautés chrétiennes apparaît bien tiède. Or, il est urgent de permettre aux familles chrétiennes de rester sur leur terre et d’y prospérer, d’y vivre dans la dignité et le respect. Les droits au logement, à l’éducation, au travail, aux soins… appartiennent aux droits de l’Homme. Nous ne pouvons accepter passivement des zones de non-droit! Depuis le premier appel des disciples, des communautés chrétiennes vivent sur cette terre et témoignent d’une histoire sainte. Elles ne demandent qu’à y rester et à poursuivre leur mission, à vivre leur vocation de «petit troupeau». Nous ne pouvons pas nous résoudre à une “muséification” de cette terre et de ces communautés! 3) Le rôle des biens culturels 16. Si le rôle des Biens Culturels de l’Eglise est de témoigner de manière aussi vivante du passé chrétien, il nous faut réfléchir sur l’entretien des capacités d’exercice d’une telle fonction qui favorise le ressourcement et le rayonnement culturels et religieux. En ce sens, le patrimoine d’une Eglise locale reflète sa personnalité propre dans le cadre de l’Eglise Universelle ; il est preuve d’enracinement et facteur d’identité et d’attachement des personnes à leur communauté ; il est source de culture et de spiritualité; il exerce une force attractive tant sur les fidèles de telle Eglise, que sur d’autres dans la mesure où il révèle un fond commun de civilisation et se trouve chargé de valeurs universelles. Par conséquent se posent, dans la pratique de l’entretien du patrimoine, les questions de conservation de ces biens, de leur inclusion dans les itinéraires touristiques et de leur présentation. 17. La conservation et la restauration des biens culturels supposent un inventaire et une analyse estimatoire et sélective quant à leur valeur dans la mesure où ces biens seraient chargés d’art, d’histoire et de spiritualité; et quant au degré d’urgence déterminant un ordre de priorité dans un programme de conservation et de restauration. C’est pourquoi il s’avère nécessaire d’inscrire l’élément culturel et religieux dans un contexte local et dans une continuité historique et lui donner sa valeur. La présentationde ces biens exige les modalités suivantes :
- organiser des journées de sensibilisation à l’importance du patrimoine et obtenir la contribution des mass médias à cette campagne de sensibilisation;
- entretenir, créer et promouvoir des musées d’arts sacrés;
- fournir des publications spécialisées dans ce domaine ;
- établir pour cela des circuits touristiques et des pèlerinages bien étudiés en collaboration avec d’autres instances ;
- monter des programmes divers d’animation des lieux de pèlerinage, avec de structures d’accueil;
- assurer des séminaires d’étude apportant aux guides touristiques des compléments de formation et donc de compétence concernant le patrimoine religieux et chrétien.
18.Tout cela nous rejoint à reprendre une phrase de Sa Sainteté Jean Paul II: «La foi tend par sa nature à s’exprimer sous des formes artistiques et dans des témoignages historiques qui portent en eux une force évangélisatrice et une valeur culturelle auxquelles il convient que l’Eglise apporte la plus grande attention»(Lettre Apostolique «Inde a Pontificatus» du 25/3/93). 4) La formation 19. La formation des personnes qui travaillent dans le secteur du tourisme et du pèlerinage dans les pays du Moyen-Orient et du Nord de l’Afrique est indispensable.Cette formation devrait considérer le contenu, le lieu et la durée et exigerait le lancement de sessions pour une formation continue. L’on sent un manque de guides et d’accompagnateurs spécialisés et polyvalents quand il s’agit de groupes de pèlerins de différentes cultures et langues. Les participants suggèrent de demander aux universités et aux séminaires d’inclure le tourisme religieux et culturel dans les programmes de théologie et d’histoire de l’Eglise. Ils suggèrent aussi de généraliser les panneaux explicatifs dans les sanctuaires et les monastères. 5) Les contacts et la coopération avec les Eglises d’origine 20. Le tourisme religieux exige un engagement ecclésial pour promouvoir la communion entre les Eglises.En effet, c’est une Eglise locale qui vit et célèbre une ‘visitation’ auprès d’une autre Eglise locale et, ensemble, on se reconnaît membres d’un même Corps, guidés par le même Esprit, sauvés par le même Christ. Le Pape Jean-Paul II nous rappelle de respirer sur nos deux poumons : l’oriental et l’occidental. La rencontre et le partage avec les différentes communautés chrétiennes sont une source certaine d’enrichissement et d’enseignement. Nous y découvrons d’autres expressions liturgiques, d’autres formes de spiritualités, d’autres richesses artistiques qui alimentent l’héritage commun sur le quel nous devons veiller et dont nous sommes responsables de la vitalité et de la transmission. Les contacts directs et personnels avec les communautés des Eglises d’origine ont besoin d’être concrétisés par une sorte de partenariat qui amène à créer des espaces de rencontre au niveau de la foi, de la prière et de la communion. L’Opera Romana Pellegrinaggi, la Quo Vadis, l’A.N.D.D.P (Association nationale des directeurs diocésains de pèlerinage) et d’autres organisation similaires sont à même de répondre à cet enjeu ecclésial et pastoral. 21.Le But ultime qui restera est cette ouverture à l’universalité et au vivre-ensemble que nous devons mettre au service de la construction du Royaume de Dieu. |