30 - 18.10.2008 RÉSUMÉ - CÉLÉBRATION DES PREMIÈRES VÊPRES DU XXIXe DIMANCHE DU TEMPS PER ANNUM (SAMEDI 18 OCTOBRE 2008 - APRÈS-MIDI) CÉLÉBRATION DES PREMIÈRES VÊPRES DU XXIXe DIMANCHE PER ANNUM (SAMEDI 18 OCTOBRE 2008 - APRÈS-MIDI) - PAROLES DU SAINT-PÈRE - DISCOURS DU PATRIARCHE OECUMÉNIQUE BARTHOLOMÉE I Le samedi 18 octobre 2008, à 17h00, dans la Chapelle Sixtine, à loccasion de la participation du Patriarche oecuménique Bartholomée Ier à la XIIe Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques, le Saint-Père Benoît XVI a présidé la célébration des Premières Vêpres du XXIXe Dimanche du temps per annum. Y participaient le Patriarche oecuménique Bartholomée I, les Membres de la Présidence du Synode des Évêques, 60 Cardinaux et Patriarches, 170 Archevêques et Évêques, 200 Prêtres, Religieux et Laïcs participant à la XIIe Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques. PAROLES DU SAINT-PÈRE Au cours de la Célébration, après lintervention du Patriarche oecuménique, le Saint-Père a prononcé les paroles suivantes: Très Saint-Père, De tout cur, je voudrais vous remercier de vos paroles. Les applaudissements des Pères étaient bien davantage qu'une marque de politesse, c'était véritablement l'expression d'une profonde joie spirituelle et d'une expérience vivante de notre communion. Durant ce temps, nous avons réellement vécu le "Synode": nous avons cheminé ensemble dans la terre de la Parole divine sous la conduite de Votre Sainteté et nous avons savouré sa beauté, en éprouvant la grande joie d'être des auditeurs de la Parole de Dieu, d'être placés en face du don de sa Parole. Ce que vous avez dit était profondément nourri par l'esprit des Pères, par la Sainte Liturgie et, précisément pour cela, s'inscrit fortement dans le contexte de notre temps, avec un grand réalisme chrétien qui nous montre ses défis. Nous avons vu qu'aller au cur de l'Écriture Sainte, rencontrer réellement la Parole dans les paroles, pénétrer dans la Parole de Dieu nous ouvre les yeux sur notre monde, sur la réalité d'aujourd'hui. Or, cette expérience a été en même temps joyeuse - une expérience d'unité peut-être imparfaite, mais vraie et profonde. J'ai pensé: vos Pères, que vous avez amplement cités, sont également nos Pères, et les nôtres sont également les vôtres : si nous avons des Pères communs, comment ne saurions-nous être des frères entre nous? Votre Sainteté, je vous remercie. Vos paroles nous accompagneront au cours du travail de la semaine prochaine, elles nous éclaireront et nous continuerons, au cours de la semaine prochaine - et par la suite -, à cheminer avec vous. Merci, Votre Sainteté. [00315-03.06] [NNNNN] [Texte original: italien] DISCOURS DU PATRIARCHE OECUMÉNIQUE BARTHOLOMÉE I Nous publions, ci-dessous, le discours du Patriarche oecuménique Bartholomée I. Sainteté, Pères synodaux, Jéprouve un sentiment dhumilité mais également denthousiasme à avoir été gracieusement invité par Votre Sainteté à madresser à la XIIe Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques, une rencontre historique dÉvêques de lÉglise catholique romaine provenant du monde entier, réunis en un même lieu afin de méditer sur la Parole de Dieu et de délibérer à propos de lexpérience et de lexpression de cette Parole dans la vie et la mission de lÉglise. Cette aimable invitation de Sa Sainteté à notre modeste personne est un geste plein de sens et de signification - nous dirions même un événement historique en soi. Cest en effet la première fois dans lhistoire quun Patriarche oecuménique se voit offrir la possibilité de sadresser à un Synode des Évêques de lÉglise catholique romaine, et donc de faire partie de la vie de lÉglise soeur à un si haut niveau. Nous considérons cela comme une manifestation du travail du Saint Esprit qui conduit nos Églises à des relations réciproques plus étroites et plus profondes et comme une étape importante en vue de la restauration de notre pleine communion. Il est bien connu que lÉglise orthodoxe attache une importance ecclésiologique fondamentale au système synodal. Avec la primauté, la synodalité constitue le pilier du gouvernement de lÉglise et de son organisation. Ainsi que la indiqué la Commission internationale conjointe pour le Dialogue théologique existant entre nos deux Églises dans son document de Ravenne, linterdépendance entre synodalité et primauté traverse tous les niveaux de la vie de lÉglise: local, régional et universel. Dès lors, en ayant aujourdhui le privilège de nous adresser à votre Synode, nos espoirs augmentent de voir un jour nos deux Églises converger pleinement sur le rôle de la primauté et de la synodalité dans la vie de lÉglise, ce à quoi notre Commission théologique commune dédie actuellement ses études. Le thème auquel ce synode épiscopal dédie son travail revêt une signification cruciale non seulement pour lÉglise catholique romaine mais également pour tous ceux qui sont appelés à témoigner le Christ dans notre temps. La mission et lévangélisation demeurent un devoir permanent de lÉglise dans tous les temps et en tout lieu; elles font partie de la nature de lÉglise puisquelle est appelée Apostolique tout à la fois dans le sens de lorigine de sa foi, enracinée dans lenseignement original des Apôtres, et en ce quelle proclame la Parole de Dieu dans tous les contextes culturels, à tout moment. LÉglise doit donc redécouvrir la Parole de Dieu à chaque génération et ladresser avec une vigueur et une persuasion renouvelées à notre monde contemporain qui, au fond de son coeur, a soif du message de paix, despoir et de charité de Dieu. Ce devoir dévangélisation serait grandement valorisé et renforcé si tous les chrétiens se trouvaient dans une position à partir de laquelle ils pourraient la mener dune seule voix et comme une Église pleinement unie. Dans sa prière au Père peu avant Sa passion, notre Seigneur a exprimé clairement que lunité de lÉglise est inaltérable en ce qui concerne sa mission afin que le monde croie (Jn 17, 21). Il est donc fort approprié que ce Synode ait ouvert ses portes aux délégués fraternels oecuméniques de façon à ce que nous puissions tous devenir conscients de notre mission commune dévangélisation et des difficultés et problèmes liés à sa réalisation dans le monde daujourdhui. Ce Synode a, sans aucun doute, étudié le thème de la Parole de Dieu en profondeur et dans tous ses aspects, théologique, pratique et pastoral. Dans notre modeste intervention, nous nous limiterons à partager avec vous des réflexions sur le thème de notre rencontre, partant de la manière dont la tradition orthodoxe la approché au cours des siècles et en particulier à partir des enseignements de la patristique grecque. Plus concrètement, nous voudrions nous concentrer sur trois aspects du thème, à savoir, lécoute et la proclamation de la Parole de Dieu au travers des Écritures Saintes; la contemplation de la Parole de Dieu dans la nature et par dessus tout dans la beauté des icônes et enfin lexpérience et le partage de la Parole de Dieu dans la communion des saints et la vie sacramentelle de lÉglise. Nous estimons quils sont tous fondamentaux dans la vie et la mission de lÉglise. Ce faisant, nous cherchons à partir de la riche tradition patristique datant du début du IIIe siècle et qui expose une doctrine de cinq sens spirituels. Écouter la Parole de Dieu, contempler la Parole de Dieu et toucher la Parole de Dieu sont autant de manières spirituelles de percevoir lunique mystère divin. Se basant sur le livre des Proverbes (2, 5) à propos de tu trouveras la connaissance de Dieu (αἴσθήσιϛ), Origène dAlexandrie sexclame: Ce sens se révèle comme la vue pour la contemplation des formes immatérielles, lécoute pour le discernement des voix, le goût pour savourer le pain vivant, lodorat pour sentir de doux parfums spirituels et le toucher pour manier la Parole de Dieu qui est comprise par toutes les facultés de lâme. Les sens spirituels sont décrits de manière diverses comme cinq sens de lâme, facultés divines ou facultés intérieures et même comme facultés du coeur ou de lesprit. Cette doctrine a inspiré la théologie des Cappadociens (spécialement Basile le Grand et Grégoire de Nysse) tout comme il la fait pour la théologie des Pères du Désert (en particulier Évagre le Pontique et Macaire le Grand). 1. Écouter et proclamer la Parole de Dieu au travers de lÉcriture Lors de chaque célébration de la Divine Liturgie de Saint Jean Chrysostome, le célébrant qui préside lEucharistie prie que nous soyons rendus dignes découter le Saint Évangile. Cest pourquoi, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de vie (1Jn 1,1) nest pas dabord et avant tout lune de nos facultés ou un droit en tant quêtres humains; cest un privilège et un don en tant quenfants du Dieu vivant. LÉglise chrétienne est, avant tout, une Église scripturaire. Même si les méthodes dinterprétation ont pu varier dun Père de lÉglise à lautre, dune école à lautre et entre lOrient et lOccident, lÉcriture était toujours reçue comme une réalité vivante et non pas comme lettre morte. Dans le contexte dune foi vivante donc, lÉcriture est le témoin vivant dune histoire vécue parlant du rapport entre un Dieu vivant et son peuple vivant. La Parole qui a parlé par les prophètes (Symbole de Nicée-Constantinople) a parlé en vue dêtre écoutée et dêtre suivie deffet. Il sagit tout dabord dune communication orale et directe conçue pour des destinataires humains. Le texte écrit est, par suite, dérivé et secondaire; le texte écrit est toujours au service de la parole prononcée. Elle nest pas transmise de manière mécanique mais communiquée de génération en génération comme une parole vivante. Par la bouche du prophète Isaïe, le Seigneur promet: De même que la pluie et la neige descendent des cieux et n'y retournent pas sans avoir arrosé la terre ... ainsi en est-il de la parole qui sort de ma bouche, elle ne revient pas vers moi sans effet, sans avoir accompli ce que j'ai voulu (Is 55, 10-11). De plus, ainsi que lexplique Saint Jean Chysostome, la Parole divine démontre la profonde considération (σύγκατἀβασιϛ) pour la diversité des personnes et des contextes culturels de ceux qui écoutent et reçoivent. Ladaptation de la Parole divine à la capacité spécifique personnelle et le contexte culturel particulier définit la dimension missionnaire de lÉglise qui est appelée à transformer le monde par la Parole. En silence comme par le biais de déclarations, en prière ou en actes, la Parole divine sadresse au monde entier, de toutes les nations faites des disciples (Mt 28, 19) sans aucun privilège ou préjudice de race, de culture, de sexe ou de classe. Lorsque nous portons à terme ce mandat divin, nous sommes assurés que voici que je suis avec vous pour toujours (Mt 28, 20). Nous sommes appelés à proclamer la Parole divine dans toutes les langues, Je me suis fait tout à tous, afin [que nous puissions en] sauver à tout prix quelques-uns (1Co 9, 22). En outre, en tant que disciples de la Parole de Dieu, il est aujourdhui encore plus nécessaire que jamais que nous fournissions une seule perspective - au-delà de celles dordre social, politique ou économique - à propos de la nécessité déradiquer la pauvreté, de pourvoir à un monde globalement équilibré, de combattre le fondamentalisme ou le racisme et de développer la tolérance religieuse dans un monde conflictuel. En répondant aux besoins des pauvres, des vulnérables et des marginaux du monde, lÉglise peut savérer être un repère dans lespace et un acteur de la communauté mondiale. Alors que le langage théologique de la religion et de la spiritualité diffère du vocabulaire technique de léconomie et de la politique, les barrières qui, dans un premier temps, semblent séparer les préoccupations religieuses (telles que le péché, le salut et la spiritualité) des intérêts pragmatiques (tels que le commerce, les affaires et la politique) ne sont pas impénétrables et sécroulent devant les multiples défis de la justice sociale et de la mondialisation. Que cela concerne lenvironnement ou la paix, la pauvreté ou la faim, léducation ou lassistance sanitaire, il existe aujourdhui un très haut degré de préoccupation et de responsabilité communes qui est ressenti de manière particulièrement forte par les personnes de foi tout comme par ceux dont les perspectives sont expressément laïques. Notre engagement sur ces sujets nébranle pas ou nabolit pas les différences existant entre les disciplines ou les désaccords avec ceux qui regardent le monde de manières différentes. Désormais, les signes croissants dun attachement commun au bien-être de lhumanité et de la vie du monde sont encourageants. Il sagit dune rencontre de personnes et dinstitutions qui laisse bien présager pour notre monde. Et cest une participation qui met laccent sur la vocation suprême et sur la mission des disciples et des adhérents à la Parole de Dieu qui consiste à transcender les différences politiques ou religieuses de manière à transformer lensemble du monde visible pour la gloire du Dieu invisible. 2. Contempler la Parole de Dieu - La beauté des icônes et de la nature Linvisible a jamais été plus visible que dans la beauté de liconographie et les merveilles de la création. Selon les mots du roi des images sacrés, saint Jean de Damas: En tant quartisan du ciel et de la terre, Dieu le Verbe a été Lui-même le premier à peindre et à représenter les icônes. Chaque coup de pinceau dun iconographe - comme chaque mot dune définition théologique, chaque note musicale psalmodiée, et chaque pierre taillée dune petite chapelle ou dune superbe cathédrale - exprime la Parole divine dans la création, qui loue Dieu en chaque être vivant et en tout ce qui est vivant.(cf. Ps 150, 6) En confirmant les images sacrées, le Septième Concile oecuménique de Nicée nétait pas intéressé à lart religieux; cétait la continuation et la confirmation des premières définitions sur la plénitude de lhumanité de la Parole de Dieu. Les icônes sont un rappel visible de notre vocation divine; elles représentent une invitation à nous élever au-dessus de nos préoccupations futiles et des questions réductrices de ce monde. Elles nous encouragent à chercher lextraordinaire dans le très ordinaire, à nous remplir du même émerveillement qui caractérise la stupeur divine dans Genèse: Dieu vit tout ce qu'il avait fait : cela était très bon. (Gn 1, 30-31). Le terme grec (Septante) pour bonté est κάλλος, qui implique - étymologiquement et symboliquement - un sens dappel. Les icônes soulignent la mission fondamentale de lÉglise consistant à reconnaître que toutes les personnes et toutes les choses sont créées et appelées à être bonnes et belles. En effet, les icônes nous rappellent une autre façon de voir les choses, une autre façon de vivre les réalités, une autre façon de résoudre les conflits. Nous sommes invités à assumer ce que lhymnologie du Dimanche de Pâques appelle une autre façon de vivre. Car nous avons eu un comportement arrogant et méprisant envers la création naturelle. Nous avons refusé de voir la Parole de Dieu dans les océans de notre planète, dans les arbres de nos continents, et dans les animaux de notre terre. Nous avons renié notre propre nature, qui nous appelle à nous baisser suffisamment pour écouter la Parole de Dieu dans la création, si nous vous voulons devenir participants de la nature divine (2P 1,4). Comment pouvons-nous ignorer les vastes implications de la Parole divine qui se fait chair? Pourquoi navons-nous pas perçu la nature créée comme lextension du Corps du Christ? Les théologiens chrétiens orientaux mettent toujours en évidence les dimensions cosmiques de lincarnation divine. La Parole incarnée est intrinsèque à la création, qui est issue de lénoncé divin. Saint Maxime le Confesseur insiste sur la présence de la Parole de Dieu en toute chose (cf. Col 3,11); le Logos divin demeure au centre du monde, révélant mystérieusement son principe premier et son but ultime (cf. 1P 1,20). Ce mystère est décrit par saint Athanase dAlexandrie. Le Logos [écrit-il] nest contenu par aucune chose mais il contient tout. Il est en toute chose tout en étant en dehors de toute chose... le premier-né du monde entier sous tous ses aspects. Le monde entier est un prologue à lÉvangile de Jean. Et quand lÉglise ne reconnaît pas les dimensions plus larges, cosmiques de la Parole de Dieu, et quelle limite ses préoccupations aux questions purement spirituelles, alors elle néglige sa mission consistant à implorer Dieu de transformer - en tout temps et en tout lieu, dans tous les lieux de son dominion - tout le cosmos pollué. Il nest pas étonnant que, le Dimanche de Pâques, quand la célébration pascale atteint son point culminant, les chrétiens orthodoxes chantent: Maintenant tout est rempli de lumière divine: le ciel et la terre, et toutes les choses sous la terre. Que la création tout entière se réjouisse. Toute écologie profonde authentique est donc indissolublement liée à la théologie profonde. Même une pierre, écrit Basile le Grand, porte le sceau de la Parole de Dieu. Cela est vrai pour une fourmi, une abeille et un moustique, les créatures les plus petites. Car Il déploie les vastes océans et étale les immenses mers; et Il crée laiguillon creux de labeille. En nous rappelant notre condition infime dans la création vaste et merveilleuse de Dieu, il souligne seulement notre rôle central dans le plan de salut de Dieu pour le monde entier. 3. Toucher et partager la Parole de Dieu - la communion des saints et les sacrements de la vie La Parole de Dieu sort à lextérieur de Lui en extase avec persistance (Denis lAéropagite) cherchant avec passion à habiter parmi nous (Jn 1,14), pour que le monde ait la vie en abondance. (Jn 10,10). La miséricorde de Dieu est répandue et partagée afin de multiplier les objets de sa bienfaisance (Grégoire le Théologien) Dieu assume tout ce qui est à nous, lui qui a été éprouvé en tout, d'une manière semblable, à l'exception du péché. (He 4,15, afin de nous offrir tout ce qui est à Dieu et faire de nous des dieux par la grâce. Pour vous [Il] s'est fait pauvre, de riche qu'il était, afin de vous enrichir par sa pauvreté., écrit le grand Apôtre Paul (2 Co 8,9), à qui cette année est à pertinemment dédiée. Telle est la Parole de Dieu; nous lui rendons grâce et gloire. La Parole de Dieu a son incarnation la plus profonde dans la création, avant tout dans le Sacrement de la Sainte Eucharistie. Cest là que la Parole devient chair et nous permet non pas simplement de lécouter ou de le voir, mais aussi de le toucher de nos propres mains, comme le déclare saint Jean (1 Jn 1,1) et faire de Lui une partie de notre corps et de notre sang (σύσσωμοι καί σύναιμοι) selon les paroles de saint Jean Chrysostome. Dans la Sainte Eucharistie, la Parole entendue est à la fois vue et partagée (κοιυωυία). Ce nest pas un hasard si dans les premiers documents eucharistiques, comme le livre de la Révélation et la Didachée, lEucharistie était associée à la prophétie, et les évêques qui la célébraient étaient considérés comme les successeurs des prophètes (par ex. Martirion Polycarpi). LEucharistie était déjà décrite par saint Paul (1 Co 11) comme la proclamation de la mort de Jésus et sa deuxième Venue. Le but de lÉcriture étant fondamentalement la proclamation du Royaume et lannonce des réalités eschatologiques, lEucharistie nous donne un avant-goût du Royaume et elle est, en ce sens, la proclamation de la Parole par excellence. Dans lEucharistie, la Parole et le Sacrement ne deviennent quune réalité. La Parole cesse dêtre des mots et devient une Personne, incarnant tous les êtres humains et la création tout entière. Dans la vie de lÉglise, linsondable abaissement (κέυωσις) et le partage généreux (κοινωνία) du Logos divin se reflète dans les vies des saints, expérience tangible et expression humaine de la Parole de Dieu dans notre communauté. Ainsi, la Parole de Dieu devient le Corps du Christ, à la fois crucifié et glorifié. Il sensuit que le saint a une relation organique avec le ciel et la terre, avec Dieu et avec la création tout entière. Dans la lutte ascétique, le saint réconcilie la Parole et le monde. Par la repentance et la purification, le saint est rempli - comme le souligne Abba Isaac le Syrien - de compassion pour toutes les créatures, ce qui correspond à lhumilité et à la perfection ultimes. Cest pour cela que le saint aime avec une chaleur et une grandeur inconditionnelles et irrésistibles. À travers les saints, nous connaissons la Parole même de Dieu, puisque - comme laffirme saint Grégoire Palamas - Dieu et ses saints partagent la même gloire et la même splendeur. En la présence discrète dun saint, nous apprenons comment la théologie et laction coïncident. Dans lamour compatissant du saint, nous vivons lexpérience de Dieu notre père et de la miséricorde de Dieu inébranlablement durable (Ps 135, LXX). Le saint est consommé par le feu de lamour de Dieu. Cest pour cela que le saint communique la grâce et ne peut tolérer la moindre manipulation ou exploitation dans la société ou dans la nature. Le saint fait simplement ce qui est bon et juste (Liturgie divine de saint Jean Chrysostome), en donnant toujours de la dignité à lhumanité et en honorant la création. Ses paroles ont la force des actions et son silence le pouvoir des discours. (Saint Ignace dAntioche). Et dans la communion des saints, chacun est appelé à devenir comme le feu(Apophtegmes des Pères du désert), afin de toucher le monde par la force mystique de la Parole de Dieu, de manière à ce que - comme le Corps du Christ étendu - le monde puisse lui aussi dire: Quelquun ma touché! (Cf. Mt 9, 20). Le mal ne peut être éradiqué que par la sainteté, et non pas par la dureté. Et la sainteté introduit dans la société une graine qui guérit et transforme. Imprégnés de la vie des sacrements et de la pureté de la prière, nous pouvons pénétrer au plus profond du mystère de la Parole de Dieu. Cest comme les plaques tectoniques de lécorce terrestre: les couches les plus profondes nont quà bouger de quelques millimètres pour bouleverser la surface de la planète. Mais pour que cette révolution spirituelle ait lieu, nous devons vivre une expérience radicale de métanoïa - une conversion dattitudes, dhabitudes et de pratiques - pour avoir mal employé ou abusé de la Parole de Dieu, des dons de Dieu et de la création de Dieu. Une telle conversation est, certes, impossible sans la grâce divine; elle ne sobtient pas simplement par de plus grands efforts ou par la volonté humaine. "Pour les hommes c'est impossible, mais pour Dieu tout est possible." (Mt 19,26) : Le changement spirituel a lieu quand nos corps et nos âmes sont greffés sur la Parole vivante de Dieu, quand nos cellules contiennent le flux sanguin vivifiant des sacrements, quand nous sommes ouverts à tout partager avec tous. Comme nous le rappelle saint Jean Chrysostome, le sacrement de notre prochain ne peut pas être isolé du sacrement de lautel. Malheureusement, nous avons ignoré la vocation et lobligation à partager. Si nous prétendons garder le sacrement de lautel, nous ne pouvons pas renoncer au sacrement du prochain, ou loublier, car il représente une condition fondamentale pour la réalisation de la Parole de Dieu dans le monde dans la vie et dans la mission de lÉglise. Chers Frères dans le Christ, Nous avons exploré lenseignement patristique des sens spirituels, en analysant le pouvoir découter et de proclamer la Parole de Dieu dans lÉcriture, de voir la Parole de Dieu dans les icônes et dans la nature, ainsi que de toucher et partager la Parole de Dieu dans les saints et les sacrement,. Or, afin de rester fidèles à la vie et à la mission de lÉglise, nous devons être personnellement transformés par cette Parole. LÉglise doit ressembler à une mère, qui est soutenue par ce quelle mange, mais qui, en même temps, nourrit à travers cette nourriture . Tout ce qui ne nourrit pas tous ne peut pas nous soutenir. Quand le monde ne partage pas la joie de la Résurrection du Christ, cest une atteinte à notre intégrité et à notre engagement à vivre la Parole de Dieu. Avant la célébration de chaque Liturgie divine, les chrétiens orthodoxes prient que cette Parole soit rompue et consommée, distribuée et partagée en communion. Et nous savons, nous, que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères et nos soeurs (1Jn 3,14). Le défi auquel nous sommes confrontés est le discernement de la Parole de Dieu face au mal, la transfiguration du moindre détail et de toute tache de ce monde à la lumière de la résurrection. La victoire est déjà présente au plus profond de lÉglise, à chaque fois que nous vivons lexpérience de la grâce de la réconciliation et de la communion. Alors que chacun de nous lutte - en son for intérieur et dans le monde - pour reconnaître le pouvoir de la Croix, nous commençons à apprécier le fait que chaque acte de justice, chaque étincelle de beauté, chaque mot de vérité peut graduellement enlever lécorce du mal. Au-delà de nos faibles efforts, nous avons, cependant, lassurance de lEsprit qui vient au secours de notre faiblesse (Rm 8,26) et reste à nos côtés pour nous défendre et nous réconforter (Jn 14, 16), en pénétrant toutes les choses et nous transformant - comme laffirme saint Siméon le Nouveau Théologien - en tout ce que la Parole de Dieu dit à propos du royaume: perle, grain de sénevé, levain, eau, feu, pain, vie et chambre nuptiale mystique. Telle est la puissance et la grâce de lEsprit Saint, que nous invoquons en conclusion de ce discours, et présentant à Sa Sainteté et à chacun nos bénédictions. Ô roi, céleste Consolateur, Esprit de Vérité Toi qui es partout présent Et qui emplis tout, Trésor de biens et donateur de vie, Viens et demeure en nous, Purifie-nous de toute souillure Et sauve nos âmes, Toi qui es bonté et qui aimes lhumanité [00300-03.03] [NNNNN] [Texte original: anglais] ISTRUZIONI PER LA DUPLICAZIONE E LA DISTRIBUZIONE DISTRIBUZIONE: IMMEDIATA [B30-03.01] |