L’APPROBATION DES LIVRES DESTINES A LA CATECHESE
Sacrée Congrégation pour la Doctrine de la foi Réponses à des doutes concernant l’interprétation du Décret Ecclesiae Pastorum.
Sont rendues publiques deux lettres, avec leurs annexes, envoyées d’une part au cardinal Silvio Oddi, Préfet de la S. C. pour le Clergé, et d’autre part à Mgr Jean Vilnet, président de la conférence des Evêques de France.
Les deux lettres sont précédées d’un préambule (1).
I.
A son Eminence Révérendissime le Cardinal Silvio Oddi,
Préfet de la Sacrée Congrégation pour le Clergé
Prot. 2221/67
7 juillet 1983
Monsieur le Cardinal,
Par lettre en date du 2 juillet 1982, vous avez présenté à notre Congrégation cinq questions relatives à l’interprétation des dispositions du décret Ecclesiae pastorum, art. 4 (2), sur l’approbation des ouvrages destinés à la catéchèse. Ce problème a été soumis à l’étude des Consulteurs et des Cardinaux membres de notre dicastère, qui l’ont examiné dans leurs réunions du 23 mars et du 22 juin. Les décisions ont été ensuite approuvées par le Saint-Père au cours des audiences du 26 mars et du 1er juillet. J’ai l’honneur de remettre maintenant à Votre Eminence les réponses aux cinq questions de la Sacrée Congrégation pour le Clergé, précédées d’un préambule, expressément voulu par les éminentissimes cardinaux, dans le but de rappeler les principes fondamentaux dont s’inspirent ces réponses (cf. Annexe).
Avec mes sentiments respectueux, j’assure Votre Eminence de mon profond dévouement dans le Seigneur.
Joseph Card. Ratzinger, préfet.
F. Jérôme Hamer, O.P., archevêque tit. de Lorium, secrétaire.
II
À Mgr Jean Vilnet,
président de la conférence des Evêques de France
Prot. 3331/67
7 juillet 1983
Excellence,
Par lettre en date du 3 août 1982, vous avez soumis officiellement à notre Congrégation une question relative à l’interprétation des dispositions sur l’Imprimatur des ouvrages de catéchèse, énoncées par l’article 4 du décret Ecclesiae pastorum.
Cette question a été soumise à l’examen des consulteurs et cardinaux membres de notre dicastère, qui l’ont traitée respectivement lors de leurs réunions des 23 mars et 22 juin dernier. L’approbation des décisions a été donnée par le Saint-Père au cours des audiences des 26 mars et 1er juillet.
Je suis maintenant en mesure de vous communiquer la réponse à la question posée (cf. Annexe). Comme vous le verrez, elle est précédée d’un préambule, expressément voulu par les éminentissimes cardinaux, qui rappelle les principes fondamentaux dont elle découle.
Veuillez agréer, Excellence, l’expression de mes sentiments de très respectueux dévouement dans le Seigneur.
Joseph Card. Ratzinger, préfet.
F. Jérôme Hamer, O.P., archevêque tit. de Lorium, secrétaire.
Annexe
Note préliminaire commune
Les diverses questions qui ont été posées sur la procédure pour l’approbation des publications de catéchèse concernent l’exercice de l’autorité, respectivement, du Siége Apostolique, des évêques diocésains et des conférences d’Evêques. (3) Aussi, avant de donner les réponses particulières, la S. Congrégation pour la Doctrine de la foi estime opportun d’indiquer les principes généraux d’ordre doctrinal, juridique et pastoral énoncés notamment dans le Directorium catechisticum generale de la S. C. pour le Clergé, du 11 avril 1971, n. 134 (AAS 64 [1972], p. 173) (4) ; dans le décret Ecclesiae pastorum de la S. C. pour la Doctrine de la Foi du 19 mars 1974, art. 4, § 1 (AAS 67 [1975], p. 283) ; et dans la Responsio de la S. C. pour la Doctrine de la Foi, du 25 juin 1980 (AAS 72 [1980], p. 756) (5) ; dans le canon 775 du nouveau Code de droit canonique (CIC) (6).
1. " Le Pontife romain [...] jouit, par institution divine, du pouvoir suprême, plénier, immédiat, universel pour la charge des âmes [...]. En sa qualité de pasteur de tous les fidèles envoyé pour assurer le bien commun de l’Eglise universelle et le bien de chacune des Eglises, il possède sur toutes les Eglises la primauté du pouvoir ordinaire " (Concile Vatican II, décret Christus Dominus, n. 2 ; nouveau CIC, can. 331).
À ce titre, il détermine pour l’Eglise universelle des normes en matière de catéchèse, qui, en application du Concile Vatican II, ont été énoncées dans le Directorium catechisticum generale (AAS 64 [1972], pp. 97-176) et rappelées pour une bonne part dans l’exhortation apostolique Catechesi tradendae (7).
2. " Les Evêques, établis par le Saint-Esprit, succèdent aux Apôtres comme pasteurs des âmes ; ils ont été envoyés pour assurer, en union avec le Pontife Romain et sous son autorité, la pérennité de l’œuvre du Christ ... Aussi ont-ils été constitués de vrais et authentiques maîtres de la foi, pontifes et pasteurs " (Christus Dominus, n. 2 ; cf. nouveau CIC, can. 375).
Comme le Souverain Pontife pour l’Eglise universelle, chaque Evêque pour son Eglise particulière exerce immédiatement, en vertu du ius divinum, le pouvoir d’enseigner (munus docendi). Aussi est-il, dans son diocèse, la première autorité responsable de la catéchèse dans le respect des prescriptions du Siège Apostolique (cf. can. 775, § 1 du nouveau CIC ; cf. également can. 827, § 1 ; Catechesi tradendae, n. 63).
3. La Conférence épiscopale est " une assemblée dans laquelle les prélats d’une nation ou d’un territoire exercent conjointement leur charge pastorale en vue de promouvoir davantage le bien que l’Eglise offre aux hommes, en particulier par des formes et des méthodes d’apostolat convenablement adaptées aux circonstances " (Christus Dominus, n. 38 ; nouveau CIC, can. 447).
Elle détient les pouvoirs qui lui sont reconnus par le droit (cf. Christus Dominus, n. 38, § 4 ; can. 455 du nouveau CIC), et ne peut déléguer son pouvoir législatif aux commissions ou autres organismes créés par elle (cf. réponse de la Commission d’interprétation des décrets du Concile Vatican II, 10 juin 1966) (8).
En ce qui concerne la catéchèse, demeurant sauf le droit propre de chaque Evêque (cf. can. 775, § 1 ; 827, § 1 du nouveau CIC), il est de la compétence de la Conférence épiscopale, si cela semble utile, de faire éditer, avec l’approbation du Siège Apostolique, des catéchismes pour son propre territoire (cf. can. 775, § 2 du nouveau CIC ; Directorium catechisticum generale, nn. 119 et 134).
4. L’action pastorale catéchétique doit se réaliser d’une manière efficace et coordonnée, dans le cadre d’une région, d’une nation ou même de plusieurs nations qui appartiennent à une même zone socioculturelle.
Ceci implique – dans le respect des compétences précédemment rappelées – une nécessaire entente entre Evêques diocésains, Conférence épiscopale et Siège Apostolique, dans une action commune à la fois fraternelle et respectueuse du principe de la collégialité.
Dubia a S. C. pro Clericis proposita
Q. I. – Après le Décret De Ecclesiae pastorum vigilantia circa libros (AAS 67 [1975], p. 283) et la précision ultérieure de la S. Congrégation pour la Doctrine de la Foi avec la réponse au doute concernant l’art. 4 (AAS 72 [1980], p. 756), les Conférences épiscopales nationales ou régionales peuvent-elles publier des catéchismes nationaux ou régionaux et des documents catéchétiques ayant valeur sur un plan extra-diocésain sans l’approbation préalable du Saint-Siège ?
R. NEGATIVE.
Observations :
Voir la réponse de la SCDF au doute cité dans la question, en conformité avec les nn. 119 et 134 du Directorium catechisticum generale, et surtout avec le canon 775 § 2 du nouveau CIC : " Episcoporum conferentiae est, si utile videatur, curare ut catechismi pro suo territorio, praevia Sedis Apostolicae approbatione, edantur "
Q. II – Sans l’approbation préalable du Saint-Siège, les conférences d’Evêques peuvent-elles proposer et diffuser des catéchismes au niveau national pour " la consultation et l’expérimentation " ?
R. NEGATIVE.
Observations :
a) En ce qui concerne l’expérimentation : on ne peut admettre la publication de catéchismes " ad experimentum " : les catéchismes destinés à une nation entière doivent présenter déjà quant au contenu et à la méthode une valeur éprouvée qui assure le caractère autorisé et stable convenant à la catéchèse. On n’exclut pas cependant les " experimenta particularia " précédants la publication, dont il s’agit au n. 119, § 2, du Directorium catechisticum generale (AAS 64 [1972], p. 166).
b) En ce qui concerne la consultation : le concept de catéchismes " pour consultation " appellerait davantage de précisions. Mais s’il s’agit d’une œuvre catéchétique de consultation destinée à une nation entière, et proposée par la conférence des Evêques, les règles citées ci-dessus sont valables (ad 1).
Q. III – Les Ordinaires diocésains, pris individuellement, qui ont donné un avis favorable pour un catéchisme national peuvent-ils donner l’imprimatur à des catéchismes particuliers, lorsque ceux-ci sont sûrs dans leur contenu et clairs dans leur exposition ?
R. AFFIRMATIVE.
Q. IV – Une Commission épiscopale peut-elle avoir l’autorité permanente d’approuver ou de ne pas approuver des catéchismes au niveau national ou pour tel ou tel diocèse ?
R. NEGATIVE.
Observations :
La responsabilité de curare ut catechismi pro suo territorio, praevia Sedis Apostolicae approbatione, edantur appartient collégialement à la conférence des Evêques. – Une Commission épiscopale peut être chargée, même de façon stable, de préparer le matériel catéchétique, restant toujours sauf le droit de la conférence des Evêques, dans son ensemble, de décider si elle l’accepte ou non, et, lorsqu’il s’agit de catéchismes nationaux, si elle les présentera ou non à l’approbation du Saint-Siège.
Une telle décision, qui relève de l’ " institutio catechetica ", placée justement dans le nouveau Code dans le livre III " De munere docendi ", rentre dans le cadre du pouvoir législatif de la conférence des Evêques, et, en tant que telle, doit être adoptée par une majorité qualifiée conformément au canon 455, § 2 (9), et ne peut être déléguée (cf. Réponse " ad dubium " de la Commission pontificale pour l’interprétation des décrets du Concile Vatican II, du 25 mai 1966 : AAS 60 [1968], p. 361). D’autre part les " decreta generalia ", selon le canon 29, " proprie sunt leges ".
Q. V – Outre le catéchisme officiel, peut-on utiliser d’autres catéchismes dûment approuvés par l’Autorité ecclésiastique ?
R. AFFIRMATIVE iuxta mentem :
1) pour la catéchèse faite sous l’autorité de l’évêque dans les paroisses et les écoles, on doit utiliser les catéchismes approuvés et adoptés comme textes officiels par l’évêque lui-même ou par la conférence des Evêques ;
2) D’autres catéchismes approuvés par l’autorité ecclésiastique peuvent être employés comme moyens subsidiaires.
***
Dubium a conferentia Episcoporum Galliae propositum
L’article 4, §. 1, du décret Ecclesiae pastorum implique-t-il que l’Ordinaire du lieu ou la Conférence épiscopale doivent tenir compte qu’un livre est destiné à usage catéchétique lorsqu’ils sont sollicités de lui donner l’approbation prévue par ce décret ?
En effet, certains auteurs ou éditeurs qui préparent des livres à contenu et destination de " catéchismes " arguent de l’article 1 du décret Ecclesiae pastorum pour urger de l’Evêque compétent de l’ " approbation " prévue en cet article, si les livres en question ne contiennent rien de contraire à la foi et aux mœurs, indépendamment de toute appréciation de la valeur de son contenu pour usage catéchétique. Ils estiment que la concession de l’imprimatur, même pour des livres à contenu catéchétique et destinés à cet usage, est un " droit " de l’impétrant et conséquemment un " devoir " de la part de l’Evêque concerné.
R. Affirmative iuxta mentem, à savoir :
a) Si l’approbation est demandée pour la seule publication d’un catéchisme, sans qu’elle signifie l’adoption du livre comme texte officiel pour la catéchèse diocésaine, elle doit être donnée selon les critères qui règlent d’une manière générale la censure préalable des livres à soumettre au jugement de l’Ordinaire, c’est-à-dire en tenant compte avant tout de l’orthodoxie du contenu et des normes ecclésiastiques universelles concernant la catéchèse. (Nouveau CIC, can. 823, § 1 ; 830, § 2 ; Directorium catechisticum generale, n. 119 ; prooemium § 6.)
b) Si l’approbation est demandée pour des catéchismes destinés à la catéchèse officielle du diocèse, en plus de l’orthodoxie du contenu et des normes universelles de la catéchèse, l’Ordinaire tiendra compte également des règles particulières édictées par lui-même en fonction des besoins concrets du diocèse (nouveau CIC, can. 775, § 1) et des normes fixées par la Conférence épiscopale et approuvées par le Saint-Siège (Directorium catechisticum generale, n. 134).
(1) Texte officiel en AAS 76 (1984) 45-52 ; Textes en italien et en français dans l’Osservatore Romano du 29 octobre 1983 ; Ochoa, Leges Ecclesiae n. 4991 ; Pour la lettre au cardinal Oddi et les questions et réponses de la Congrégation pour le clergé, cf. traduction et notes de la DC 1983, n° 1863, p. 1074-1076.
Commentaire de L. de Echeverria dans REDC 40 (1984) 47-62.
(2) " Décret Ecclesiae Pastorum au sujet de la vigilance des Pasteurs de l’Église sur les livres ", AAS 67 (1975), p. 283 ; cf. DC 1975, n° 1674, p. 361-362.
(3) Cette première phrase du préambule ne figure pas dans le texte français envoyé à la conférence des Evêques de France.
(4) Traduction officielle en français publiée par la revue Catéchèse, supplément au n° 45, octobre 1971.
(5) DC 1981, n 1807, p. 433.
(6) Voici la traduction du texte de ce canon :
§ 1. – Restant sauves les dispositions portées par le Siège Apostolique, il appartient à l’Evêque diocésain d’édicter des règles en matière de catéchèse, et de veiller à ce que l’on dispose d’instruments adaptés de catéchèse, même en préparant un catéchisme si cela paraît opportun, ainsi que d’encourager et de coordonner les initiatives catéchétiques.
§ 2. – Il appartient à la conférence des Evêques, si cela paraît utile, de veiller à ce que soient édités des catéchismes pour son territoire, avec l’approbation préalable du Siège apostolique.
§ 3. – Auprès de la conférence des Evêques un office catéchétique peut être institué, dont la fonction principale sera de fournir une aide à chaque diocèse en matière de catéchèse.
(7) DC 1979, n° 1773, p. 901-922.
(8) DC 1968, n° 1527, col. 1863. La réponse a été établie par la Commission le 24 mai et approuvée par Paul VI le 10juin.
(9) Cette majorité, en Assemblée plénière, est obtenue avec un nombre de voix égal aux deux tiers des membres de la conférence des Evêques ayant voix délibérative.
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